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Métaphore empruntée de la rivure que l'on fait au clou qui ferme le collier des galériens.

Le Roman de la Rose fournit plusieurs exemples de l'emploi de ce proverbe.

COCAGNE. (Pays de)

Pays où la Providence donne des viandes toutes cuites, et où, comme l'on dit, les alouettes tombent toutes róties; du latin coquere.

Paris est pour un riche un pays de Cocagne.

Voici une autre étymologie : l'indigo d'Amérique n'a commencé à être importé en Europe que vers la fin du seizième siècle. Avant cette époque, le pastel était l'objet d'un commerce immense; on le cultivait sur plusieurs points de la France, spécialement dans une partie du Haut-Languedoc, le Lauraguais, qui eut le surnom de pays de Cocagne, à cause de la grande quantité de coques de pastel qu'on y préparait, et du profit que ses habitans en retiraient. Ce qu'il y a de sûr, c'est que la plupart des fortunes du Haut-Languedoc proviennent de la culture ou du commerce du pastel; les plus beaux édifices de la ville de Toulouse ont été construits par des marchands de pastel : un d'eux, Pierre de Bernui, cautionna pour la rançon de François 1er.

Dans le théâtre de Le Grand, on trouve une comédie intitulée le Roi de Cocagne. Un bon paysan, nommé Guillot, écoute avec ravissement la description de l'île qui appartient à ce roi, dont les ministres sont Bombance et Ripaille. Il est surtout émerveillé lorsqu'on lui dit : Tous les palais ici sont faits de confiture;

et il s'écrie:

Morguenne, que j'allons manger d'architecture!

COEUR. (Faire quelque chose de grand)

Les personnes qui emploient cette expression n'en soupçonnent pas l'origine. Avant d'écrire grand, on a écrit grant, et plus anciennement gréant. On trouve dans les vieux auteurs, de gréant cœur, pour dire, de cœur qui agrée.

On a beau prêcher qui n'a cœur de bien faire.
Ce proverbe a été altéré. Anciennement on disait :
A beau parler qui n'a cure de bien faire.
Cure, de cura, soin,
soin, attention.

Prendre son coeur à deux mains.

C'est-à-dire, faire un grand effort sur soi-même.
Avoir le cœur gros.

Être vivement affecté.

A l'appui de ce proverbe vient la remarque qui fut faite lors de l'ouverture du corps de Marie de Médicis; son cœur pesait plus de deux livres; on attribua ce poids énorme aux chagrins que la princesse avait éprouvés.

Mettre le cœur au ventre.

Le ventre est le siége de l'énergie de beaucoup de gens: irrésolus avant le dîner, ils sont crânes après la soupe.

Jeter son cœur à la gribouillette.

Aimer à l'aventure, donner son cœur au premier

venu.

La gribouillette est un jeu d'enfant ; on jette quelque chose de peu de conséquence, et on l'abandonne à qui pourra l'attraper.

Ce proverbe est méridional.

COEUR. (Loin des yeux, loin du)

Montaigne a pris à tâche de combattre ce proverbe. « L'amitié, dit-il, a les bras assez longs pour se tenir

et se joindre d'un coin du monde à l'autre..... La jouissance et la possession appartiennent principalement à l'imagination; elle embrasse plus chaudement et plus continuellement ce qu'elle va querir, que ce que nous touchons. Comptez vos amusemens journaliers, vous trouverez que vous êtes lors plus absent de votre ami, quand il vous est présent; son assistance relâche votre

attention. >>

L'absence ne refroidit que les passions brûlantes, comme l'amour et la haine.

Les sages ont la bouche dans le coeur, et les fous le cœur dans la bouche.

Proverbe emprunté aux Italiens. Cœur est ici synonyme de courage.

Chez les Orientaux, c'est au rebours, quant à la rédaction:

Le fou tient son cœur sur sa langue, le

sa langue dans son cœur.

(Proverbe turc*.)

Mauvaise tête et bon cœur.

