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direction, écrivit en avril 1856 que l'aîné et le plus jeune étaient restés complétement guéris, mais que le deuxième s'était plaint, dans le mois de mars. que sa vue diminuait de nouveau chaque soir et qu'il n'y voyait presque plus. Une de ses parentes acheta une demi-livre de foie de bœuf, soumit ses yeux à un bain de vapeur comme en 1854, et fit manger le foie en deux fois par le malade. Dès le même jour la vue s'améliora et le lendemain toute trace d'héméralopie avait disparu. Un cinquième cas d'héméralopie s'est présenté à l'auteur au commencement de cette année dans son service à l'hôpital-annexe de Leopoldstadt, et ici le succès fut encore merveilleux. Il s'agit d'un garçon scrofuleux de 17 ans, qui, depuis plus d'une semaine, n'y voyait plus du tout le soir. Il fut guéri dès le lendemain, après avoir mangé en une seule fois une demi-livre de foie de bœuf et sans avoir reçu sur les yeux les vapeurs provenant de l'eau dans laquelle le foie avait été cuit.

Quoique ces faits eussent pu suffire pour prouver l'efficacité extraordinaire du moyen dont il est ici question, l'auteur a voulu leur donner encore plus de poids en rapportant les résultats obtenus par des confrères. Ainsi le docteur Karg, médecin de l'hospice des orphelins, où l'hé méralopie règne quelquefois épidémiquement, a fait, à la demande de M. Zsigmondy, des expériences avec le foie de bœuf administré à l'intérieur, c'est-à-dire donné comme aliment. Dans plus de trente cas, il a obtenu ce résultat extrêmement remarquable que l'héméralopic qui, terme moyen, dure au moins pendant quatre semaines lorsqu'elle est abandonnée à ellemême, a été en général complétement guérie en un jour ou en peu de jours.

Le docteur Kreuser dit, dans le travail dont il a été fait mention plus haut, que dans les établissements pénitentiaires de Stuttgardt le foie de bœuf est regardé comme un spécifique contre l'héméralopie et que là, afin de prévenir des abus de consommation de foie, les malades sont obligés de combattre eux-mêmes leur maladie. Il ajoute qu'on emploie dans le même but le foie de cochon (en Podolie) et celui de veau, le plus souvent pour diriger sur les yeux la vapeur provenant de leur décoction. Riegler, dans les cas opiniâtres, donne à l'intérieur de l'émétique et du camphre et applique sur les yeux le foie bouilli sous forme de cataplasme. Rosas et d'autres oculistes indiquent aussi le foie de bœuf comme un remède populaire. Fuesslin dit dans son ouvrage :

L'isolement dans la nouvelle maison de correction pour hommes à Bruchsal, qu'un traitement connu de tous les prisonniers consiste à recevoir sur les yeux les vapeurs d'un foie de bœuf bouilli, que le traitement est encore plus efficace lorsqu'on fait manger trois fois, de jour à autre, de cinq à six onces de ce foie, et que l'emploi du spécifique a été suivi de succès dans la plupart des cas. Telle est la substance de l'article publié par M. Zsigmondy dans l'Oest. Zeits. f. practische Heilkunde 1857, n° 7.

Le docteur Allé, médecin en second de la ville de Brünn, confirme dans le n° 25 du même journal, l'efficacité du remède préconisé par M. Zsigmondy. II assure que ce remède est employé depuis plus de 50 ans, avec le succès le plus remarquable, dans la prison de Brünn, où l'héméralopie est fréquente. Lorsque, en 1838, il fut nommé médecin de cette prison, il resta fidèle à ce traitement qui y était d'un usage familier; les malades dirigcaient sur les yeux les vapeurs de la décoction du foie de bœuf et mangeaient celui-ci quand le liquide était refroidi, Le docteur Allé termine en déclarant que de nombreuses expériences faites pendant trois ans lui permettent de certifier que le succès a toujours été aussi éclatant que l'a annoncé le docteur Zsigmondy.

