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pas une seule fois le passage de l'iode à l'anode, même au bout d'une heure; tandis qu'il suffisait de changer le courant pour que l'iode commençât immédiatement à se produire sur la lame de platine de l'anode.

Nous répétâmes également l'expérience de M. Becquerel avec enfoncement d'aiguilles, une première fois pendant 25 minutes, une seconde fois pendant une heure et demie et la troisième pendant six heures; ici, la compresse trempée dans la dissolution d'iodure de potassium fut appliquée sur le ventre d'un chien et mise en communication avec la lame de platine du catode (de 12 éléments de Daniell), et l'aiguille de platine, en communication avec l'anode fut enfoncée assez avant dans la cuisse. Dans aucun de ces trois cas, nous n'avons pas une seule fois remarqué la présence de l'iode à l'extrémité de l'aiguille de platine, quotque M. Becquerel dise qu'en pareil cas, on ne tarde pas à reconnaître, avec des réactifs convenables, la présence de l'iode à l'extrémité de la pointe. »

Outre ces expériences avec l'iodure de potassium, nous avons cherché à faire passer aussi d'autres substances à travers le corps; nous avons employé, par exemple, l'acétate de plomb, le chlorure ferrique, le ferro-cyanure de potassium, le sulfo-cyanure de potassium, l'iodure de nicotine, l'acétate de strychnine. Nous avons toujours obtenu des résultats négatifs, sauf dans les cas où la peau ayant été travaillée par le courant galvanique, il se formait à sa surface des gerçures à travers lesquelles les substances vénéneuses (la strychnine et la nicotine, par exemple), s'absorbaient et produisaient les symptômes qui leur sont propres, mais à un plus faible degré. Le chlorure ferrique d'une part, et le ferro-cyanure de potassium de l'autre, étant appliqués en solution sur le dos des chiens et mis en communication avec les électrodes en cuivre, manifestèrent aussi au bout de 30 à 35 minutes un effet particulier : inquiétudes, tremblement des extrémités, dilatation de la pupille, vomissements, etc.; ces symp tômes cessèrent au bout d'une heure ou d'une heure et demie. Sur la charpie mouillée par la dissolution de ferro-cyanure de potassium, sauf la réaction sur Ic sel cuivrique, l'odeur de l'acide prussique était parfaitement sensible, et la peau sous les électrodes était rongée çà et là. Nous fimes avec de l'iodure de nicotine des expériences sur des chiens, et presque toutes avec des résultats identiques de faibles convulsions, de l'inquiétude, des vomissements convulsifs et des selles répétées vers la fin de l'expérience; les animaux étaient rétablis quelques heures après. Dans un seul cas, à l'exception d'une agitation insignifiante pendant l'expérience, on ne put remarquer rien d'extraordinaire; mais en revanche, dans ce même cas, la peau n'était point gercée. Avec l'acétate de strychnine, nous avons fait cinq expériences sur des chiens; en général les symptômes étaient très-faibles: légères convulsions, tremblement des extrémités. Nous n'avons pas expérimenté plus de 30 minutes; après cela, les animaux étaient libérés, et au bout d'une demi-heure ou d'une heure tout au plus, ils étaient entièrement remis. Un de nous (Pelikan) plongea ses deux mains dans les vases de porcelaine, dont l'un mis en communication avec le pôle - de six éléments de Grove était rempli d'une faible solution d'acide

sulfurique, et l'autre en communication avec le pôle + rempli d'une solution concentrée d'acétate de strychnine. Il resta vingt minutes sans sentir aucun effet. Un des élèves de M. Pelikan répéta aussi cette expérience sur lui-même, et, d'après son dire, il ressentit un vertige et comme un obscurcissement de la vue. L'expérience terminée, les symptômes mentionnés cessèrent à l'instant; ils avaient été probablement un effet de l'imagination.

Avec une solution de tartre stibié, nous avons fait cinq expériences sur des chiens et trois sur des hommes (dans un cas, avec 19 éléments de Grove), et dans aucun nous n'avons remarqué l'apparence de vomissements, bien que nous eussions opéré tout à fait comme l'a indiqué M. Klenke, avec cette seule différence que, au lieu de la pile de Volta, nous avons employé les éléments de Daniell et de Grove. Humecter les rondelles intermédiaires qui réunissent les plaques de cuivre et de zinc de la pile de Volta avec un sel quelconque, le tartre stibié ou le sublimé corrosif, par exemple, comme l'ont fait MM. Rossi et Klenke, dans l'espoir d'introduire ces sels dans le corps, c'est à quoi nous ne nous décidâmes point, persuadés qu'il y a aussi certaines expériences, qui valent à peine une réfutation sérieuse. Il nous reste la même chose à dire des expériences de M. Klenke sur le passage du soufre à travers le corps, pour la formation du fer ou da mercure sulfurés et d'autres découvertes aussi remarquables. Maintenant, si nous jetons un coup d'œil sur le court sommaire de nos expériences; sans nier encore complétement l'introduction de différentes substances dans le corps au moyen du courant galvanique, nous devons pourtant en venir à cette conclusion, que sous l'action du courant galvanique, aux distances où nous plaçâmes les électrodes, avec le nombre et la grandeur des éléments galvaniques qui servirent à nos expériences, nous ne vimes pas une seule fois le passage d'un corps quelconque d'un pôle à l'autre, à commencer des dix premières minutes, et à poursuivre même jusqu'à 48 heures, et en conséquence nous nous permettons de douter de l'exactitude des observations de ces expérimentateurs qui remarquèrent la présence de l'iode sur la compresse d'amidon à l'anode, déjà quelques minutes ou même quelques secondes, après que la chaîne fut fermée. Venons-en au côté purement physique de cette question et cherchons les causes du désaccord de nos expériences avec celles des autres observateurs.