(Proverbe breton.)

sage tient

Sans doute, les habitans de l'ancienne province de Bretagne ont de la franchise et de la loyauté; mais il ne faudrait pas qu'ils se fissent gloire de leur rudesse et de leur opiniâtreté.

COFFRE. (Drole comme un)

Proverbe du temps où les coffres tenaient lieu de commodes. On les garnissait de cuir doré que l'on tirait de l'Espagne; les dessins représentaient des arabesques. COFFRE. (Mourir sur le)

C'est-à-dire être en charge jusqu'à la fin de ses jours. Autrefois les laquais s'asseyaient dans l'antichambre, sur un coffre.

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Une lettre de madame de Sévigné à sa fille nous fournit un exemple de ce proverbe : « Je reviens à M. de Turenne, qui, en disant adieu à M. le cardinal de Retz, lui dit Monsieur, je ne suis point un diseur, mais je vous prie de croire sérieusement que, sans ces affaires-ci, où peut-être on a besoin de moi, je me retirerais comme et je vous donne ma parole que si j'en reviens, je ne mourrai pas sur le coffre.

vous,

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Le même proverbe se trouve dans cette épitaphe de Tristan l'Hermite:

Ébloui

par l'éclat de la splendeur mondaine,

Je me flattois toujours d'une espérance vaine;

Faisant le chien couchant auprès d'un grand seigneur,

Je me vis toujours pauvre et tâchai de paroître;

Je vécus dans la peine, attendant le bonheur,

Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.

COGNÉE. ( Jeter le manche après la)

Rendre plus grande, par dépit, la perte qu'on vient d'éprouver. L'exemple est pris d'un bûcheron qui, n'ayant plus que le manche d'une cognée, le jetterait au lieu de le réserver pour l'adapter à un autre fer.

C'est une bien malheureuse disposition de l'esprit humain, que celle qui nous prive dans la bonne, et surtout dans la mauvaise fortune, du sang-froid dont nous avons besoin pour juger sainement de notre position. L'orage a-t-il passé sur nos domaines, nous ne voyons que le ravage qu'il a fait, les arbres qu'il a brisés, les moissons qu'il a détruites. Le regret des biens qu'on nous ôte ne nous rend pas seulement insensibles à la jouissance de ce qu'on nous laisse; il nous en dérobe la vue, et souvent même nous y fait trouver un excès d'infortune.

COL. (Se tenir)
Rester tranquille.

Autrefois on écrivait quoy, du latin quietus;
Et l'on disait aussi :

Tout quoy,

comme dans le sonnet où Jean Avril parle du baiser donné à Alain Chartier :

Son parler fut si doux, qu'une fille de roy,

Le trouvant endormy, s'en approcha tout quoy,
Et en public baisa cette bouche admirable.

COIFFE. (Triste comme un bonnet de nuit sans) Ce proverbe exprime l'espèce d'abattement dans lequel on tombe sans motif particulier. Rassasié de tout, détrompé de tout, l'homme forme encore des désirs vagues, et devient mélancolique.

Sans coiffe, c'est-à-dire, sans enveloppe de toile blanche, un ancien bonnet de nuit d'homme, un bonnet de laine, était véritablement l'emblême de la tristesse; tandis que l'enveloppe lui donnait une sorte d'élégance. Cette enveloppe était une espèce de sac de toile fine, bordé d'une bande de mousseline. Quand on avait recouvert le bonnet, on fronçait le sac, et la bande de mousseline formait une espèce de houppe. COIFFÉ. (Il est né)

C'est-à-dire, il est né heureux. Ce proverbe vient de l'augure favorable que les anciens tiraient de l'espèce de coiffe dont la tête de quelques enfans est revêtue quand ils viennent au monde, la considérant comme un diadème de roi ou une mitre de grand-prêtre. Un ancien poète a fait un rondeau sur cette prospérité innée :

Coiffé d'un froc bien raffiné,
Et revêtu d'un doyenné
Qui lui rapporte de quoi frire,
Frère René devient messire,
Et vit comme un déterminé.

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