Images de page
PDF
ePub

chal ne connaissaient ni Aston Key, cité par M. Malgaigne, ni Cumin, qui a aussi décrit ce procédé en 1825, ces honorables confrères avaient du moins entendu parler de la chirurgie de Boyer. Comment donc la doctrine de 1839 avait-elle le moindre droit à la découverte du principe qui leur a inspiré, à celui-ci une ponction sous-cutanée du ganglion, comme dans le procédé de Boyer; à celui-là une incision sous-cutanée qui n'en diffère que par l'étendue dans laquelle le kyste est divisé? Que M. Guérin répète incessamment que ces expédients de Desault, de Boyer, n'ont aucun rapport avec la vraie méthode sous-cutanée, cela ne changera rien à la nature des choses. Qu'on fasse un pli à la peau, qu'on le déplace en l'attirant dans un seul sens, ou que l'on se contente de conduire l'instrument obliquement audessous d'elle, le procédé sera toujours sous-cutané du moment où l'on aura détruit le parallélisme entre les plaies extérieures et la plaie intérieure.

M. Ricord a décrit en 1839 la ligature sous-cutanée des veines dans le varicocèle. Autre produit du nouvel ordre d'idées que j'ai révélées, dit l'auteur du Mémoire du 17 février. Il n'y a à cela qu'un léger inconvénient la ligature sous-cutanée des veines était inventée dès 1850 (par M. Gagnelée). M. Ricord n'a fait que la mettre en pratique, et en remontant au texte on peut voir que ce n'est pas un expédient, que c'est toujours la même idée, le même principe, idée et principe qui avaient depuis longtemps cours dans la science.

On lit dans le Mémoire du 17 février que les cas où l'air agit sur les cavités closes de l'économie forment une bonne moitié du domaine de la méthode sous-cutanée.

De la méthode sous-cutanée, ce serait possible, mais non de la doctrine de 1839, qui n'a point de droit spécial de propriété sur tout cet ordre de faits.

Mais la doctrine tombe ici dans une de ces exagérations qui lui sont familières. Demandez à notre collègue le professeur Trousseau si c'est par la méthode souscutanée qu'il pratique la thoracentèse. Il vous dira qu'il y a renoncé depuis plusieurs années; il préfère la ponction directe, qui se referme presque immédiatement, dans les épanchements aigus séreux, et qui convient mieux pour l'écoulement du pus dans les épanchements chroniques purulents. C'est que, je l'ai déjà dit, les ponctions, par la promptitude avec laquelle elles se ferment, jouissent, dans beaucoup de cas, des propriétés de la méthode sous-cutanée, et que, d'un au

tre côté, il est des circonstances où une prompte occlusion de la piqûre n'est ni possible, ne désirable.

Une des belles applications de la méthode sous-cutanée dans les cas de cavités closes accidentelles est celle qui a rapport aux abcès par congestion symptomatiques du mal vertébral. La doctrine de 1839 n'a encore ici à réclamer que l'adoption du principe de la méthode, non le principe lui-même, depuis longtemps posé par Abernethy.

La méthode d'Abernethy ne s'est pas plus perdue que les procédés sous-cutanés que j'ai déjà cités; elle a été adoptée, décrite, commentée par un grand nombre de praticiens, en Angleterre et en Allemagne; elle était connue sous le nom de méthode valvulaire, à cause de l'espèce de valvule formée par la paroi du foyer entre l'ouverture qui la traverse et la plaie des téguments.

Les guerres de la République et de l'Empire empêchèrent cette méthode de s'introduire en France; mais elle y fut inventée par Boyer, qui employa un procédé à peu près semblable; toutefois il n'eut pas de succès bien constaté.

Il est temps de restituer cette méthode à Abernethy, son véritable auteur.

