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l'offensive et voulut passer la Katzbach entre Liegnitz et Goldberg. Mais Macdonald avait passé lui-même la rivière, et marchait en trois colonnes sur un front de dix lieues. Les deux armées se rencontrèrent sans s'en douter: notre centre, exposé seul à toutes les forces ennemies, fut enfoncé; la gauche accourut trop tard et se retira en désordre; la droite ne parvint à regagner les débris du centre qu'après trois jours de combat [26 août]. Cette grande défaite fit perdre aux Français dix mille tués ou blessés, dix mille prisonniers, soixante canons. Les pluies et les inondations rendirent leur retraite désastreuse. Ils repassèrent le Bober, la Queiss, la Neiss, en abandonnant leurs bagages, et rétrogradèrent jusqu'à Bautzen.

Bernadotte, laissant Walmoden pour contenir Davoust, avait porté cent mille hommes sur la route de Berlin à Wittemberg pour isoler Magdebourg; mais, apprenant qu'Oudinot marchait sur la capitale de la Prusse par la route parallèle de Torgau à Baruth, il se replia. Alors les Français débouchèrent sur Trebbin pour lui couper la retraite; mais ils le trouvèrent en bataille, couvrant les avenues de Berlin [24 août]: après un violent combat à Gross-Beeren, ils se retirèrent en laissant quinze cents prisonniers. Cet échec eut des suites fâcheuses. Une division, sortie de Magdebourg pour coopérer au mouvement d'Oudinot, fut écrasée par la droite de Bernadotte, et perdit douze cents hommes. Enfin Davoust, qui avait pris Schwerin et Wismar, fut obligé de rétrograder dans son camp de la Steckenitz.

Oudinot se replia lentement sous Wittemberg, et Ney vint le remplacer. Napoléon, laissant trois corps devant la Bohême, se disposait à suivre Ney avec cinquante mille hommes et à marcher sur Berlin, quand il fut arrêté par le désastre de Macdonald. Alors Ney, laissé seul, voulut déposter l'ennemi de la route de Wittemberg i l'attaqua à Dennewitz; mais ses divisions ne s'engagèrent que successivement; les Saxons lâchèrent pied; il fut complétement battu, perdit dix mille hommes tués ou pris, et ne rallia son armée que derrière l'Elbe et sous le canon de Torgau. Bernadotte arriva sur le fleuve et jeta des bandes de Cosaques dans la Saxe et la Westphalie.

Cette défaite amenait la droite des alliés sous Wittemberg; la retraite de Macdonald amenait leur centre près de Dresde; la bataille de Kulm permettait à leur gauche de revenir en Saxe. Napoléon persista dans sa position centrale; mais tout le mois

de septembre se passa à courir alternativement de l'armée de Silésie à l'armée de Bohême, sans que ni l'une ni l'autre se décidât à une bataille. S'il s'avançait contre Blücher, les Autrichiens descendaient en Saxe; s'il s'avançait contre Schwartzemberg, les Prussiens menaçaient Dresde. L'armée s'abîmait dans ces marches continuelles. Des bandes de partisans couraient sur nos derrières; la Westphalie était en pleine insurrection; les Cosaques avaient pris Cassel et Brême; le roi de Bavière avertissait l'empereur qu'il allait être forcé d'entrer dans la . coalition, et son général, Wrède, comblé des bienfaits de Napoléon, traitait déjà avec l'Autriche; les Saxons et les Wurtembergeois étaient travaillés par les sociétés secrètes et les proclamations de Bernadotte. « L'étoile pâlissait, dit le prisonnier de Sainte-Hélène ; je sentais les rênes m'échapper, et je n'y pouvais rien. Un coup de tonnerre pouvait seul nous sauver... et chaque jour, par une fatalité ou une autre, nos chances diminuaient. Les mauvaises intentions commençaient à se glisser parmi nous; la fatigue, le découragement gagnaient le plus grand nombre; mes lieutenants devenaient mous, gauches, maladroits, et conséquemment malheureux : ce n'étaient plus les hommes du début de notre révolution, ni ceux de mes beaux moments... Les hauts généraux n'en voulaient plus je les avais gorgés de trop de considération, de trop d'honneurs, de trop de richesses. Ils avaient bu à la coupe des jouissances, et eussent acheté du repos à tout prix... Le feu sacré s'éteignait (1). »

