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chose étonnante, car il me paraît impossible qu'un observateur attentif puisse, à cet égard, être exclusif. A en croire Desault, Boyer et presque toute l'école moderne, dit M. Malgaigne, les mains des aides suffisent toujours. Cependant, nous ferons remarquer que Boyer avait fait confectionner un appareil pour suppléer à l'insuffisance des mains. Celse, Paul d'Égine, les Arabes et les arabistes, et, plus tard, Duverney et la majeure partie de l'Académie royale de chirurgie avaient recours aux lacs dans les cas difficiles.

Enfin, Hippocrate, dans l'antiquité; A. Paré, Fabrice d'Aquapendente, Fabrice de Hilden, Wiseman, J.-L. Petit, etc., dans l'âge moderne; et Monteggia, à une époque plus rapprochée de nous, recommandent successivement, selon le besoin, les mains, les lacs et les machines (1).

De nos jours, l'emploi des machines comme moyen de réduction est abandonné par un grand nombre de chirurgiens, lesquels donnent une préférence exclusive aux mains des aides. Mais les mains suffisent-elles toujours?

Si l'extension pratiquée par des aides est suffisante, dit Hippocrate, il faut s'y tenir, car il est absurde d'appliquer des machines là où il n'en est pas besoin; mais si les mains ou les lacs ne suffisent pas, il faut bien recourir à des moyens plus puissants. >

« Il n'est rien de plus sage, à notre avis, dit M. Malgaigne, en présence des faits qui se reproduisent tous les jours, où des muscles nombreux et irrités réclament de puissants efforts, et nous ne comprenons pas comment la doctrine de Desault et de Boyer a pu obtenir un assentiment si général, malgré la pratique de tous les siècles qui lui était contraire et, surtout, malgré ses revers de chaque jour. Il n'y a peut-être pas une seule fracture du fémur que l'on puisse réduire avec les mains des aides, etc..., et presque toutes les fractures obliques sont dans ce cas (2).

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Le plus grand inconvénient de l'emploi des aides c'est que la réduction doit se faire en peu de temps, et c'est le plus souvent ce qui est impossible; aussi, à notre avis, les machines l'emportent-elles sur les aides dans les cas que nous venons d'énumérer.

Nous croyons même que c'est le seul moyen d'obtenir l'élongation voulue. Les machines, dit M. Malgaigne (3), sont dociles et obéissantes; elle n'agissent que par degrés et qu'au degré qu'on veut; elles n'ont ni les caprices des muscles de l'homme, ni les brusqueries des aides; elles l'emporteraient donc à tous égards, sans la difficulté de les avoir sous la main, et surtout aussi les difficultés de leur emploi. »

La difficulté de les avoir sous la main ne peut, dans aucun cas, constituer un argument contre l'emploi des machines. Du moment qu'il est constaté qu'avec les machines on obtient une réduction plus exacte qu'au moyen de tout autre appareil, aucune raison ne peut en empêcher l'usage. D'abord, pour les hôpi

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taux, la difficulté de M. Malgaigne n'existe pas; pour la pratique civile, on a tout le temps de se les procurer, puisque nous admettons qu'en général il convient d'attendre six, huit ou dix jours avant d'en faire usage. Quel serait l'homme qui, étant menacé d'avoir un membre raccourci, se refuserait à faire la dépense d'une machine qui lui promettrait une guérison plus avantageuse?

L'attelle de Boyer, le moufle d'A. Paré sont abandonnés à cause de leur imperfection.

On comprend, d'ailleurs, que les procédés de réduction varient autant que les déplacements mêmes. Quand il n'y a qu'un déplacement angulaire, il suffit de ramener le fragment supérieur à une direction convenable; la position seule effectue la réduction. Il en est quelquefois de même du déplacement par rotation, lorsque les surfaces fracturées sont planes et glissent facilement l'une sur l'autre. Le déplacement en travers, au contraire, oblige généralement à recourir à la coaptation. Les fractures dentelées exigent d'abord qu'on écarte les deux fragments pour détruire leur engrenage réciproque; il faut tirer alors chacun des fragments en sens contraire. Ces extensions sont bien plus nécessaires encore lorsque les fragments chevauchent par pénétration ou autrement; au contraire, lorsqu'ils tendent à s'écarter, il faut, outre la position favorable à la réduction, les pousser directement l'un vers l'autre. (Voir Malgaigne.)

L'espèce de déplacement doit donc être prise en sérieuse considération. Le déplacement suivant la longueur ou chevauchement, qui fait supposer presque toujours que l'on aura à vaincre l'action de muscles puissants et, par conséquent, que l'on sera dans la nécessité d'employer des forces considérables, est celui qui présente les plus grandes difficultés d'extension, c'est même le seul qui doive sérieusement nous occuper dans ce chapitre. C'est dans cette espèce de raccourcissement que, après avoir obtenu selon toute apparence une bonne et complète réduction, on voit souvent le chevauchement réparaître aussitôt qu'on relâche l'extension, de sorte que l'on a fait des efforts en pure perte. Cela vient de ce que la fracture est trop oblique et qu'ainsi rien n'empêche les fragments de glisser l'un sur l'autre; ou bien encore on a affaire à une fracture multiple, et les esquilles ou les fragments intermédiaires n'offrent pas de soutien suffisant aux fragments des extrémités de l'os.

