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examinées, répondre aux plaintes, aux demandes, aux dénonciations des villes, des corps, des individus. Le pouvoir exécutif était suspendu de fait; il semblait qu'il n'y eût pas de minist es ; et les ordonnances royales, pour être obéies, devaient passer par la bouche de l'Assemblée.

§ II. DIVISION De la France en dÉPARTEMENTS.

TORAL.

- SYSTÈME ÉLECCependant la constitution s'élevait peu à peu sur le terrain nivelé au 4 août, et les résolutions de cette nuit fameuse devenaient le point de départ d'une organisation politique, où les existences particulières, soit d'individus, soit d'institutions, allaient disparaître dans l'unité nationale. Il fallait d'abord mettre cette unité dans le sol en effaçant le nom de ces provinces qui semblaient encore autant de nations que la dynastie des Capétiens avait rassemblées, sans les fondre, dans son unité monarchique. Un décret partagea la France en quatre-vingt-trois départements à peu près égaux en population et en étendue, et subdivisés en districts, cantons et communes [1790, 15 janv.]. On ne tint compte, dans cette division, ni des coutumes, ni des souvenirs, ni des existences locales: on prit le sol pour base unique; on enleva aux provinces leurs priviléges, leur parlement, leur administration séparée; on effaça même leurs noms historiques, qui rappelaient des idées d'indépendance, et on leur donna des noms tout physiques, qui annonçaient qu'il n'y avait plus ni duchés ni pays d'états, ni Bretons ni Provençaux, mais seulement une France et des Français. Ce fut l'œuvre capitale de l'Assemblée: elle complétait la destruction du régime féodal, rompait pour jamais la chaîne des temps anciens, réunissait les forces du pays dans une puissante centralisation; enfin elle était l'acte constitutif de cette unité nationale, poursuivie avec tant de persévérance depuis Hugues Capet, et atteinte après huit siècles de combats.

L'Assemblée mit tout le système politique en harmonie avec la division départementale, et, pour cela, elle confia l'administration du département à un conseil de trente-six membres et à un directoire exécutif de cinq membres, celle du district à de semblables autorités subordonnées à celles du département, celle de la commune à un conseil et à une municipalité subordonnés aux autorités du district. C'était là la base matérielle du système nouveau; la base morale fut l'élection de tous ces pouvoirs par le peuple. Les citoyens actifs, c'est-à-dire ceux

qui payaient une contribution de trois journées de travail, choisissaient, parmi les citoyens qui payaient une contribution de cent cinquante à deux cents journées, des électeurs qui nommaient les députés à l'Assemblée nationale, les administrateurs de département, de district, de commune, et, comme nous le verrons, les juges, les évêques, les curés. Au moyen de la division départementale et de l'élection universelle, tout l'ancien ordre social se trouva anéanti; mais en même temps commença la lutte des pouvoirs détruits contre le nouveau régime, lutte dont nous allons suivre les résultats dans l'ordre des faits plutôt que dans l'ordre des temps.

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§ III. CHANGEMENTS DANS L'ORDRE JUDICIAIRE. VENTE DES BIENS DU CLERGÉ. ASSIGNATS. - Les parlements furent abolis; et, à leur place, trois ordres de tribunaux furent créés dont les membres étaient temporaires et élus : un tribunal criminel par département, un tribunal civil par district, un tribunal de paix par canton. En outre, on établit une cour suprême chargée de veiller à la conservation des formes judiciaires. Le jury fut admis en matière criminelle.

A ces grands changements, les existences provinciales, dont les parlements avaient été si longtemps les défenseurs, se ranimèrent les pays d'états prirent un air de révolte: Mounier essaya de soulever le Dauphiné; les parlements de Rennes, de Metz, de Bordeaux, de Toulouse, protestèrent contre les décrets de l'Assemblée. Mais la magistrature était tombée si bas dès le commencement de la révolution, qu'elle fut bientôt réduite à se soumettre ou à confondre sa résistance avec celle du clergé et de la noblesse, résistances autrement redoutables, et qui allaient engendrer la guerre civile et la guerre étrangère.