A ces témoignages tout récents en faveur de l'action merveilleuse du foie de boeuf dans les cas d'héméralopie, nous devons ajouter celui de Scarpa qui dans son ouvrage sur les maladies des yeux (Tratt. sulle princ. mal. d'occhi, Pavia, 1816, tome II) rapporte que ce moyen jouit d'une grande réputation en Italie et qu'il était d'un usage banal chez les Chinois qui sont très-sujets à l'héméralopie. (Voir le Repertorium der vorzüglichsten Kurarten, Heilmitteln, Operationsmethoden, von doctor E. Rinna von Sarenbach, t. II, page 211, Vienne, 1853).

On a vu par l'article de M. Zsigmondy, dont nous avons donné plus haut la traduction, que ce n'est pas seulement le foie de bœuf qui possède la propriété de guérir l'héméralopie, mais que ceux de porc et de veau la possèdent également. Il résulte d'un article publié il y a environ deux ans par M. le docteur Barrère dans la Gazette médicale de Toulouse et que nous avons reproduit dans notre tome XX, page 546, que le foie de mouton est doué de la même vertu curative, puisqu'il réussit à guérir rapidement, à l'aide des vapeurs de sa décoction, une héméralopie qui avait résisté à l'emploi des purgatifs, de l'émétique et

des vapeurs ammoniacales : l'auteur avait eu recours à ce moyen parce qu'il avait été spécialement recommandé par d'anciens médecins et parce qu'il s'était montré trèsefficace à Strasbourg où il y eut en 1762 un si grand nombre d'héméralopes. On s'est demandé à propos de cette communication du docteur Barrère si un simple bain de vapeur n'aurait pas produit le même effet? Évidemment la vapeur aqueuse est ici hors de cause, puisque de nombreux faits ont prouvé que les malades guérissaient tout aussi vite quand ils se bornaient à manger le foie cuit.

Dr D...E.

L'HYDROCOTYLE ASIATICA : REMARQUE SUR CE NOUVEL AGENT THÉRAPEUTIQUE. L'attention des médecins est fortement appelée aujourd'hui sur une ombellifère nouvellement importée d'Asie à l'Ile-deFrance et de là en Europe: c'est l'hydrocotyle asiatica, déjà préconisée sous le nom de bevilacqua, et que nous avons d'ailleurs fait connaître à nos lecteurs (1). On sait, en effet, que plusieurs médecins honorables des possessions françaises dans les Indes orientales, et qu'un praticien distingué de I'lle-de-France, le docteur Boileau, avaient conçu l'espoir d'améliorer la position des lépreux, de les guérir même, au moyen de Phydrocotyle asiatica. Ce dernier, lépreux lui-même, avait expérimenté le nouvel agent sur sa propre personne et s'était guéri.

di

L'hydrocotyle asiatica appartient, sons-nous à la famille des ombellifères; elle est herbacée, vivace, et croit, comme l'indique son nom, dans les endroits humides, sur les cours d'eau et au bord des étangs. Elle donne un extrait hydro-alcoolique vert foncé, possédant une odeur vireuse fort prononcée.

L'histoire des plantes a, comme celle des peuples, une période héroïque, période qu'on serait tenté d'appeler fabuleuse, car elle se signale par des merveilles qu'on ne retrouve que rarement plus tard. Ainsi le docteur Boileau, outre sa propre guérison, invoquait en faveur de la nouvelle médication les améliorations obtenues chez cinquante-sept malades et constatées officiellement par le docteur Leroux, médecin de l'hôpital civil de l'ile Maurice. Chez trois de ces malades l'amélioration était même telle que, suivant M. Boileau, elle devait faire croire à une guérison radicale, si l'on n'eût été habitué aux récidives de la maladie, dont les ré(1) Voir notre tome XXI, p. 294.

mittences, toutefois, ne laissent jamais les malades dans l'état de santé parfait qu'on observait chez les trois individus signalés par M. Boileau.

Le docteur Poupeau a donné les détails d'un éléphantiasis des Grecs arrivé au dernier degré, et presque guéri après sept mois de l'usage de l'hydrocotyle. Il a fait de cette observation l'objet d'un rapport au ministre de la marine. Il y a signalé en outre la guérison, alors presque complétement effectuéc, d'un éléphantiasis des Arabes chez une femme et les bons effets de l'hydrocotyle dans un cas de rhumalisme goutteux chronique à accès trèsfréquents et très-rapprochés.

