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une roche calcaire aussi nue que peut l'étre une roche de cette nature, sans eau ni végétation. On n'y planta des jardins qu'à grand renfort de terres rapportées; mais l'eau manqua toujours. Eh bien! je le demande, ces conditions permettent-elles d'assimiler Gibraltar à un marais? Mais il y a plus à une petite distance de Gibraltar se trouve la ville de Sanroque, adossée à un marais où règne la fièvre intermittente. Or cette ville, qui reçoit immédiatement des émanations marécageuses, ne présenta aucun cas de fièvré jaune, alors que cette fièvre sévissait épidémiquement à Gibraltar en 1804, 1810, 4815 et 1828.

D'ailleurs, Gibraltar n'a point de marées ; c'est, de plus, un roc à vives arètes, où l'eau ne peut séjourner, bien loin qu'elle s'y accumule: il n'y a donc point là d'influences palustres.

D'un autre côté, plusieurs villes d'Espagne, telles que Cadix, Xérès de Frontera et d'autres encore, où sévissait également la fièvre jaune, ne sont pas plus que Gibraltar sous le coup des influences palustres ce n'est donc point à ces dernières qu'on peut rapporter l'origine de la fièvre jaune.

Qu'il me soit permis d'ajouter un fait bien caractéristique en soi. Il existe non loin de Gibraltar un lieu qu'on nomme le Champ neutre, dont le sable est fréquemment arrosé par l'eau de la mer, et qui, plus que Gibraltar, par conséquent, se rapproche des conditions palustres. Or, dans l'épidémie dont nous fûmes témoins, la population qui s'y était réfugiée fut à l'abri de la fièvre jaune. Ceux-là seuls en furent attaqués qui communiquaient parfois avec Gibraltar.

Il m'est donc impossible de laisser passer sans protestation l'assertion de M. Londe.

M. BOUCHARDAT. Je crois que les émanations palustres exercent une influence considérable sur le développement de la fièvre jaune; puis, quand, par suite de l'existence du foyer palustre, la fièvre jaune s'est une fois développée, elle est susceptible de se transmettre par contagion. D'ailleurs je maintiens, contre M. Londe, que le rapport est très-exact, que les conclusions en sont excellentes, et que la seule chose qu'on puisse peut-être reprocher au travail de M. Dutrouleau, c'est de n'avoir point parlé des travaux analogues faits par les médecins de la marine, et en particulier par ceux de Rio

Janeiro.

M. LONDE. A propos de ce travail en

core, je nie qu'il y ait un seul fait de propagation la prophylaxie est donc inutile, et le traitement seul est utile.

M. TROUSSEAU. J'ai besoin de répondre à M. 'Bouchardat, qui semblait devoir me venir à la rescousse. Je dis que jamais la fièvre jaune ne débute par l'influence d'un foyer palustre. Ainsi il n'y avait pas un seul cas de fièvre jaune dans toute l'Espagne, où existent tant d'influences palustres, alors que cette affection sévissait à Gibraltar.

On ne peut donc pas accepter les idées de M. Bouchardat. Et d'ailleurs, ne sait-on point que des navires venant des lieux infectés, et sans malades au départ, ont perdu dans la traversée la moitié de leur équipage par le fait de la fièvre jaune ? Dira-t-on que le navire est un marais qui marche? Y a-t-il dans ce vaisseau, incessamment nettoyé, où les conditions hygiéniques sont aussi parfaites que possible, rien qui ressemble aux influences palustres? On ne peut donc pas dire que la fièvre jaune débute par un foyer palustre.

M. BOUCHARDAT. Je n'ai point voulu dire que la fièvre jaune débutait nécessairement par une localisation palustre. Maintenant je désirerais savoir l'opinion de M. Trousseau sur la contagion comme cause originelle de la fièvre jaune.

M. TROUSSEAU. M. Louis sait aussi bien que moi combien il nous fut difficile de nous former une opinion sur l'origine de la fièvre jaune de Gibraltar. Ce que nous sûmes, c'est qu'un navire provenant de lieux infectés, et portant à son bord des hommes malades de la fièvre jaune, cut avec la ville et ses alentours des communications de contrebande. Mais je crois qu'il en est de la fièvre jaune comme du typhus, lequel est évidemment contagieux et peut cependant se développer sans contagion; car nous avons vu récemment, au Val-de-Grâce, des individus qui ne vcnaient point de Crimée périr du typhus d'Orient.

