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connexions qui lient entre elles ces deux branches du même tronc. Aussi, c'est à bien comprendre la généalogie honteuse de ces deux sœurs que doit tendre sans cesse l'hygiéniste, dans l'application des moyens ayant le double but de moraliser les masses et de neutraliser chez elles la propagation du mal vénérien; car on se tromperait fort si l'on pouvait croire que le fléau syphilitique dérive uniquement des rangs embrigadés au bureau des mœurs. Pas plus que la licence effrénée, pas plus que le libertinage dans tons ses écarts, la syphilis ne réside pas exclusivement dans la population des dispensaires. Elle a surtout fixé son domicile, avec tous les accessoires de vie privée qui la constituent, au sein de ces phalanges de femmes libres, exerçant à l'abri de tout contrôle une influence d'autant plus pernicieuse sur la santé publique, que tout semble concourir à l'immunité de leurs contacts, lesquels sont évidemment environnés d'un péril cent fois plus imminent et plus grave que ceux qu'on peut établir avec les créatures tributaires de la police.

Ceci nous paraît trop bien posé en principe pour qu'il soit nécessaire d'insister. Pourtant, c'est une affaire d'observation journalière que la transmission du virus syphilitique dans des fréquentations regardées comme absolument sûres par les plaignants. Que de cuisantes désillusions à la suite de ces liaisons platoniquement contractées à l'insu d'une mère vigilante, d'un père brutal, d'un mari jaloux : suppositions qui, jouées avec art, stimulent la confiance, excitent le désir et favorisent l'inoculation physiologique la moins appréhendée !

Un tel sujet fournirait amplement la matière d'un gros volume de philosophie pratique. Notre dessein n'est certes pas d'esquisser ici ce coin de tableau de la société actuelle. Nous avons, du reste, dans tous nos rapports à l'autorité, et récemment dans l'édition nouvelle de ParentDuchatelet qui va sortir des presses de J.-B. Baillière, largement mis en relief ces considérations que nous pourrions plus tard colliger en une seule publication. Aujourd'hui, et dans les limites restreintes d'un article de journal, nous désirons seulement appeler l'attention sur deux points, formulés dans les propositions suivantes : 1. La syphilis est surtout entretenue et propagée par la prostitution clandestine. 2o Pour atténuer et éteindre progressivement les accidents syphilitiques, il faut sévir avec discernement contre cette impunité dangereuse de la débauche cachée.

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§ Jer. Pour démontrer le premier point, il suffit de quelques aperçus cliniques évalués à distance et mis dans un parallèle ainsi dire arithmétique. pour En calculant avec soin les faits groupés dans le tableau ci contre, on sera facilement conduit aux résultats énoncés dans le sommaire de ce premier chapitre.

Présentons d'abord l'historique du fait en litige: L'hospice Saint-Jean (service des femmes) est partagé en deux compar timents distincts: A Filles vénériennes venues du dispensaire; B Filles ou femmes du civil, venues spontanément ou par la voie des mesures incombant à la prostitution clandestine. Cette séparation, si naturelle, était presque inconnue avant l'admi nistration éclairée de M. de Bryas (1830). qui constitua dans l'ex-chapelle de l'établissement ce service tout spécial. D'abord peu important, recevant à peine quelques nourrices infectées par leurs nourrissons, quelques domestiques, ouvrières ou femmes de campagne, ce service n'était guère autre chose qu'une réforme morale fournissant bien çà et là quelques documents utiles d'hygiène et de nosologie spécifique, mais ne donnant en réalité à la clinique que l'espoir des avantages qu'il devait produire plus tard. En effet, tandis que durant plus de dix ans l'insuffisance de cette création put la faire considérer comme une inutile usurpation d'un local affecté aux exercices religieux (si sagement supprimés dans l'hospice), nous verrons, au moment où nous écrivons ces lignes, le service dit de la chapelle prendre une extension qui le place de niveau, si même il ne le dépasse, avec celui des filles du dispensaire. Des améliorations successives, quoique lentes, ont préparé cette situation, due essentiellement à l'active et féconde philanthropie de M. l'adjoint de maire Fauré. Depuis que ce magistrat mu nicipal a pris la haute direction de l'hospice Saint-Jean, reconnaissons qu'au nombre des utiles changements qu'il a su y introduire, se trouve le remarquable accroissement dont il s'agit. Établissons ces différences par des chiffres, puis nous en tirerons les inductions nécessaires et logiques (Voir le tableau à la page suivante.)

