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avee cent trente mille hommes, était placé devant le Niemen, de Rossiény à Lida; la droite, de trente mille hommes, sous Wittgenstein, à Rossiény; le centre, de soixante-dix mille, å Wilna; la gauche, de trente mille, sous Doctorof, à Lida; cette armée s'appuyait sur la Duna, Riga, Dunabourg et le vaste camp retranché de Drissa. Bagration, avec cinquante mille hommes, était à Wolkovitz pour fermer la trouée entre le Niemen et le Bug et déboucher sur notre flanc droit : il s'appuyait sur Minsk, Bobruisk et le Dniéper. Tormasof, avec quarante mille hommes, était à Loutzk devant le haut Bug; il devait être renforcé par l'armée de Moldavie, de cinquante mille hommes, qui allait être débarrassée des Turcs. Il y avait en réserve, én deuxième ligne, quatre-vingt mille hommes et des troupes de Cosaques, et, en troisième ligne, des levées de milice : ce qui rendait les forces des Russes à peu près égales à celles des Français.

SÉJOUR A WILNA.

L'empereur,

§ X. PASSAGE Du Niemen. en portant la masse de ses forces sur Kowno, situé au sommet de l'angle que forme le Niemen, avait résolu d'y passer le fleuve, et, en se dirigeant sur Wilna, de couper en deux la principale armée russe; ensuite il se porterait dans l'espace entre la Dwina et le Dniéper, couvert seulement par Witepsk et Smolensk, position centrale au delà de laquelle une bataille le rendrait maître d'une des deux capitales. La grande armée, arrivée devant le Niemen, le franchit sur trois ponts [22 juin], entre à Kowno en chassant les avant-gardes russes, passe la Wilia et se dirige sur Wilna. En même temps, l'extrême gauche passe à Tilsitt et se dirige sur Riga. Quelques jours après, Eugène passe à Pilony et marche sur Wiłna [30 juin]; Jérôme passe à Grodno. Barclay, se voyant percé par le centre, évacue Wilna én brûlant les magasins, et se retire dans le camp retranché de Drissa, qui couvrait la route de Saint-Pétersbourg, pour y rallier toute son armée : il est suivi par Murat et Ney. Sa droite, culbutée par Oudinot, est rejetée sur Dunabourg, et trouve sur son flanc Macdonald; sa gauche s'enfuit de Lida sur Smorgoni en sacrifiant ses bagages et son arrière-garde, et parvient à joindre Barclay. Ainsi un seul mouvement de Napoléon avait suffi pour jeter le désordre dans la grande armée russe et exposer celle de Bagration. Celui-ci, à la nouvelle du passage du Niemen, s'était mis en mouvement par Nowogrodek pour re

joindre Barclay; quand il connut la prise de Wilna, il fit volteface et chercha par Myr à gagner Minsk; mais Davoust avait été dirigé sur cette place, qu'il occupait. Alors il se rabattit sur Neswije; cette ville se trouvait sur la route de Jérôme; mais celui-ci, malgré les ordres de l'empereur, n'avait fait que vingt lieues en sept jours, et il n'atteignit à Neswije que l'arrièregarde des Russes. Alors Bagration courut sur Bobruisk, où il passa la Bérésina, et il se dirigea sur Mohilow, pour tàcher de rejoindre Barclay à Witepsk. Napoléon ordonna à Davoust de le devancer à Mohilow; à Junot, qui succéda à Jérôme dans le commandement des Westphaliens, de le suivre en queue, à Schwartzemberg de courir par Slonim sur Bobruisk, pendant que Reynier, avec les Saxons, contiendrait les troupes de Tormasof. La perte de Bagration semblait certaine.

Cependant l'empereur était entré à Wilna au milieu des acclamations des Lithuaniens [28 juin]; mais au lieu de se jeter, suivant sa contume, sur l'armée ennemie et de la forcer à une bataille avant qu'elle eût pris le temps de se reconnaître, il s'arrêta dans cette ville pendant quinze jours; et cette halte eut une si funeste influence sur l'issue de la campagne, qu'elle est regardée comme la plus grande faute militaire de sa vie. L'armée était déjà désorganisée : les voitures de vivres ne pouvaient la suivre; les bataillons d'équipages s'étaient disloqués ; les pluies et les mauvais chemins avaient fait périr quatre mille chevaux ; il y avait déjà vingt à trente mille traîneurs qui dévastaient le pays; on craignait la famine. Napoléon, inquiet de cet immense désordre, y remédia avec son activité ordinaire: il fit de Wilna un grand centre d'approvisionnements, d'hôpitaux, de communications avec ses derrières; il ordonna de fortifier la ville, et y établit un gouvernement provisoire de la Lithuanie; il prescrivit à Victor de s'échelonner entre la Vistule et le Niemen, en se faisant remplacer entre l'Elbe et l'Oder par Augereau. La diète de Varsovie s'était constituée en confédération générale, et avait proclamé le rétablissement de la Pologne 1812, 14 juillet]; une députation de cette diète vint lui demander sa protection: « Dites un mot, sire, lui dit-elle; dites que la Pologne existe, et votre décret sera pour le monde l'équivalent de la réalité. » Napoléon était résolu à rétablir la Pologne (1):