M. Boileau, depuis sa première communication, dont nous avons parlé plus haut, tyle guérissait toute espèce de dartre, a été jusqu'à dire que le sirop d'hydrocoainsi que des rhumatismes et des ophthalmies chroniques.

M. Lépine a de son côté publié plusieurs blement améliorées. Ces observations lui observations de dartres guéries ou sensiHoubert, qui lui signalait comme un des avaient été communiquées par le docteur premiers et des plus grands bienfaits de l'hydrocotyle la cessation des démangeais'opère après deux ou trois mois de son sons insupportables de la lèpre, laquelle emploi.

Le comité médical de Madras a expéricontrôle de M. Lépine. On a constaté que menté l'hydrocotyle avec l'aide et sous le le nouveau médicament exerçait une action rison des plaies et ulcères, excepté le luspéciale sur la peau et qu'il hâtait la guépus et le cancer; il se montrait particulièrement efficace contre les ulcères lépreux fule. et autres, la syphilis invétérée et la scro

Arrivons maintenant aux expériences portées sur les affections cutanées. faites à Paris. On les a principalement

quantité de préparations d'hydrocotyle M. Cazenave a employé une certaine sans en obtenir des résultats bien marqués. Il croit seulement qu'elles pourleuses, et dans les hyperesthésies avec ou raient réussir dans les éruptions vésicusans papules; il a obtenu de l'amélioration dans un cas d'éléphantiasis des Arabes.

M. Devergie ne se croit pas non plus encore en mesure de formuler une opinion rience la plus remarquable a été faite sur définitive sur l'hydrocotyle. Son expéDevergie le mit à l'usage journalier de la un lépreux de l'hôpital Saint-Louis. M. tisane d'hydrocotyle et de pilules d'extrait

aqueux de cette plante à la dose de 5 centigrammes en commençant et augmentation d'une pilule de même dose tous les cinq jours. Arrivé à sept pilules par jour, le malade fut pris de phénomènes toxiques semblables à ceux que produisent les poisons narcotico-acres, étourdissements, vacillation des membres, affaiblissement, céphalalgie, tendance au sommeil. Ces troubles durèrent cinq à six jours en perdant peu à peu de leur intensité, mais en laissant une prostration des forces et un dégoût des aliments qui persistèrent encore deux semaines. Le malade, dont on avait suspendu le traitement, le reprit plus tard, sans grande amélioration de l'état lépreux. Il n'y gagna qu'une certaine diminution de l'empâtement des mains et de la figure; mais les tubercules n'en devinrent que plus saillants et il s'en produisit de nouveaux; la sensibilité des mains devint même plus obtuse. On cessa le traitement au bout de trois mois. M. Devergie a encore expérimenté l'hydrocotyle dans deux autres cas de lèpre, sans en obtenir d'effet bien appréciable.

Les résultats les plus saillants qu'ait à signaler M. Devergie ont été observés sur des malades atteints d'eczéma chronique rebelle; il en a guéri quelques-uns dans un espace de temps assez court sans observer d'accidents.

Si, maintenant, nous résumons toutes les données précédentes sur l'hydrocotyle, nous arriverons à conclure, pour le moment actuel, que cette plante, signalée comme très-efficace contre la lèpre dans les pays où cette maladie est endémique, n'a pas eu de résultats aussi avantageux dans celle de nos climats, pourtant beaucoup plus bénigne, et que la seule maladie dans laquelle elle ait donné quelques guérisons est l'eczéma chronique. Ces guérisons ne sont sans doute pas à dédaigner, mais bien d'autres agents en auraient autant et plus à revendiquer, et elles ne constituent encore à l'hydrocotyle qu'un bagage assez mince. Du reste, nous devons suspendre notre jugement jusqu'à ce que des expérimentations plus nombreuses aient permis de lui assigner sa vraie place dans la matière médicale, et, pour faciliter ces dernières, nous allons terminer cet article par l'indication des modes d'administration indiqués comme les meil leurs.

L'hydrocotyle se présente sous la forme d'une racine ronde, charnue, grisâtre, plus ou moins longue.

