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renforcer l'armée qui assiégeait Thionville, Custine, qui commandait l'aile gauche de l'armée d'Alsace, prit l'offensive, s'empara sans obstacle de Worms et de Spire [21 oct.], et, bientôt après, de la grande place de Mayence, où il avait des intelligences. Les Prussiens craignirent qu'il ne descendît jusqu'à Coblentz, seul pont qu'ils eussent sur le Rhin, et ils se hâtèrent d'y arriver; mais Custine ne songeait nullement à eux : il prit Francfort, et courut sur le Mein pour révolutionner l'Allemagne, au risque de forcer la diète germanique à se déclarer ennemie. Dans le même temps, les hostilités avaient commencé aux deux extrémités de la ligne d'opérations des alliés, dans les Pays-Bas et sur les Alpes. Dans les Pays-Bas, les Autrichiens, après avoir mis les Français en déroute au camp de Maulde [24 septembre], prirent position devant Lille; mais, au lieu d'assiéger cette ville régulièrement, ils la bombardèrent pendant douze jours et brûlèrent sept cents maisons. La défense héroïque des habitants et la nouvelle de la marche de Dumouriez sur les Pays-Bas forcèrent l'ennemi, après cette barbarie inutile, à repasser la frontière [8 oct.]. · Sur les Alpes, Montesquiou, avec vingt mille hommes, envahit la Savoie [23 sept.], pays tout français de langue et de position, qui l'accueillit avec enthousiasme. En même temps, Anselme, avec six mille hommes, quelques vaisseaux et un million fourni par Marseille, entra dans le comté de Nice [28 sept.], en faisant croire aux Piémontais que sa troupe était l'avant-garde d'une armée de quarante mille hommes. Tout s'enfuit à son approche; Nice, le fort Montalban, Villefranche se rendirent avec d'immenses munitions, cent canons, des vaisseaux de guerre, etc.

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La conquête de Nice et de la Savoie, la résistance de Lille, la prise de Mayence, complétèrent la glorieuse campagne de Dumouriez et jetèrent la stupéfaction dans toute l'Europe. La révolution se présenta à elle sous une nouvelle face et trouva partout de nombreux admirateurs; l'émigration fut désespérée; la France, pleine de la confiance la plus belliqueuse, sentit, pour la première fois, toute sa force; elle oublia ses maux, ne regarda plus que comme passagère l'anarchie présente, et mit tout son espoir dans la Convention nationale, qui s'était assemblée le lendemain même de la bataille de Valmy.

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§ I. SITUATION DES PARTIS. LA GIRONDE, LA MONTAGNE, LA PLAINE. Paris avait, depuis trois ans, gouverné la révolution et envoyé au reste de la France son histoire et ses opinions toutes faites. Le reste de la France, tant que la révolution se maintint dans les voies de 1789, avait béni la courageuse initiative de la capitale; il avait accepté avec transport son influence, il avait secondé son mouvement de tous ses efforts; mais les départements, surtout ceux du Midi, empreints de leur esprit d'opposition éternelle à ceux du Nord, les départements, dont la constitution de 91 avait satisfait tous les vœux, et qui voyaient mal les dangers extérieurs de la révolution, commencèrent, au 10 août, à s'inquiéter de l'ardeur révolutionnaire de Paris; ils furent épouvantés de l'anarchie des quarante jours; ils s'indignèrent du despotisme sanguinaire que la commune

insurrectionnelle voulait leur imposer. Aussi les élections à la Convention furent-elles généralement faites dans un sentiment d'hostilité jalouse contre la capitale, dans le désir d'échapper à son influence tyrannique, dans la volonté d'arrêter son exaltation révolutionnaire et ses excès par le retour de l'ordre, le règne des lois, l'établissement d'un gouvernement fort et respecté ; et les Girondins, auxquels le 2 septembre avait enlevé le pouvoir, arrivèrent en force et pleins de confiance à la nouvelle assemblée.

La Convention était composée de sept cent quarante-neuf membres, dont soixante-quinze avaient siégé à l'Assemblée constituante, et cent soixante-quatorze à l'Assemblée législative. La Gironde en forma le côté droit. Vergniaud, Brissot, Condorcet, etc., avaient été réélus, et ils s'étaient renforcés de Buzot, Pétion, Louvet, Barbaroux, Lanjuinais, qui ne le cédaient aux premiers ni en lumières ni en courage. La Gironde se croyait sûre de la victoire: car elle avait pour elle, outre le nombre, la supériorité des talents, la moralité des opinions, la générosité des sentiments; elle s'appuyait sur les classes moyennes, riches et éclairées; elle possédait le ministère et les administrations départementales; elle rédigeait presque tous les journaux; enfin elle espérait entraîner, par ses opinions modérées, le centre de l'assemblée. Son but était d'arrêter la révolution au 10 août et de la sauver des dangers intérieurs, c'est-à-dire de l'anarchie, par une constitution républicaine où la bourgeoisie aurait le pouvoir.