C'est ce procédé d'Abernethy et de Boyer que, après divers médecins qui avaient déjà tenté de l'améliorer, M. Guérin a notablement modifié en donnant plus d'écartement aux ouvertures extérieure et intérieure, en ajoutant un robinet au trocart, et en y adaptant une seringue à aspiration; et, comme l'a dit M. Malgaigne : « notre collègue M. Guérin » a le droit de figurer à son rang dans » l'histoire de cette application heureuse › de la méthode sous-cutanée. ›

[blocks in formation]

TIN, chirurgien de l'hôpital des Invalides, lit une note sur les effets de l'ablation du maxillaire inférieur par un boulet de canon, effets observés, à quarante-huit années d'intervalle, chez le sujet encore vivant, et actuellement à l'hôtel des Invalides. A la bataille de Wagram, en 1809, un soldat, du nom de Retrouvé, eut la mâchoire emportée par un boulet de petit calibre. Les glandes sous-maxillaires et sublinguales, ainsi que les nerfs, furent déchirés et détruits; un lambeau de langue fut alors maintenu par des points de suture. Aujourd'hui les joues sont rétractées sur la

ligne médiane; elles ont vaincu la résistance du tissu palato-maxillaire, ce qui allonge étrangement la figure en avant. Un menton métallique préserve la base de la langue des injures de l'air. M. Hutin est d'avis que l'art ne peut rien pour diminuer cette difformité.

[ocr errors]

DIGESTION ET ABSORPTION DES MATIÈRES GRASSES SANS LE CONCOURS DU FLUIDE PANCRÉATIQUE. On admettait généralement sans conteste, en France, la théorie de M. Bernard, qui assigne pour fonction au suc pancréatique, et à lui seul, celle de faire digérer les matières grasses. Cette théorie est menacée d'une ruine complète par des expériences qui ont été poursuivies depuis dix-huit mois par M. Colin, chef des travaux anatomiques de l'Ecole d'Alfort, et par M. Bérard, rapporteur d'un travail du premier, ayant pour objet de prouver que la digestion et l'absorption des matières grasses s'opèrent sans le concours du suc pancréatique. Ces expérienees ont coûté la vie à trente-six chiens, à trois chevaux, à cinq taureaux, à quatre vaches, et M. Bérard ajoute avec regret que l'on n'est pas au bout de l'hécatombe. On avait lié le canal pancréatique, canal unique, quoi qu'on en ait dit, pour éviter le moindre mélange du suc pancréatique avec le chyle. Un des ruminants a fourni, par sa fistule, 40 litres de chyle en vingtquatre heures. Quand on le retirait en totalité par le canal thoracique et toutes ses divisions, on en pouvait retirer 50 litres en douze heures. Le chyle, émulsionné sans l'intervention du suc pancréatique, fournissait du beurre qui provenait d'un taureau, et non d'une vache, ce chyle a donné à M. Wurtz 11 pour 100 de matière

grasse.

M. Bérard a terminé son rapport sur le mémoire de M. Colin par la conclusion suivante :

Puisque, chez les animaux de l'espèce bovine, on peut, trois et même quatre jours après qu'on leur a lié le conduit excréteur du pancréas et détourné le suc pancréatique au dehors, retirer du canal thoracique, en vingt-quatre heures, plus de 40 litres de chyle bien émulsionné, et dont l'éther extrait une grande quantité de graisse, le suc pancréatique, chez ces animaux, n'est nécessaire ni pour l'absorption des corps gras, ni pour la formation d'un chyle émulsionné.

M. BERARD propose : 1° de remercier M. Colin pour sa communication; 2o de l'inviter à poursuivre ses investigations; 3° d'envoyer son travail au comité de publication. (Adopté.)

[blocks in formation]

-

CLÔTURE DE LA DISCUSSION SUR LA MÉTHODE SOUS-CUTANÉE. — M. Velpeau achève son discours. M. J. Guérin demande à répondre dans la séance suivante; mais l'Académie, consultée, déclare la discussion close.