§ VIII. BATAILLE de Leipzig. Pendant ce temps les alliés réparaient leurs pertes, gagnaient quelques marches, rapprochaient leurs armées ; ils formaient autour de Dresde un demicercle qui allait de Wittemberg, par Bautzen, à Toeplitz, et qui se resserrait de plus en plus autour des Français acculés sur l'Elbe ; ils n'attendaient plus que les soixante mille hommes de Benigsen pour se porter tous derrière Dresde et fermer la route de France à Napoléon. Quand Benigsen fut arrivé, les trois armées alliées se mirent en mouvement. Blücher se porta de Bautzen sur Wittemberg, et fit sa jonction avec Bernadotte. Tous deux passèrent l'Elbe et rejetèrent Ney sur la Mulda [23 sept.] le premier resta à Eilenbourg, le second se prolon

(1) Las-Cases, t. vi, p. 139.

gea sur la basse Saal. En même temps Schwartzemberg déboucha, par Commotau et Chemnitz, sur l'Elster [3 oct.]. Ainsi le demi-cercle que les alliés formaient sur la rive droite de l'Elbe, transporté sur la rive gauche, allait de Wittemberg, par Leipzig, à Toeplitz; mais il n'était pas encore entièrement formé : « aussi, dit Butturlin, nous ne marchions plus qu'avec des précautions extrêmes depuis que nous étions arrivés sur la circonférence du cercle dont les Français occupaient la corde. »

Napoléon donna à Murat cinquante mille hommes pour contenir l'armée de Bohême et garder les approches de Leipzig; il laissa vingt-cinq mille hommes à Dresde sous Saint-Cyr; luimême se porta sur Eilenbourg, se réunit à Ney, et rassembla cent vingt-cinq mille hommes [9 octobre]. Il espérait couper Blücher de l'Elbe et le battre isolément; mais celui-ci se jeta derrière la Saal et fila sur Zerbig, où il joignit Bernadotte. Tous deux se portèrent à Halle : leur communication avec l'Elbe était coupée, mais leurs coureurs allaient jusqu'à Weissen els. En même temps arriva sur ce point le corps de Giulay, extrême gauche des Autrichiens, qui, malgré la résistance de Murat, faisaient de grands progrès: leur gauche était à Altenbourg, pendant que leur centre descendait la Pleiss et que leur droite arrivait à Colditz. La route de la France allait donc être fermée. Napoléon résolut de renverser sa ligne d'opérations et de reporter la guerre en Prusse en se jetant sur la rive droite de l'Elbe pour manoeuvrer entre ce fleuve, l'Oder, la Baltique et la Bohême, sous la protection de nos places. Au moment où ce beau mouvement commençait et où Bernadotte se dirigeait sur 1'Elbe pour s'y opposer, on apprit que la Bavière était entrée dans la coalition, que le Wurtemberg et Bade allaient y être entraînés, que soixante mille Austro-Bavarois marchaient sur le Rhin [8 oct.]. Napoléon abandonna son plan, et ne songea plus qu'à profiter de l'éloignement momentané de Bernadotte pour se concentrer à Leipzig, s'y assurer la route de France et battre isolément Schwartzemberg. En deux jours, toute l'armée française, réduite à cent quarante mille fantassins et à vingt mille cavaliers, y fut réunie [15 oct.]. Elle s'y adossa à toutes les portes pour fermer toutes les routes de l'Elbe. Napoléon di-' rigea Bertrand, avec quinze mille hommes, sur Lindenau, pour rouvrir la route de Lutzen; il posta Ney sur la Partha avec quarante-cinq mille hommes, pour contenir Blücher qui

arrivait par Halle, et Bernadotte qui revenait à Zerbig; luimème, avec cent mille hommes, espérait battre les cent trente mille de Schwartzemberg: sa droite s'appuyait sur la Pleiss, sou centre était dans le ravin de Wachau, sa gauche était sur la route de Colditz.

Schwartzemberg, voulant empêcher la concentration des forces françaises et donner le temps à Blücher et à Bernadotte d'arriver, se décida à attaquer, quoiqu'il eût encore en arrière cinquante mille hommes sous Benigsen et Colloredo. Trois énormes colonnes se portèrent contre les positions des Français, qui furent perdues et reprises jusqu'à six fois [16 oct.]; l'ennemi en fut définitivement chassé avec de grandes pertes, mais la victoire était restée indécise. En même temps, Ney était altaqué par Blücher : il fut rejeté sur la Partha avec perte de deux mille hommes. Bertrand occupa Lindenau et battit Giulay.