L'unique ressource est alors l'extension permanente, et il ne faut reprendre les tentatives de réduction que quand cette extension permanente pourra être appliquée sans inconvénient. (Voir Malgaigne.)

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IX. Ainsi, il est admis par les chirurgiens de tous les temps que, dans les fractures obliques, le raccourcissement dépend, non pas uniquement mais en grande partie, de l'action musculaire, et que c'est la seule cause contre laquelle on a à lutter pour rendre au membre sa longueur normale. Il devient donc indispensable, dans ces cas, de recourir à un appareil actif. Mais, comme nous l'avons déjà dit, il est imprudent et dangereux de tenter la réduction immédiate de ces sortes de fractures. Vouloir réduire instantanément, c'est s'exposer à des

accidents de toutes espèces à la déchirure des muscles, des vaisseaux, des nerfs et, tout au moins, à l'exaltation, sans profit, de l'irritation de la partie. L'extension doit donc être faite d'une manière permanente, graduée et sans secousses, sans violence, afin de laisser aux muscles rétractés le temps de s'allonger.

Il est difficile sans doute de déterminer, d'une manière précise, le degré auquel on peut porter l'effort d'extension. Il faut tenir compte de la résistance des muscles et du degré de sensibilité du blessé. Dans aucun cas cette opération ne doit être douloureuse. Mieux vaut mettre un ou deux jours de plus pour arriver au résultat désiré que de causer inutilement de la douleur au malade. On pourrait peut-être, avec de grands efforts, surmonter en peu de temps la résistance que les muscles opposent, mais l'expérience a prouvé que cette pratique est dangereuse.

Une précaution aussi d'une certaine importance et qu'il n'est pas permis de négliger puisqu'elle sert à éluder une partie de l'obstacle que présente l'action musculaire contre laquelle nous devons lutter, c'est de mettre les muscles qui agissent sur les fragments dans le relâchement le plus complet possible. A cet effet, la demi-flexion du membre est la meilleure attitude qu'on puisse lui donner.

Les plus grands chirurgiens ont reconnu cette vérité: Hippocrate, Galien, Fabrice d'Aquapendente, J.-L. Petit, etc. « En la situation, dit Fabrice, comme > aussi en l'extension et bandage, il faut avoir égard à la plus commode figuration du membre; or, de cette sorte est la figure moyenne, en laquelle nous › avons accoutumé de tenir nos membres quand nous demeurons sans rien › faire, comme la figure angulaire au coude, la droite au corps, etc.; à savoir > cette figure qui tient le milieu entre les mouvements extrêmes de chaque › membre. » J.-L. Petit avait aussi senti l'avantage du relâchement des muscles pour faciliter la réduction et la contention des fractures; mais c'est Pott surtout qui féconda cette idée et en fit une application générale au traitement des fractures avec raccourcissement.

La pratique de Pott, dit Malgaigne, est fondée à la fois sur la théorie et sur la pratique. Il commence par établir que des muscles seuls vient toute la difficulté de la réduction, et que la résistance des muscles dépend de la position du membre qui les met dans un état de tension. La conséquence naturelle est qu'il faut tirer le membre de manière que les muscles soient relâchés et opposent moins de résistance possible; et cette position est la demi-flexion.

Du reste, ajoute Pott, tout ce que je dis est appuyé sur une longue expé>rience qui m'est propre et sur celle de plusieurs chirurgiens, expérience qui » a été réitérée sur un si grand nombre de malades et avec tant de succès, que je ne crains pas d'avancer que ceux qui voudront suivre notre méthode seront > tout aussi heureux que nous l'avons été. La méthode de Pott, en effet, ne tarda pas à être généralement adoptée en Angleterre ; mais, en France, Desault eut assez d'autorité pour la faire rejeter absolument; cependant, il n'aurait

essayé la demi-flexion que sur deux malades. Enfin, Dupuytren a victorieusement répondu aux antagonistes de la demi-flexion et a donné à cette méthode la consécration de son autorité et de son immense pratique. Il la mettait, dit Sanson, presque toujours en usage et l'avait même généralement substituée à l'extension permanente.