A la suite de cette discussion, les conclusions sont mises aux voix et adoptées.

Séance du 15 septembre 1857.

DISCUSSION SUR LA FIÈVRE JAUNE. M. LONDE demande la parole à propos du procès-verbal.

Dans la dernière séance, dit-il, en présence des assertions si nettes de M. Trousseau, j'ai gardé le silence; non pas que je ne trouvasse mot à dire, mais bien parce qu'il me fallait répondre preuves en mains,

reproduire le texte même des auteurs qui sont en opposition avec M. Trousseau, et que, pour cet objet, j'avais des recherches à faire.

Je n'invoquerai pas le témoignage de Chervin, qui faisait partie, avec M. Louis et M. Trousseau, de la commission de Gibraltar; et cependant, Messieurs, seraitce une autorité à dédaigner que celle d'un homme qui a sacrifié sa fortune et sa vie entière à prouver ce qu'il croyait une vérité utile? d'un homme qui avait observé la fièvre jaune dans les deux hémisphères! qui avait fait cinq cents autopsies d'individus morts de la fièvre jaune avant que ses collègues n'en eussent fait une seule! Laissons donc de câté les opinions personnelles du docteur Chervin, et rapportons celles des hommes qui ont vécu à Gibraltar.

Dès l'année 1804, dit le docteur James Fellowes, on signale des causes d'infection à Gibraltar, et, bien que les égouts y fussent alors beaucoup moins nombreux qu'à présent, on observe cependant déjà leur funeste influence sur la santé des habitants.

«Je fus bientôt, dit le docteur Pascalis, convaincu de l'existence des causes les plus puissantes pour y produire une pestilenec dans certaines saisons. »

Le docteur Bancroft attribué l'épidémie de fièvre jaune qui ravagea Gibraltar en 1804 à des causes locales qu'il indique.

Le docteur Nooth, médecin en chef de l'armée, et le docteur Burd, qui était à la tête du département médical de la marine, et tous les officiers de santé qui firent le service depuis le commencement de l'épidémie, le chirurgien de l'artillerie excepté, émettent l'avis, dit Hennen que la maladie est d'origine locale.

M. Mullin, médecin en chef de la garnison de Gibraltar, s'exprime ainsi : « Par l'existence de causes énumérées ci-dessus, l'atmosphère se trouve chargée d'exhalaisons nuisibles, provenant des diverses substances animales ou végétales en putréfaction. >

M. Woodward, inspecteur des travaux publics à Gibraltar, signale, comme causes de la fièvre jaune, les égouts, qui communiquent généralement les uns avec les autres. Ce qui donne de la force à cette assertion, ajoute l'auteur, c'est l'extension que prend ordinairement la fièvre immé diatement après les premières pluies automnales, qui mettent la masse des matières putrides en plus grande activité jusqu'à ce que la continuation des pluies

finisse par entrainer la cause morbi. fique... >

Voilà, je pense, assez d'autorités 'qui attestent que la ville de Gibraltar n'est point tout à fait, comme l'affirme M. Trous seau, exempte de causes d'infection.

M. RUFZ, membre correspondant, demande la parole.

Je regrette, dit M. Rufz, de n'avoir pu assister à la dernière séance de l'Académie. Je désire dire quelques mots aujourd'hui ; mais je serai bref, pour ne pas abuser de votre bienveillance.

Il est deux points du mémoire de M. Dutrouleau sur lesquels l'attention de l'Académie s'est concentrée le premier est relatif aux rapports de la fièvre jaune et de la fièvre paludéenne, le second à la transmissibilité de la fièvre jaune; ce sont en effet les deux points importants. Pendant un assez long séjour aux Antilles, j'ai pu observer par moi-même et je vais exposer ici le résultat de mon expérience.

