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un combat s'engagea entre les gardes du corps et la garde nationale; quelques hommes furent tués, et l'on fit évacuer la place aux gardes, qui se retirèrent dans le château. Le roi tint conseil pour savoir s'il devait rester ou fuir, et ses voitures se présentèrent même à l'une des grilles; la garde nationale les repoussa. Alors il donna son acceptation à la déclaration des droits, et se décida à demeurer, pour ne pas laisser, dit-il, la place au duc d'Orléans. Il faisait nuit; la cour était pleine de terreur; on entendait les cris de fureur de la multitude contre les aristocrates et la reine; enfin on annonçait l'approche de l'armée parisienne.

SUITE DES

Cette armée arriva à minuit. La Fayette alla exposer au roi la situation de Paris, et l'assurer du dévouement de la garde nationale. Les deux représentants de la commune qui l'accompagnaient dirent que le vœu des Parisiens était que le roi ne ût gardé que par les milices bourgeoises, qu'il pourvût aux subsistances, qu'il hâtât l'achèvement de la constitution, qu'il vînt habiter Paris. Louis répondit par de vagues promesses, et ordonna à la Fayette de confier les postes extérieurs à la garde nationale, dont la présence avait suffi pour ramener l'ordre et la sécurité. D'ailleurs, la pluie, la fatigue et la nuit avaient apaisé la fougue de la multitude, qui se dispersa dans les maisons et les édifices publics. A deux heures du matin, la famille royale reposait; à quatre heures, l'assemblée nationale se sépara; à cinq heures, la Fayette alla se jeter sur un lit. § VIII. JOURNÉE DU 6 octobre. LE ROI A PARIS. JOURNÉES D'Octobre. Une heure après, quelques hommes du peuple, qui rôdaient autour du château, trouvent une grille ouverte ; ils entrent et insultent un garde du corps, qui tire sur eux ; ils ripostent par des coups de fusil. La foule accourt, envahit le château, tue plusieurs gardes du corps, et pénètre jusqu'à la chambre de la reine, qui eut à peine le temps de s'enfuir chez le roi. Les gardes se retranchent derrière les portes, et sont bientôt soutenus par les compagnies soldées de la garde nationale, qui parviennent à rejeter les assaillants dans les cours. Toute la ville était en tumulte. Les hôtels des gardes du corps avaient été envahis par le peuple, et dix-sept prisonniers allaient être égorgés sur l'avenue de Sceaux, quand la Fayette, éveillé au premier bruit, disperse cette foule furieuse, sauve les gardes et court au château, où il achève, avec ses grenadiers, de faire

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évacuer les appartements. Les députés, à la première nouvelie du tumulte, s'étaient rassemblés dans leur salle; le roi leur demande de se rendre au château pour protéger sa famille : une députation de trente-six membres lui est envoyée.

Cependant la foule entassée dans la cour criait : « Le roi à Paris! » Louis, après avoir tenu conseil, parut au balcon et fit un signe d'assentiment. « Vive le roi!» cria la foule, mais en accompagnant ce cri de menaces contre la reine. La Fayette conduisit la princesse au balcon, et comme les paroles ne pouvaient être entendues, il lui baisa respectueusement la main. Le peuple accueillit cette réconciliation par des cris de joie, et l'on fit les apprêts du départ. L'Assemblée nationale décréta qu'elle était inséparable de la personne du roi, et qu'une députation de cent membres l'accompagnerait à Paris.

