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homme raisonnable. Cette explication n'était pas romanesque; cependant elle ne m'en inspira pas moins le plus ardent désir de voir couronner la Rosière de Salency. Quelques jours après, M. Lepelletier de Morfontaine, intendant de la province, vint nous voir; il avait l'âme noble et bienfaisante; je lui parlai de la Rosière; et il fut décidé que nous irions présider à son couronnement. En effet, nous allâmes à Salency; nous couronnâmes la jeune Rosière dans la chapelle de saint Médard, fondateur de cette fête. J'entendis un discours aussi touchant que religieux, prononcé par M. le curé; je vis la mère et le vieillard vénérable, père de la Rosière, fondre en larmes pendant toute la cérémonie. La Rosière fut comblée de présens; mais ceux de M. de Morfontaine effacèrent tous les autres; en outre il fonda une rente perpétuelle de deux cents livres pour la Rosière de Salency.

Louis XIII, étant au château de la Varenne, et voulant ajouter à la solennité de Salency, envoya par le capitaine de ses gardes le ruban de son ordre à la jeune fille qui devait être couronnée. De là vient que les Rosières de Salency sont décorées d'un cordon bleu.

Pendant la révolution, quatre vieillards furent substitués au seigneur.

Depuis quelques années, le propriétaire du château de Salency, le curé et le maire forment un comité. Ce comité nomme trois filles qui tirent au sort. Celle qui obtient le n° I est Rosière.

Le couronnement a lieu le dimanche le plus voisin de la fête de saint Médard (8 juin). Ce jour-là, la Rosière, qui a dîné au château avec ses parens, est conduite à l'église par le maire. Douze jeunes filles vêtues de blanc lui servent de cortége. Elle entend les

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vêpres, placée au milieu du chœur. Les vêpres finies, le clergé et le peuple se rendent en procession à la chapelle de Saint-Médard. Là, le curé bénit la couronne de roses, fait un sermon et pose la couronne sur la tête de la Rosière qui la reçoit à genoux. Après le couronnement la jeune fille est reconduite à la paroisse, où l'on chante le Te Deum, avec une antienne à saint Médard.

Sur la porte de la maison paternelle, pend une couronne de fleurs, avec cette inscription : La vertu récompensée.

La fête de Salency a donné naissance à beaucoup d'autres, notamment à celles de Canon et de Briquebec, dans la ci-devant Normandie. Ces deux fêtes forment le sujet d'une brochure in-8° de 216 pages, que l'abbé Le Monnier, chapelain de la Sainte-Chapelle de Paris, publia en 1778, à Paris. Ce volume est orné d'une fort belle gravure de Moreau le jeune.

Le village de Suresnes, près Paris, a aussi une Rosière. La fondation est due à un M. Héliot, secrétaire de la feuille des bénéfices. La Rosière est choisie au scrutin par un conseil de vieillards, présidé tour à tour par le maire et par le curé; ils nomment trois candidates.

Le maire va prendre la Rosière au milieu de ses compagnes, la conduit à l'autel, et de là à une dame qui met sur sa tête une couronne de roses. Le couronnement a lieu le dimanche le plus voisin de la fête de Saint-Louis (25 août). Outre une couronne de roses, la jeune fille reçoit 300 francs.

En 1821, les jeunes personnes qui avaient concouru au prix étaient au nombre de cent. Toutes vêtues de blanc, elles étaient réunies dans l'église de Suresnes, sur des gradins. La rosière avait dix-huit ans.

Nous ignorons si une fête de Rosière établie à Saint

Fergeux, près Besançon, en 1776, sous le nom de Fête des Moeurs, a continué d'être célébrée. Le prix se distribuait le 25 août; il consistait en une somme de 100 livres, et une croix d'or, sur un côté de laquelle on lisait : A la Sagesse, et sur l'autre : Fête des Mours, avec le millésime. Les concurrentes devaient avoir seize ans accomplis, ou être au-dessous de trente-cinq; elles étaient toutes vêtues de blanc et couronnées de myrte, excepté la Rosière, qui allait recevoir une couronne de roses des mains du maire.