Il y a dans cet aperçu, relevé des livres de visite de notre service, la double preuve énoncée plus haut. Non-seulement le nombre des vénériennes fournies par la prostitution clandestine a pris une proportion presque double de celui du service officiel, mais la gravité des accidents et la période à laquelle ils appartiennent méritent d'être sérieusement notées.

TABLEAU COMPARATIF

à dix années de distance, des deux services de Vénériennes à l'hospice Saint-Jean de Bordeaux.

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- DÉCEMBRE.

Filles du Dispensaire. | Filles de la Chapelle.

Blennorhagies:

Vaginites.

31

Chancres primitifs. 20

secondaires 3

Adénites.

4

Pubons ulcérés

Accidents cutanés

tertiaires

Carie palatine

Psora

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0

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17

7834

fistuleux phagédéniques.. 20 2 Ecthymas, impėtig. 12 Exostoses, tumeurs gommeuses, etc.. 24 5 Gale invétérée.. 10 651

Ulcères phagédéniq. 1

Psora

90

nous avons pu mon

dans ces cas qu'il nous a été donné d'observer ce que M. Thiry, de Bruxelles, appelle la vaginite granuleuse, état qui, sans être d'une virulence spéciale. n'est pas non plus l'affection simple consignée dans le cadre des phlegmasies vénériennes du conduit vulvo-utérin. · Dans d'autres circonstances, ce sont des boursouflements purulents, des abcès de la vulve et des grandes lèvres, des adénites suppurées, des bubons fistuleux, des végétations de toutes formes et dimensions. Mais c'est quand le mal s'est d'abord prononcé par le chancre, que les désordres du far niente amènent une sérieuse intensité. Les pustules plates, les plaques muqueuses, les hideux phagédénismes, les dermatoses de toutes nuances, voilà ce que la clinique nous dévoile chez la plupart de ces prostituées de contrebande, véritables spécimens de la vérole non contrôlée, et qui, par 3 conséquent, sont, au point de vue de l'enseignement, d'une utilité démonstrative que nous refuse presque toujours l'exploration des malades venues du dispensaire. Tout récemment encore, trer aux étudiants l'exemple d'une jeune artiste dramatique, laquelle, atteinte de chancres infectants il y a six mois, a laissé poursuivre leur carrière à ces ulcérations primitives, pendant qu'elle-même parcourait la sienne dans les sentiers épineux du théâtre. Il est résulté de ce système de traitement négatif, après la roséole, les syphilides lenticulaires, les ganglions cervicaux, le corona veneris, etc., un ensemble d'ecthymas suppurants qui, généralement répandus sur la périphérie du corps, ont, vers les organes sexuels, pris une apparence ulcérative des plus fâcheuses. Quelques-uns de ces points ont dégénéré en chancres secondaires, mous, qu'il a fallu borner par la pâte sulfurocarbonique (1); d'autres ont végété ct déterminé l'ulcus elevatum de Carmichaël, également passible du topique cautérisateur. A l'heure qu'il est, la jeune dame expie ses erreurs, dont la plus regrettable est sans contredit l'absence de médication; l'accident secondaire s'apaise sous l'influence du proto-iodure hydrargiré; les taches cutanées pâtissent par l'usage des bains sulfureux; en un mot, la réparation se fait chez cette nature si profondément imprégnée, et nous avons lieu d'espérer, en continuant assez longtemps la série de nos moyens, l'avortement des phénomènes tertiaires, et par conséquent une cure radicale et complète.