Les premières bandes du peuple étaient déjà en marche pour annoncer leur victoire à la capitale elles portaient sur des piques les têtes de deux gardes du corps, et elles arrivèrent à midi aux portes de Paris; mais là elles furent dispersées par un détachement que la Fayette avait envoyé à leur suite. Deux heures après, arriva le commencement d'un cortége dont la fin n'entra dans la ville qu'à dix heures du soir, et qui offrait le spectacle le plus étrange. C'étaient d'abord le régiment de Flandre, les Suisses, l'artillerie, des charrettes où étaient montés hommes et femmes déguenillés, couverts de rubans tricolores et portant des branches de peuplier; puis soixante voitures de grains; puis la garde nationale pêle-mêle avec les femmes armées, les hommes des faubourgs, les gardes du corps; puis l'Assemblée nationale à cheval ou en voitures; puis les carrosses de la famille royale et de la cour, entourés d'une foule de gens de toute espèce; puis enfin des voitures de farine et de bagages. Tout cela poussait des cris de joie, chantait, menaçait, insultait : « Nous ne mourrons plus de faim, disaient les femmes, nous amenons le boulanger, la boulangère et le petit

mitron. >>

Le roi se logca aux Tuileries, où il fut gardé par les milices bourgeoises. L'Assemblée tint séance dans la salle du Manége, qui communiquait au pavillon septentrional des Tuileries par la terrasse des Feuillants (1).

(1) Sur l'emplacement des numéros 36 et 38 de la rue de Rivoli.

Les journées d'octobre furent le complément de celles de juil let: en transportant le roi dans le foyer révolutionnaire et sous la surveillance du peuple, elles devaient rendre désormais impossible toute tentative pour arrêter la révolution par la force. Elles changèrent entièrement la situation des partis : le mouvement crut la révolution terminée et sauvée; la résistance fut pleine de terreur, et l'émigration devint telle que trois cents députés demandèrent des passe-ports à l'Assemblée, qui finit par les refuser; plusieurs même des hommes modérés, tels que Mounier et Lally-Tollendal, désespérant de la liberté, donnèrent leur démission et jurèrent de « ne plus mettre le pied dan cette caverne d'anthropophages. » Les royalistes ne voulurent pas attribuer au peuple ces journées si bien empreintes de ses passions, si naturellement engendrées par sa défiance et sa misère: ils en chargèrent le duc d'Orléans, et prétendirent qu'on l'avait vu avec Mirabeau courir dans les groupes pour exciter la fureur populaire. Ce fut même l'opinion de la garde nationale. Une procédure fut instruite à ce sujet, et elle lava les deux personnages; mais la Fayette força le duc d'Orléans à s'exiler pour quelque temps en Angleterre. La révolution était si bien en tous lieux, en toutes choses, elle éclatait par tant de points différents, par des causes si diverses, qu'on ne pouvait croire qu'elle fût sans direction, et l'on personnifiait le génie révolutionnaire qui inspirait le peuple dans le duc d'Orléans. Cependant ce prince n'avait ni le talent, ni le pouvoir, ni même la volonté de jouer ce grand rôle; il laissait compromettre son nom par ses amis, qu'on voyait dans tous les mouvements populaires; mais son ambition était sans constance, sans plan de conduite, sans idées arrêtées; il put, en répandant de l'or, exciter quelques émeutiers subalternes, mais ce n'est pas avec des millions qu'on enfante une révolution tellement préparée par les siècles précédents qu'elle semblait inévitable. Il n'était pas besoin d'or pour soulever ce peuple irritable et défiant: il ne fallait que la parole sanglante de Marat ou de Desmoulins; il ne fallait que ce terrible cri de guerre contre le gouvernement qui avait laissé faire le pacte de famine : Du pain!

CHAPITRE II.

Achevement

Travaux de l'Assemblée constituante. - Fuite et arrestation du roi.
de la constitution. Du 6 octobre 1789 au 30 septembre 1791.

