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Ces nombreuses formules ont peu servi à la fortune du guarana, puisque voici plus de quinze années qu'elles ont été publiées, sans avoir pu fixer sur cet excellent médicament l'attention des médecins français. M. Gavrelle est, à notre connaissance, le seul médecin qui ait cherché à fixer l'attention sur ce médicament, et qui ait insisté sur l'utilité de son emploi dans la chlorose, les convalescences prolongées, les paralysies dites essentielles, le dévoicment des phthisiques, la migraine, etc. Une seule préparation, la poudre, nous a suffi pour nos essais; nous l'avons administrée le plus souvent dans de l'eau sucréc, ainsi qu'on le pratique au Brésil, d'autres fois dans du lait ou du chocolat, ou bien encore dans du vin sucré, lorsque nous voulions ajouter encore aux propriétés éminemment toniques du guarana.

Comme notre confrère, M. Hervé, nous avons eu de nombreuses occasions de constater ses bons effets dans les diarrhées aiguës ou chroniques. Dans ces derniers cas l'affection durait depuis un an, quinze mois, deux ans, et avait résisté au sousnitrate de bismuth, administré à haute dose, soit seul, soit associé à l'opium. Mais c'est principalement sur l'action rapide du guarana dans la diarrhée aiguë, surtout celle qui se manifeste chez les hommes qui se livrent aux travaux des champs, à l'époque des premières chaleurs, que j'appellerai l'attention de nos confrères. Je viens d'en être récemment encore témoin pendant un court séjour en Picardie.

Vers le mois de mai, de nombreux ouvriers arrivent de la Belgique pour se livrer au sarclage de la betterave; or, sous l'influence de la haute température que nous avons subie un instant, tous ces hommes ont été pris de diarrhée accompagnée d'un mouvement fébrile intense. Tandis que les fermes voisines étaient forcées de laisser partir leurs ouvriers, celle dans laquelle je me trouvais a pu, grâce au guarana, conserver les siens. En moins de trois jours ces quinze hommes ont été guéris de leur diarrhée; chez aucun d'eux je n'ai élevé la dose au delà de 4 grammes, et à un tiers d'entre eux j'ai donné seulement 2 grammes, la moitié le matin, le reste le soir. Je crois que la plus grande division de la poudre que j'employais était la cause de cette action plus énergique du médicament. Les Brésiliens råpent leur magdaléon de guarana à l'aide d'un os rugueux; la poudre ainsi obtenue est beaucoup plus grossière, sa saveur est moins amère et son action moins prompte.

Ainsi se trouvent vérifiées quelques-unes des propriétés reconnues au guarana : à elles seules elles doivent suffire pour provoquer de nouveaux essais.

Le guarana existe aujourd'hui en grande quantité dans le commerce de la drogueric; son prix est peu élevé (de 10 à 20 centimes le gramme), et baissera encore lorsqu'il sera entré dans la pratique courante. (Bulletin général de thérapeutique.)

DES ALCOOLATURES ET DES TEINTURES PROPREMENT DITES; par M. MAILHO, pharmacien à Bordeaux; conférence luc à la Société de Médecine. La Société de Médecine, dans le but d'éclairer un point de thérapeutique médicale, a proposé, pour sujet de conférence, de rechercher les différences qui existent entre les alcoolatures et les teintures proprement dites employées en médecine. Vous avez bien voulu me charger de répondre à cette ques tion, et c'est ce que je viens essayer devant vous.

Les préparations désignées sous le nom de teintures ont été le sujet de bien des travaux; mais ces travaux, parmi lesquels je citerai ceux de Massonfour, de Coldefey, de Cadet et Deslaurier, destinés à étudier la question au point de vue pharmaceu tique, ont eu pour but principal de déterminer le degré de l'alcool, ainsi que la proportion à employer pour épuiser les substances, et n'ont jamais porté que sur les teintures préparées avec les plantes sèches. Depuis, on a conseillé de substituer à ces dernières les plantes vertes; quelques auteurs ont donné même la préférence au suc des plantes, et, tout en reconnaissant les différences qui doivent exister, dans la pratique médicale, entre les produits obtenus par ces divers modes de préparation, aucun de ces travaux n'a établi ces différences sur des données positives.