Comme on le voit, ce personnel particulier n'est plus restreint à quelques novices de village, à quelques bénévoles nourrices que des enfants à la syphilis secondaire plus ou moins primitivement rafraichie ont infectées a priori; il nous faut classer maintenant, non-sculement les nombreuses victimes de la sujétion, de la domesticité, du travail à la tàche; les suppôts de la dépravation et du vice, fleurs flétries dans de précoces et criminels plaisirs; mais encore cet essaim d'habituées des maisons de passe, qui. appartenant à toutes les catégories, font de la débauche à huis clos, accessoirement pour ainsi dire, recevant et transmettant le virus syphilitique, le couvant, le laissant sévir sans obstacle, jusqu'au jour où la souffrance oblige à recourir aux moyens que réclame un état trop souvent aggravé par incurie, crainte,

honte ou remords.

C'est un spectacle curieux et pénible tout à la fois que celui des accidents que la négligence et le défaut des plus vulgaires soins nous offrent chez ces malheureuses syphilisées. Des vaginites, des blennorrhagies, qui sans contredit n'eussent été que de bénignes inflammations, prennent parfois dans leur aspect et dans leurs effets consécutifs la teinte et la gravité des complications les plus violentes. C'est surtout

pable et l'acide sulfurique. (Formule Ricord).
(1) Pâte caustique faite avec le charbon impal-

Nous pourrions multiplier beaucoup ces tristes exemples; nous nous bornerons à citer le suivant, comme observation curieuse au double point de vue moral et pathologique. Une piquante soubrette, vaillante fille du Béarn, comme il en vient par milliers à Bordeaux, se laisse séduire et contaminer par un Don Juan de comptoir, commis de la maison où servait notre héroïne. Expulsée de chez ses maîtres, elle passe en peu de temps par toutes les splendeurs de la galanteric; mais dans cette ascension vers l'enivrant tourbillon des Phrynées et des Aspasies, elle emporte, sans y attacher trop d'importance, le sceau syphilisateur que lui a imprimé sa première faute. Des palliatifs et une excellente constitution lui semblaient suffire à conjurer le venin; et sans en avoir conscience, étourdie par ses succès, entourée de soupirants, elle ignorait ce que coûtaient à chacun d'eux ses faveurs empoisonnées.

Cette vie de Circé, car la magie d'une florissante santé semblait démentir de si funestes présents; cette existence dorée de la femme richement entretenue, passa comme l'onde. Trop de dangers tenaient à la possession de cette enchanteresse. Les hommages s'éclaircircnt peu à peu; le prestige s'évanouit; on négligea, puis on s'éloigna tout à fait de celle qu'on avait si avidement recherchée. D'autre part, le mal, qui dans ses deux premières périodes avait paru bénin, dissimulé qu'il était dans ses manifestations par l'existence agitée du sujet, le mal prit tout à coup une allure et des proportions effrayantes. Dans cette chute rapide de la déité d'un jour, dans cette décadence prématurée d'une puissance ruinée par la syphilis, il n'y eut pas de phase paisible, pas de temps d'arrêt, pas de repos. La malheureuse, après avoir consumé avec les médicastres et les commères les débris de sa fortune, après s'étre épuisée chez les empiriques, vint en fin de compte se heurter au seuil de l'hospice Saint-Jean, criblée des stigmates de la vérole constitutionnelle, et offrant, entre autres accidents, une carie envahissante de la voûte palatine et de la cloison des fosses nasales. Six mois et plus d'une thérapeutique sévère, constituée à l'intérieur par les iodures de fer, de mercure, de potassium, unis ou alternés, et localement par les lotions de glycérine aluminée, les fumigations de cinabre, les onctions napolitaines opiacées, etc., ont à peine pu conjurer ce grave délabrement organique. Le séjour à l'hospice a été de quinze mois et demi; puis, à la saison des caux, la malade fut envoyée à

