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quoi? C'est qu'avant tout il faut se prononcer sur le mystérieux Êtes-vous croyant à la nouvelle science ou bien êtes-vous rationaliste? Votre manière de voir et de juger pourrait bien influer sur les expériences qui serviront à vous convaincre et à frapper le public; c'est que, par exemple, les mystères du magnétisme sont tels qu'un fait peut varier suivant l'influx nerveux des spectateurs, de là les répulsions des somnambules pour un assistant, et, par suite, la non-réussite de la représentation. Mais cependant, dira-t-on, celui qui ne veut pas repousser systématiquement des faits, vrais ou faux, pourrait désirer en toute sincérité n'être soumis à aucune inquisition préalable; et s'il voulait les juger impar. tialement, comment ferait-il donc pour que le moi ne fit pas les frais de l'expérimentation? Eh bien, on pourrait lui proposer un terrain neutre, une espèce d'observatoire moral où de fait les jongleries sont impossibles, une maison de fous. Dans ce lieu redoutable, une voix secrète vous dit: Prenez garde, les expériences sur la conscience humaine sont toujours dangereuses. Tel que vous voyez ici, il y a quelque temps avait commencé la recherche de l'inconnu, depuis.... Sur ce théâtre vous aurez tous vos apaisements; si les expérimentateurs veulent bien s'y rendre, leur influence mystérieuse et puissante vous fera pitié.

En définitive, pour sonder l'infini, ce sont les phénomènes du sommeil, du somnambulisme naturel, de l'extase et de l'hallucination qui doivent servir d'introduction au seuil de l'éternité. Tous ces phénomènes peuvent être obtenus ou provoqués sur des individus faibles et irritables; mais pour arriver à la thaumaturgie magnétique, il faudrait établir les points de liaison du rêve et de l'hallucination, de l'extase et de la vision sacrée! Que ne sommes-nous aux temps des docteurs subtils et admirables, des volumes eussent été remplis d'explications tandis qu'aujourd'hui nous sommes arrêtés à celle du phénomène radical, le sommeil, La cause prochaine du sommeil nous échappant, nous restons courts d'explication parce que les rapports de l'âme et du corps sont inconnus, et qu'on ne peut définir l'état cérébral, corrélatif à celui de l'esprit dans le sommeil. Si l'esprit n'était que la manifestation corporelle ou objective de l'âme, son repos, lié à celui du corps pendant le sommeil, pourrait, en suspendant l'activité volontaire et la pensée, permettre une sorte de disjonction momentanée de cet ensemble qui, à l'état de veille, représente l'esprit actif; mais dans le rêve le corps et l'esprit sont en proie à des perceptions vagues et non contrôlées, à des impressions confuses qui, trouvant les sens en repos ou partiellement éveillés, sont transmises au cerveau de telle sorte que l'esprit est entraîné dans le champ de réves fantastiques rarement en rapport avec le monde réel; même dans ce dernier cas, lorsqu'il y a coïncidence fortuite, peut-on dire que l'intelligence existe à son état normal, qu'il y a clairvoyance ou miracle? Maintenant, si une infirmité nerveuse vous place dans des conditions analogues à ces dernières, êtes-vous plus capable d'affirmer que cette disjonction de la pensée et de la volonté de leur rapport avec le monde puisse être la source d'une seconde vue ou d'une intuition de l'inconnu? Il y a des gens qui ont prétendu que dans le rêve et l'extase l'âme abandonne momentanément le corps

et qu'elle s'élève dans les régions éthérées; il y en a d'autres qui pensent que dans le somnambulisme l'esprit devient clairvoyant parce qu'il est dégagé des liens terrestres qui l'empêchaient de saisir la vérité. Dans tous les cas, il a été et il est fort difficile de faire la part de l'imposture; les théologiens sont euxmêmes fort embarrassés quand ils doivent décider de la valeur des inspirations surnaturelles et les médecins, à plus forte raison, doivent être sur leur garde. Toujours est-il que ce qui étonne les assistants à des scènes de somnambulisme ou bien à des paroxysmes d'extase cataleptique c'est de voir des rêves en action dans lesquels des difficultés sont vaincues d'une manière qui tient du merveilleux; d'un autre côté, les extatiques accomplissent des espèces de miracles qui remplissent l'imagination d'une frayeur involontaire; ils prédisent leurs accès à heure fixe, deviennent insensibles à toutes les tortures, et annoncent l'avenir de manière à ce que les moindres coïncidences deviennent des miracles pour ceux qui ne connaissent point le nombre infini d'altérations dont le système nerveux est susceptible et le rôle qu'ils jouent eux-mêmes dans ces occasions. Nous croyons inutile de parler de la volonté fluidifiée du magnétisme; cette comédie est par trop ridicule.