APPAREIL PORTATIF A DOUuches. M. Charrière fils présente à l'Académie un appareil à douches portatif, constitué par un simple récipient d'eau et d'air indépendant, avec ses deux soupapes, et d'un volume assez petit pour être placé dans la poche; il a pour moteur la simple seringue à hydrocèle en étain ou tout autre métal, que tous les médecins et chirurgiens possèdent dans leur arsenal; enfin, le tuyau d'un irrigateur que l'on visse sur le récipient sert à conduire le liquide. Ces pièces, petites et peu dispendieuses, suffisent pour projeter à tous les degrés désirables et pour toutes les douches un jet rendu continu par la pression qu'exerce l'air accumulé à la partie supérieure du récipient. Dans le cas où les douches devraient se prolonger longtemps, il a fixé le récipient à un réservoir quelconque, afin de pouvoir fonctionner avec une seule main. Les accessoires nécessaires dans ce cas consistent en un crochet et une vis de pression, qui assemblent solidement l'appareil avec le seau; si ce dernier est profond, on peut ajouter le tuyau plongeur pour aspirer le liquide jusqu'au fond du vase; s'il s'agit de douches sulfureuses, l'appareil se construit en zinc.

Des expériences, dont les résultats ont été très-satisfaisants, ont eu lieu à la clinique de M. le professeur Dubois.

Séance du B mai.

AUSCULTATION APPLIQUÉE AU DIAGNOSTIC DES MALADIEs de l'oreille. M. Ménière lit un Mémoire sur l'auscultation appliquée au diagnostic des maladies de l'o

reille.

Ce Mémoire est résumé dans les conclusions suivantes :

1° L'inspiration et l'expiration, même cxagérées, n'excrcent aucune influence appréciable sur l'air contenu dans la cavité de l'oreille moyenne.

2. L'air qui circule dans le haut du pharynx ne peut traverser la trompe pour pénétrer dans la caisse qu'à l'aide d'un mouvement de déglutition.

3° L'arrivée du bol aérien dans la caisse trouve un auxiliaire puissant dans les oscillations de la trompe d'Eustache.

4o La fonction respiratoire, à l'état normal, ne peut fournir aucun signe diagnostique des maladies de l'oreille moyenne.

5 Ces signes ne deviennent évidents que par suite de mouvements de déglutition, ou quand une forte expiration, le nez et la bouche fermés, pousse l'air dans la caisse.

6o Les bruits respiratoires nasaux ou pharyngiens sont perçus à l'auscultation des parties latérales de la tête; mais ils n'ont pas de valeur comme signes d'une affection quelconque de l'oreille. (Commissaires MM. Louis, Londe et Bérard.)

:

Séance du 12 mai.

AMYLÈNE. M. BOBERT lit, en son nom et au nom de MM. Velpeau et Malgaigne, un rapport sur une note relative à l'innocuité et à la valeur de l'amylène considéré comme agent anesthésique, dont M. Debout a donné lecture dans la séance du 10 mars dernier.

Dans la séance du 10 mars dernier, vous avez entendu avec intérêt la lecture d'une note de M. le docteur Debout sur l'innocuité et la valeur de l'amylène considéré comme agent anesthésique, et vous m'avez chargé, avec MM. Velpeau et Malgaigne, de vous rendre compte de ce travail.

Votre Commission a cru devoir répondre immédiatement à l'appel de l'Académie, en présence de l'importance et de l'actualité d'un pareil sujet. L'anesthésic, en effet, est devenue aujourd'hui partie intégrante de la chirurgie: presque toujours elle nous est demandée, imposée même par les malades; et l'on sait que les principaux agents au moyen desquels nous l'obtenons, savoir l'éther et le chloroforme, peuvent donner lieu à des accidents funestes, heureusement très-rares, mais dont l'authenticité ne saurait plus être mise en doute. Aussi, à peine venait-on de signaler l'amylène comme doué, lui aussi, de la propriété d'abolir la sensibilité, et comme exempt des dangers du chloroforme, que les praticiens ont dù désirer vivement de connaitre ce qu'il y

avait de vrai dans ces assertions, émises du reste par des hommes éclairés et consciencieux.