M. Devergic en prescrit l'infusion à la dose de 40 centigrammes pour un litre

d'eau, dont on prend trois verres par jour.

Cette racine est très-hygrométrique et doit assez mal se conserver, même en poudre; aussi M. Devergie signale-t-il comme la seule préparation sur laquelle on doive compter l'extrait hydro-alcoolique préparé à une basse température.

Dans l'administration de l'hydrocotyle, il ne faut pas perdre de vue que cette plante est une ombellifère vénéneuse, comme la plupart de celles qui poussent dans les lieux humides, et qu'elle se range, par ses principes narcotico acres, à côté des ciguës et de l'ænanthe crocala. On doit commencer l'emploi de son extrait par une dose très-minime, que M. Devergie fixe à 25 milligrammes (1/2 grain), et qu'il n'augmente que graduellement et à plusieurs jours d'intervalle., Chez ses malades atteints d'eczéma, il n'a pas dépassé celle de 125 milligrammes ou-1 grain et demi; le lépreux qui avait éprouvé des accidents toxiques à celle de 35 centigrammes put plus tard supporter celle de 20 centigrammes. Un malade atteint d'eczéma ne put le supporter à aucune dose. (Journal des conn, médico-chirurg.)

MILLEFEUILLE EMPLOYÉE COMME EMMÉNA

GOGUE.

L'usage populaire des infusions de millefeuille, dans les cas de suppression des règles, a engagé le docteur Ronzier-Joly, de Clermont (Hérault), à les expérimenter dans sa pratique. Les résultats qu'il a obtenus chez un grand nombre de malades auxquelles il a administré cette plante dans l'espace de deux ans, à l'exclusion de toute autre médication, établissent d'une manière évidente ses propriétés emménagogues. Une forte infusion était donnée le matin à jeun et répétée au besoin trois ou quatre jours de suite. Lorsque la suppression avait été produite par une cause passagère, par un froid, par une émotion morale, par exemple, M. Ronzier-Joly a vu le plus souvent le flux menstruel reparaitre sous l'influence du remède, et quelquefois même une demiheure seulement après l'administration de la première dose. Une condition qu'il inporte d'observer pour que les effets de la millefeuille soient plus favorables, c'est d'attendre pour la prescrire que l'époque habituelle du retour soit presque écoulée ou que des signes annoncent une tendance fluxionnaire vers l'utérus. L'infusion de millefeuille, continuée pendant plusieurs jours, quand les menstrues n'ont pas paru, n'a apporté aucun préjudice à la santé;

elle n'a causé non plus aucun accident chez les femmes auxquelles on l'a administrée dans les débuts d'une grossesse méconnue. Quelques observations citées par l'auteur tendent à prouver que la millefeuille n'est pas seulement efficace dans les suppressions par causes accidentelles, mais qu'elle peut aussi être employée avantageusement: 1 pour favoriser l'écoulement des menstrues lorsque celles-ci sont insuffisantes; 2o pour rappeler les règles qui ont cessé de paraître sous l'influence d'une diathèse, d'un état fluxionnaire vers les parties supérieures, ou d'un appauvrissement du sang; 3o enfin, pour faire reparaître les lochies brusque ment suspendues. Le même médicament n'a paru avoir aucun effet chez les jeunes filles dont la menstruation est difficile à s'établir et présente des irrégularités dans ses premières manifestations.

(Bulletin de thérapeutique.)

TRAITEMENT DU RHUMATISME Par l'iodure POTASSIQUE A HAUTE DOSE ET PAR LA MORPHINE; par le docteur D. HAUSCHKA. Dans son Compendium de pathologie spéciale et de thérapeutique, l'auteur recommande, comme le plus sûr moyen de diminuer la durée du rhumatisme aigu, l'administration de l'iodure potassique à la dose de 114 de drachme à une drachme ou même de 4 scrupules par jour, associé à la morphine à la dose d'un demigrain à un grain par jour. Ce mélange, dissous dans trois à quatre onces d'eau, est pris en trois ou quatre fois dans la journée. Si, par suite de l'usage de cette solution, il survient une hyperémie de la muqueuse des organes de la respiration, et que la médication ne peut plus être supportée à la même dose, il faut diminuer celle-ci pendant quelques jours, ou même suspendre le traitement pour une couple de jours. S'il y a de la constipation, il faut donner l'infusion de séné ou l'huile de ricin. La durée de la maladie est d'autant plus abrégée qu'on commence plutôt à donner de fortes doses et qu'on en continue l'usage d'une manière plus suivie : en général, leur administration est suivic immédiatement d'un amendement très-notable dans les douleurs et d'une diminution de la fièvre. La quinine rend des services eminents quand il y a des rémissions bien marquées, et lorsqu'on peut observer un certain type de régularité dans les changements des affections locales. Le traitement local est tout à fait infructueux et inutile quand la douleur siége dans plu