Les teintures alcooliques sont des dissolutions de différentes matières dans l'alcool, employées pour l'usage médical. Dans ces préparations, l'alcool est destiné à tenir en dissolution les principes médi camenteux de chaque substance, et à les préserver de toute altération. Ce sont donc des médicaments dans lesquels les médecins doivent trouver en tout temps les matières actives, sinon dans le même état où elles se trouvent dans les végétaux, du moins dans celui qui s'en rapproche le plus, et qui, par leur composition constante et leur administration facile, peuvent rendre d'importants services à la mé

decine. Cette dénomination de teinture, vicieuse au fond, puisqu'elle semble entrainer après elle une idée de coloration qui n'existe pas toujours, laisse évidemment à désirer; mais c'est la scule que nous trouvions au Codex pour tous les produits obtenus par une digestion plus ou moins longue dans l'alcool de diverses matières, le plus ordinairement de nature végétale ou animale. Les auteurs ont cependant le soin de faire observer que si, dans la préparation de ces teintures, on substitue la plante verte à la plante sèche, on obtient des médicaments essentiellement différents des premiers, que l'on ne doit délivrer que sur une prescription spéciale; mais aucune dénomination ne leur est donné qui rappelle leur origine.

La Pharmacopée raisonnée de MM. Henry et Guibourt supprime complétement le mot de teinture, et le remplace par celui d'alcoolés.

M. Soubeiran, dans son Traité de Pharmacie théorique et pratique, donne le nom général d'alcoolés à toutes les solutions par l'alcool; mais il conserve le nom de teinture, en même temps qu'il adopte celui d'alcoolature donné par M. Béral à des dissolutions alcooliques préparées dans des conditions particulières. Cette classification est évidemment la meilleure; elle laisse aux vicilles préparations le nom de teinture sous lequel vient se ranger la plus grande partie des médicaments de ce genre, et le mot d'alcoolature entraîne après lui l'idée du modus faciendi propre à les obtenir.

Les teintures sont donc des dissolutions de diverses matières dans l'alcool, et se préparent toujours avec des plantes sèches. Les alcoolatures sont aussi des dissolutions de différentes matières dans l'alcool, mais se préparent avec des plantes

vertes.

Le degré de l'alcool influe d'une manière sensible sur la valeur thérapeutique des teintures. Cette action est moins marquée sur celle des alcoolatures. On sait, en effet, que l'alcool coagule et rend insolubles divers principes immédiats des végétaux: l'albumine, la gomme, certains sels contenus dans les plantes, etc., tandis que cette action est bien moins appréciable sur des plantes fraîches ou sur des sucs de plantes dont l'eau de végétation diminue toujours le degré de l'alcool et le rend moins apte à séparer des corps qu'il coagule et qu'il précipite de leur solution lorsqu'il est plus concentré. C'est à cette propriété d'élimination de certains principes et à l'action dissolvante qu'il exerce

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sur d'autres, que les solutions alcooliques ont généralement plus d'efficacité que les solutions aqueuses, et qu'il y a une si grande différence entre les extraits obtenus par l'alcool et ceux que l'on obtient par l'eau.

Si les teintures sont des médicaments dans lesquels les médecins doivent trouver les matières actives dans un état de conservation presque aussi parfait que dans la plante même, elles ont également pour but de leur offrir des solutions faites dans des proportions connues, qui permettent de se rendre compte du rapport qui existe entre la quantité de teinture prescrite et celle de la substance qui a servi à les préparer. Mais les principes actifs, qui doivent constituer la valeur de ces dissolutions, sont de nature différente suivant chaque substance : les uns sont plus solubles dans l'alcool concentré, d'autres dans l'alcool faible; de là le besoin d'employer de l'alcool à des degrés différents, déterminés, d'ailleurs, par la nature des principes médicamenteux de la substance sur laquelle on opère, et cette détermination a été faite d'une manière à peu près théorique. Quand l'analyse a fait connaître que la partie active d'une substance était soluble dans l'alcool concentré, on a prescrit cet alcool pour la préparation de la teinture: dans le cas contraire, c'est l'alcool faible qui a été préféré. Pour les substances dont l'analyse n'a pas déterminé la nature, le choix de l'alcool a été indiqué par analogie. Le Codex n'indique que trois degrés pour l'alcool destiné aux teintures médicinales; ce sont : 56o, 80o, 86o centésimaux, correspondant aux 22o, 52°, 56° de l'aréomètre de Baumé.