Je ferai d'abord remarquer qu'autrefois la traversée se faisait au moyen de navires à voiles, que le voyage était long, le nombre de passagers peu considérable; aujourd'hui, la vapeur transporte rapidement 300 à 400 personnes. Cette circonstance mérite d'être signalée..is

A l'occasion des deux mémoires adressés par moi à l'Académie, Chervin dans son travail intitulé: De l'identité de la fièvre jaune et paludéenne, formula nettement son opinion sur la confusion qu'il faisait de ces deux maladies. D'autres ont depuis reproduit cette erreur; mais, s'il existe des ressemblances, il y a aussi des différences, revenir un instant sur ce sujet. et je les avais indiquées. Je demande à

L'analogie consiste en ce que, dans les pays où règne la fièvre jaune, et au moment des épidémies, il se déclare sur les indigènes un grand nombre de fièvres à caractère très-grave et présentant quelquesuns des symptômes de la fièvre jaune, tels que les vomissemenis noirs et l'ictère. A l'autopsie, il m'a semblé reconnaitre l'altération du foie particulière à la fièvre jaune, mais celle de la rate, caractéristique de la fièvre paludéenne, n'existait pas.

En outre, dans quelques cas, la fièvre jaune prend évidemment une forme intermittente, surtout au commencement et à la fin de l'épidémie. Ces observations ont été faites aussi par d'autres que par moi, et, dans ce dernier cas, le sulfate de quinine rendait de grands services.

Ainsi, vomissements noirs, ictère, altération du foie, réussite du sulfate de quinine, voilà donc les ressemblances.

Passons aux différences. Le domaine de la fièvre jaune n'est pas, à beaucoup près, aussi vaste que celui de la fièvre paludéenne; il ne s'étend guère que du 52o au 6o degré de latitude australe. Dans ces derniers temps il paraît, cependant s'être agrandi; on a signalé la fièvre jaune à Cadix, à Gibraltar, à Marseille; il y en a eu même à Brest et à Rochefort; mais elle est toujours restée contenue dans de certaines limites. Le domaine de la fièvre paludéenne, au contraire, c'est la terre entière.

La fièvre jaune n'a été observée que sur les bords de la mer; la fièvre paludéenne, dans l'intérieur du pays. La fièvre jaune est bornée en longitude et en latitude; elle n'attaque que certains individus dans certaines conditions: aux Antilles que les Européens; la fièvre paludéenne attaque tout le monde. Cette dernière laisse aux individus qui en ont été atteints un cachet indélébile; la fièvre jaune ne laisse pas de traces; on guérit complétement. Dans la fièvre jaune, pas de récidive; c'est le contraire pour la fièvre paludéenne.

Si la fièvre jaune est contagieuse, c'est une contagion particulière; mais je dirai, avec M. Londe, que jamais on n'a observé un cas de fièvre jaune déterminé par contact. Cette contagion ne ressemble pas à celle du choléra, qui se développe partout sans circonstances particulières ; peut-être pourrait-on la comparer à la contagion de la rougeole et de la variole. Et à ce propos je vous soumettrai ce fait dans les colonies atteintes de la fièvre jaune, les enfants nés pendant ou après l'épidémie sont affectés de fièvres fort graves; en outre, pendant les temps d'immunité la mieux établie, il y a pour tout médecin qui observe des cas de fièvre jaune sporadique, et, dans certaines années, surtout aux approches des épidémies, un grand nombre de ces fièvres qui constituent les cas légers de M. Dutrouleau, et qui doivent être considérées comme des fièvres jaunes. Il en est résulté pour moi la croyance que cette affection était endémique, et que, si Jes enfants nés aux colonies n'en étaient pas atteints, c'est qu'ils avaient eu déjà cette petite fièvre.

Comment arrivent les épidémies? Sontelles le développement des cas légers ou sont-elles apportées du dehors? La science n'est pas faite sur ce point. Il faudrait des enquêtes nombreuses et solennelles, faites avec l'assistance des autorités. Nous en possédons un modèle dans celle dont faisait partie M. Trousseau. Malheureusement ces messieurs nous ont livré des matériaux

bruts, et nous attendons encore l'instruction qui devrait en résulter pour nous. Il nous faudrait un grand nombre de ces enquêtes. Jusque-là il est prudent de récuser tous les faits.