C'est au mois de novembre 1856 que M. le docteur Snow a découvert les propriétés physiologiques de ce corps, dont M. Balard avait déjà révélé l'existence et les caractères chimiques dès l'année 1844. Le chirurgien de Londres, dont on connaît depuis longtemps les travaux spéciaux sur l'anesthésie, en fit l'objet d'expériences sur les animaux; puis il l'essaya chez l'homme, d'abord pour des opérations légères et de courte durée, puis enfin pour les opérations les plus graves; il lui trouva l'avantage d'une action prompte, douce, peu durable, et disparaissant sans laisser d'impression fâcheuse sur l'organisme. Il communiqua le résultat de ses observations à la Société royale de Londres, le 20 janvier de cette année.

Peu de jours après, M. Giraldès, à Paris, l'employait avec succès à l'hôpital des Enfants-Trouvés; le 3 mars, M. Tourdes, professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg, faisait parvenir à l'Académic un mémoire contenant le récit d'expériences tentées sur les animaux et d'un certain nombre de faits cliniques; enfin, huit jours plus tard, vous entendiez la lecture du travail de M. le docteur Debout, qui fait l'objet de ce rapport. Avant de vous en exposer les détails, j'ai une remarque à faire sur la nature du corps dont on s'est servi jusqu'à ce jour.

L'amylène, en effet, qui nous est fourni par les laboratoires, n'est pas tout à fait pur et tel que M. Balard l'a décrit. Suivant le mode de préparation et de distillation mis en usage pour l'obtenir, il peut être mêlé à des produits étrangers et présenter une volatilité plus ou moins grande. Ainsi, lorsque l'on a employé l'acide sulfurique pour déshydrater l'alcool amylique, le liquide obtenu retient un composé particulier contenant du soufre parmi ses éléments, et donnant à l'amylène une odeur très-repoussante qui rappelle celle de l'assa fœtida et de l'urine de chat. De même, selon la manière dont il a été distillé, il entraine d'autres produits moins volatils que lui, désignés par M. Balard sous les noms de paramylène et métamylène, de telle sorte qu'il entre en ébullition à des températures très-variables. Celui dont M. Debout s'est plus spécialement servi a été préparé avec beaucoup de soin par M. Berthet, chef du laboratoire de la maison Ménier; il bout de 28 à 35 degrés, est par conséquent très-volatil, et présente une odeur assez marquée

d'huile de naphte. C'est également celui

ei que l'administration des hôpitaux a bien voulu mettre à ma disposition, et dont j'ai fait usage dans les observations qui servent de base à ce rapport.

Ceci posé, voyons d'abord quel est le procédé d'inhalation qu'il convient le mieux d'employer. Une des propriétés remarquables de l'amylène est sa grande volatilité, qui ne lui permet pas de rester en dissolution dans le sang, à la température du corps humain. Aussi faut-il en faire respirer les vapeurs tout d'abord à un degré de concentration considérable, et d'une manière continue, sous peine de n'obtenir aucun effet, ou de voir la sensibilité reparaître après un temps trop court. Je partage donc l'opinion de M. Debout, lorsqu'il prescrit l'usage d'un appareil semblable à celui que M. Charrière a fabriqué pour le chloroforme, appareil qui, s'appliquant sur le nez et sur la bouche, prévient toute déperdition des vapeurs. C'est, je le pense, pour avoir omis cette précaution, et s'être contentés d'un simple cornet muni d'une éponge, que plusieurs chirurgiens ont échoué ou ont été dans l'obligation de consommer une grande quantité d'amylène.

Les faits contenus dans la note de M. Debout n'offrent rien de nouveau; ils confirment ceux que MM. Snow, Giraldès et Tourdes ont publiés; ils établissent que l'amylène produit l'anesthésie très-promptement, sans causer de sensation pénible, sans provoquer la toux ou le besoin de cracher, comme on l'observe si souvent avec le chloroforme. «Pendant toute la durée de l'amylénation, dit notre confrère, le pouls reste large, plein et trèsfréquent; les mouvements respiratoires amples, la peau chaude, le visage forte⚫ment coloré. En un mot, il y a absence des signes qui dénotent que le nouvel › agent atteint facilement les phénomènes de la vie organique. ▸

Aussi M. Debout, sans vouloir substituer entièrement l'amylène au chloroforme, conclut-il à ce que ce nouvel anesthésique soit inscrit au nombre des agents médicamenteux utiles.