La première question, qui se présente involontairement à l'examen des expériences de Davy, est celle-ci est-il prouvé dans ces expériences que le mouvement des parties constituantes du sel aux pôles correspondants se rapporte directement et uniquement à la décomposition galvanique, et n'existet-il pas, au contraire, d'autres causes qui contribuent à ce mouvement? s'il en existe, comment mesure-t-on la quantité et la vitesse de cette translation galvanique? Ces deux questions n'ont pas trouvé de réponse dans la théorie de Davy; et on ne pouvait pas même l'exiger alors que les connaissances hydro-électriques étaient encore dans l'enfance, que la loi d'Ohm, cette pierre angulaire du galvanisme, n'avait point encore paru et qu'on était bien loin encore de celles de Fechner et de Faraday, des recherches de Daniell et de Poggendorff, Becque

rel, de Pouillet, Lenz et d'autres physiciens, sans parler de ce qu'alors des observations galvanométriques étaient également impossibles.

Quant aux expériences de Davy citées plus haut, déjà plusieurs physiciens remarquèrent qu'on ne pouvait pas accepter ici exclusivement la translation galvanique, et L. Gmelin particulièrement (1) s'efforça de prouver par des expériences directes que, dans tous les cas décrits par Davy (voir plus haut), la décomposition des sels au moyen du courant, suit leur diffusion. Seulement l'expérience connue de Faraday avec le sulfate de magnésie parut à Gmelin sous ce rapport une exception.

Pour expliquer ce phénomène, Gmelin ne trouva rien de mieux que de recourir à deux hypothèses nouvelles, en proposant de s'arrêter à la meilleure. Il expérimenta avec 12 couples de la pile de Volta, sans déterminer la quantité des sels décomposés ni leurs parties constituantes et sans mesurer non plus le courant par le galvanomètre; par conséquent, ses expériences n'ont aucun fondement scientifique; voulant toujours tout expliquer par le mélange des fluides (par la diffusion), il tomba dans le même extrême que ces physiciens qui expliquent tous les phénomènes qui se rapportent à notre sujet par la seule translation galvanique des molécules. Ses expériences I et IV avec de l'eau teinte ne prouvent encore rien, non plus que les mêmes expériences de Davy (Voir page 398); car la réaction dans ce cas commence toujours aux électrodes, non parce que le sel s'est mêlé avant la décomposition, mais parce que les teintures sont décomposées par le courant, et donnent une telle réaction même sans être mélangées d'aucun sel. Mais les expériences de Gmelin VI à XVI (dernière) inclusivement, par lesquelles il prétend renverser l'opinion de Davy et d'autres, par rapport à la translation galvanique des parties constituantes de différents sels combinés, prouvent seulement que cette translation ne réussit point à Gmelin avec ses 12 couples de la pile de Volta sous la température 0° à 10° et le courant étant fermé 18 à 24 heures. Elles ne montrent rien de plus, et voilà pourquoi la question est restée obscure sous le rapport théorique comme sous le rapport expérimental.

Il n'y a pas de doute que la diffusion contribue à la translation galvanique; cela est prouvé par nos expériences directes en mettant la solution d'un sel quelconque, du chlorure de sodium, par exemple, dans un vase et de l'eau dans un autre, de telle manière que ces vases soient séparés par un diaphragme en vessie ou par une cloison d'argile, nous avons toujours vu, à l'aide du galvanomètre ordinaire de Nobili, la déviation de l'aiguille s'accroître à mesure que s'augmentait la diffusion constatée par l'analyse; c'est-à-dire la diffusion de la dissolution du sel avec l'eau, en sorte que d'après cela nous pouvons établir comme loi que la décomposition de deux liquides, séparés par un diaphragme ou une cloison quelconque, se trouve dans un rapport direct avec la force de l'endosmose qui s'établit entre ces deux liquides et les diaphragmes ou cloi

(1) Pogg. Annal., t. LXIV, § 28.

sons, en tenant compte sans doute ici des conditions de transmissibilité de chacun des liquides pris séparément (1).