D'après ce qui précède, on conçoit que l'hallucination et le somnambulisme artificiel ont des phénomènes d'une grande analogie. En effet, il y a production, par maladie ou par un état anomal de l'esprit, de phénomènes pathologiques tout à fait semblables sinon indentiques. Les somnambules et les hallucinés offrent ainsi les conditions indispensables pour faire des mediums qui se figurent des apparitions d'esprits, les entendent frapper ou font tourner les tables; suivant nous, c'est un attentat à la raison et à la dignité humaine que de se laisser réduire à un état d'idiotie temporaire, alors que déjà une faiblesse nerveuse dispose à la maladie.

La clairvoyance, la transposition des sens, la prédiction des événements, la recherche de l'inconnu, sont pour nous des symptômes qui appartiennent aux prodromes de la folie; il n'y a que la mort qui nous mette en possession de l'in

connu.

Nous nous rappelons l'époque à laquelle une foule empressée venait entendre les brillantes improvisations d'un jeune fouriériste à Bruxelles. Faut-il le dire! Quelques auditeurs impressionnables s'exaltèrent à la suite de ces conférences au point d'en perdre la raison, et l'on sait que cet orateur, après avoir adressé des lettres à l'Indépendance belge, par lesquelles il annonçait la publication d'un livre écrit en commun avec l'esprit de la terre, s'en fut lui-même terminer sa carrière dans un asile d'aliénés. La fin condamna les moyens.

OBSERVATION DE HERNIE ÉTRANGLÉE, RÉDUITE PAR LE PROCÉDÉ SEUTIN (DILATATION DE L'ANNEAU); par M. DEMAGNY, chirurgien en chef des hospices de Bayeux (Calvados).

Le cas que je vais rapporter est un exemple trop remarquable de succès pour ne pas le livrer à la publicité et appeler sur lui l'attention des praticiens, avec

le désir de faire remonter l'hommage du succès jusqu'à l'illustre auteur du nouveau procédé.

Le nommé P..., laboureur, demeurant à Martragny, à 9 kilomètres de Bayeux, était atteint depuis deux ans de hernie inguinale droite. Grosse comme un œuf, elle rentrait facilement dès que P... se couchait sur le dos. Sottement honteux de son infirmité, il l'avait soigneusement cachée et ne se servait d'aucun moyen contentif.

Le 30 décembre dernier, vers dix heures du matin, il reçut un coup de pied de cheval dans la région épigastrique et fut renversé sur le siége. L'intestin hernié prit un volume bien plus considérable que d'ordinaire, mais P... ne souf frait pas; il ne se coucha que vers huit heures du soir, sans s'occuper de sa hernie qui se réduisait toujours durant le sommeil.

Il fut réveillé à onze heures par des coliques très-vives dont la hernie était le point de départ.

Il fit mander M. le docteur Blutel, son voisin, qui arriva vers minuit et fit des tentatives de réduction. Malgré l'habileté du médecin et un taxis répété souvent jusqu'à six heures du matin, la réduction ne put être obtenue.

Des vomissements étaient survenus, le ventre était météorisé et très-douloureux à la pression. La face prenait une apparence grippée. La hernie, grosse comme le poing, très-enflammée, ne permettait plus de tentatives de taxis.

Mon confrère me fit alors demander pour pratiquer la kélotomie.

Arrivé près du blessé à neuf heures, et trouvant dans sa position, qui avait continué de s'aggraver, toutes raisons de craindre un commencement de péritonite, j'éprouvais une singulière répugnance à entreprendre une opération dont le succès me paraissait fort douteux.

Aussi je me hâtai de proposer à mon honorable confrère d'essayer le procédé recommandé par M. le docteur Seutin et de réduire en agissant non sur l'intestin, mais sur l'anneau.

En refoulant doucement la hernie en bas et en dedans je pus, sans trop de peine, engager le bout de l'indicateur droit, en pronation, sous le bord externe de l'anneau qui céda promptement à une pression plutôt douce et continue que forte et brusque. Bientôt l'orifice de l'anneau devint tellement lâche et fuyant devant la pression de mon doigt, qu'il me parut d'abord suffisant de l'avoir dilaté. J'espérai que quelques essais de taxis arriveraient à faire rentrer l'intestin. Il n'en fut pas ainsi, et nous commencions à désespérer. Mais, me souvenant que le baron Seutin avait recommandé de dilater jusqu'à obtenir la déchirure des fibres de l'anneau, je repris mon œuvre et, après un effort plus soutenu, nous entendimes un bruit de craquement très-prononcé. C'était l'orifice externe qui avait cédé. Un nouvel effort ouvrit, avec le même bruit, l'orifice interne et la hernie rentra d'elle-même comme par enchantement.