Le choix du degré de l'alcool étant établi, il reste à en prescrire la quantité nécessaire pour enlever à la substance qu'on veut lui soumettre, les principes actifs. Le Codex a fixé, à quelques exceptions près, le rapport de quatre parties d'alcool pour une des matières employées.

Ces trois degrés d'alcool et la proportion de 1 à 4 sont-ils suffisants pour épuiser la plupart des substances qui servent à la préparation des teintures? Des doutes se sont élevés à cet égard, et, dans le but d'éclairer ces deux questions, la Société de Pharmacie de Paris les mit au concours, il y a quelques années. L'auteur du mémoire couronné, M. Personne, a établi, par des expériences nombreuses et faites avec soin, que les trois degrés d'alcool indiqués par le Codex ne suffisent pas toujours, et que le rapport de 1 à 4 doit être modifié. Il a traité chaque substance par des quantités

différentes d'alcool à divers degrés, et la proportion et la valeur médicale des extraits obtenus par ces traitements l'ont amené à conclure que les degrés de l'alcool prescrits par le Codex ne sont pas toujours les plus convenables pour dissoudre les principes contenus dans les substances employées à la préparation des teintures, et que la proportion de 4 à 1 n'est presque jamais suffisante pour les épuiser. Les degrés alcoométriques qui doivent être préférés sont, d'après lui, 45o, 56o, 80o, et la quantité d'alcool nécessaire pour épuiser complétement une substance doit être de 5 pour 1.

Ainsi, la teinture d'aconit, préparée d'après le Codex, c'est-à-dire 1 p. de plante par 4 d'alcool à 56o, a donné un quart d'extrait de moins que celle qui a été fournie par 1 p. de plante sur 5 d'alcool à 45°. M. Personne attribue ce fait autant à la solubilité dans l'eau des sels d'aconitine qu'à la présence de la gomme et de la matière mucilagineuse, qui peuvent être dissoutes par l'alcool à 45o.

M. Soubeiran conseille d'adopter les conclusions de M. Personne; mais, tant que ces modifications ne sont pas inscrites au Codex, devons-nous préparer, d'après ces données, des teintures que nous reconnaissons différentes par leur composition de celle que prescrit le formulaire légal, dont le besoin d'une révision, si souvent demandée, se fait de plus en plus sentir?

Les alcoolatures, qui, comme nous l'avons déjà dit, sont des dissolutions de différents principes dans l'alcool obtenus avec des plantes fraîches, peuvent se préparer de deux manières. Dans la première, on extrait le suc des plantes, et on le mêle à l'alcool concentré; dans la seconde, on fait agir l'alcool sur la plante elle-même fortement contusée : là, se borne ce que nous savons de ce genre de médicaments que le Codex indique à peine.

Les quelques essais que j'ai tentés et que je viens vous soumettre me semblent jeter un peu de jour sur cette question, et permettront peut-être de fixer les pharmaciens sur le mode le plus convenable de préparer les alcoolatures, en même temps qu'elles feront connaître aux médecins la valeur réelle de médicaments dont les praticiens obtiennent chaque jour d'heureux effets.

