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trouvent oppofées à la blancheur du fond par une couleur brune, foncée, ou noire; au lieu que les hachures que produifent les pointes en découvrant le vernis qui eft trèsnoir, font claires & brillantes: enforte que cette oppofition eft abfolument différente de celle que produit le deffein. Au refte, on s'accoûtume aifément à cette différence; & l'on fe fait à imaginer que ce qui eft le plus clair & le plus brillant fur la planche vernie, deviendra le plus noir fur l'eftampe. Revenons à quelques-uns des principes de cet art: j'ai dit que l'on y parvenoît à une jufte dégradation par la differente groffeur des pointes qu'on employe. Mais l'on fent aisément que le travail doit concourir à produire les effets néceffaires à l'accord & à l'harmonie. Ce travail, c'eft-à-dire le fens dans lequel on trace tes hachures, doit être déterminé par l'étude de la nature comme dans le deffein; & affez ordinairement fi le deffein eft bon, les hachu res du crayon vous indiqueront celles des pointes. Ainfi le fens des muscles & le tiffu de la peau pour les figures, feront les points dont vous partirez pour regler votre tra vail: & voilà pourquoi il eft effentiel qu'un graveur ait une grande habitude de deffiner. Sans cela la liberté que fe donnent quelquefois les Artiftes en deflinant, pourroit l'égarer. Cette réfléxion me conduit naturellement à dire en paffant un mot fur ce qui peut contribuer à la corrup tion de cet art.

On ne connoiffoit dans les premiers tems où on l'a exer que la Gravure au burin, dont je donnerai le détail. La longueur du travail du burin, & l'avantage de la dé couverte & de la promptitude d'un nouveau moyen, contribuerent à rendre la façon de graver à l'eau-forte plus générale & plus commune; cependant on commença par foûmettre cette nouvelle pratique à une imitation fervile des effets du burin: c'étoit les premiers pas d'un art timide qui n'osoit s'écarter de celui à qui il devoit la naiffance ; mais cette fubordination dura peu: la gravure à l'eau-forte

prit l'effor. & fe chargea de faire les trois quarts des ouvrages qu'elle entreprenoit, laiffant au burin le foin de leur donner un peu plus de propreté, d'accord, & de perfection. Elle ne fe borna pas-là; elle hafarda d'exécuter d'une façon libre des ouvrages entiers, elle fe débarrassa du joug que lui avoit impofé le burin; les regles qu'on avoit établies n'y furent plus des lois auxquelles on ne pouvoit fe difpenfer de fe foûmettre; d'habiles artistes en promenant au hafard la pointe fur le vernis, formerent des croquis pleins d'efprit & de feu, mais fort incorrects & d'un travail fort peu agréable. Un nombre infini de graveurs de tous états s'éleverent, & crurent qu'il fuffifoit de = calquer un deffein ou un tableau fur le cuivre, d'en former un trait peu correct, de le couvrir de hachures arbitraires, =& de laiffer à l'eau-forte le foin d'achever ces ouvrages imparfaits, dont nous fommes inondés aujourd'hui. Mais fi l'art de la Gravure a perdu, & perd ainfi tous les jours du mérite favant qu'elle a eu dans les tems où on l'exerçoit avec plus de reserve, de foins, & de réflexions; cette efpece d'abus qu'on en fait a fon utilité pour la communication générale des Arts & des connoiffances. Il n'eft point d'ouvrage fur ces matieres, où les idées un peu compliquées ne foient éclaircies par des figures gravées, qui font entendre ce qu'on auroit fouvent de la peine à comprendre fans cela. Ces figures le plus fouvent très-imparfaites du côté de l'art, ne fervent pas moins à la fin pour laquelle on les employe l'art de la Gravure eft donc devenu moins parfait, mais plus utile aux hommes.

Voici quelques-unes des regles que Boffe nous a tranfmifes, & defquelles ont peut fupprimer, ou auxquelles on peut ajoûter, pourvû que ce foit d'après des travaux raifonnés, & qu'on ait toûjours en vue l'imitation de la nature, & l'application des vrais principes de la Peinture & du Deffein. J'ai dit que la premiere taille ou le premier rang de hachures qu'on trace avec la pointe fur le vernis doit fuivre

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fuivre le fens des hachures du deffein, ou de la broffe & du pinceau, fi c'est d'après un tableau qu'on grave: mais ce premier rang de hachures n'eft pas fuffifant pour parvenir à l'effet d'une planche; il eft d'ufage de paffer fur ces premieres tailles un fecond, & quelquefois un troifieme, & même un quatrieme rang de traits qui fe croifent en differens fens. Les fecondes tailles doivent concourir avec les premieres à affûrer les formes, à fortifier les ombres, & à décider les figures ou les objets qu'on grave; mais comme dès les premieres tailles, on a dû épargner les reflets & les demi-teintes, les fecondes doivent ménager de même les parties qui doivent être moins colorées. Si l'ombre fe trouve très-forte & le reflet auffi, les deux tailles de l'ombre doivent être faites avec une pointe molle & forte, & ces deux mêmes tailles feront continuées dans les reflets par des pointes plus fines dans le même genre de travail.

