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chose à laquelle il paroissoit avoir tant de répugnance; que son scrupule paroissoit mal-fondé, et que ce ne devoit pas être une excuse pour une chose qui seroit mal en soi de la faire commander; qu'il étoit en liberté de le faire, ou de ne le faire pas. La contestation alla assez avant; le Roi d'Angleterre ne se rendit pas, et ne voulut pas commander à Milord Rochester de l'accompagner; Milord Rochester persista à ne le pas faire sans ordre, et prit l'expédient que lui proposa sa Majesté Britannique d'aller dès le même jour à une maison de campagne où il devoit aller le lendemain. Milord Sunderland et Milord Godolfin, comme habiles courtisans, pressèrent Milord Rochester d'avoir cette complaisance pour le Roi, et ne purent rien gagner sur son esprit. V. M. jugera par cet incident quelles oppositions le Roi d'Angleterre pourra trouver dans la suite à ce qu'il voudra entreprendre en faveur de la religion Catholique.

Ce détail est fort secret; il est pourtant assez vraisemblable, que Milord Rochester s'en voudra faire honneur auprès des Protestans zélés, et croira s'autoriser parmi eux sans qu'il pense en cela hazarder sa faveur, ni son emploi. Il essayera de faire croire au Roi d'Angleterre, que ce qu'il en a fait est pour le service et pour le bien de ses affaires; qu'il est périlleux de se trop déclarer, et trop tôt ; que quoiqu'il puisse arriver, il ne peut avoir d'autres intérêts que les siens; mais il a affaire à un Prince fort ferme, et qui souffre très-impatiemment la moindre contradiction.

Il étoit hier ici le jour de Pâques; les chevaliers de l'ordre accompagnèrent le Roi d'Angleterre avec leurs colliers jusqu'à la porte de la tribune où il entend la messe. Le Duc de Sommerset portoit l'epée; il est demeuré à la porte, la coutume n'étant pas que celui qui porte cette epée entre dans l'église, si ce n'est lorsque le Roi communie. Les Ducs de Nordfolk, de Grafton, de Richemond, et de Northumberland, les Comtes d'Oxford, de Mulgraf, et plusieurs autres Seigneurs, accompagnèrent sa Majesté Britannique en allant et en revenant. On a remarqué que le Duc d'Ormond et le Marquis d'Halifax sont demeurés dans l'antichambre. Milord Rochester ne revint qu'hier au soir de la campagne. Cette résolution que le Roi d'Angleterre a prise d'aller à l'église avec ses officiers et ses gardes cause autant de bruit, et fait faire plus de réflexions, que l'on n'en a fait, lorsqu'il alla publiquement à la messe.

Les Ambassadeurs d'Hollande n'ont fait aucune plainte de ce qui leur est arrivé à Gravesend. M. d'Avaux m'a mandé que le Pensionnaire Fagel leur a fait ordonner par les commissaires aux affaires étrangères, de ne témoigner aucun ressentiment, et de dissimuler ce qui s'est passé. Ils n'ont eu qu'un Milord pour aller au-devant d'eux le jour de leur entrée ; ce fût Milord Tenay, Catholique, et gendre du feu Vicomte Montaigue: cela même a fait parler, et l'on a trouvé étrange que le Roi d'Angleterre ait affecté d'employer un Milord Catholique à la première entrée qui ait été faite depuis son règne, et de l'envoyer aux Ambassadeurs d'Hollande. Ils ont eu audience aujourdhui de leurs Majestés Britanniques à Whitehall; Milord Nort les y a conduit.