Messieurs, pour mettre l'Académie en mesure d'apprécier exactement le travail de notre honorable confrère, j'ai dû expérimenter moi-même, afin de pouvoir joindre aux faits déjà connus le résultat de mes observations personnelles. Or, j'ai eu l'occasion de recourir quarante-quatre fois à l'amylène, sur des adultes, hommes et femmes, et pour des opérations très-varices. Celles-ci ont été le plus souvent de

courte durée, telles que des ouvertures d'abcès, des débridements de panaris, des avulsions d'ongles, des amputations de doigts ou d'orteils. Mais un bon nombre aussi ont été plus importantes; ce sont : une amputation de la cuisse, une de l'avantbras, des extirpations de tumeurs du sein, l'ablation d'une glande parotide tout entière, l'extraction d'un calcul de la portion prostatiqne de l'urèthre; cette dernière opération a duré plus d'un quart d'heure. Voici ce que j'ai constaté.

Je dirai tout d'abord que je n'ai jamais observé des signes d'irritation de la membrane muqueuse de la bouche ou des bronches, se traduisant par de la salivation et de la toux. Un malade auquel j'ai fait, il y a peu de jours, l'amputation de la verge, pour un cancer, avait en même temps une excavation tuberculeuse au sommet du poumon gauche. Il a toussé pendant une partie de la durée de l'amylénation, que j'ai, pour ce motif, employée avec réservc. Après l'opération, la toux a cessé et aucun phénomène d'irritation ne s'est manifesté du côté de la poitrine. Le chloroforme cutil été aussi inoffensif? J'ai quelques raisons de croire que non.

En général, les malades sont devenus insensibles au bout de une à trois minutes, rarement après six ou sept. Trois d'entre eux ont été réfractaires et m'ont obligé de recourir au chloroforme après dix ou douze minutes d'inhalation. L'anesthésie s'est établie sans être précédée des symptômes d'agitation que suscite fréquemment le chloroforme. Le visage s'est coloré plus ou moins fortement; les paupières sont restées largement ouvertes; les yeux, fixes, se sont fréquemment portés en haut, jusque sous la paupière supérieure; la tête s'est renversée en arrière: quelquefois les membres se sont étendus en se refroidissant. Le pouls a pris beaucoup de fréquence; dans un cas je l'ai vu, non sans quelque émotion, devenir intermittent et filiforme. La respiration est restée libre, et jamais je n'ai observé ce resserrement spasmodique des mâchoires, avec menace de suffocation, que provoque parfois le chloroforme. Un fait important déjà noté, c'est que l'amylène ne donne pas lieu à la résolution musculaire, et que l'insensibilité qu'il produit serait de très-courte durée si on n'avait le soin de l'entretenir en versant, toutes les cinq ou six secondes, de petites quantités d'amylène dans l'appareil. L'opération étant terminée, le réveil est prompt, et les malades, revenus à eux-mêmes, ne conservent aucun malaise. Cependant deux jeunes filles ont été prises,

pendant quelques minutes, d'un délire singulier, accompagné de cris, de rires, de sanglots et de mouvements convulsifs violents; mais l'une d'elles, soumise au chloroforme quelques jours après, pour l'extirpation d'un ganglion hypertrophié de la région parotidienne, a présenté les mêmes symptômes. Un jeune homme de dix-huit ans, à qui j'avais ouvert un abcès de la main, s'est élancé sur son lit avec une telle violence qu'il se serait infailliblement blessé si on ne l'avait contenu; il était éveillé et parlait.

Cet exposé succinct des effets produits par l'amylène prouve que ce corps possède, comme l'éther et le chloroforme, la propriété d'empêcher la douleur, mais qu'il en diffère essentiellement, et surtout du chloroforme, par l'instantanéité de son action, qui cesse dès que les inhalations sont suspendues, et parce qu'il ne porte aucune atteinte à la contractilité musculaire.

