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Ce plan qui à pour but l'avancement de l'agriculture & de tous les arts méchaniques, n'est pas encore mis en exécution, mais l'imperturbable activité de Grégoire m'est garant de sa réussite.

LE PEINTRE DAVID.

J'ai cherché la connaissance de David, du plus grand peintre d'histoire vivant, & non pas du politique, excentrique, fanatique, & partişan de Robespierre. Je l'ai trouvé, je l'ai vu souvent travailler & j'allais avec un plaisir infini dans son bel attelier du Louvre, sans m'embarrasser de ce que disaient des mignons aristocrates, sans goût pour les arts, sur ma fréquentation avec le monstre hideux, grosse joue, ou tel autre nom injurieux qu'ils lui donnaient, très-indifférents s'ils reculaient

* David à une grosseur dure sur une joue, ce qui lui a attiré ce sobriquet.

d'effroi, lorsque je leur avouais que j'avais été chez David.

Sublimité dans l'imagination, grandeur dans l'invention, noble simplicité dans la composition, vérité dans l'expression, justesse dans le dessein, beauté des formes, chaleur de coloris, harmonie des couleurs; quand toutes ces propriétés se réunissent dans les ouvrages d'un peintre, on peut dire que c'est un grand peintre, & elles sont toutes réunies dans les tableaux achevés de David. Je crois inutile de déclarer que parmi ces ouvrages achevés je ne compte pas une mort de Marat, quelque grand que puisse être le mérite relatif de l'artiste dans ce tableau & dans d'autres su

jets révolutionnaires traités par David, je ne les ai pas vus.

C'est à David & à ses éleves que l'école Française à l'obligation de s'être relevée de sa décadence, du retour à l'étude de l'antique, & de la réunion du beau idéal avec l'imitation de la belle nature. J'ai vu son Junius Combien de fois je

Brutus & ses Horaces.

me suis nourri de cette vue, je me suis -échauffé aux rayons de son génie !-mais, d'abord un mot sur l'homme même.

David me reçut avec une prévenance confiante & sans prétention, qu'on ne rencontre pas toujours envers les étrangers dans les artistes Français, bons ou médiocres ; & il me confia souvent la clef de son grand attelier que je lui demandais pour aller contempler son Brutus, ou ses Horaces, pendant qu'il travaillait dans une autre chambre éloignée. La tête de David n'est pas encore entierement libre de sa frénésie politique, quoiqu'il vive isolé & entierement occupé de son art. Quelquefois dans une conversation qui n'y avait pas rapport, il glissait légerement sur les matieres politiques, aussitôt il se plongeait dans un silence sombre, dont on avait de la peine. à le réveiller pour le ramener sur les détails de son art: mais il souffrait alors que je le fisse souvenir que ce n'était pas au ci-devant député de la convention, mais à l'artiste que je venais faire visite, que son attelier était, &

aurait toujours dû être le seul théâtre de ses

occupations.

L'artiste qui sort du cercle qui lui est circonscrit par son talent, pour se jetter dans une sphere étrangere, n'est jamais à sa place. On ne peut donc que plaindre un homme qui avec un tête de feu & une imagination ardente, se jette dans la politique, & s'éleve jusqu'à prendre parti dans un gouvernement révolutionnaire, surtout dans une époque où toutes les passions déchaînées sont en opposition; alors sa tête le perd.

Le crédule David se laissa tromper, par le masque de Robespierre, son imagination déréglée, incapable d'un examen calme, vît en lui le patriote zélé, le sauveur de la patrie, le grand homme. Combien il était aveugle! Robespierre, sous l'apparence de l'amitié, & avec le talent qui lui était propre de dominer ses partisans, travaillait à employer à ses fins l'amitié de David, que son talent supérieur rendait important, & David tomba dans le piége du tyran adroit. Même son goût si pur autre

fois dans son art se gâta à cette époque; & dégénéra en un genre colossal ridicule. On connaît les monstrueux projets de David pour les monuments de la liberté, & ses plans abâtardis pour les fêtes nationales. Ses décisions en matiere d'art étaient des loix, il y régnait sans restriction. Le fanatisme politique l'entraîna.

Rousseau a raison, quand il dit dans ses Confessions, qu'il est dans la vie des moments d'un certain délire, d'après lesquels il ne faut pas juger & condamner les hommes. Pourquoi n'appliquerait-on pas cet axiôme en faveur de David? Il agissait alors comme un frénétique, mais non pas par cupidité, comme beaucoup d'autres révolutionnaires. Il refusa tous les présents qui lui furent donnés par la Convention pour ses plans & ses tableaux, ou il les distribua à de pauvres artistes. On reproche à David de s'être mis à la tête des iconoclastes, par jalousie d'artiste, pour anéantir des chefs-d'œuvre antiques, qui surpassaient son talent. Je crois ce reproche ridicule & malfondé, autant que j'ai appris à connaître

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