J'ai dit au Roi d'Angleterre ce que V. M. m'a permis touchant les sommes qui doivent passer ici incessamment. Je lui ai fait remarquer avec combien d'application V. M. va au-devant de ses besoins, et les preuves essentielles qu'elle lui donne de son amitié. Ce Prince m'a témoigné être fort sensible à ce que V. M. fait en sa faveur. J'espère bien empêcher que V. M. ne soit pressée de long temps d'envoyer de nouveaux fonds, pourvu que V. M. me permette de me servir de ceux qui seront ici. Je ne me suis point déclaré au Roi d'Angleterre, ni à ses Ministres, que V. M. m'ait donné la permission de ne fournir que jusqu'à quatre cens mille livres sur les deux millions dont on peut faire état: cette déclaration, si je la faisois, ôteroit tout le merite de ce que V. M. fait présentement en faveur du Roi d'Angleterre, et donneroit occasion ici de croire que l'intention de V. M. est seulement de l'aider en cas qu'il soit exposé à une révolte. On ne s'attend pas que ce soit là le fondement du secours que V. M. veut bien accorder. Sa Majesté Britannique et ses Ministres ne font aucun doute que V. M. ne veuille bien payer ce qui restoit dû de l'ancien subside lorsque le feu Roi d'Angleterre est mort. La somme de cinq cens mille livres, que V. M. a envoyée incontinent après, sera suffisante pour en faire le parfait payement.

Ce que j'ai dit à Milord Rochester sur l'envoi de nouveaux fonds l'a empêché de me presser comme il auroit fait sans cela; mais il ne révoque pas en doute que cette somme ne soit fournie quand il la demandera: je supplie V. M. de m'en accorder la permission; le refus que j'en ferois

causeroit, ce me semble, un préjudice notable au bien de ses affaires, qui seroit fort difficile à réparer dans la suite. Après l'ancien subside payé, il restera ici quinze cens mille livres ; je ferai mon possible pour ne point diminuer ce fonds, que lorsque j'en serai fort pressé; mais j'ose encore représenter à V. M., que si j'en ai des défenses expresses, et que je ne puisse faire quelques payements, il me sera impossible de soutenir l'opinion que le Roi d'Angleterre et ses Ministres ont que V. M. désire sincèrement ses avantages et l'établissement de son autorité.

Je n'ai pas expliqué assez clairement l'état des affaires de ce pays-ci quand j'ai donné lieu à V. M. de croire que l'argent qu'elle fournira sera employé à des gratifications aux membres du Parlement, pour en obtenir ce que le Roi d'Angleterre désire tant à l'égard des revenus, que du libre exercice de la religion Catholique; ce n'est pas là le chemin que ce Prince prétend tenir, et rien n'est plus opposé à ce qu'il a dessein de faire. Il aura une conduite ferme et résolue; l'introduction faite par le Comte de Danby d'acheter les voix du Parlement a si mal réussi, qu'on ne songe plus à s'en servir; et, à dire la vérité, si on recommençoit à le mettre en pratique, on tomberoit dans les mêmes inconvéniens. Le Roi d'Angleterre veut que ses affaires se fassent par la nécessité où le parlement se trouvera de lui accorder ce qu'il est résolu de prendre, si on ne le lui accorde pas, c'est-à-dire, les revenus dont le feu Roi jouissoit; et, selon toutes les apparences, le parlement les accordera. Mais cela ne met pas le Roi d'Angleterre en repos, et à son aise; car il ne peut avec réputation et avec sûreté abandonner la protection des Catholiques; cependant, il est fort apparent qu'il trouvera de grandes difficultés à établir une liberté d'exercice pour la religion Catholique.

Je sais déjà, que les cabales se forment entre les Seigneurs; on croit qu'il seront plus difficiles que la Chambre des Communes sur l'article de la religion. Il est très-croyable que les revenus seront accordés pour ôter au Roi d'Angleterre le prétexte de dire qu'on lui refuse ce qui est nécessaire pour le soutien du gouvernement; mais on voudra en même temps prendre de telles précautions pour la sûreté de la religion Protestante, que le Roi d'Angleterre ne les pourra admettre sans se trouver en un état fort périlleux et fort incertain. Les Protestants zélés disent déjà tout haut, que ce Prince

a manqué à ce qu'il a dit au conseil, et à ce qui est porté dans la déclaration qui a été publiée, ayant promis formellement de ne rien faire contre la religion Protestante, quoique, depuis, il ait donné un regiment en Irlande au Colonel Talbot; ce qui est, comme ils le disent, avancer le Papisme, et commencer à détruire la religion Protestante. V. M. peut donc tenir pour un fondement assuré, que le Roi d'Angleterre trouvera d'extrêmes difficultés à ce qu'il veut faire en faveur de la religion Catholique. On n'omettra aucuns soins pour l'en détourner, et pour affoiblir les résolutions qu'il aura prises. V. M. voit par ce qu'a fait Milord Rochester, ce qu'on doit attendre des autres en des choses de plus grande conséquence.