La Montagne forma le côté gauche de la Convention; elle se composait généralement d'hommes ignorants, positifs, audacieux, qui au langage élégant, aux candides illusions, au respect pour les lois et à l'humanité des Girondins, opposaient la passion révolutionnaire, une haine implacable contre tout ce qui faisait obstacle à leur but; nulle aversion pour le sang, peu de respect pour la propriété, et le principe qu'il n'y a «pas de crime en temps de révolution. » « Ils étaient, disaient-ils, les hommes de la nature; leurs adversaires étaient les hommes d'État. » Ils s'appuyaient sur la multitude, qui, selon eux, avait seule commencé la révolution et seule devait l'achever; ils avaient pour eux Paris, qui était le centre de leurs forces, où leurs ennemis se trouvaient isolés, où ils dirigeaient tout ce qui avait fait la révolution, les clubs, les sections, la munici

palité; enfin ils espéraient, par leur énergie, dominer le centre de l'assemblée. Leur but était de sauver la révolution des dangers extérieurs, d'ouvrir un abîme entre la monarchie et la république; enfin de « chercher des lois qui fissent sortir le pauvre de sa misère et le riche de son opulence, pour amener le régime de l'égalité réelle. »

Entre ces deux partis était le centre, qu'on appelait la Plaine ou le Marais, composé d'hommes probes et éclairés, mais paisibles et timides. Portés vers les Girondins par leurs idées de modération et de jalousie contre Paris, ils se défiaient de leur confiance en eux-mêmes et de leurs abstractions philosophiques; portés vers les Montagnards par leur désir de sauver la révolution, ils détestaient l'anarchie et la violence. Ils firent la majorité en appuyant tantôt les Girondins dans les questions de gouvernement, tantôt les Montagnards dans les mesures de salut public, jusqu'à ce que, jetés par la peur sous la main du parti énergique, ils ne servirent plus qu'à sanctionner tous les excès.

La Gironde et la Montagne étaient inconciliables; elles diffé raient en tout : c'étaient la bourgeoisie et la multitude, les départements et Paris, le 10 août et le 2 septembre, la révolution considérée à l'intérieur et comme constitution à faire, la révolution considérée à l'extérieur et comme pays à défendre. Aux yeux des Girondins, les Montagnards n'étaient que des anarchistes vendus à l'étranger pour discréditer la révolution par leurs excès; aux yeux des Montagnards, les Girondins n'étaient que des intrigants qui s'entendaient avec l'émigration pour ramener l'ancien régime. Les deux partis étaient sincèrement attachés à la révolution, et ils s'accusaient mutuellement de conspirer contre elle et de la trahir. Ce fut la minorité qui l'emporta. Inférieure en moralité et en talents à la majorité, elle lui était supérieure par l'intelligence ou le sentiment de la situation révolutionnaire; car l'anarchie que poursuivaient les Girondins ne pouvait être qu'un danger éphémère et local, tandis que la contre-révolution que repoussaient les Montagnards était un danger constant et universel. La révolution n'était pas encore arrivée à l'époque où elle pourrait se constituer; elle ne devait songer qu'à se défendre; et la Convention nationale était appelée à sauver l'indépendance du pays, non à lui donner un gouvernement: mission terrible, qui a fait son malheur et sa gloire!

§ II. ABOLITION DE LA ROYAUTÉ. PREMIERES LUTTES ENTRE LES GIRONDINS ET LES MONTAGNARDS. Dès son entrée en session, la Convention, sans discussion et avec des applaudissements unanimes, proclama l'abolition de la royauté [1792, 21 sept.]. C'était proclamer l'existence d'un fait : l'établissement de la république était, non le résultat de théories politiques, mais une nécessité de position; non une forme régulière de gouvernement, mais une manière d'être révolutionnaire : la république existait depuis le 10 août.

La Convention décréta ensuite que toutes les lois non abrogées étaient conservées; que tous les corps administratifs, municipaux et judiciaires seraient réélus; que les émigrés étaient bannis à perpétuité, que ceux qui rentreraient en France ou seraient pris les armes à la main seraient punis de mort [22 sept.]. Elle se partagea en plusieurs comités, dits de surveillance, de la guerre, de législation, de finances, de diplomatie, de constitution; et ces comités furent presque entièrement composés de Girondins. Enfin elle demanda aux ministres un rapport sur la situation de l'État; et à ce sujet, Roland ayant dévoilé l'anarchie de Paris, qui se répandait dans les provinces, les Girondins commencèrent la lutte contre les Jacobins, sans préparation et sans plan, avec une généreuse étourderie et une aveugle confiance dans la bonté de leur cause [25 sept.]. Ils s'élevèrent contre les crimes de septembre et leurs auteurs; ils accusèrent la commune de Paris de s'être arrogé une puissance qui n'appartenait qu'à la France; ils déclarèrent qu'il existait un parti qui voulait s'élever au pouvoir suprême par le sang et l'anarchie; ils nommèrent Danton, Robespierre, Marat, comme les triumvirs qui visaient à la dictature. « Je ne veux pas, dit Lasource, que Paris devienne dans l'empire français ce que fut Rome dans l'empire romain. Il faut que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d'influence, comme chacun des autres départements. » Danton répondit à cette accusation en prétendant que les Girondins voulaient morceler l'empire, sacrifier Paris, appelé par eux la ci-devant capitale, et faire de la France une fédération de petites républiques. Il leur reprocha la proposition qu'ils avaien faite de se retirer au delà de la Loire quand on apprit la prise de Verdun: « Voilà pourquoi, dit-il, ils se sont tant indignés des mesures énergiques que nous avons prises pour la défense commune. Ils vou

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