L'Assemblée ne s'était encore occupée des finances qu'actidentellement; elle avait autorisé le ministère à faire deux emprunts, de 30 et de 80 millions; mais ces emprunts n'avaient pas été remplis; elle avait décrété l'établissement d'une contribution patriotique, fixée au quart du revenu; mais on comptait peu sur le produit de cet impôt. Cependant la crise financière devenait effrayante: les impôts ne rentraient pas; tous les services étaient en souffrance; les besoins s'accroissaient à mesure que les ressources diminuaient; «la hideuse banqueroute, disait Mirabeau, était là, prête à nous consumer. » La révolution pouvait avorter par le déficit : il fallait, par quelque

voie extraordinaire, assurer sa vie et son avenir. On chercha cette voie dans les biens du clergé, où l'État avait plusieurs fois, et principalement à l'époque des guerres de religion, trouvé des ressources abondantes ('). Talleyrand de Périgord, évêque d'Autun, proposa, au nom du comité des finances, de déclarer que le clergé n'était pas propriétaire, mais administrateur des biens que les fidèles lui avaient donnés depuis des siècles; que, par conséquent, la nation, en se chargeant des frais du culte, de l'entretien des ministres, du soin des hôpitaux, était en droit de reprendre les propriétés ecclésiastiques, et de les vendre pour éteindre la dette de l'État, combler le déficit, rembourser les charges judiciaires, abolir la gabelle, etc. [1789, 2 nov.]. On estimait la valeur de ces biens à 4 milliards. Cette proposition jeta l'alarme dans le parti de l'ancien régime, qui voyait la révolution s'attaquer plus largement encore qu'au 4 août à la propriété, effacer tout à coup un des trois ordres, en annulant, avec son droit de posséder, son existence à part, et changer le sacerdoce, jusque-là indépendant par ses richesses, en une magistrature salariće et assujettie au pouvoir temporel. Le clergé représenta que ses biens avaient été considérés jusqu'alors comme propriété de l'Église universelle, et que l'État n'y avait cherché des ressources, dans les cas graves, qu'avec l'assentiment du pape et dans un but tout catholique. Il consentait à en céder une partie pour mettre un terme à la crise financière; mais il demandait à rester propriétaire de tout le reste. La conservation du principe sauvait son indépendance, et son dépouillement n'était plus qu'un accident. Ces raisons ne tinrent pas contre la nécessité de fournir à la révolution un trésor pour ainsi dire inépuisable, de lui donner ce caractère de solidité indestructible qu'imprime à tout changement politique un bouleversement de propriétés, enfin d'abolir un des ordres privilégiés; d'ailleurs elles avaient peu de valeur pour la plupart des députés, imbus des idées voltairiennes sur le clergé et les abus de sa constitution. La proposition de l'évêque d'Autun fut adoptée, et un décret ordonna la vente de domaines ecclésiastiques pour une valeur de 400 millions [1789, 19 déc.].

Ces domaines ne trouvèrent pas d'acheteurs. La révolution avait marché avec tant de rapidité et de violence, ses dangers pa

(1) Voyez, t. 11, p. 417 et 455.