Pour que les résultats sur lesquels j'appelle votre attention soient dignes de confiance, j'ai fait cueillir, le même jour, une quantité de chaque plante suffisante pour qu'elle pût être divisée en trois portions égales. Celles dont je me suis servi sont

l'aconit, la ciguë et la belladone, et, avee chacune d'elles, j'ai préparé des alcoolatures selon les deux modes indiqués, et une teinture conforme aux prescriptions du Codex. Ainsi : 1° 100 grammes de cigue, d'aconit et de belladone ont été pilés et exprimés séparément; le sue ainsi obtenu a été mêlé à son poids d'alcool concentré; 2o le résidu de l'expression a été délayé dans son poids d'alcool à 86"; 3100 grammes ciguë, belladone et aconit ont été, séparément, fortement contusés dans uu mortier en marbre, et mêlés à 100 grammes d'alcool à 86o; 4o 100 grammes de chacune des mêmes plantes desséchées avec soin dans une étuve chauffée d'abord à 20°, puis de 30° à 40°, ont été réduits en poudre grossière, et mis séparément en macération dans quatre fois leur poids d'alcool à 56°.

Après quinze jours de macération, cha cun de ces produits a été soumis à l'expression, à l'aide d'une forte presse en fer. Les liquides recueillis ont été filtrés, puis conservés dans des flacons portant des étiquettes qui indiquaient leur provenance. Les caractères physiques étant à peu près les mêmes, j'ai cru que le meilleur moyen d'essayer la valeur thérapeutique de chacune de ces préparations était d'obtenir des extraits qui, réunissant sous un très-petit poids toute l'action d'un certain volume de teinture ou d'alcoolature, rendraient plus facile et plus marquée la comparaison de leur mode d'agir sur les animaux. A cet effet, des quantités égales de chaque liqueur ont été placées dans des vases de porcelaine présentant une large surface, et soumises à l'évaporation au bain-marie.

Voici, pour chaque plante, les quantités d'extraits que j'ai obtenues, et j'appelle votre attention sur la différence de poids de chacun d'eux, suivant le modus operandi mis en pratique pour obtenir la solution qui les a fournis :

Aconit.-La liqueur provenant du suc de la plante
et de l'alcool a donné :
3 gr. 00 d'exi. sce.
La liqueur provenant du ré-
sidu et alcool.

La liqueur provenant de la
plante entière fraîche.
La liqueur provenant de la
plante sèche.
Cigue. La liqueur du suc et
de l'alcool.'

La liqueur du résidu et l'al

cool

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1

23

4

50

2

50

2 gr. 80 d'ext. see.

80 0

4

00

00

2

2 gr. 20 d'ext. sec.

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Ces chiffres établissent, il me semble, d'une manière positive que, dans la préparation des alcoolatures, l'action de l'alcool sur la plante fraîche contusée est le procédé qui donne le meilleur résultat au point de vue de la quantité de la matière extractive. Ils démontrent aussi que, dans les alcoolatures dont le modus faciendi consiste à extraire le suc des plantes et à le mêler à l'alcool, le résidu de l'expression retient une quantité de matière extractive qui peut être évaluée au tiers de celle que renferme la plante entière. Enfin, ils font également ressortir la différenc sensible à établir entre les alcoolatures et les teintures. Ces dernières, en effet, donnent à peine la moitié de l'extrait qu'on retrouve dans les premiers.

En rendant compte des opérations auxquelles j'ai soumis chaque plante, on a pu observer que, dans la préparation des alcoolatures, la plante contusée ou suc a été mêlée à son poids d'alcool à 86°, tandis que, pour les teintures, la plante sèche a été traitée par quatre fois son poids d'alcool à 56o, et l'on cherchera peut-être dans ces faits la cause de la différence des résultats obtenus; mais si l'on tient compte de l'eau de végétation contenue dans les plantes vertes, si on se rappelle qu'en moyenne, le rapport de la plante sèche est à la plante verte comme 2: 9, on reconnaitra que, dans l'un et dans l'autre cas, des quantités égales de la substance proprement dite ont été mises en contact avec de l'alcool à peu près au même degré. Ainsi, Messieurs, lorsque, dans la préparation des alcoolatures, j'ai fait macérer 400 grammes d'aconit, 100 grammes de ciguë ou 100 grammes de belladone dans 100 grammes d'alcool à 86°, la plante contenant les 4/5 de son poids d'eau de végétation, ce n'est, en réalité, que sur 20 grammes de chacune d'elles que j'ai agi, et les 4/5 d'eau qui se sont ajoutés à l'alcool, en diminuant son degré alcoométrique, l'ont ramené à 58°. Alors, les 20 grammes de plante se sont trouvés en présence de 180 grammes d'alcool à 58°, tandis que dans la préparation des teintures, la même quantité de plante sèche a été traitée par quatre fois son poids, soit 80 grammes d'alcool à 50o. Or, il est un fait singulier, mais souvent vérifié, c'est que la quantité d'alcool nécessaire pour épuiser une substance étant donnée, toutes