Une compression légère fut appliquée sur l'anneau jusqu'au sixième jour. Il ne survint aucun accident. La hernie est très-facilement maintenue par un brayer ordinaire.

II. REVUE ANALYTIQUE ET CRITIQUE.

Médecine et Chirurgie.

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Vous savez, Messieurs, quelles étaient mes premières croyances au sujet de la transmission du chancre en général. Je plaçais dans les réactions individuelles dé pendant des tempéraments, des constitutions et des idiosyncrasies, la raison des modalités différentes de la maladie, la cause de l'infection ou de la non-infection générale. Considérant le chancre comme une graine unique, j'attribuais à des conditions de terrain les différences de ses manifestations.

C'était là, du reste, l'opinion de Hunter. L'expérience nous apprend, disait ce grand maître, que le pus vénérien ne présente pas des espèces diverses, et qu'aucune différence ne peut être produite dans la manifestation de la maladie par une différence de force dans la matière purulente. Le même pus exerce sur divers sujets des actions complétement dissemblables, dont la diversité même dépend de la constitution et de l'état général de l'économie au moment de l'infection (1). »

J'adoptai et je soutins longtemps cette doctrine. Je dois avouer aujourd'hui que le temps et l'observation ont ébranlé sur ce point mes opinions premières. Après avoir trop accordé à la puissance modificatrice du terrain, j'en suis venu à cette conviction qu'il faut également faire à la graine sa part d'influence; en d'autres termes, je serais volontiers disposé à admettre (sans vouloir néanmoins m'engager sur ce point d'une façon absolue) qu'un chancre prend telle ou telle forme, non

(1) Du virus syphilitique, ch. 1, § IV. De l'acrimonie plus ou moins grande du virus.)

(2) Bell l'avait déjà signalé, à propos de la contagion du chancre phagédénique (t. II).

pas seulement à cause de certaines dispositions particulières à l'individu qui le contracte, mais encore en raison de la source à laquelle il a été puisé, en raison, si vous voulez me permettre le mot, du chancre qui lui sert d'ascendant.

Ce rapport entre les accidents présentés par les sujets qui tiennent la contagion l'un de l'autre, je l'avais sans doute remarqué depuis longtemps (2), Dans certain nombre de cas, en effet, où j'avais cu l'occasion d'examiner conjointement les couples contaminés, j'avais toujours constaté une singulière analogie de forme entre les symptômes des malades infectés et de ceux qui leur avaient transmis la contagion. Mais il est si rare, à moins de recherches spéciales, d'avoir à consulter des malades qui se trouvent dans ces conditions, il est si rare surtout d'obtenir une certitude complète sur les circonstances précises et rigoureuses dans lesquelles la contagion s'est produite, que je n'attachai qu'un minime intérêt à mes premières observations. Je ne m'y arrêtai donc point tout d'abord. Mais survint plus tard l'épidémic de syphilisation, qui me montra (résultat bien éloigné sans doute du but et des intentions des syphilisateurs) qui me montra, dis-je, expérimentalement cette relation constante, presque fatale, entre l'accident transmis par la lancette et l'ulcération sur laquelle était recueilli le pus servant à l'inoculation. Les exemples ne furent alors que trop nombreux; en sorte que, dès cette époque, j'émis cette opinion ‹ que les différentes formes de la maladie pourraient bien ne pas tenir seulement aux conditions de l'individu sur lequel la cause agit, mais à des différences de causes et de virus (5). »

L'intérêt doctrinal qui s'attachait à cette question ne manqua pas de provoquer des recherches spéciales sur la contagion et la propagation du chancre dans chacune de ses variétés. M. Bassereau s'engagea l'un des premiers sur cette voie encore inexplorée; et vous savez déjà quels furent

(3) Cette opinion se trouve du reste exprimée en des termes presque identiques dans les Lettres de M. Ricord (lettre XXXIII. Voir notre tome XIV, page 133.)

les résultats de ses laborieuses investigations. Seulement, il eut plutôt en vue d'établir dans son travail l'infection ou l'immunité parallèle des sujets contagionnés l'un par l'autre que de comparer dans leur forme initiale les chancres des sujets contaminés. Aussi tout un côté de la question lui a-t-il échappé. Mais je réserve actuellement ce point difficile et litigieux; j'y reviendrai bientôt à propos des caractères du chancre à base molle des sujets syphilitiques.