Napoléon se décida à une nouvelle bataille. C'était une grande faute l'ennemi allait se renforcer de plus de cent mille hommes, et nous n'attendions d'autre renfort que douze mille Saxons. Il replia ses postes et se concentra entre Connewitz et Schoufeld, le centre à Probstheyda; mais il eut le soin de préparer la retraite en ordonnant de construire des ponts sur l'Elster ordre que Berthier n'exécuta pas, et qui fut la cause d'un grand désastre. L'ennemi n'attaqua pas ce jour-là : Bernadotte et Benigsen n'arrivèrent que le lendemain. Alors les alliés s'avancèrent de toutes parts, au nombre de trois cent mille hommes, avec cinquante mille chevaux et douze cents canons; enfermant dans un demi-cercle de trois à quatre lieues de développement les cent quarante mille Français adossés à Leipzig. La bataille fut effroyable [18 oct.]. Les alliés donnaient par masse, et livraient aux colonnes françaises de véritables assauts où ils faisaient d'énormes pertes; mais ils remplaçaient sans cesse leurs troupes épuisées par des troupes fraîches; ils jouaient uniquement à tuer des hommes, dussent-ils en sacrifier le double, certains d'avoir toujours la supériorité du nombre. Au centre et à la droite, les Français, qui, au dire même des ennemis, n'avaient jamais montré plus de bravoure, conservèrent leurs positions; mais à la gauche, une horrible trahison leur fit perdre un moment du terrain: là quarante mille hommes étaient battus en brèche par cent mille hommes et trois cents canons que dirigeait Bernadotte, quand les douze mille Saxons

qui formaient le tiers de cette gauche coururent au-devant des Russes, entièrent dans leurs rangs, et, à la prière de Bernadotte, déchargèrent toute leur artillerie à bout portant sur les compagnons qu'ils venaient de quitter. Napoléon accourut sur ce point avec sa garde, et là comme ailleurs les positions furent conservées. La nuit fit cesser le carnage: soixante mille hommes jonchaient le champ de bataille. L'empereur, n'ayant plus de munitions, se prépara à la retraite, et les bagages commencèrent à s'éloigner par la route de Lindenau, long défilé de deux lieues, coupé de cinq à six canaux que traverse un seul pont. Le lendemain, les corps de Victor et d'Augereau ouvrirent la retraite [19 oct.]; Marmont se maintenait dans le faubourg de Halle; Ney occupait les faubourgs de l'est; Lauriston, Macdonald et Poniatowski formaient l'arrière-garde et défendaient les barrières du midi. Les alliés refusèrent tout arrangement qui pourrait épargner à Leipzig les horreurs d'une ville prise d'assaut, et ils attaquèrent les faubourgs avec fureur. Blücher emporta celui de Halle; Benigsen enleva les barrières du midi. Une nouvelle bataille s'engagea sur les remparts, dans les rues, dans les maisons; la ville était encombrée d'équipages, de combattants, de fuyards. Cependant Victor, Augereau, Ney, Marmont, la garde et Napoléon avaient passé Lindenau; Lauriston s'ébranlait pour en faire autant: encore deux heures de résistance, et l'arrière-garde était sauvée. Mais la fusillade, qui arrivait de tous côtés sur le pont de l'Elstèr, fit croire aux sapeurs chargés de faire sauter ce pont que le moment était venu : ils mirent le feu à la mine. Trente mille hommes et cent cinquante canons restaient dans la ville. Le désespoir s'empara de ces braves: les uns se défendirent jusqu'à la mort dans les maisons; les autres se jetèrent dans les canaux profonds et bourbeux de l'Elster; Macdonald se sauva à la nage; Poniatowski fut tué en se lançant dans la rivière; le roi de Saxe, Reynier, Lauriston et quinze généraux restèrent prisonniers. Dans les trois jours de cette bataille, la plus terrible des temps modernes et que les Allemands appellent la bataille des nations, les Français perdirent cinquante mille hommes, dont vingt mille tués; les alliés n'eurent pas moins de soixante mille tués ou blessés. SIX. RETRAITE DES FRANÇAIS. BATAILLE DE HANAU. FRANÇAIS REPASsent le Rhin. Blücher et Schwartzemberg se mirent à notre poursuite; Bernadotte et Benigsen se dirigèrent

- LES

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