On doit obferver de faire la premiere taille forte, nourrie, & ferrée; la feconde un peu plus déliée & plus écartée, & la troisieme encore plus fine. La raifon de cela eft, que la premiere étant celle qui indique le fens des mufcles & de la peau, doit être celle qui domine; les autres ne font ajoûtées que pour colorer davantage les figures ou les corps fur lefquels on les employe. L'une deffine, les autres peignent; la premiere eft faite pour imiter les formes, les autres pour répandre fur ces formes l'effet jufte du clair obfcur. Si la premiere & la feconde taille forment en fe croifant des quarrés, la troifieme doit former des lofanges fur l'une des deux.; ou fi les deux premieres font en lofange, la troifieme fera quarrée.

On doit fe fervir rarement de troisieme hachure à l'eauforte, lorfqu'on fe réserve de retoucher la planche au burin, parce qu'on laiffe cette troifieme pour ajoûter, par le moyen du burin, la couleur qui peut manquer, & la propreté qu'on veut donner à l'ouvrage.

Le genre de travail que l'on employe doit, comme on

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le fentira aifément, avoir rapport à la nature des objets qu'on grave. Cette efpece de convention contribue beaucoup à l'effet que produit la Gravure; ainfi on a remarqué que les traits doublés qui forment des quarrés, c'est-à-dire qui fe croifent perpendiculairement, produiroient à la vûe un travail plus dur & moins agréable à l'œil, que les traits qui fe coupent en formant des lofanges ou des demi-lofanges. On a donné la préférence à ce dernier travail, pour repréfenter des corps délicats, tels que ceux des femmes, des enfans, des jeunes hommes ; & l'on s'eft éloigné plus ou moins de cette combinaison de tailles à-proportion de l'austérité qu'on defiroit dans les travaux qu'on vouloit employer. Quelques artistes ont trouvé que dans les figures qui ne demandoient pas une grande vigueur de couleur, on pouvoit hardiment fe fervir du grand lofange; mais qu'il devenoit embarraffant, lorsqu'il faut rendre les tons plus colorés. Au refte il eft des artistes qui fans s'aftreindre à ces regles, ont fait de très-belles eftampes, ce qui ne prouve pas qu'elles foient inutiles, mais feulement qu'il ne faut s'en affranchir qu'autant qu'on eft fûr de réussir fans leurs fecours. Les plus beaux exemples de ces pratiques, dont je viens de rendre compte, font les eftampes de Corneille Vifcher.

Les draperies exigent du graveur une infinité de combi-` naisons & d'attentions dans le travail qui varie, fuivant la nature des étoffes, le mouvement des plis & le plan des figures. En général il faut, comme dans les chairs, que la premiere taille deffine la forme & le mouvement du pli : mais fi la continuation de cette taille dans le pli qui fuit, n'eft pas propre, comme cela doit arriver fouvent, à en exprimer le jufte caractere, il faut la deftiner à fervir de feconde ou de troifieme même, en fubordonnant cette taille à celle que vous lui fubftituez. Cette combinaison qui demande du foin & de l'habitude, donnera à votre travail une aifance & une jufteffe qui charmeront l'œil. Une fe

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conde obfervation eft, qu'il faut éviter que ces tailles dont vous vous fervez, & qui vont fe terminer au contour des membres nuds, ou des autres corps qui fe touchent, tombent à angles droits fur ces contours; mais il faut que ces hachures fe perdent avec eux d'une maniere infenfible & douce. En général, les hachures des draperies doivent former des traits ondoyans, & éviter d'être roides & gênées; elles doivent s'unir par les moyens dont j'ai parlé, de maniere que dans l'ouvrage les objets fe détachent principalement par l'effet des ombres & des jours.

Les clairs & les demi-teintes exigent dans la Gravure, ainfi que dans le Deffein, une propreté de travail extrème: on aura donc foin de varier les pointes, & de fe fervir dans cette occafion de celles qui font plus fines. Les ombres qui demandent à être folides, & qui repréfentent l'effet de la privation de la lumiere, admettent un travail ferme, &, pour ainfi dire, plus rempli d'accidens & d'inégalités; mais les demi-teintes & les reflets qui participent de la lumiere, doivent être exécutés avec une attention d'autant plus grande, que lorfque les objets font clairs, on doit mieux en diftinguer les formes & les détails. Sur les grandes lumieres les travaux ne peuvent être ou trop ménagés, ou faits avec trop de legereté, & avec cette propreté qui flatte l'œil. Les tailles doivent être écartées les unes des autres; & fi l'on a deffein de terminer l'ouvrage à la pointe, c'est alors que le travail de cet outil doit tendre à imiter la netteté du burin. Pour les planches qu'on deftine à être retouchées au burin, il faut y reserver le travail dont je viens de parler; parce qu'on eft plus maître de donner avec le burin ce degré jufte de netteté qui doit faire valoir l'ouvrage. Les linges & les étoffes fines doivent se préparer à une feule taille propre; il faut laiffer au burin à les terminer par des fecondes tailles legeres & mifes à-propos. Puifqu'il eft queftion de cette propreté qu'on doit chercher,

fans

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