Baréges, où se confirma une guérison si chèrement achetée. Depuis, cette personne, jeune encore et cruellement éclairée par les événements, a fait du travail et d'une conduite régulière les éléments de son avenir. De si rudes épreuves n'ont pas empêché les forces, l'embonpoint et même les agréments physiques d'avoir chez elle une sorte de retour; aussi, rentrée dans la vie laborieuse et rangée, après deux années de calme, elle a, pour conclusion de ce drame émouvant, contracté mariage avec un brave ouvrier, père aujourd'hui de deux enfants parfai

tement sains.

Si nous fouillons dans les annales de l'hospice, chapitre des filles inscrites, nous trouverons difficilement de semblables odyssées. Il faut remonter jusqu'à ces types bien tranchés de la courtisanerie athénienne, ou descendre dans les bouges de la dégradation humaine (points extrẻmes de la syphilis clandestine) pour avoir matière à anecdotiser sur ces cas monstrueux, si communs jadis, devenus si exceptionnels de nos jours, grâce aux clartés de l'hygiène et aux lois d'une doctrine tutélaire. Malgré tout cependant, quand le virus prend ses franchises au sein d'une opulente débauche ou que sa furie se déploie dans l'ombre d'un fangeux dénůment, alors il redevient le Protée hydrophobe des monographies du xvi® siècle, la lèpre des anciens, l'éléphantiasis de Rhazès et d'Avicenne, l'ulcère contagieux du mozambique, la syphilis océanienne, si l'on veut ; enfin, on se retrouve face à face avec toutes les hideurs fabuleuses de ce mal maudit.

Mais en n'envisageant les choses qu'à leur valeur pratique, que de déceptions, de joies avortées, d'illusions perdues, nous constatons à la consultation de chaque jour! Sur dix malades qui réclament nos soins, même dans nos entretiens de l'hòpital, huit au moins se sont infectés à des sources dont l'immunité leur paraissait garantie par la position sociale des personnes avec lesquelles ils s'étaient mis en rapport. Retranchés derrière la sauvegarde d'une candeur naïve, ou d'une propreté luxueuse, ou d'un mari à la santé proverbiale, ils se défendent vivement de s'être exposés aux chances de la contagion. Ils sont si éloignés de la supposer dans les relations de bonne fortune dont le sort les a favorisés! Hors des filles publiques, point de vérole pour ces pauvres aveugles, que dessillent à peine les réalités morbides dont ils souffrent et l'examen rétrospectif auquel sont parfois soumises les femmes

vertueuses qui les ont dupés; car la force du préjugé et le prestige de l'amour-propre les dominent à un tel point, qu'ils vont s'ingéniant à la recherche d'anciennes erreurs dans des lieux patentés, pour y trouver la cause éloignée d'un mal tout nouvellement contracté et dans des conditions de confiance et d'abandon pour eux incontestables.

Il est, en effet, beaucoup de ces demoiselles au maintien candide et réservé, qui, dans les rapports vulgaires et usuels de la boutique, du magasin, de l'atelier, semblent tenir par des liens honnêtes aux professions qu'elles exercent ostensiblement dans le monde; mais qui, retrouvées dans les folles régions de l'orgie, y étalent les ressources du vocabulaire de la débauche la plus raffinée. Aussi les excentricités de leur langage et de leurs actes dépas sent-elles en cynisme les faits et gestes des prostituées les plus expertes. On devine que ces natures, putréfiées encore plus au moral qu'au physique, sont au premier rang des tapageuses quand elles arrivent dans notre service de la chapelle. Le trouble et le désordre qu'elles y sèment leur valent de sévères corrections, qui les touchent faiblement; et lorsque certains efforts sont tentés par quelques-unes d'elles pour s'arracher au courant, il est rare que leur résolution de revenir au bien soit sérieuse et durable, aussi peut-on généralement leur appliquer cette variante d'un fameux distique :

Le vice est comme une ile aux faciles abords,
Où fille doit rentrer quand elle en est dehors.