J'arrive maintenant à la question de la transmissibilité; elle est de celles qui intéressent le plus. Une chose rassure tout d'abord : c'est qu'elle ne s'est jamais étendue au delà du littoral. Mais enfin des faits graves existent; elle est venue à Cadix et à Gibraltar; nous l'avons vue même à Rochefort et à Brest; elle peut donc venir jusqu'à nous. On doit espérer que non. En effet, il existe depuis longtemps des rapports entre la France et les pays atteints de la fièvre jaune; il arrive tous les ans dans nos ports des milliers de navires, et rien de grave n'a pu encore se déclarer. En 1853, à Southampton, des symptômes alarmants ont attiré l'attention de l'autorité. L'amirauté s'est émue et a établi une quarantaine. Elle a été supprimée depuis, et cependant il arrive fréquemment encore des navires ayant à leur bord la fièvre jaune, et qui ont jeté, pendant la traversée, jusqu'à vingt ou trente cadavres à la mer. Jamais la fièvre jaune n'a pu s'établir à Southampton.

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M. TROUSSEAU. Je n'aurai pas de peine à démontrer que, s'il y a eu à Gibraltar des causes d'insalubrité, ces causes étaient parfaitement différentes de celles qui produisent la fièvre palustre. Il suffirait pour cela de montrer que la ville de Gibraltar, assisc à l'ouest d'un roc qui s'élève audessus de la mer avec une pente de 40 à 45 degrés, a le système d'égouts peut-être le mieux entendu qu'il soit possible d'imaginer. Il n'y a en effet que trois rues parallèles à la mer, à des hauteurs différentes, et dans ces rues les égouts n'ont que la pente ordinaire; mais, dans les branches perpendiculaires, la pente est tellement rapide que les immondices sont rapidement entraînées à la mer, et plus rapidement entraînées que dans aucune autre ville; que d'ailleurs, dès le commencement de l'épidémie, et alors qu'il n'y avait que des cas isolés, ces égouts ont été lavés à grande eau, chlorurés par ordre du gouvernement et sous la surveillance des médecins, et que la fièvre jaune a continué à sévir avec une intensité croissante pendant deux mois, bien que les soins de propreté fussent continués avec la plus grande persévérance, bien que la plus grande partie de la population civile eut émigré, et que par conséquent l'accumulation des immondices dans les égouts eût dû diminuer d'autant.

Je demanderai d'ailleurs à M. Londe pourquoi de 1813 à 1828 il n'y a pas eu de fièvre jaune à Gibraltar? pourquoi de 1828 à 1857 il n'y en a pas cu non plus, bien que les égouts ne soient ni moins nombreux, ni mieux tenus qu'ils n'étaient.

Je ne conteste pas qu'il n'y ait des ordures ou des fumiers accumulés dans quelques coins de la ville, sur quelques points du roc; mais il serait puéril d'y voir une cause d'insalubrité, et surtout quelque chose qui ressemblât aux causes qui produisent ordinairement la fièvre intermittente.

Ma réponse à M. Rufz sera un peu plus difficile. M. Rufz a passé une grande partie de sa vie dans les Indes occidentales, où règne la fièvre jaune; il a étudié avec soin les causes et les symptômes de cette maladie, et je n'ai vu la fièvre jaune que dans Gibraltar et seulement en 1828.

Tout en rendant hommage au talent d'observation de M. Rufz, je suis obligé de me séparer de lui sur plusieurs points. Je trouve que M. Rufz a admis avec trop de facilité une certaine ressemblance entre la fièvre palustre et la fièvre jauno.