Il est incontestable que toutes les difficultés de la réduction, dans la grande généralité des cas, proviennent de la résistance des muscles qui s'attachent aux fragments; mais je ne puis plus donner une adhésion exclusive à la théorie de Polt, quand il avance que cette résistance dépend de la position du membre et qu'il suffit de le mettre dans la demi-flexion pour faire cesser les obstacles. D'abord la résistance des muscles, leur contraction ou rétraction reconnaissent d'autres causes que la position du membre; et puis on ne met pas les muscles dans le relâchement complet en plaçant le membre en demi-flexion, car en relâchant les fléchisseurs, on étend proportionnellement les extenseurs. De sorte que, dans cette position, les muscles placés dans le premier sens ne sont pas complétement relâchés, ni les autres complétement tendus, et, comme les muscles placés dans le sens de la demi-flexion du membre sont en général plus forts que ceux qui sont placés dans le sens de l'extension, il en résulte qu'il y a plus d'avantages à les mettre dans le relâchement. Il n'est pas moins vrai que Polt avait été au delà des limites de la réalité, en avançant qu'il suffit de fléchir à demi le membre pour faire cesser tout obstacle à la réduction; d'où la conséquence pratique que l'extension graduelle doit être combinée avec la position demi-fléchie.

Peut-on, à l'exemple du chirurgien anglais, assigner un degré de flexion applicable à tous les cas de fractures? Nous ne le croyons pas. Pott plaçait le membre presque invariablement en demi-flexion.

L'expérience m'a appris, dit M. Malgaigne, que le degré de flexion ne doit pas être le même chez tous les sujets ni pour toutes les variétés de fractures.

Partant de notre principe général, nous dirons qu'il faut placer le membre dans la position la plus favorable à la réduction, quel que soit le degré de flexion.

X. La contre-extension est souvent fort difficile à opérer lorsque l'appareil doit avoir une action extensive permanente: pour le membre inférieur, il faut bien prendre un point d'appui au périnée, sur la tubérosité sciatique, sur les côtés de la symphyse pubienne ou autour du bassin.

Les forces extensives et contre-extensives doivent être appliquées sur les parties qui s'articulent immédiatement avec l'os fracturé, plutôt que sur cet os luimėme, sur la jambe et le bassin par exemple, quand il s'agit d'une fracture du fémur.

XI. — L'extension et la contre-extension suffisent rarement pour rétablir les fragments dans leurs rapports naturels. Elles ont bien pour effet de rendre au membre sa longueur primitive, mais l'écartement des extrémités fracturées peut persister. Le chirurgien doit donc recourir à une troisième manœuvre pour remédier à ce déplacement; c'est ce qui constitue la coaptation.

Il dirige les mouvements d'extension et de contre-extension jusqu'à ce qu'il juge que le membre est arrivé à la longueur voulue. Alors, si le fragment supérieur est déplacé seul et porté en avant par exemple, l'autre ayant un point d'appui, il presse avec les pouces ou avec la main sur le fragment qui fait saillie, afin de le repousser au niveau de l'autre, ou bien il embrasse un fragment de chaque main et les pousse simultanément l'un vers l'autre; il continue ces pressions larges et exercées en sens inverse sur les fragments, jusqu'à ce qu'il juge que le replacement est exact, de façon à rendre au membre sa forme et sa rectitude primitives; de là le nom de conformation que les chirurgiens avaient donné à cette manœuvre. Il ne faut jamais perdre de vue que, sans une extension efficace préalable, la coaptation est tout à fait impossible. C'est donc, avant tout, vers ce point que l'on doit principalement porter ses soins et son attention.

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XII. Pour retirer de l'extension continue tous les avantages désirables et l'empêcher d'être douloureuse, il est encore nécessaire de s'astreindre aux quelques règles suivantes :

a) Éviter de comprimer les muscles qui passent sur l'endroit même de la fracture et dont l'allongement est nécessaire pour rendre au membre la longueur qu'il a perdue. La compression de certains muscles détermine un effet contraire; à la cuisse, par exemple, le droit interne, le couturier.

b) Les puissances extensives et contre-extensives doivent être réparties sur de larges surfaces.

c) Quand il n'est pas possible, et c'est le cas le cas le plus fréquent, de rendre au membre sa longueur normale, l'extension continue, graduée, doit être tentée et s'opérer d'une manière presque insensible. Une extension brusque déterminerait la contraction spasmodique des muscles et, si la force employée était assez considérable, on les déchirerait plutôt que de les allonger.

d) Il faut convenablement garantir les parties sur lesquelles ces puissances portent leur action, et rendre égale, uniforme, la compression exercée par les lacs ou les bandages dont on se sert.

De ce qui précède, nous tirons les conclusions suivantes relativement à la première indication essentielle que présentent les fractures obliques et compli quées la réduction :

a) La plupart de ces fractures ne sont pas susceptibles d'une réduction et d'une contention immédiates et exactes.

b) Lorsque l'action musculaire qui constitue l'obstacle s'élève au degré pathologique, il faut attendre que l'irritation qui la provoque soit dissipée, parce que cette action ne peut être vaincue avec avantage que réduite au degré physiolo gique.

c) Aussi longtemps que l'état pathologique existe, il est dangereux de tenter la réduction. Cet état peut se prolonger pendant quinze à vingt jours; il peut se dissiper au bout de quelques jours, quelquefois il ne se manifeste pas.

d) Quand l'état pathologique ne se manifeste pas, on peut réduire instanta

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