(1) Voy. les instructions données au chargé d'affaires à Varsovie, le 18 avril 1812,

« c'était, disait-il, la véritable clef de toute la voûte; » mais « lui, qui pliait toujours ses systèmes sur la contexture imprévue des événements, » ne pouvait pas déclarer ses desseins avant une grande victoire, se faire une ennemie de l'Autriche au moment de s'enfoncer en Russie, se fermer d'avance toute voie à la paix. « Si la guerre s'engage, avait-il dit à son chargé d'affaires à Varsovie, les Polonais ne doivent la considérer que comme un moyen ajouté à leurs propres ressources. Le gouvernement du grand-duché doit faire confédérer sous les bannières de l'indépendance les démembrements de leur malheureuse patrie... » Il répondit à la députation: « Si j'eusse régné pendant les partages de la Pologne, j'aurais armé tous mes peuples pour vous soutenir.......... J'applaudis à tout ce que vous avez fait; j'autorise les efforts que vous voulez faire; tout ce qui dépendra de moi pour seconder vos résolutions, je le ferai... Mais j'ai garanti à l'empereur d'Autriche l'intégrité de ses États... Que la Lithuanie, la Samogitie, la Wolhynie, l'Ukraine, la Podolie, soient animées du même esprit que j'ai vu dans la Grande-Pologne, et la Providence couronnera par le succès la sainteté de votre cause !... »

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Le czar, voyant son armée coupée en deux, essaya de rouvrir les négociations; il écrivit à l'empereur « Si Votre Majesté consent à retirer ses forces du territoire russe, je regarderai ce qui s'est passé comme non avenu, et un accommodement entre nous reste encore possible. » « Le sort en est jeté ! » répondit Napoléon. Ce fut une grande faute, bien que, d'après les termes de la proposition, il fallût un mois pour s'entendre, et que ce délai pût lui faire perdre des préparatifs immenses: car il savait alors que ses deux alliances indispensables lui manquaient, que les Suédois et les Turcs, qui devaient être à Pétersbourg et en Crimée en même temps que lui à Moscou, étaient maintenant ennemis ou neutres.

Depuis l'occupation de la Poméranie, Bernadotte avait négocié avec Napoléon pendant quatre mois, demandant toujours la Norwége et un subside, ne cessant de dire qu'il « ne perdait jamais de vue la gloire de la France et l'attachement sincère qu'il avait voué à l'empereur. » Tout cela était un leurre : il avait conclu depuis longtemps son traité d'alliance avec la Russie [1812, 24 mars], à condition que la Norwége serait donnée à la Suède; et l'Angleterre avait accédé à ce traité,

qui fut le préliminaire de la sixième coalition [3 mai] ("). La Turquie avait fait la paix à Bucharest (28 mai], moyennant la restitution de la Moldavie et de la Valachie : le grand vizir avait été gagné par l'or anglais, et décidé, dit-on, par une lettre qu'inventa le général Kutusof, lettre où Napoléon proposait à Alexandre le partage de l'empire ottoman. On n'attendait plus que la ratification du sultan pour que l'armée russe se dirigeât dans la Wolhynie.

§ XI. ENTRÉE A WITEPSK. OPERATIONS SUR LES DEUX AILES. BATAILLE DE SMOLENSK.-COMBAT DE VALOUtina. Malgré l'abandon de la Turquie et de la Suède, qui laissait ses flancs à découvert [15 juillet], l'armée française se remit en marche, et Napoléon se porta à Glubokoï; il voulait, en s'écartant de la route de Saint-Pétersbourg, où Barclay l'attendait, s'avancer par Witepsk et Smolensk sur celle de Moscou, pénétrer entre les deux lignes de la Dwina et du Dniéper, et déborder ainsi les deux armées ennemies. Barclay, voyant qu'il allait être tourné par sa gauche, coupé de l'intérieur et rejeté sur la mer, abandonna son camp de Drissa: il laissa Wittgenstein pour garder la route de Saint-Pétersbourg, et fila rapidement sur Witepsk, où il espérait se joindre à Bagration. Napoléon se mit à sa poursuite et atteignit son arrière-garde à Ostrowno. Barclay défendit les approches de Witepsk avec acharnement; mais il apprit que Bagration, arrêté à Molihow par Davoust après un violent combat, avait passé le Dniéper à Bichow, et gagnait Smolensk par Mitislaw; alors il abandonna Witepsk et recula sur Smolensk, où il fit en effet sa jonction avec Bagration. Na