raissaient si grands, ses ennemis si nombreux, enfin l'Assemblée démolissait si vite, que, pour les esprits mème les moins superficiels, l'ordre nouveau avait un caractère de précipitation qui semblait rendre sa durée impossible. « Cela ne tiendra pas, »> était le mot qu'on entendait de toutes parts. La grande mesure de l'Assemblée se trouvait donc inutile, et la révolution empêchée matériellement par le défaut d'argent, moralement par le défaut de crédit, quand la commune de Paris trouva le moyen de monnayer les biens nationaux. Elle proposa et l'Assemblée décida que les municipalités seraient autorisées à acheter ces biens à l'État, pour les revendre elles-mêmes aux particuliers; mais que, n'ayant pas les fonds nécessaires pour payer sur-lechamp, elles donneraient des bons sur elles, portant intérêts, avec lesquels le trésor payerait ses créanciers. Par là l'État s'acquittait; les créanciers avaient en main un gage sûr et réel, qu'ils pouvaient transformer en terres; et la vente se trouvait opérée d'elle-même. Plus tard, on généralisa l'opération en changeant les billets municipaux en billets d'État ou assignats, et l'on rendit la circulation des assignats forcée. Alors les créanciers se trouvèrent réellement remboursés, puisque le papier devenait une monnaie véritable. Leur hypothèque fut d'ailleurs assurée; car un décret limita la quantité des assignats à la valeur des biens mis en vente, et ordonna le brûlement immédiat des assignats rentrés; de sorte que les biens ecclésiastiques devaient se trouver vendus en même temps que le papier-monnaie se trouverait supprimé. Cette opération n'était pas parfaite sous le rapport financier; car elle donnait au gouvernement une terrible facilité de créer plus d'assignats qu'il n'avait de biens pour leur servir d'hypothèque, et c'est en effet ce qui arriva; mais c'était une excellente mesure politique, et qui fut le salut de la révolution. Le clergé en fut profondément irrité: il intrigua, cabala, cria au sacrilége, pour empêcher la vente de ses biens; mais son dépouillement n'attaquant en rien la religion, quoiqu'il eût été déterminé par un sentiment d'hostilité contre les prêtres, il n'osa montrer trop d'acharnement à défendre des intérêts tout matériels, et attendit que l'Assemblée mît réellement la main à l'encensoir (1).

(1) Voici quelles furent les autres opérations financières de l'Assemblée : « Tous les revenus furent imposés: ceux de la terre et des maisons par la contribution fon

§ IV. CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ. - TROUBLES RELIGIEUX. L'Assemblée ne tarda pas à se lancer dans cette voie dangereuse, et à se donner ainsi une renommée d'irréligion qui compromit son œuvre et la révolution. D'abord, et quoiqu'elle déclarât que << sa constitution était basée sur l'égalité évangélique, et avait réalisé la parole de Jésus-Christ, » elle refusa de reconnaître le catholicisme comme religion de l'État [1790, 13 févr.]; ensuite elle abolit les vœux monastiques, supprima tous les ordres et congrégations, excepté ceux qui étaient chargés du soulagement des malades, et jeta ainsi dans le monde, avec une chétive pension, des individus qui ne pouvaient qu'y être déplacés. Enfin, et quand elle eut décrété la division départementale, elle voulut rendre conforme à la circonscription civile la circonscription ecclésiastique, et elle décréta [12 juillet]: qu'il y aurait un évêque par département, que les chapitres métropolitains étaient supprimés, que les évêques et curés seraient nommés par les électeurs. Ces innovations détruisaient le concordat de 1517, rompaient les rapports du clergé avec le saint-siége, et changeaient sa discipline. Blâmées par Mirabeau et les esprits les plus élevés de l'Assemblée, mais sans qu'ils voulussent compromettre leur popularité pour les combattre, elles furent l'œuvre du parti janséniste, qui avait donné à l'Assemblée trente à quarante membres, et qui la domina, dans cette question, par ses maximes austères, sa haine contre le clergé, son attachement à la révolution. «< Tous les jansénistes, dit un historien protestant, virent avec joie la puissance de Babel, c'est ainsi qu'ils nommaient la cour de Rome, recevoir un coup aussi terrible; le clergé, dont ils avaient essuyé tant de persécutions, ruiné, dépossédé de ses honneurs, de son immense pouvoir. Ils allaient même jusqu'à dire qu'en dépouillant le clergé de ses richesses, on le forçait à

cière, ceux des capitaux par la contribution mobilière, ceux de l'industrie par les patentes, ceux du commerce par les douanes transportées aux frontières. L'acquisition de la propriété par héritage ou par contrat fut assujettie à un enregistrement qui constata sa transmission, et à l'acquittement d'un droit qui fut le prix de sa sanction. Il en fut de même des divers actes devant les tribunaux et de quelques opérations de la vie économique qui, exigeant l'intervention de l'État ou son appui, durent lui payer tribut par l'enregistrement ou le timbre. L'impôt sur les consommations fut beaucoup plus ménagé qu'il ne l'a été depuis, parce que, regardé comme prélevé sur les salaires, et par les salaires sur le peuple, on le crut moins bon sous le rapport économique et moins juste sous le rapport politique. » (Mignet, Notice sur Ræderer.)

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