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nais: au milieu des vociférations de la multitude et en se cramponnant à la tribune, dont ses indignes collègues voulaient l'arracher, il dévoila la lâcheté de l'assemblée qui se laissait dominer par les anarchistes, et il demanda que les autorités révolutionnaires de Paris fussent cassées. Mais alors arriva la députation de la commune: «Représentants, dit-elle, les crimes des factieux de la Convention vous sont connus: nous venons pour la dernière fois vous les dénoncer. Décrétez à l'instant qu'ils sont indignes de la confiance publique... Sauvez le peuple, ou nous vous déclarons qu'il va se sauver lui-même. » La Montagne applaudit; la Plaine dit qu'il faut céder; la Gironde ne peut se faire entendre. Enfin Barrère offre comme moyen terme la suspension volontaire des Vingt-deux. Aussitôt Isnard, Lantenas, Faucher, offrent leur démission. Quant à Lanjuinais : « N'attendez de moi, dit-il, ni démission ni suspension... » Et comme des cris s'élèvent : « La victime qu'on traînait à l'autel ornée de fleurs et de bandelettes n'était pas insultée par le prêtre qui l'immolait... On parle de sacrifice de mes pouvoirs : les sacrifices doivent être libres, et vous ne l'êtes pas ! »>

En ce moment, l'assemblée s'aperçoit que les issues de la salle sont gardées par la force armée; quelques députés essayent de sortir ils sont repoussés. L'indignation est générale. Danton lui-même est honteux de tant d'outrages; et, sur la proposition de Barrère, l'assemblée entière se lève, sort de la salle ayant à sa tête le président Hérault-Séchelles, et arrive dans la cour Royale, près des canonniers. Hérault leur ordonne de livrer passage aux représentants du peuple. « Nous ne sommes pasici, dit Henriot, pour entendre des phrases. Vous ne sortirez pas que vous n'ayez livré les traîtres... Canonniers, à vos pièces! » Aussitôt les sabres sont tirés, les fusils mis en joue, les mèches posées sur les canons. La Convention recule et se dirige dans le jardin; elle en trouve les portes gardées, et Marat à la tête d'une troupe de Sans-Culottes, qui lui dit : « Je vous somme, au nom du peuple, de retourner à votre pɔste que vous avez lâchement abandonné. » Elle rentre humiliée et n'ayant plus qu'à obéir. Alors Marat fait faire quelques changements à la liste des proscrits; la Plaine refuse de voter; et la Montagne décrète seule l'arrestation des deux ministres et des trente et un députés suivants : Clavière, Lebrun, Gensonné, Guadet, Brissot, Gorsas, Pétion, Vergniaud, Salles, Barbaroux, Chambon, Buzot, Birot

teau, Lidon, Rabaud, Lasource, Lanjuinais, Grangeneuve, Lehardy, Lesage, Louvet, Valazé, Doulcet, Kervelegan, Gardien, Rabaud-Saint-Etienne, Boileau, Bertrand, Vigée, Mollevaut, Larivière, Gomaire, Bergoing.

Ce fut le 10 août de la Convention: la Gironde, suspendue et captive comme Louis XVI, n'avait plus qu'à attendre sa condamnation!

Jasurrection girondine. ·

CHAPITRE II.

Destruction des hébertistes et des dantonistes. lution du 9 thermidor. - Du 2 juin 1793 au 27 juillet 1794.

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INSURRECTION DES

§ I. SITUATION NOUVELLE DE LA MONTAGNE. DÉPARTEMENTS CONTRE PARIS. SUCCÈS DE LA COALITION. DANGERS DE LA FRANCE. La Montagne était victorieuse; elle allait changer de position et de rôle. Le principe révolutionnaire qu'elle représentait avait été, jusqu'à cette époque, à l'état d'opposition contre le pouvoir successivement occupé par les royalistes, les Feuillants, les Girondins; après le 2 juin, ce principe, devenu lui-même le pouvoir, passe de l'offensive à la défensive; il ne songe plus qu'à donner une position stable à la révolution, qu'à empêcher les uns de la pousser en avant, les autres de la ramener en arrière; mais, assailli par tous les partis vaincus, il tombe; et la révolution, qui avait suivi jusque-là une échelle ascendante, commence à suivre l'échelle contraire. Le règne de la Montagne présente donc trois périodes distinctes dans la première, elle terrasse le parti qu'elle vient de vaincre et qui essaye une insurrection; dans la deuxième, elle se divise en trois factions, celle des exagérés ou des hébertistes, celle des modérés ou des dantonistes, celle des stationnaires ou de Robespierre: celle-ci l'emporte; dans la troisième, tous les partis vaincus, depuis le royalisme jusqu'au dantonisine et à l'hébertisme, font réaction contre le parti de Robespierre: celui-ci succombe à son tour, et la marche en avant de la révolution se trouve définitivement arrêtée.