II. Donc, à considérer les faits et leurs causes, après ce qui vient d'être dit, on comprend la haute importance qu'on doit hygiéniquement attacher à l'extirpation de la prostitution clandestine, ce déplorable fléau constituant pour les trois quarts au moins l'élément étiologique de la vérole. Et qu'on ne s'y trompe pas les relevés numériques, les tables, les listes établies à ce sujet, ne donnent qu'un aperçu bien incomplet de ce désastre social. A Bordeaux, ville aux mœurs élégantes et faciles, l'infection vénérienne est la monnaie courante de toutes les relations sexuelles. Nous n'irons pas, moderne Philinte, déguiser, pro pudore, la désorganisation intime de notre époque; en dépit des optimistes, la dépravation est en progrès dans ce siècle qui affecte un si étrange retour vers les bons principes. Aussi les hommes chargés des intérêts de la santé publique doi vent-ils redoubler de zèle et d'activité dans la surveillance qui leur est dévolue.

Soyons juste en disant que ce devoir sacré est tous les jours mieux compris par nos magistrats. Si des luttes de pouvoir, la crainte de heurter le droit commun, le respect des mineures, les prescriptions d'une prudence outrée, ont longtemps servi d'égide à la prostitution clandestine, félicitons-nous des résolutions tutélaires que l'autorité prend journellement contre elle. Après les arrêtés et règlements pleins de sagesse de M. le maire Gautier, disposi tions municipales compendieusement indiquées dans le Compte-rendu des travaux de la police de Bordeaux, par M. Dutasta, chef de division, sont venues les mesures coercitives adoptées par M. le préfet de la Gironde à l'endroit des maisons de rendezvous, des cafés et autres lieux publics. Grâce à ces dignes efforts, à cette filiation bien comprise de moyens énergiques, le mal s'est sensiblement amoindri; la prostitution latente est obligée de prendre des précautions infinies pour se soustraire aux investigations des agents, Chassée des repaires où elle trônait im punément, mise à l'index par la fermeture de divers entrepôts de débauche scandaleusement fondés au centre de nos plus beaux quartiers, elle se réfugie dans de honteux lupanars de faubourg, où les coureurs les plus intrépides répugnent de l'aller rejoindre.

Ainsi traquées, les malheureuses qu'elle asservit, ou viennent faire leur soumission en s'incorporant dans les phalanges autorisées, ou, vaincues par la syphilis, arrivent directement dans notre service pour s'y faire traiter. Après leur excat, elles ont à régler avec la police les éventualités de leur sortie. Sont-elles réclamées par des parents inspirant quelque degré de confiance, on les rend à leur famille; sontelles mineures et sans appui, on les place, selon leur conduite passée, ou comme domestiques dans quelque honnête maison, ou au pénitencier, ou à la Miséricorde. Le plus grand nombre demande, il est vrai, l'inscription, et ce parti nous semble le plus rationnel, car nous n'approuvons pas l'ardent prosélytisme dont quelquefois on les rend l'objet. Les tentatives de compelle intrare sont à leur égard ou dérisoires ou arbitraires, et à moins que les intéressées ne se rendent de bonne grâce aux exhortations de ce genre, nous soutenons qu'un tel système est vicieux dans la forme et sans résultat dans l'application.