Laharpe, dans son Cours de Littérature (pag. 364 et suiv. du tome 8), a déclamé avec violence contre ces fêtes. « Il est ridicule et absurde, dit-il, de couronner la vertu, qui n'a ici-bas de couronne qu'elle-même.... La vertu est dans le cœur, et Dieu seul la voit telle qu'elle est.... Mais surtout quel contre-sens de donner un prix public, un prix d'appareil, à la vertu des femmes, à la pudeur! C'est réunir ce qu'il y a de plus opposé. Quoi de plus opposé à la sagesse, à la modestie, à la pudeur d'une vierge, que de la produire en public?... Vous prétendez honorer la vertu du sexe, et vous la violez. Il n'y a point de mère éclairée qui souffrit qu'on rendît à sa fille cet honneur qui n'est qu'un outrage; et si la fille est ce qu'elle doit être, elle ne doit pas comprendre pourquoi on veut la cou

ronner.... »

CHAPERON.

Plusieurs proverbes ont été tirés de ce mot, qui, chez nos aïeux, signifiait une couverture de tête. Ils disaient chaperonner, comme depuis on a dit bonneter; deux têtes dans un chaperon, comme nous disons, deux têtes dans un bonnet.

« Quelques uns, dit Estienne Pasquier (Recherches de la France), ont estimé que nos ancestres usoient de cet accoustrement de teste, tout ainsi que maintenant les femmes, c'est-à-dire sans se defeubler (décoiffer). »

Pasquier fait voir qu'on abaissait le chaperon dans certaines occasions, ou du moins qu'on se découvrait le front, le reste demourant couvert. Il parle ensuite de l'extinction de la mode des chaperons. «Petit à petit s'abolist cette usance premierement entre ceux du menu peuple, et successivement entre les plus grands, lesquels, par une forme de mieux séance, commencerent de changer petits bonnets ronds, portant lors le chapperon sur les espaules pour le reprendre toutes et quantes fois que bon leur sembleroit. » Le bonnet était de la couleur du chaperon.

Autre proverbe : Il n'est pas honnête à des filles d'aller se promener, si elles n'ont quelque dame qui leur serve de chaperon.

Ce chaperon est une mère, ou une belle-mère, ou une vieille parente.

Les chapes, pluvialia, dont l'usage s'est maintenu dans les églises, fournissent un modèle du vêtement qui sert ici de comparaison; à ces espèces de manteaux tient un chaperon.

CHAPERON. (Qui a la Bretagne sans Jugon,
A chape sans)

L'ancienneté de ce proverbe peut être facilement démontrée : le château de Jugon fut démoli en 1420.

CHAPITRE. (Trois font)

Un ennemi des chanoines a tiré de loin l'explication satirique de ce proverbe.

Centum oves faciunt pecus, decem boves faciunt

armentum, tres canonici faciunt capitulum, et numerus decrescit crescente magnitudine bestiarum.

Les assemblées des chanoines et des moines s'appellent chapitres, parce que anciennement elles se faisaient derrière l'autel, par conséquent au chevet : l'église.

J'ai maints chapitres vus,

Qui pour néant se sont tenus:

Chapitres non de rats, mais chapitres de moines,

Voire chapitres de chanoines.

(LA FONTAINE.)

CHAPON.

Chapon de huit mois,

Manger de rois.

Lorsque ce proverbe fut fait, on n'avait point encore apporté de l'Inde l'espèce de volaille qui a pris le nom du lieu de son origine.

Qui chapon donne, chapon lui vient.
Un cadeau nous en procure un autre.
Qui chapon mange, chapon lui vient.
Parodie du proverbe précédent.

Dans le sens absolu, ce proverbe peut signifier qu'il ne faut pas être si économe, parce que l'on voit des gens dissipateurs s'enrichir. Il peut encore signifier que le bien vient plutôt à ceux qui en ont déjà qu'à ceux qui ne possèdent rien.

L'argent ne cherche que l'argent,

a dit Maynard dans une épigramme traduite de Martial. J. J. Rousseau donne le mot de l'énigme : « Le premier écu, dit-il, est plus difficile à gagner que le dernier million. >>>

Mais pourquoi a-t-on fait servir le chapon à exprimer

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