Vergniaud, Gensonné et quelques autres s'étaient soumis volontairement au décret du 2 juin pour provoquer un jugement qui démontrât leur innocence; mais le plus grand nombre des députés proscrits s'évada pour aller soulever les départements

indignés. Pétion, Buzot, Guadet, Barbaroux, etc., se retirèrent à Caen; et le département de l'Eure donna le signal de l'insurrection en levant une armée de quatre mille hommes et en envoyant des commissaires dans les autres départements pour les exhorter à concerter leurs mouvements [1793, 13 juin]. Il s'établit à Caen une assemblée insurrectionnelle de douze départements, qui ordonna la formation d'une armée, enleva les caisses publiques, mit en détention deux représentants en mission, et fit d'Évreux le rendez-vous des forces des insurgés. Les départements du Sud-ouest suivirent cet exemple: à Bordeaux, les autorités se formèrent en commission populaire de salut public, levèrent une armée, et en dirigèrent l'avant-garde sur Langon. Les départements du Sud-est eurent pour centres d'insurrection Marseille et Lyon; à Marseille, les sections cassèrent la municipalité, créèrent un tribunal pour juger les anarchistes, arrêtèrent les commissaires de la Convention, enfin leverent une armée qui devait se joindre, à Pont-Saint-Esprit, aux insurgés du Languedoc, et remonter avec eux jusqu'à Lyon. A Lyon, la lutte entre les sections et la municipalité s'était terminée par une véritable bataille, où les sections prirent d'assaut l'Hôtel de ville [9 mai], s'emparèrent de tous les pouvoirs, mirent en jugement Chalier et le firent périr, avec trois de ses complices, sur l'échafaud; une armée fut levée, qui devait se concerter avec les insurgés de l'Isère, de l'Ain et du Jura.

Ainsi plus de cinquante départements étaient soulevés contre Paris. En même temps, trente mille paysans des Cévennes arboraient le drapeau blanc, s'emparaient de Mende et de Marvejols, et menaçaient de se joindre, par l'Auvergne et le Limousin, à la Vendée. La Vendée avait proclamé Louis XVII, formé une grandé armée royale et catholique de soixante mille hommes, sous le commandement de Cathelineau, battu les républicains à Saumur,entin enlevé cette ville, d'où elle menaçait à son gré Nantes, Tours ou la route de Paris [10 juin]. Condé venait de se rendre [13 juin]; Valenciennes et Mayence étaient réduites aux dernières extrémités; Bellegarde était prise [24 juin]; les armées des Pyrénées et des Alpes se trouvaient coupées de Paris par l'insurrection du Midi, et elles allaient se diviser pour marcher contre les révoltés. La Corse, insurgée, menaçait de se donner aux Anglais, dont les vaisseaux dominaient toutes les mers, prenaient nos colonies et insultaient nos côtes. Pitt fomentait les troubles de

la France, intriguait dans toutes les cours, arrêtait nos ambassadeurs sur le territoire suisse; par une mesure nouvelle dans les annales du monde, il déclarait tous les ports français en état de blocus, et prononçait la confiscation des navires neutres qui y porteraient des vivres [9 juin]. Enfin les émigrés se rapprochaient de toutes nos frontières; ils s'assemblaient à Jersey, sur le Rhin, en Suisse; ils se jetaient dans Lyon.