A ce propos, voici comment, dans la prochaine édition de Parent-Duchatelet, à laquelle nous avons été invité de joindre un supplément relatif à la prostitution bordelaise, nous traitons la question émi

nemment hygiénique des maisons de convalescence, véritables pierres d'achoppement de l'extinction raisonnée de la syphilis et de la débauche au sein des grandes villes :

Or,

Vainement, depuis vingt ans, j'ai dans plusieurs rapports et brochures insisté pour la création d'une maison de convalescence, refuge essentiellement moralisateur et curatif; vainement j'ai fait de cette création le delenda Corthago de la syphilis à Bordeaux. On m'a toujours répondu que la Miséricorde suppléait efficacement à l'annexe que je réclamais. qu'est-ce que la Miséricorde? Une sainte et picuse retraite, où l'hygiène est sacrifiée dans ses plus vulgaires prescriptions aux principes de la religion et aux travaux manuels les plus rudes. La Miséricorde, c'est une sorte de couvent de force, d'où nous reviennent, atteintes de récidives plus ou moins sérieuses, des filles adonnées à l'incurie, à la malpropreté, fati guées du reste par une mauvaise nourriture et un travail excessif. Certes, les efforts moraux tentés dans cet établissement par les dignes sœurs qui le desservent méritent les plus grands éloges; mais les soins de santé, de salubrité et de convalescence leur sont radicalement inconnus: elles imputent à péché la moindre ablution, le plus innocent lavage; le bain est une superfluité mondaine dont le nom n'est jamais prononcé dans le couvent. Étonnez-vous donc des récidives après

cela!

» L'administration, hâtons-nous pourtant de le dire, convaincue de la véritable nécessité des maisons de convalescence, s'occupe des moyens de réaliser cette annexe essentielle de l'hospice Saint-Jean.

Je dis annexe, car la visite de sortie, au lieu de mettre immédiatement en exeat les filles dont un traitement méthodique ellace rapidement les symptômes, les conduirait dans des ouvroirs sagement

disposés, pour y passer un temps de convalescence calculé sur la gravité relative du mal qu'elles viennent d'avoir. De cette façon, le dispensaire ne nous enverrait pas incessaniment les mêmes femmes, les abituées comme on les nomme, sujets tombés dans une aptitude vénérienne telle, qu'on pourrait quasi croire à l'inefficacité du traitement chez certaines organisations. »

La création de ce lieu de transit entre l'hospice et la liberté, en raffermissant l'état de guérison des syphilisées, leur inculquerait des principes d'ordre, de moralité, de travail, et soustrairait inévitablement beaucoup de ces infortunées à la double et fatale influence du vice et de la contagion. Nous n'insis erons donc pas sur de tels avantages: ils ont, assure-t-on, frappé l'esprit de hautes notabilités adininistratives, et avant peu leur réalisation complétera l'ensemble des vues généreuses dont nous avons plus haut signalé la bienfaisante initiative.

C'est ce que nous appelons de tous nos vœux, car l'heureux contre-coup de cette institution atteindrait certainement la débauche clandestine; et puisqu'il n'est pas possible d'extirper à la fois toutes les têtes de l'hydre, sachons, en les amputant partiellement, empêcher qu'elles ne repoussent plus vivaces et plus dangereuses. Si l'autorité s'inspire une bonne fois des conséquences pratiques de l'hygiène, n'en doutons pas, ce germe honteux de la corruption générale, cette source impure de la syphilis dans ses manifestations les plus graves, aura sinon cessé d'être, du moins se trouvera réduite aux plus infimes proportions. Ombre nécessaire aux vives clartés de l'époque, la prostitution, ouvertement et sagement réglementée, ne sortira plus de l'ornière des plaisirs immondes et du cercle des exigences brutales de la civilisation.

(Journal de médecine de Bordeaux.)

III. BIBLIOGRAPHIE.

MÉMOIRE SUR L'INSUFFISANCE DES VALVULES AORTIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES MALADIES DU COEUR; par le docteur PEDRO FRANCISCO DA COSTA ALVARENGA. Traduit du portugais par le doc teur P. GARNIER. Paris, 1856, 1 volume in-8°.

Un de nos membres correspondants, M. le docteur Da Costa Alvarenga, de Lisbonne, a fait hommage à la société d'un ouvrage qu'il a publié sur les maladies du cœur.

La manière aussi remarquable que neuve dont il a traité cette partie impor

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