Une autre circonstance favorisant la transmission galvanique ou la retardant, c'est l'affinité chimique entre les liquides décomposés, laquelle se manifeste sous la forme de ce qu'on nomme une double décomposition. Et cela est tellement juste que si l'on prend deux liquides, qui, se trouvant dans un état de faible équilibre, donnent par l'effet d'échange de leurs éléments, les combinaisons les plus fixes, s'ils restent ensuite tous les deux dans la dissolution, et que par conséquent ils se diffusionnent avec elle, dans ce cas, leurs parties constituantes passent plus vite aux électrodes correspondants. Les expériences le prouvent d'une manière qui ne laisse rien à désirer.

Ainsi, quand on prend à la place de l'eau, dans nos précédentes expériences la dissolution d'un autre sel, le sulfate de potasse, par exemple, et le chlorure de sodium, l'acide sulfurique et le chlore se réunissent à l'anode, la potasse et la soude au catode, plus vite que lorsque l'eau et le sel se décomposent. Mais alors même, l'analyse manifeste sous le courant un prompt mélange des deux sels, qui se forment par la double décomposition. C'est ainsi qu'on peut comprendre les expériences de Davy, par lesquelles il cherchait à prouver que l'acide ou l'alcali, à leur passage sous l'action du courant, perdent leur propriété chimique; il y a seulement ici une double décomposition entre l'hydrate d'acide et l'hydrate d'alcali, et dans le vase du milieu le nouveau sel se forme toujours avant que l'acide ou l'alcali qui le composent soient transportés aux électrodes respecti fs.

On peut comprendre aussi pourquoi, dans les expériences de Davy, l'acide sulfurique ne laissa pas passer au catode la baryte et la strontiane et réciproquement; parce que le sulfate de baryte et de strontiane ne sont pas solubles dans l'eau, et par cette raison ne peuvent se mêler avec elle; mais si Davy avait fait attention au rapport de quantité, il aurait pu faire passer l'aeide sulfurique à travers la solution de baryte et réciproquement; il ne fallait pour cela que prendre une solution plus faible dans le vase du milieu et continuer les expériences plus longtemps qu'il ne l'a fait. Il n'est pas difficile non plus de comprendre pourquoi il réussissait à obtenir sans peine la chaux du vase en gypse (Voir plus haut), puisque le gypse se dissout dans l'eau (480 parties) et s'y dissout presque deux fois plus aisément que la chaux qui s'est rassemblée dans le vase en agate au catode. Il nous restait à prouver, par

(4) On a lieu de s'étonner jusqu'où va l'un des partisans de la théorie de Davy, M. de la Rive, même en admettant la possibilité de la transmission sans mélange de différents liquides. En décrivant (Traité d'Électricité, 1856, t. II, p.252) les expériences de Davy avec les teintures, il ajoute: Il est facile même de démontrer que cette coloration de l'eau bleue en rouge par l'acide, en vert par l'alcali, ne provient que de la diffusion de l'acide qui est porté autour du fil positif et de l'alcali qui est porté autour du fil négatif. Il n'y a, pour cela, qu'à se servir, comme je l'ai fait, d'un gros tube partagé en compartiments égaux par deux diaphragmes en vessie, qui laissent passer le courant sans permettre aux liquides de se mêler; ces trois compartiments font r'office des trois capsules ci-dessus. ›

voie d'expérimentation, si le courant participe de son côté à l'augmentation de la diffusion des liquides, et de quelle valeur peut être sa participation. Dans ce but, nous primes deux tubes en verre tout à fait égaux de 1,6 centimètre de diamètre, avec la division en centimètres cubes, et nous les liâmes d'un côté avec de fines vessies de boeuf (fig. 1); ou même nous employâmes un tube à deux coudes, fermé aux deux bouts par des vessies, et nous joignîmes par ce moyen deux vases, dans lesquels plongeaient des électrodes en platine (fig. 2),

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ou, comme dans le premier cas, deux tubes de verre avec un fond en terre glaise ajusté. Ils étaient remplis l'un d'eau pure, l'autre d'une solution de chlorure de sodium; le niveau dans tous deux était le même; les tubes étaient plongés dans le vase rempli d'eau et fortement ajustés à une planche de cuivre, à laquelle étaient vissés les fils conducteurs de la pile galvanique et à ceux-ci les électrodes en platine; enfin, au milieu était fixé un petit thermomètre. Puis, ayant versé dans le tube A B (fig. 1) une dissolution de chlorure de sodium, 1 gramme dans 10 grammes d'eau distillée, et dans le vase CD, ainsi que dans l'extérieur, de l'eau au même niveau, nous laissâmes l'appareil pendant 12 heures, et au bout de ce temps nous examinâmes. Alors le liquide dans A B s'était élevé d'ordinaire de quelques centimètres cubes, mais dans CD le niveau était le même que celui du vase extérieur. L'analyse montrait ordinairement dans le vase CD un mélange de chlorure de sodium à peine sensible, de manière que le nitrate d'argent ne troublait que bien légèrement le mélange. Mais quand nous placions ce même appareil sous l'influence galvanique, en observant toutes les mêmes conditions; alors, dans le vase CD, au bout des mêmes 12 heures, il y avait une réaction sensible d'acide ou d'alcali, suivant la direction du courant; en neutralisant cette réaction au moyen de quelques gouttes d'acide

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