sieurs articulations. C'est là un jugement trop absolu, car l'expérience a prouvé qu'il est une foule de moyens qui, employés localement, apportent un soulagement réel aux malheureux rhumatisants. Experto crede Roberto. Dr D.....

UN MOT A PROPOS DE L'APPRÉCIATION FAITE PAR QUELQUES ALIÉNISTES DE LA GRANDEBRETAGNE DES AVANTAGES QUE PRÉSENTE LA COLONIE DE GHEEL POUR LE TRAITEMENT

DES MALADIES MENTALES.

Il vient de paraître en Angleterre un mémoire fort intéressant intitulé: Notes sur les asiles d'aliénés en Belgique et sur la colonie de Gheel, par le docteur WEBSTER, membre de la Société royale de Londres, associé du Collége royal de médecine, et l'un des gouverneurs de l'hôpital de Betlem. Ce travail, de 68 pages d'impression, forme une large portion du cahier de janvier du Psychological journal du docteur Forbes Winslow, président de l'Association des médecins aliénistes de l'Angleterre. Nous allons en donner une analyse et faire suivre celle-ci de la traduction d'un article extrait du journal The Lancet du 18 juillet. Cet article est de la plus haute importance pour nous comme pour tous ceux qui partagent les idées émises par notre collaborateur si compétent, le docteur Parigot, depuis qu'il s'occupe de psychiatrie. L'article de la Lancette a été écrit sous l'impression de la lecture du mémoire de M. Webster, que nous allons passer en revue. Dans l'état actuel de la question d'entretien et de traitement des aliénés parmi lesquels le nombre des incurables semble augmenter tous les jours, il est utile, indispensable même, que nous rapportions ce qui se dit et se fait à l'étranger pour élucider un point si important et si digne de fixer l'attention du médecin philosophe; c'est dans ce but que nous voulons mettre sous les yeux de nos lecteurs tous les documents concernant la grave question du traitement de la démence, afin qu'ils puissent se former une opinion sur ce qu'il importe de faire dans le véritable intérêt des aliénés et dans celui de la société. . . . la guérison.

Dans son travail, M. Webster trace d'abord l'historique de nos établissements et celui de nos lois et règlements sur le régime des aliénés; il est inutile que nous en parlions. Au sujet de nos asiles, il fait remarquer qu'en Belgique, ils sont établis sur un tout autre pied que dans le reste de l'Europe; partout ils sont sous la direction du gouvernement qui en nomme et

salaric les chefs; en Belgique, ou ce sont des établissements érigés et entretenus par les communes, ou bien ce sont des entreprises particulières faites par des communautés religieuses, des associations civiles, ou des particuliers. De là les difficultés qu'éprouve le gouvernement de se faire également obéir partout, et cela est tellement vrai qu'il y a quelques années des établissements annoncèrent publiquement qu'en dépit du règlement du prix de la journée fixé par arrêté ministériel, ils continueraient à le maintenir à un prix moindre que celui qui avait été jugé indispensable au bon entretien de ces malheureux!

