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alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à ses serments, déclare qu'il renonce pour lui et ses héritiers aux trônes de France et d'Italie, parce qu'il n'est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la France. »

Alors fut signé un traité par lequel Napoléon conservait son rang, son titre et ses honneurs, avec l'île d'Elbe en souveraineté et 2 millions de rentes [11 avril]. Parme, Plaisance et Guastalla furent assignées à Marie-Louise et à son fils. Il ne resta bientôt auprès de Napoléon que Maret, Caulaincourt, les généraux Bertrand, Drouot et Cambronne, avec quatre cents hommes qui devaient le suivre à l'île d'Elbe. Il fit des adieux touchants à sa garde dans la cour de Fontainebleau [20 avril], et partit accompagné de commissaires des puissances alliées. Il fut accueilli avec de vifs regrets et des acclamations dans toute la France, excepté en Provence, où il fut outragé et obligé de prendre un costume étranger : « Savez-vous pourquoi, disait-il, F'on m'appelle maintenant scélérat et brigand? j'ai voulu mettre la France au-dessus de l'Angleterre : voilà tout. » Enfin il s'embarqua à Saint-Raphau et aborda à l'île d'Elbe.

Cependant toute la France s'était ralliée au gouvernement provisoire avec un empressement qui était à la fois la condamnation du régime impérial, la conséquence de la docilité machinale des autorités et l'effet de l'habileté avec laquelle les alliés avaient ménagé les susceptibilités nationales. La cocarde blanche fut substituée à la cocarde tricolore, et toute l'armée la prit, mais avec un profond regret. Maison, Augereau, Grenier, auquel Eugène avait cédé le commandement de l'armée d'Italie, Suchet et Soult envoyèrent successivement leur adhésion. Les dernières opérations de ces divers généraux n'avaient eu qu'une faible importance, excepté celles du maréchal Soult, qui livra, sous les murs de Toulouse, avec trente-trois mille hommes, une bataille acharnée aux soixante mille hommes de Wellington [10 avril]: il se retira ensuite sur Montpellier, où il allait se joindre avec Suchet, qui avait repassé les Pyrénées avec quatorze mille hommes, quand on apprit l'abdication de. l'empereur et les actes du sénat.

TRAITÉ DE PARIS.

§ XVIII. RESTAURATION DES BOURBONS. CHARTE DE 1814. Les Bourbons arrivèrent à Paris : « C'est à

vous et à votre glorieux pays, avait dit Louis XVIII au prince régent d'Angleterre, que j'attribuerai toujours, après la divine providence, le rétablissement de notre maison sur le trône de ses ancêtres. » C'était révéler d'un mot le vice radical de la restauration : elle venait de l'étranger! et, en conséquence de cette fatale origine, les deux actes fondamentaux du nouveau gouvernement, c'est-à-dire le traité de Paris et la charte de 1814, contenaient les causes de sa chute.

Une convention provisoire mit fin aux hostilités, et régla l'évacuation par les troupes alliées du territoire français, tel qu'il était en 1792, et à mesure que les places occupées par les troupes françaises hors des limites de la France actuelle seraient évacuées [23 avril]. Cette convention signée par le comte d'Artois, qui avait précédé son frère comme lieutenant général dų royaume, fit mal augurer du patriotisme et de l'habileté des Bourbons: elle fit perdre à la France d'un trait de plume cinquante-trois places garnies de douze mille canons, trente et un vaisseaux, douze frégates, etc.; elle annonçait que la paix serait imposée par les étrangers, puisqu'on se privait par avance des seules compensations qu'on put leur offrir. En effet, un mois après, Louis XVIII n'eut plus qu'à accepter le traité de Paris sans en débattre une seule condition [30 mai]. Par ce traité la France fut replacée sous l'empire du droit public créé par le traité de Westphalie, et que le manifeste du duc de Brunswick avait invoqué: elle reprit ses limites de 1792, avec quelques annexes, principalement du côté de la Savoie, où l'on garda Chambéry et Annecy. Elle recouvra la Guadeloupe, la Martinique, la Guiane, le Sénégal, Bourbon, Pondichéry. Elle reconnut, sans y prendre part, le partage que les alliés devaient se faire des pays cédés par elle dans un congrès convoqué à Vienne, et dont les bases étaient ainsi posées : la Hollande et la Belgique réunies sous la souveraineté de la maison d'Orange; l'Allemagne confédérée en États indépendants; l'Italie composée d'États souverains; l'Angleterre gardant Maurice, Tabago, Sainte-Lucie, le Cap, Malte et les îles Ioniennes, etc.