les fois que la proportion d'alcool dépasse celle qui a été fixée par l'expérience, l'extrait qu'on en obtient diminue de poids. Je devais donc m'attendre, d'après cela, à ce que la quantité d'extrait qui me serait fournie par l'action de 180 grammes d'alcool sur 20 grammes de plante serait moindre que celle qui proviendrait du traitement de la même plante par 80 grammes seulement d'alcool à 56°, Et si j'ai obtenu le contraire dans les résultats que je vous signale, cela tient évidemment à la valeur du mode de préparation. Il n'est douteux pour personne, en effet, que, pendant la dessiccation, les substances éprouvent dans leur constitution des changements importants sur lesquels nos connaissances n'ont rien de bien précis. J'avais cru, tout d'abord, que la solubilité de la chlorophylle dans l'alcool à 86o pouvait donner raison d'une plus grande quantité d'extrait par l'évaporation de l'alcoolature, mais ce dernier est moins coloré que la teinture, et les moyens propres à séparer la chlorophylle m'ont donné la certitude qu'elle était étrangère au poids de l'extrait obtenu; il est pour moi bien constant qu'une alcoolature préparée avec un poids déterminé d'une plante fraîche, contient une plus grande quantité de matière extractive que la teinture faite avec le même poids de cette plante, mais qui a été desséchée avant d'être soumise à l'alcool.

Il n'y a donc pas de doute à établir, dès à présent, sur le choix à faire entre ces deux modes de préparation, car, si le traitement de la plante fraiche par l'alcool à 86° donne une alcoolature dont le poids est double de celui de la teinture obtenue par la plante sèche et l'alcool à 56o, l'évaporation de cette dernière donne une quantité d'extrait qui est à peine la moitié de celle que produit la plante fraîche; et, à volume égal, l'alcoolature est plus riche que la teinture. D'un autre côté, comme il est difficile de trouver dans le commerce des plantes sèches identiques, que les effets des produits obtenus par elles peuvent être bien différents selon la manière dont elles ont été récoltées et séchées, il y aura encore avantage, sous ce rapport, à se servir de la plante fraiche qui n'aura subi aucune modification, et dont les effets seront plus réguliers.

Il restait à savoir l'action des unes et des autres sur l'économie animale; et, à ce sujet, je me suis livré à quelques expériences sur des lapins, avec le bienveillant concours du docteur Ch. Dubreuilh. Pour cela, j'ai fait dissoudre des poids égaux des divers extraits que je vous ai signalés,

dans une égale quantité d'eau distillée; une dose égale de chacune de ces solutions a été administrée à des lapins de même taille, et j'ai jugé de la puissance de chacune d'elles par le développement plus ou moins prompt des symptômes morbides qui ont accompagné leur ingestion. Permettez-moi, Messieurs, de mettre sous vos yeux les effets produits sur les animaux par les extraits préparés selon des modes différents, et de noter les symptômes propres à chacun d'eux.

fre exp. 20 centigrammes extrait d'aconit obtenu par l'action de l'alcool sur la plante verte contusée, ont été dissous dans quatre grammes d'eau distillée, et, à l'aide d'un entonnoir, on a fait boire cette solution à un jeune lapin. Deux minutes après, le patient pousse de petits cris, il essaie de marcher; mais le train de derrière ne peut le suivre, il est paralysé; la respiration, lente, se fait par soubresauts, les pupilles sont très-dilatées; il meurt dans quatre minutes, au milieu de convulsions violentes qui empêchent d'apprécier les mouvements du cœur.