M. Webster fait remarquer aussi que la Belgique est le pays le plus fourni du monde de maisons de santé et que, conséquemment, ces dernières doivent être trèspeu peuplées; ce qui est vrai, puisque nous voyons que ce nombre n'est quelquefois que de 4 à 10 pensionnaires. Toutefois il y a des exceptions, comme, par exemple, l'entreprise du chanoine Maes, qui a établi des maisons pour aliénés à Bruges et dans d'autres localités et qui dirige ainsi à la fois les maisons dites de Saint-Julien à Bruges, de Sainte-Anne, près Courtrai, et celle de Cortenberg près de Bruxelles. L'hospice de Saint-Julien est, comme chacun le sait, l'un des plus vieux édifices de Bruges et dont la commission royale d'inspection a reconnu les inconvénients pour le service des aliénés. Elle a donc insisté pour qu'on créât des bâtiments plus appropriés à ce service, elle a même menacé de retirer l'autorisation royale. Vain espoir, menaces stériles! la direction paraît ne pas vouloir se conformer à cette décision et, pour l'éluder, que fait-elle? Des plans sont imaginés; on les soumet à l'approbation du conseil des hospices, qui les conserve dans ses cartons; pendant ce temps les aliénés souffrent et M. le ministre de la justice doit attendre et espérer que l'entreprise se décidera un jour à exécuter la loi!

A Gand, le docteur Webster a visité l'ancien et triste séjour des aliénés qui bientôt sera remplacé par le nouvel établissement situé faubourg de Bruges. Il se réjouit de cette mutation dans l'intérêt des malheureux qui y trouveront de l'air et du soleil et il propose que cet asile soit appelé du nom de l'homme célèbre qui en a donné l'idée et le plan; en effet, il faudrait l'appeler l'Asile Guislain. Nous nous joignons de cœur à l'excellente proposition du docteur Webster, car personne plus que l'auteur des Phrénopathics ne s'est dévoué à l'amélioration du sort des malheureux déments.

En parlant de Gheel, notre confrère d'outre-Manche commence par remercier sa bonne étoile de l'avoir conduit à l'hôtel du sieur Th. Wouters, — Het Schild van Turnhout, où il a été parfaitement traité ! -C'est une bonne chance pour tous les voyageurs et surtout pour un digne Anglais, même pour un véritable philanthrope comme notre auteur, lorsqu'il trouve bon gite et bonne table le soir après une rude journée; nous l'en félicitons d'autant plus qu'il a été ainsi mis à même de faire un rapport fidèle de ce qu'il a vu à Gheel et d'avoir permis à la presse médicale anglaise de s'en emparer pour la défense de la cause des aliénés.

La plupart des détails contenus dans ce rapport, et nous cussions aimé que M. Webster l'eût déclaré quelque part, ont été naturellement extraits de l'ouvrage publié en 1852 par notre honorable collègue le doct. Parigot (1); l'auteur y a joint sans doute les notes qui ont pu lui être fournies par le docteur Bulckens, savant confrère qui a succédé à M. Parigot comme inspecteur et médecin en chef de l'établissement. M. Webster approuve beaucoup le règlement local de la colonie que le docteur Parigot a fait à la suite de la publication de son livre, mais il ne peut comprendre comment il se fait qu'en 1856 on n'ait point encore mis à exécution des projets arrêtés en 1850 et qu'un pareil établissement ne possède point encore d'infirmerie, malgré que le docteur Bulckens ait appuyé la demande qui en avait été faite itérativement par son prédécesseur. Nous allons le lui dire et personne n'oserait infirmer nos assertions, car nous parlons d'après des notes que nous tenons de source certaine.

Voici le fait : Le ministère de la justice a toujours désiré que le chef d'un établissement d'aliénés, que l'âme d'un asile, celui qui s'occupe de guérir, en fût le médecin et en eût la direction suprême; mais il le désire faiblement, plutôt comme un vœu que comme un ordre qu'il peut donner et faire exécuter. Mais, dira-t-on, par qui cet ordre, cette pensée peuvent-ils être exécutés? Espérez-vous que des braves gens peut-être, mais dans tous les cas des paysans non éduqués, veuillent reconnaitre la supériorité du savant? Non, mais le ministère n'aurait qu'à charger le gouvernement provincial d'en asssurer l'exécution! Eh bien! c'est justement ce que par une complaisance coupable il n'ose et ne veut pas faire. Ainsi, semblables au ministère de circonlocution (imaginé par le célèbre romancier Dickens), les bureaux

(1) L'air libre et la vie de famille à Gheel. Brux., 1852, chez Tircher.

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