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baux ayant ordonné qu'on labourât avec douze paires de bœufs le champ du tourno, y fit semer trente mille pièces (solidorum); ainsi notre expression, semer de l'argent, a d'abord été littérale.

ARGOULET. (C'est un pauvre)

Ce proverbe s'appliquait autrefois à un homme qui n'était plus à craindre.

On venait d'inventer les armes à feu, et les argoulets avaient cessé d'être des soldats redoutables.

ARGOT.

Les mendians et les filous ont un argot, c'est-à-dire un langage qui n'est intelligible que pour eux.

Granval, dans son poëme de Cartouche, a critiqué avec esprit l'opinion de Furetière, qui faisait venir argot de la ville d'Argos.

Le Duchat, dans ses notes sur Rabelais, a prétendu que, par une légère transposition de lettres, argot venait de Ragot, fameux bélître, qui vivait à la fin du règne de Louis XII, et au commencement de celui de François I.

Feu M. Clavier faisait venir argot du mot latin ergo, fréquemment employé dans l'argumentation, et à peine connu hors des écoles. M. Éloi Johanneau pense que argot vient plutôt d'argutus, rusé, subtil.

Voici quelques mots de l'argot des filous, au commencement du règne de Louis XIV: malingreux, malades simulés; marcandiers, prétendus marchands, ruinés par la guerre; rifodés, se disant ruinés par le feu; piètres, contrefaisant les estropiés; francs-mitoux, contrefaisant les malades, et portant un bandeau; callots, feignant d'être récemment guéris de la teigne;

sabouleux, imitant avec du savon l'écume que les épileptiques jettent par la bouche; drilles, soldats demandant l'aumône l'épée au côté; marpauts, maris de femmes prenant le titre de marquises; coquillarts, couverts de coquilles de pélerin; hubains, se disant guéris de la rage par l'intercession de saint Hubert.

Dans l'argot des filous du temps présent, se camoufler, c'est se rendre méconnaissable.

Un simple, ou mieux, un pantre, désigne un de ces campagnards nigauds, bons à exploiter, faciles à faire.

Exploiter, ou faire un homme simple, un pantre, c'est lui escroquer avec plus ou moins d'adresse l'argent qu'il porte sur lui.

Un vol s'appelle un chopin; un voleur maladroit, un grinche; un fin voleur, un marlou. Le plus jeune de la bande, c'est le raton; il doit s'introduire dans les maisons, soit par la cheminée, soit par la fenêtre, pour ouvrir la porte aux voleurs en chef.

ARGUS.

Confident de Junon, qui gardait Io changée en génisse (c'était une des maîtresses de Jupiter). Son nom est demeuré à tous les surveillans et à toutes les surveillantes des belles.

J'ai lu que les filles qu'on destinait pour épouses aux anciens rois d'Écosse, étaient élevées dans une tour où on les renfermait dès leur enfance. Apparemment ces bons Écossais n'avaient lu métamorphose aucune, et ne savaient pas l'histoire de Danaé. Voici un avis pour les mères qui sont dans l'erreur où ils étaient :

Mère qui tient un jeune objet
Dans une ignorance profonde

Loin du monde,

Souvent se trompe en son projet ;
Elle croit que l'amour s'envole
Dès qu'il aperçoit un argus:
Quel abus !

Il faut l'envoyer à l'école.

ARISTARQUE.

Littéralement, ce mot signifie un bon prince; mais l'idée qu'on y attache ordinairement est celle d'un critique sévère et éclairé, parce qu'un grammairien, nommé Aristarque, fit une critique solide et sensée des meilleurs poètes, sans en excepter Homère.

Un Aristarque signifie donc un censeur; et cette expression était déjà passée en proverbe du temps d'Horace :

Arguet ambiguè dictum, mutanda notabit,

Fiet Aristarchus, etc.

(De Arte poet.)

Ainsi, dans une épigramme, Boileau appelle les journalistes de Trévoux, grands Aristarques de Tré

voux.

ARMES. (Rendre les)

Expression d'un grand usage dans la poésie galante. La fougère et la bergère ne sont pas plus souvent ensemble, ni le chant des oiseaux avec le murmure des eaux; ainsi le mot armes n'est là que pour l'oreille, et n'a aucune signification.

ARMOIRE. (Faire son)

C'est l'expression consacrée dans plusieurs départemens par les jeunes filles de la campagne, lorsqu'elles commencent à penser au mariage. Par le fruit de leur travail, elles veulent se trouver munies de hardes et de linge lorsqu'elles se mettront en ménage.

L'armoire, grande caisse de bois placée dans une direction verticale, ne renfermait autrefois que des armes; et c'est de là que ce meuble tire son nom.

Dans le roman de Perceforêt, il est dit que ce héros, voulant armer des chevaliers de ses amis, leur fit donner des chevaux de son écurie et des armes de son armoire.

L'art de la menuiserie, il y a trois siècles, se plaisait singulièrement à construire des armoires et à les orner. La maîtrise ne s'obtenait même que par la composition fort compliquée d'un de ces meubles. On prenait pour base les règles de l'architecture gothique; et, dans les anciens garde-meubles, on voit des devans d'armoires qui ressemblent à des façades d'églises.

Dans le ci-devant Anjou, on dit, une paire d'armoires, parlant d'une seule armoire, sans doute à cause de la porte à deux battans.

ART.

L'art est de cacher l'art.

Dans un des couplets d'Isabelle et Gertrude, opéracomique de Favart, ce proverbe est enchâssé de la manière la plus heureuse.

Oui, oui, le fard de la beauté
Est la décence et la simplicité;

L'art est de cacher l'art. C'est le
C'est le point nécessaire.

Il faut la voir
Cette dame Gertrude;

C'est un miroir

Pour une prude:

Il faut la voir

Avec son grand mouchoir

Noir.

moyen

de plaire,

Il se plisse ou s'étend sous ses mains vertueuses,

S'ajuste, s'arrondit, prend des formes heureuses,
Et ménage des jours, des jours de volupté:

Le blanc, le noir... l'œil en est enchanté.
Ainsi l'on voit dans un bocage sombre
Les rayons du soleil se jouer avec l'ombre.

ASTROLOGUE. ( Il n'est pas grand)

Il n'a pas une grande perspicacité. Par ironie: C'est un grand astrologue; il devine les fêtes quand elles

sont venues.

Astrologues parlent bien de l'avenir,
Mais ils ne le font pas venir.

ATTENDRE.

Mal attend

Qui ne perattend.

C'est-à-dire, attend mal à propos, qui n'a

tience d'attendre jusqu'à la fin.

A ce proverbe se rapporte le suivant :
Qui bien attend

Ne surattend.

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C'est-à-dire, qui attend avec persévérance, n'attend pas trop long-temps.

« Je prierai le lecteur, dit Henri Estienne (Traité de la précellence du langage français), considérer comment nous pouvons faire notre proufit de ce proverbe, en alléguant à celui qui n'aura point eu la patience d'attendre jusques à la fin, mais aura perdu courage. Et nommément pour les attendans de la cour cette leçon est fort bonne, que ce n'est pas bien attendu si on n'attend jusques à la fin; sinon au cas qu'ils voyent que cette fin ne prenne aucune fin. »>

On compte les défauts de ceux qu'on attend. (Proverbe espagnol. )

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