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2° exp.20 centigrammes extrait d'aconit provenant du suc de la plante par l'alcool sont donnés à un lapin dans les mêmes conditions que le précédent. La victime passe par toutes les tortures qu'a subies son devancier, et va le rejoindre après six minutes d'agonie.

5e exp. 20 centigrammes extrait d'aconit obtenu par l'alcool à 56° et la plante séche, dissous dans quatre grammes d'eau distillée, sont bus comme dans les deux expériences qui précèdent. Quatre minutes après l'ingestion, l'animal est pris d'un éternuement incessant; ses efforts pour la marche sont couronnés d'un premier succès; mais des convulsions générales plus particulièrement tétaniques s'emparent de lui, et ne l'abandonnent qu'avec la vie dix minutes après le début de ses souffrances. 4c cxp. Nous avons fait avaler à un lapin 20 centigrammes extrait obtenu par l'action de l'alcool sur le résidu de l'expression de la plante verte. Les petits cris qu'il fait entendre sont suivis d'une respiration excessivement lente. Le côté droit sculement est paralysé, et, à l'aide d'efforts violents sur le côté gauche, il parvient à faire quelques pas; les battements du cœur sont précipités, les pupilles trèscontractées. L'animal ne meurt pas; et, après quelques heures, la respiration devient haletante, la tête est renversée en arrière, il est aveugle; abandonné à luimême, il recouvre lentement ses facultés, revient vers la nourriture, et, au bout de

quelques jours, il ne se souvient plus du danger qu'il a couru. On lui donne alors 10 centigrammes seulement de l'extrait qui a servi à la première expérience, il est foudroyé dans quatre minutes.

Ces faits m'ont paru dignes de remarque, et méritent de fixer votre attention sur la différence notable qui existe entre les extraits obtenus par l'alcool et ceux que l'on obtient par l'eau, puisque 20 centigrammes d'extrait alcoolique d'aconit détermine la mort chez un lapin en quelques minutes, et que les essais faits par Örfila lui ont permis de donner 16 grammes d'extrait aqueux de cette même plante à un jeune chien qui a vécu six jours. De semblables résultats autorisent peut-être des réflexions pénibles, et on se demande si l'extrait dont s'est servi l'habile toxicologiste, et qu'il n'avait pas préparé luimême, était bien de l'extrait d'aconit; car, si l'aconitine est plus soluble dans l'alcool que dans l'eau, ce n'est point dans cet état de pureté qu'elle existe dans la plante, où on la rencontre le plus souvent en combinaisons solubles dans l'eau.

Des expériences analogues à celles que je viens de décrire sur l'aconit ont été répétées avec chacun des divers extraits de ciguë et de belladone; et si la mort n'a pas été de beaucoup aussi prompte qu'avec l'aconit, s'il fallu en élever les doses, toujours les effets obtenus par l'extrait de la plante fraiche ont été plus marqués que ceux de la plante sèche.

Bien que ces données fixent mon opinion sur la valeur des médicaments qui nous occupent, et qu'elles établissent d'une manière incontestable la supériorité des alcoolatures sur les teintures, autant par la quantité de matière extractive que par la valeur thérapeutique des extraits que fournissent les uns et les autres, j'ai voulu m'assurer que les liqueurs elles-mêmes produiraient des effets analogues aux extraits qu'on en avait retirés, et pour cela j'ai administré simultanément à deux lapins: à l'un, 2 grammes d'alcoolature d'aconit; à l'autre, 2 grammes de teinture de la même plante; et, pour que l'on ne pût pas attribuer à l'alcool lui-même les symptômes qui se développeraient, j'ai mélangé chaque dose à quatre fois son poids d'eau. Celui qui a bu l'alcoolature a été immédiatement frappé d'immobilité et de la plus profonde tristesse; les pupilles sont trèsdilatées, la respiration haletante; lorsqu'on le soulève, il ne fait aucun mouvement; une écume assez abondante s'écoule de sa bouche. L'autre, au contraire, qui avait bu la teinture, bien que

très

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