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Prov 150.1.5

Harvard College Library,

1 Fox. 1893

Gift of

JOHN BARTLETT,

PRÉLIMINAIRES.

Les mots sentence, adage et proverbe ont de nombreux rapports; mais voici en quoi ils different.

Les proverbes de Salomon étaient des sentences, c'est-à-dire, des paroles qui portaient un grand

sens.

Le proverbe renferme une vérité naïve, tirée de l'observation; l'adage rend, par la tournure, cette vérité piquante.

L'adage, comme on le voit, rentre dans le pro

verbe.

Le mot adage a cessé d'être en usage; et, par proverbe, on entend en général une sentence populaire et commune.

Mais comment ces sentences ont-elles pu passer de bouche en bouche, et ainsi se perpétuer? - Parce que leur justesse était frappante.

Ajoutez que beaucoup de proverbes sont antérieurs à l'invention de l'imprimerie, et remontent par conséquent à une époque où il était difficile d'acquérir des connaissances.

La plupart des proverbes anciens sont rimés. On chantait des vers dans les repas; ce qu'il y avait de saillant était recueilli par l'un ou par l'autre.

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La langue française, que l'on accuse d'être si verbeuse, n'a rien à envier aux autres langues pour la précision de ses proverbes. Peu et bon. - Paix et peu. Qui doit a tort. - Patience passe science. A bon chat bon rat, et quantité d'autres proverbes, sont renfermés dans trois ou quatre mots. La mythologie a fourni quelques proverbes; par exemple C'est le tonneau des Danaïdes. : C'est la toile de Pénélope.

Une voix de Stentor.

On en a aussi tiré de l'apologue, comme : Jeter le manche après la cognée. - Réchauffer un serpent dans son sein. C'est la mouche du coche.

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Beaucoup de proverbes font allusion à des traits d'histoire; telles sont les expressions: Coup de Jarnac, partage de Montgomery.

On en a emprunté aux arts, notamment à la navigation, comme Avoir le vent en poupe; à l'art militaire, comme Baisser la lance; à la vénerie, comme Faire le chien couchant. Rompre les chiens. La serrurerie nous a donné: Mettre les fers au feu. Battre toujours la même enclume. Les animaux domestiques ont aussi enrichi le langage proverbial. Ne dit-on pas, Emporter le chat; Prendre la chèvre ; Hurler avec les loups? Trop prodigués, les proverbes se nuisent mutuellement; c'est au goût à en régler l'emploi.

Les proverbes ne tiennent pas mal leur rang dans les épigrammes; ils y peuvent être semés de bonne grâce, et même quelquefois en former la pointe.

Jamais livre ne fut reçu avec plus d'admiration

que les Adages d'Érasme : les uns l'appelèrent la Muse attique, les autres la Corne d'abondance, un Trésor de bonnes choses. Charles Dumoulin, citant ces Adages, en prend occasion de donner le titre de grand à Érasme.

La première édition des Adages d'Érasme est de l'année 1500; elle contient huit cents proverbes, tant grecs que latins. Érasme, pendant plusieurs années, rapporta toutes ses lectures aux adages. L'édition qu'il donna en 1508 contient trois mille trois cents proverbes, et celle de 1517 quatre mille cent cinquante-un.

Érasme croyait être le premier qui eût écrit en latin sur les proverbes, lorsqu'il apprit que Polydore-Virgile avait traité cette matière. Il y a entre les deux ouvrages une très grande différence, et celui de Polydore-Virgile est court: il parut en 1598. Muret, quoique très grand critique, n'avait pas une grande estime pour les proverbes. Vaugelas, Perrot d'Ablancourt, Nicole, ne les aimaient pas non plus; et le P. Bouhours les a comparés à ces habits antiques qui sont dans les garde-meubles des grandes maisons, et qui ne servent qu'à des mascarades ou à des ballets.

Ce jugement sévère a été infirmé par le Dictionnaire de Trévoux. Voici le passage: « Je suis de l'opinion de Cardan, lorsqu'il dit en ses livres de Sapientiâ, que la sagesse et la prudence de chaque

nation consistent en ses proverbes.

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Senecé exprime la même pensée. « Quoique cer

tains esprits, dit-il, qui se croient supérieurs, veuillent renvoyer au bas peuple les proverbes, il est hors de doute qu'ils contiennent la quintessence du bon sens

Guillaume Penn, dans son ouvrage intitulé : Fruits de l'amour d'un père, dit : « La sagesse des nations est renfermée dans leurs proverbes; recueillez-les et apprenez-les, ce sont de bonnes leçons et des directions utiles dans le cours de la vie; ils disent beaucoup en peu de mots, épargnent la peine de trop parler, et dans bien des cas sont la réponse la plus propre, la plus significative et la plus sûre qu'on puisse faire aux gens. >>

Le sage Franklin pensait de même. Pendant vingt-cinq ans il publia des almanachs où il placait des conseils d'économie et des leçons de bienfaisance et de justice, qu'il assaisonnait de proverbes. Lui-même a réuni ces conseils dans un ouvrage intitulé: Science du bon homme Richard.

Les proverbes faisaient l'ornement de notre littérature il y a six cents ans. Les poètes divisaient assez souvent une pièce de vers par couplets, et chaque couplet finissait par une sentence ou proverbe.

Rabelais fut trop prodigue de proverbes, et JeanAntoine de Baïf, qui le suivit de près, publia un Traité (les Mimes, Enseignemens et Proverbes, Paris, 1576, in-12) tout-à-fait propre à en dégoûter la nation.

La Comédie des Proverbes, par le comte de Cramail, Paris, 1616, est farcie de proverbes si vul

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