Je déclare, en invoquant le témoignage de M. Louis, mon collègue dans la mission médicale de Gibraltar, que, en 1828, jamais la fièvre jaune n'a eu, comme M. Rufz l'a quelquefois observé à la Martinique, de phénomènes intermittents, à peine ces exacerbations du soir que l'on observe dans toutes les maladies aiguës: qu'il en a été de même pour toutes les épidémies observées en Europe. D'après mes observations, et surtout d'après celles qui sont consi gnées dans l'ouvrage que M. Louis a consacré à l'histoire anatomique et symptomatique de la fièvre jaune de Gibraltar, les lésions de la fièvre jaune se trouvent surtout dans le foie, qui est lésé d'une manière spéciale, comme dans la fièvre putride les glandes de Peyer et les ganglions mésentériques sont lésés d'une façon spéciale; que la rate, au contraire, n'a dans la fièvre jaune pas plus de lésions que dans les autres maladies septiques, telles que le typhus, la fièvre puerpérale, la fièvre putride, etc.; tandis que, dans la fièvre intermittente pernicieuse, la rate est invariablement le siége de lésions tellement graves que, dans quelques cas, l'enveloppe de ce viscère se rompt, et il se fait dans le péritoine une hémorrhagie foudroyante.

Symptômes, lésions anatomiques, causes, tout est différent, l'assimilation entre ces deux maladies ne peut se faire, même de loin.

Que si, dans les pays où règne habituellement la fièvre intermittente, la fièvre jaune prend dans ses symptômes quelques formes rémittentes très-accusées, cela ne prouve nullement l'analogie. En effet, chacun sait, et à ce sujet j'invoquerai le témoignage de nos confrères d'Algérie, que, lorsque règnent les fièvres intermittentes, les fièvres putrides, l'érysipèle, la pleurésie, le rhumatisme, etc., etc., se manifestent souvent au début par des accès intermittents si bien caractérisés que, dans un grand nombre de cas, les médecins se laissent tromper et surprendre. Si donc la fièvre jaune, observée par M. Rufz, a offert des phénomènes intermittents, c'est qu'elle régnait dans un pays où sévissait en même temps la fièvre palustre.

M. Rufz a effleuré la question de la transmissibilité de la fièvre jaune, qu'il est enclin à résoudre par la négative. Je n'aborde qu'en tremblant cette question si délicate et si controversée, et je déclare que, si je n'ai pas vu en Europe des preuves évidentes de la contagion de la fièvre jaune, je n'oserais pourtant pas affirmer que cette maladie n'est pas transmissible dans quelques circonstances.

Je suis d'avis que les navires ont pu jusqu'ici sans danger venir en France et en Angleterre avec des cas de fièvre jaune, mais que pourtant je ne saurais affirmer que tard ou tôt une grave épidémie de fièvre jaune n'éclatera pas en Europe.

A cette occasion M. Trousseau montre que le Brésil, Montévidéo, en un mot toute la côte de l'Atlantique, depuis la ligne jusqu'au cap Horn, avaient été jusqu'ici exempts de fièvre jaune, et que depuis cinq ans seulement les côtes du Brésil ont été ravagées, et que cette année Montévidéo a été également décimé par la fièvre jaune; que jusqu'ici dans la mer Pacifique on n'a pas vu de fièvre jaune, mais que peut-être dans quelques années le Chili, le Pérou seront à leur tour revisités par ce terrible fléau.

On ne peut raisonner de la contagion d'une manière absolue; les modes de contagion varient à l'infini.

Assimilant ensuite la contagion à la génération, il montre combien les conditions de génération varient suivant les êtres, combien l'évolution des germes est diffe rente dans les espèces animales et végétales, comment telle semence végétale ne se développera pas dans des conditions nettement déterminées et seulement dans ces conditions; que ce développement sera en quelque sorte fortuit; que les semences norbifiques sont dans le même cas; que la

fièvre jaune (ce qu'il ne pourrait affirmer pourtant) peut être contagieuse à un certain temps, à un certain jour, dans de certaines conditions, et que l'incertitude de ces conditions doit nous inviter à une grande prudence,

M. LONDE. Vous me devez des remerciments, car c'est moi qui ai provoqué l'admirable improvisation que vous venez d'entendre. Comme de longue date je connais l'habileté de mon élégant antagoniste, j'ai pris d'avance quelques précautions, et ne me présente pas aux coups de M. Trous seau tout à fait désarmé.

D'abord, au sujet du mot palustre, je ferai remarquer qu'au point de vue de l'hygiène on doit comprendre sous le nom de marais non pas seulement ce que désigne le langage vulgaire, mais, dans un sens plus général, toute portion de sol où croupissent les caux, et qui donne lieu, sous l'influence de la chaleur, au dégagement des miasmes qui engendrent la fièvre; ainsi les mares, les fossés, les canaux, les égouts peuvent à titre égal, et malgré les conditions les plus diverses, devenir des foyers d'émanations miasmatiques.