Mais j'ai hâte d'aborder la question la plus importante de celles qui se rattachent à l'étude de l'amylène, la question de savoir s'il peut être employé sans danger. Les chirurgiens qui les premiers en ont fait usage, se fondant sur ce que son activité est moins grande que celle du chloroforme, espéraient ainsi qu'il jouirait d'une parfaite innocuité. Quelques expériences de M. Tourdes, il faut le dire, semblaient justifier cette opinion. Malheureusement cette question est aujourd'hui résolue, et, par une singulière coïncidence, c'est entre les mains de M. Snow lui-même qu'est arrivé le premier cas de mort. Bien que cette observation ait déjà reçu une grande publicité, je crois devoir en reproduire le principaux détails, recueillis par M. Snow avec une précision qui ne laisse rien à désirer.

(Ici M. Robert reproduit textuellement l'observation de M. Snow. Nous l'avons donnée dans notre Cabier de juin.)

Lorsqu'on analyse attentivement les détails de cette observation, il est impossible de ne pas reconnaitre, avec M. le docteur Snow, que la mort n'a été due qu'à l'amylène. La grande habileté du praticien, qui employait cet agent pour la cent quarante-quatrième fois, son expérience spéciale dans le maniement des anesthésiques, ne permettent pas de supposer qu'il y ait eu infraction aux règles qu'on doit observer en pareil cas: d'un autre côté, l'inhalation elle-même n'a présenté aucune circonstance insolite, et, pour obtenir l'insensibilité, il n'a pas été nécessaire de faire absorber une grande

quantité de vapeurs. Enfin, l'autopsie cadavérique n'a révélé aucune lésion viscérale qui, ayant été méconnue pendant la vie, serait devenue la cause de l'issue funeste. Sans doute, l'état graisseux du cœur est de nature à diminuer l'énergie de cet organe et peut disposer à la syncope; cependant il est difficile d'imputer la mort à cette lésion, puisqu'elle n'était pas assez considérable pour avoir déterminé, pendant la vie, aucune gêne dans les fonctions de ce viscère.

En conséquence, il en est de ce cas malheureux comme de ceux que l'on a observés par l'emploi du chloroforme, où la mort est survenue par suite d'une prédisposition particulière de l'organisme, inconnue dans sa nature, plutôt que par l'administration intempestive ou excessive des vapeurs anesthésiques.

Rien ne saurait atténuer la gravité de cet événement, duquel il ressort évidemment que l'amylène administré chez l'homme peut causer la mort.

Une seule question nous reste donc actuellement à résoudre: c'est celle de savoir s'il offre moins de danger que l'éther ou le chloroforme.

M. Debout, dans son travail, s'est occupé de ce problème et en a fait l'objet d'expériences sur les animaux. Il raconte que si, dans une série de bocaux cubant deux litres d'air, on place des animaux très-sensibles à l'action des anesthésiques, des oiseaux, par exemple, on voit qu'il suffit de verser 2 gouttes de chloroforme dans l'un d'eux pour rendre insensible l'animal qui s'y trouve renfermé. Si, dans un autre bocal, on porte la dose à 5 gouttes, l'oiseau est foudroyé. Qu'on répète l'expérience avec l'amylène; on constate l'insensibilité avec 10 gouttes; si l'on élève la dose à 50 gouttes (1 gr. 35 c.), l'animal revient encore à lui pourvu que l'on ne prolonge pas son séjour dans l'atmosphère amylique au delà d'une minute. Soumis à la même quantité d'éther et pendant le même laps de temps, l'oiseau succombe. D'où l'auteur conclut que, s'il suffit de doubler la quantité de chloroforme pour transformer la dose anesthésique de cet organe en dose toxique, il faut quadrupler celle de l'éther, et quintupler celle de l'amylène. Il ressort de ces faits, ajoutet-il, que l'innocuité du nouvel agent est plus grande encore que celle de l'éther sulfurique.

J'ai répété les expériences de M. Debout sur de petits oiseaux, sur des poules et sur des lapins, surtout en ce qui concerne l'action comparative du chloroforme et de

« PrécédentContinuer »