M. Clerc admet, comme M. Bassereau, la transmission du chancre infectant dans son espèce; mais je crains qu'il n'ait cité à l'appui de son opinion qu'un nombre d'observations trop restreint pour porter une entière conviction dans l'esprit de ses lecteurs.

L'école de Lyon a mis également cette question à l'étude. MM. Diday, Rodet et Rollet sont enclins à conclure, d'après les résultats de leur expérience personnelle, que chacune des variétés du chancre se transmet isolément dans son espèce.

Jusqu'ici l'accord est parfait. Mais voici qu'à Marseille, l'un de mes anciens élèves, aujourd'hui chirurgien distingué de cette ville, proteste contre cette division de la syphilis en deux espèces nosologiques indépendantes. Champion zélé de l'uuicité du virus, M. Melchior Robert nic cette relation forcée du chancre avec le chancre qui l'a fourni; d'après lui, les deux espèces se croisent fréquemment, et, en somme, les différentes variétés de l'accident primitif doivent être considérées simplement <comme les manifestations d'un même principe dont les effets variés tiennent à des conditions étrangères au virus » et par conséquent à la contagion.

Au milieu de ces dissidences, presque inévitables dans une question aussi complexe et difficile que celle dont nous traitons actuellement, j'ai voulu, de mon côté, recourir de nouveau à l'observation et en appeler de toutes les théories à une analyse rigoureuse des faits cliniques. Dans le courant de cette année, j'ai donc fait entreprendre une série de recherches sur la contagion, recherches dont je vous ai entretenus précédemment et dont vous connaissez déjà les résultats pour la partie relative à la transmission du chancre simple. Il me reste à vous apprendre ce qu'elles nous ont fourni au sujet du chancre infectant.

Il y a, comme vous le savez, deux modes différents pour étudier la propagation des chancres: l'on peut remonter du sujet infecté au sujet infectant, c'est-à-dire réu

nir les couples contaminés, ou bien, ce qui n'est pas moins intéressant ni moins démonstratif, suivre la transmission sur plusieurs sujets ayant puisé l'infection à la même source.

Nous avons pris la question sous ces deux faces, et voici les résultats que nous a fournis cette investigation

Cinquante - neuf observations rassem blées par mon interne actuel, et la plupart contrôlées et confirmées soit par vous et par moi, soit par ceux de nos collègues qui ont bien voulu nous prêter assistance dans ces recherches, nous montrent la similitude des accidents développés de part et d'autre chez les sujets qui reçoivent l'infection et ceux qui la transmettent. Dans tous les cas où nous avons pu remonter à l'origine d'un chancre induré, nous avons toujours rencontré un accident de même nature, au moins lorsque la contagion était transmise par un sujet vierge d'infection antérieure. Dans tous les cas où nous avons suivi la transmission du chancre sur plusieurs malades ayant puisé l'infection à la même source, nous avons toujours constaté le même symptôme sur les différents individus contaminés, c'est-à-dire le chancre infectant suivi chez tous des accidents de la syphilis constitutionnelle. — Jamais cette loi de relation n'a trouvé un seul démenti; pas une exception ne s'est produite; pas un fait contradictoire n'est venu jeter le doute sur cette doctrine nouvelle de la transmission du chancre infectant dans son espèce.

Quelques-unes de ces observations, que vous avez pu suivre dans mon service, sont véritablement de nature à commander la conviction. Je vous les rappellerai suecinctement :

La fille C... contracte un chancre de la vulve en janvier 1856; ce chancre s'indure et s'accompagne d'une adénopathie bi-inguinale, dure, multiple, indolente; surviennent à quelques mois d'intervalle des accidents constitutionnels: adénopathie cervicale; roséole; plaques muqueuses de la vulve, de la langue et des lèvres.

Cette fille, qui vivait avec le nommé D... R..., lui communique un chancre. Ce chancre s'indure également et provoque le développement d'une adénopathie inguinale spécifique. Puis des accidents secondaires éclatent: roséole ; alopécie; éruption croûteuse du cuir chevelu; adenopathie cervicale postérieure; plaques muqueuses labiales, etc...

Presque à la même époque (janvier 1856), la même fille a de nouveaux rap

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