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§ I. DESORDRES DANS TOUT LE ROYAUME. CLUB DES JACOBINS. OMNIPOTENCE DE L'ASSEMBLÉE. Les journées d'octobre triomphe de la force populaire sur la puissance royale, n'étaient pas faites pour rendre du crédit et du nerf au gouvernement : aussi vit-on partout s'accroître le désordre. La guerre des chaumières contre les châteaux continuait; les tribunaux étaient impuissants; les troupes refusaient d'obéir; aucune autorité n'était respectée. Mais l'enthousiasme révolutionnaire ne faisait que s'accroître au milieu de toutes ces agitations: partout les gardes nationales se fédéraient « pour faire respecter les décrets de l'Assemblée constituante, » au cri de : « Vivre libres ou mourir! » La foi religieuse, unique passion du peuple pendant tant de siècles, faisait place, chez lui, à la foi révolutionnaire, sentiment nouveau, aussi spontané, aussi dévoué, aussi inflexible, qui devait le porter, comme le premier, à de grandes choses, mais en même temps le rendre aussi impitoyable contre les résistances contre-révolutionnaires qu'il l'avait été jadis contre les oppositions hérétiques. « Il est difficile de se figurer le mouvement qui agitait la capitale de la France: elle sortait du repos et du silence de la servitude, elle était comme surprise de la nouveauté de sa situation, et s'enivrait d'enthousiasme et de liberté (1). » Une fièvre de discussion s'était emparée de tous les esprits on lisait avee une confiance avide et entière les journaux dont les murs étaient placardés; on briguait avec ardeur toutes les fonctions publiques; on courait aux assemblées des districts; on allait applaudir Mirabeau à la salle du Manége; et comme les émotions de la tribune nationale ne suffisaient pas, on cherchait, dans les clubs, des tribunes plus accessibles et plus populaires.

Les clubs commençaient à prendre une grande extension; mais nul n'avait plus de faveur que celui des Amis de la constitution. Fondé d'abord à Versailles par les députés bretons, il se

(1) Mignet, t. 1, p. 63.

transporta, en même temps que l'Assemblée, à Paris, et tint ses séances dans le couvent des Jacobins, rue Saint-Honoré. Il admit alors dans son sein des personnes étrangères à l'Assemblée nationale, eut sa tribune, son public, ses journaux, et devint le centre de tous les mouvements de Paris. Nul ne put prétendre à une renommée de patriote sans appartenir à ce club: c'était là qu'on faisait les motions les plus révolutionnaires, que Mirabeau et Barnave venaient s'inspirer avant de monter à la tribune nationale, qu'on dévoilait les manœuvres de la cour. Ce club s'affilia les sociétés patriotiques des provinces, et il forma avec elles une vaste confédération qui rivalisa d'influence avec l'Assemblée nationale, entrava souvent le pouvoir légal, mais donna une grande énergie à la révolution, dont il devint le foyer et le directeur.

L'Assemblée constituante voyait avec chagrin les désordres du royaume; mais elle craignait, en y portant remède, de comprimer l'élan révolutionnaire : « Les maux dont on nous rend compte, disait Robespierre, député d'Arras, sont tombés sur des hommes qu'à tort ou avec raison le peuple accuse de son oppression et des obstacles apportés chaque jour à sa liberté. » Elle se hâtait de travailler à la constitution, croyant que l'anarchie cesserait avec l'état de provisoire légal où l'on se trouvait; mais à mesure qu'elle avançait, elle rencontrait un débris de l'ancienne société à renverser, une question accidentelle à résoudre, un fait pour lequel il fallait prendre une décision préalable. C'est ainsi qu'après une émeute à Paris, causée encore par la disette, et dans laquelle un boulanger fut pendu par la multitude, elle décréta la loi martiale, qui autorisait les municipalités à dissiper par la force les attroupements séditieux. C'est ainsi qu'Avignon et le comtat Venaissin s'étant révoltés contre l'autorité pontificale et ayant demandé à revenir à l'unité française, il fallut décréter l'envoi de troupes dans ce pays, et plus tard sa réunion à la France [1790, 11 juin]. C'est ainsi que des troubles ayant éclaté à Saint-Domingue, où les hommes de couleur réclamaient les droits politiques, il fallut décréter que l'état des hommes de couleur serait laissé à l'initiative des assemblées coloniales: décision qui amena la guerre civile dans les colonies. L'Assemblée était accablée de travaux : elle devait expliquer les détails d'exécution de ses décrets, pourvoir provisoirement à la conservation des choses qu'elle n'avait pas encore

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