Louis XVIII avait, à toutes les époques de la révolution, négocié sa restauration avec tout le monde : homme sans préjugés comme sans croyance, il avait écrit à Robespierre, à Barras, à Bonaparte, à Talleyrand, n'ayant de répugnance pour personne et disposé à toutes les concessions; aux yeux du comte

l'Artois et des émigrés purs, c'était un Jacobin. Mais quand il vit Napoléon vaincu et la France foulée aux pieds par l'étranger, il refusa d'admettre le principe de la souveraineté nationale, et rejeta la constitution du sénat: il tenait, disait-il, ses droits de Dicu et de ses pères, et il ne voulait pas de capitulation avec ses sujets. Il fallut l'intervention d'Alexandre pour le décider [2 mai, i814], avant d'entrer dans Paris, à faire une déclaration de principes qui consacrât les grandes conquêtes politiques de la révolution. Un mois après [4 juin], il assembla le sénat et le corps législatif, épurés arbitrairement des révolutionnaires les plus marquants; et là, « par le libre exercice de son autorité << royale, il fit concession et octroi à tous ses sujets, tant pour lui << que pour ses successeurs et à toujours, d'une charte constitu« tionnelle, » qui fut datée de la dix-neuvième année de son règne, et que ses ministres appelèrent une ordonnance de réformation.

C'était appuyée sur ces deux actes impopulaires, le traité de Paris et la charte octroyée, que la restauration prenait Dossession de la France.

LIVRE IV.

RESTAURATION. (1814-1830.)

La restauration des Bourbons et les deux actes fondamentaux qui l'accompagnent marquent une ère toute nouvelle à la révolution, et commencent une période dont le temps historique n'est pas encore venu (1). La France était ramenée à son point de départ et à sa situation territoriale et politique de 1789; mais sa destinée ne pouvait être bornée à cette situation imposée par l'étranger. Après un grand accident, où elle essaya de secouer

dynastie de l'émigration, elle retomba plus lourdement sous la main victorieuse de la coalition: alors, et pendant quinze ans, elle ne s'occupa plus qu'à batailler pied à pied pour les principes révolutionnaires. Ce fut un temps de halte et de transition, une époque d'éducation politique, d'anarchie morale, de progrès matériels et intellectuels. Enfin elle se débarrassa de la dynastie, et reconquit en même temps le grand principe de la souveraineté nationale: la liberté intérieure fut gagnée; mais l'indépendance extérieure resta et reste encore un problème le traité de Paris subsiste; c'est le chaînon qui, tenu encore dans la main de l'avenir, rend cette période incomplète; il nous suffira d'en préparer en quelques lignes la future histoire.

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(1) Ceci était écrit en 1858: douze années écoulées, une révolution nouvelle, la mort des principaux personnages qui ont figuré dans ces événements, permettent aujourd'hui d'écrire l'histoire, non-seulement de la restauration, mais du gouvernement qui lui a succédé. Aussi l'auteur de l'Histoire des Français doit-il prochainement compléter son œuvre par une Histoire de la restauration et de la monarchie de juillet (1814-1848). (Note de l'éditeur.)

A toutes les expériences íaites sur la révolution, il en manquait une après l'émigration, les conspirations, les guerres civiles, six coalitions, il manquait de donner la France nouvelle à gouverner aux Bourbons, aux émigrés, au parti de l'ancien régime. Cette grande expérience est celle de la restauration; et elle eut un tel succès, que la restauration sembla n'être qu'une justification providentielle de la révolution. Le gouvernement nouveau avait pourtant de grandes chances de succès : il n'y avait plus d'ivresse révolutionnaire, plus d'idées républicaines, plus de désir de gloire; on ne demandait que du calme et de la paix; la révolution se trouvait pour la première fois tranquille du côté de l'étranger, qui la voyait enchaînée entre les mains des Bourbons; enfin on n'avait qu'à laisser aller la machine administrative de l'empire : « Si Louis XVIII fait bien, disait Napoléon, il se mettra dans mon lit, en en changeant seulement les draps; car il est bon. » Mais tous les actes du gouvernement royal ne furent qu'une réaction aussi inseusée que violente contre le passé; l'émigration traita la France en pays conquis; l'ancien régime brava avec une ineptie digne du délire de Coblentz tous les intérêts et les sentiments nationaux. Le premier ministre de la guerre fut Dupont, le vaincu de Baylen! l'armée et la flotte furent remplies de nobles qui n'avaient vu ni un camp, ni la mer depuis vingt-cinq ans; on refit la maison du roi telle qu'elle était sous Louis XVI; on prescrivit des deuils nationaux pour les victimes de la révolution; on honora comme des martyrs de la patrie les hommes de Quiberon, Georges Cadoudal, Moreau, etc.; on élimina du sénat, devenu la chambre des pairs, tous les conventionnels. Le clergé fit de la chaire une tribune contre la « rébellion des vingtcinq ans; il réclama ses prérogatives et ses biens; il fit prescrire l'observation du dimanche et des fêtes religieuses. Les émigrés menacèrent les possesseurs de biens nationaux; ils obtinrent la restitution de ceux qui n'avaient pas été vend is; ils se firent payer de leur solde à l'armée de Condé pendant vingtcinq ans ; ils se distribuèrent 20 millions du domaine extraordinaire de l'empereur. On disait tout haut et partout que la charte n'était qu'une concession temporaire, que le comte d'Artois et ses fils avaient protesté contre elle. Enfin, en dix mois, le gouvernement de Louis XVIII fut usé; toutes les existences nouvelles étaient menacées; l'armée n'avait les yeux que sur l'île

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