La révolution ne s'était pas encore trouvée dans une situation si désespérée : il restait à peine à la Convention quinze à vingt départements; la France se voyait cernée par terre et par mer, déchirée par deux guerres civiles, épuisée par la disette, avec un papier discrédité pour toute ressource, des armées découragées, sans habits, sans pain, sans généraux, un gouvernement désorganisé, parce qu'il sortait d'une lutte; enfin elle était menacée par les étrangers d'un démembrement, par les émigrés d'une contre-révolution qui ne pouvait causer que sa ruine. La situation était unique : elle amena un élan de dévouement et de fureur unique comme la situation. La France fit les plus grands efforts qu'une nation ait jamais faits pour son salut, et son gouvernement fut à la hauteur du danger.

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§ II. MESURES DE LA CONVENTION. MORT DE MARAT. DÉFAITE DES GIRONDINS. - D'un côté était l'Europe avec les trois quarts de la France; de l'autre côté, Paris avec quelques départements; mais là étaient la division, l'incertitude, l'égoïsme; ici l'unité, l'énergie, le dévouement; là on combattait pour de chétifs intérêts politiques, ici pour la sainte cause de l'indépendance. Les étrangers ne voulaient plus, comme en 1792, le triomphe du principe monarchique : aveuglés par une basse cupidité, croyant inévitable la dissolution de la France, ils ne songeaient qu'à partager ses dépouilles; aussi l'émigration était-elle partout victime de ses alliés on la tenait loin de la frontière, on la sacrifiait dans les arrière-gardes, on lui défendait, sous peine de mort, de débarquer en Vendée. De même, dans les deux guerres civiles qui déchiraient la France, c'était l'esprit étroit de localité qui dominait. Les paysans vendéens s'étaient insurgés pour leur religion, par un instinct héroïque, sans autre but que d'échapper aux lois de la révolution, entraînant leurs seigneurs, aussi sincères, aussi désintéressés, aussi ignorants qu'eax; mais, abandonnés par l'étranger, n'ayant aucune relation avec les chefs de l'émi

gration et nul espoir de soulever le reste de la France, ils ne pouvaient que mourir pour leur Dieu et leur roi. Les Girondins faisaient de la révolte, comme ils avaient fait de l'opposition, sans direction et sans ensemble; ils ne surent pas former un plan général d'insurrection; ils laissèrent Bordeaux, Caen, Lyon, se mouvoir isolément; ils parlèrent beaucoup et n'agirent point. Leur position était plus fausse que jamais : ils appelaient à eux les républicains modérés, et c'étaient les royalistes qui leur répondaient; ils se reprochaient d'augmenter les dangers de la patrie; ils se sentaient forcément contre-révolutionnaires, et voyaient avec effroi les étrangers derrière eux. Au contraire, la Montagne n'avail qu'une pensée, le salut du pays; elle ne doutait point d'elle-même, de son but, de son droit ; elle n'avait pas la moindre idée d'une transaction, d'une conciliation; pour sauver la révolution, elle croyait tout juste et légitime, elle était résolue à tous les sacrifices, à tous les excès; elle allait verser son sang comme celui de ses ennemis, sans pitié et

sans mesure.

Danton, qui était l'homme des grandes crises, déploya alors toute son énergie et son audace, et sur sa motion, il fut décrété : que la commune et le peuple de Paris avaient sauvé la liberté et la république dans les journées des 31 mai et 2 juin ; que les députés absents étaient déchus et seraient remplacés par leurs suppléants; que les instigateurs de la révolte, les autorités départementales, les chefs des troupes insurgées, étaient mis hors la loi. La Convention ordonna ensuite à ses commissaires de l'armée des Alpes de faire rentrer Lyon et Marseille dans le devoir; elle forma un noyau d'armée à Vernon contre les insurgés de Caen; elle adopta une constitution qui fut faite en huit jours [1793, 24 juin], la plus simple et la plus démocratique qu'on eût jamais vue, mais que la Montagne s'était peu souciée de rendre praticable, parce que la question était moins que jamais dans la forme du gouvernement: elle était uniquement dans le salut de la révolution.

Toutes ces mesures furent votées sans discussion: il n'y avait plus d'opposition; le côté droit et le centre, quoique soixantetreize députés eussent fait une protestation secrète contre les derniers événements, souscrivaient avec acclamation à toutes les demandes de la Montagne. Depuis le 31 mai, la Convention n'était plus une assemblée délibérante, mais un conseil d'État

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