Le meilleur moyen, et le plus sur, pour fortifier ce Prince, et le maintenir dans le bon état où il est à l'égard de la religion Catholique, et des intérêts de V. M., est de se voir assuré d'une liaison étroite avec V. M. et dans une entière sûreté d'en être puissamment secouru. Je ne fais aucun doute qu'il ne s'engage aussi avant que V. M. le voudra dans la suite, et il croit déjà le faire en recevant des gratifications de V. M. Si je cessois toutes sortes de payements, et que le Roi d'Angleterre et ses ministres prissent le parti de s'expliquer avec froideur sur cela, et de ne pas parler de secours comme d'une chose nécessaire, je ne douterois pas que ce Prince ne se crût en état et en liberté de prendre d'autres mesures. Je ne puis représenter trop fortement à V. M. combien il importe de ne donner au Roi d'Angleterre, et à ses Ministres, aucune occasion de croire que V. M. ne veut pas contribuer à sa grandeur et à son établissement. Je m'appliquerai à rendre un compte si exact de ce qui se passera ici, que V. M. verra le fonds de tous les intérêts, autant que je serai capable de les démêler. Cependant, il est, selon mon opinion, très-necessaire que V. M. ne suspende pas les payements, et qu'elle me permette de fournir au Roi d'Angleterre ce que je croirai devoir donner sur les quinze cens mille livres qui resteront après le parfait payement de l'ancien subside; j'ose répondre que cet argent aura un aussi bon effet qu'aucun que V. M. ait pu donner. C'est un coup décisif pour ce que V. M. a d'avantage à cœur, c'est-à-dire, pour l'établissement d'un exercice libre en faveur de la religion Catholique. Je supplie V. M. de se souvenir, que j'ai ménagé les payements du subside passé, en sorte qu'une année entière a été écoulée sans qu'il en

ait été fait mention. Je ne puis avoir d'autres vues en tout cela que l'intérêt de V. M. qui pourroit, par un seul contretemps, ruiner en un jour la confiance qu'elle a établie ici depuis plusieurs années, d'une amitié sincère pour le feu Roi et pour celui d'à-présent. J'espère que V. M. me fera la justice d'être persuadé, que je n'abonde pas en mon sens, et que je sais aussi bien que personne obéir aveuglément à ses ordres; mais il est de mon devoir de représenter les choses comme elles sont, et de me soumettre toujours à ce qu'il plaira à V. M. de commander.

Je suis, avec le plus profond respect, &c.

BARILLON.

Le Roi à M. Barillon.

9 Mai, 1685.

MONSIEUR BARILLON, je suis bien aise de voir par votre lettre du 30 Avril, que le Roi d'Angleterre reconnoisse quelle a été la sincérité de mes intentions dans la déclaration que le Marquis de Feuquieres a faite par mes ordres au Roi Catholique, et que comme j'ai bien voulu me contenter de la réponse qui lui a été rendue de la part du Roi, elle ait fait cesser aussi toute inquiétude que cette affaire avoit donné à la cour où vous êtes. Je m'assure que comme cet éclaircissement n'aura pas été inutile à l'affermissement de la paix, il contribuera beaucoup aussi à faciliter au Roi d'Angleterre l'exécution de ses desseins, dans la prochaine assemblée du Parlement, et que par la seule disposition des affaires présentes de l'Europe, il obtiendra tout ce qu'il désire, sans avoir besoin à l'avenir d'aucune autre assistance que de celle qu'il tirera de son royaume.

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Cependant, je vois par votre lettre, que vous êtes persuadé qu'il est de mon service non seulement d'achever aussitôt qu'il désirera le payement des subsides que vous aviez promis de ma part au feu Roi, mais même de vous donner la permission de disposer des quinze cens mille livres restants lorsque vous le jugerez nécessaire, tant pour le fortifier dans la résolution d'établir à quelque prix que ce soit, le libre exercice de notre religion, que pour l'attacher inséparablement à mes intérêts, et l'empêcher de prendre d'autres mesures; mais, pour vous éclaircir encore plus particulièrement

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