J'arrive maintenant aux témoignages propres à faire connaître si la ville de Gibraltar recelait ou non des causes d'infection lors de l'épidémie de 1828.

Des citations empruntées aux rapports de M. le docteur Hennen, médecin inspecteur des hôpitaux de Gibraltar; de M. le docteur Broadfoot, médecin de la quarantaine; de M. Woodward, de M. Pearson, de M. Smith, de M. Bagly, de M. Amiel, témoignent de l'importance que tous ces médecins ont attachée aux égouts comme cause d'insalubrité, et des nombreux moyens proposés ou mis à exécution pour en prévenir les effets.

Je pourrais, ajoute M, Londe, multiplier les citations de ce genre en copiant tout ce qui a été publié sur l'épidémie de Gibral tar en 1828; mais en voilà assez, ce me semble, pour établir que l'opinion de M. Trousseau trouve de nombreux contradicteurs parmi les hommes qui habitaient Gibraltar depuis longtemps, à l'époque de son voyage.

M. THOMAS, membre correspondant de l'Académie. Je suis arrivé très-contagioniste à la Nouvelle-Orléans ; j'avais observé pour la première fois la fièvre jaune sous M. Lefort, médecin de la marine à la Martinique, très-contagioniste aussi à cette époque; car il a fait depuis amende honorable dans un écrit où il déclare avec franchise s'être trompé. Je dus me convaincre de plus en plus que la fièvre jaune

n'avait aucune cause contagieuse. Pourquoi en effet la fièvre jaune respecteraitelle toute une population, la population indigène? Comment expliquer, dans l'hypothèse de la contagion, que pas un individu ayant cu cette maladie n'en soit atteint de nouveau? Ces faits sont prouvés par une multitude d'observations; on ne prouve pas, au contraire, l'espèce de conta→ gion dont on a parlé.

Il y a quelques mois, on a lu à cette tribune un rapport où se trouvait affirmée la contagion de la fièvre jaune ; mais je ne crois pas que dans ces cas plus qu'ailleurs on ait pu citer des preuves authentiques de la contagion.

En comparantla fièvre jaune aux fièvres graves intermittentes, j'ai trouvé plus de dissemblance que de similitude. J'ai toujours trouvé la fièvre jaune rémittente, et non pas avec de franches intermittences. Ces deux maladies ne paraissent pas différer dans leurs causes et dans leur nature.

Séance du 22 septembre.

GLAIRINE ET BARÉGINE.-M. IS. BOURDON lit un rapport sur un Mémoire de M. le docteur Aulagnier intitulé: Recherches sur la Glairine et la Barégine des eaux minérales. Ce rapport, qui semble témoigner que l'auteur a peu ajouté à ce qu'on connaissait déjà sur la matière, conelut à des remerciments et à l'envoi du travail au comité de publication. (Adopté.)

EAUX MINÉRALES DE FORGES-LES-BRIIS. M. Guérard, au nom de la commission des eaux minérales, lit un rapport officiel sur l'cau de Forges-les-Briis. M. le ministre du commerce, dans une lettre adressée le 9 mai dernier à l'Académie, a de nouveau appelé l'attention de ce corps savant sur l'eau de Forges-les-Briis. La commission des pétitions, dit M. le ministre, m'a renvoyé, en la recommandant à tout mon intérêt, une demande adressée à Sa Majesté l'Empereur par MM. Debelleyme, conseiller à la cour de cassation, et Destigny (de Caen), ancien sous-préfet, dans le but d'obtenir l'autorisation et la protection du gouvernement en vue d'un établissement d'eaux minérales qu'ils auraient l'intention de fonder à Forges-les-Briis (Scine-et-Oise) pour le traitement gratuit des pauvres atteints de scrofules, etc. Je viens de nouveau, ajoute M. le ministre, demander à l'Académie de médecine de m'adresser au plus tôt un rapport qui me mette à même de statuer sur cette affaire..

C'est en réponse à cette lettre ministé

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