(1) Bernadotte a été le serpent nourri dans notre sein. A peine il nous avait quittés, qu'il a été dans le système de nos ennemis, et que nous avions à le surveiller et à le craindre. Plus tard, il a été une des causes actives de nos malheurs; c'est lui qui a donné à nos ennemis la clef de notre politique, la tactique de nos armées; c'est lui qui leur a montré les chemins du sol sacré..... Un Français a tenu dans ses mains les destinées du monde ! S'il avait eu le jugement et l'âme à la hauteur de sa situation, s'il avait été bon Suédois, ainsi qu'il l'a pretendu, il pouvait rétablir le lustre et la puissance de sa nouvelle patrie, reprendre la Finlande et enlever Pétersbourg avant que j'eusse atteint Moscow. Mais il cède à des ressentiments personnels, à une sotte vanité, à de petites passions. La tète lui tourne, à lui, ancien Jacobin, de se voir recherché par des souverains d'ancienne race, de se trouver en conférences de politique et d'amitié avec un empereur de toutes les Russies, qui ne lui épargne aucune cajolerie Dans son enivrement, Bernadotte sacrifie sa nouvelle patrie et l'ancienne, sa propre gloire et sa véritable puissance, la cause des peuples, le sort du monde. » (Las-Cases, t. v, p. 246; t. vi, p. 178.)

poléon entra à Witepsk [28 juill.], qu'il trouva déserte, et donna quelque repos à ses soldats. La gauche, sous Eugène, campa sur la haute Dwina; la garde, Ney et Murat, entre Witepsk et Orcha, dans cet étroit et plat espace qui forme la ligne de partage des eaux de l'Europe; Davoust remonta le Dniéper avec Junot, en se faisant relever à Mohilow par Poniatowski. L'armée souffrait de la chaleur et du manque de vivres; elle s'inquiétait de ce pays de plaines et de marécages, où l'on s'enfonçait sans rencontrer l'ennemi, de cette guerre où elle trouvait tout dévasté, des routes affreuses, des villes de bois qu'on pouvait incendier avec une torche; elle commençait à regarder derrière elle les immenses pays qui la séparaient de la France,

Les Russes, au contraire, en se repliant dans le centre de leur empire, y puisaient de nouvelles forces. Des proclamations fanatiques appelaient les serfs à « défendre l'indépendance de la patrie et la sûreté de l'Église contre le Moloch qui veut détruire toute la terre. Alexandre parcourait les provinces pour lever les milices et préparer ses sujets aux plus grands sacrifices: «Les désastres dont vous êtes menacés, dit-il aux habitants de Moscou, ne doivent être considérés que comme des moyens sûrs de consommer la ruine de l'ennemi. » Des ordres barbares furent donnés pour incendier toutes les villes, détruire les vivres, faire refouler toute la population dans le centre de l'empire. C'était une guerre d'extermination, une guerre de Scythes, qui se préparait. En même temps, les deux ailes de l'armée russe reçurent l'ordre de faire une résistance désespérée c'était sur elle que reposait réellement le salut de l'empire, depuis que les traités avec la Suède et avec la Turquie les laissaient libres dans leurs mouvements.

A la gauche, Napoléon avait laissé sur la Dwina Oudinot, soutenu en arrière par Saint-Cyr avec les Bavarois, pour reje ter Wittgenstein sur Pétersbourg en se liant à Macdonald. Les trois corps formaient plus de soixante mille hommes. Oudinot, après avoir détruit le camp de Drissa et pris Polotzk, livra trois combats indécis en avant de cette ville; Macdonald entra dans Dunabourg évacué par les Russes, puis il investit Riga; mais Wittgenstein allait être renforcé par les milices de Pétersbourg et le corps d'observation de la Finlande.

A la droite, Tormasof était entré dans le duché de Varsovie, pour couper nos communications avec la Vistule: il surprit

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