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dins envahirent les sections, et l'on ne parvint à faire partir, à force d'argent, que le rebut de la populace. Santerre fut mis à la tête de ces héros à 500 livres, qui se signalèrent dans la Vendée par leur lâcheté et leur fureur sanguinaire.

Cependant le danger croissait sans cesse. Les paysans du Bocage avaient tué ou pris quatre mille républicains devant Fontenay, et s'étaient emparés de cette ville; ceux du Marais avaient enlevé une seconde fois Machecoul, où ils massacrèrent cinq cent quarante prisonniers. On annonçait que toute la Bretagne et même la Normandie allaient se révolter. En même temps, l'opinion girondine se manifestait dans tout le Midi par des apprêts de guerre Bordeaux et Marseille menaçaient la Convention de marcher sur Paris, pour sauver leurs représentants; à Lyon, les sections et la municipalité étaient prêtes à se livrer bataille; la Corse, travaillée par Paoli, allait être conduite à une révolte ouverte. Enfin les nouvelles de l'extérieur devenaient alarmantes.

Les alliés auraient pu, après la fuite de Dumouriez, détruire l'armée française divisée et trahie; mais comme ils se croyaient assurés de la victoire, ils ne songeaient qu'au partage des dépouilles, se disputaient sur les indemnités et les garanties qu'ils exigeraient de la France, et avaient résolu, pour tout plan de guerre, de s'emparer, chacun d'eux, de quelque place: les Autrichiens convoitaient Valenciennes et Condé, les Anglais Dunkerque, les Prussiens Mayence et Landau.

Cobourg, s'étant renforcé de trente-cinq mille Anglais et Hollandais commandés par le duc d'York, passa la frontière, forma de ses cent mille hommes un long cordon de la Meuse à la mer, menaça à la fois toutes les places, et enfin, après de nombreuses escarmouches, bloqua Condé. Dampierre s'était retiré sous Bouchain pour rétabir son armée; quand il eut réuni quarante mille hommes, il se porta en avant, et livra sur toute la frontière des combats multipliés qui rendirent la confiance à ses soldats, mais dans l'un desquels il fut tué. Son armée se retira dans le camp de Famars qui couvrait Valenciennes, et elle n'en fut chassée qu'après quinze jours de combats contre des forces doubles [1793, 8 mai]. Alors les Autrichiens investirent Valenciennes, et les Français se retirèrent derrière l'Escaut, entre Bouchain et Cambrai [28 mai].

Sur le Rhin, tout l'effort des alliés s'étant dirigé contre

Mayence, le roi de Prusse, avec cinquante mille hommes, passa le fleuve à Baccharach [25 mars], et Wurmser, avec vingt mille hommes, près de Spire. Custine pouvait opposer à l'ennemi quarante-cinq mille hommes disséminés de Spire à Bingen, trente cinq mille des places d'Alsace, et même les vingt-cinq mille de l'armée de la Moselle; mais il ne prit aucune mesure, et laissa surprendre le passage de la Nahe par les Prussiens [29 mars]; alarmé de cet échec, et voyant Wurmser sur ses derrières, il perdit la tête, évacua Bingen, Kreutznach, Worms, Spire, sans résistance, abandonna Mayence à ses propres forces, se replia sur Landau et Weissembourg, et rejeta même ses bagages jusqu'à Strasbourg. Le roi de Prusse bloqua Mayence, qui avait vingt-deux mille hommes de garnison, et dissémina trente mille hommes de Lauterbourg à Sarrelouis, pour couvrir le siége. Custine, qui, avec l'armée de la Moselle, avait plus de soixante mille hommes disponibles, au lieu de percer ce faible cordon d'observation, dispersa ses troupes sur une ligne parallèle à celle des Prussiens, et après un essai offensif qui dégénéra en pleine déroute, il donna sa démission [17 mai]. La Convention l'envoya à l'armée du Nord, où il fit de nouvelles fautes qui devaient le conduire à l'échafaud. Beauharnais lui succéda à l'armée du Rhin.

Dans la Savoie, on resta de part et d'autre sur la défensive. Dans le comté de Nice, l'armée française, réduite à quinze mille hommes dénués de tout, fit de vaines tentatives pour rejeter les Piémontais au delà des Alpes; et une dernière attaque sur le camp de Saorgio, qui commandait le col de Tende, n'amena qu'une défaite.

Aux Pyrénées, où la France n'avait que des noyaux d'armée, les Espagnols avaient pris l'offensive avec quarante mille hommes. Pendant que quinze mille passaient la Bidassoa, surprenaient le camp de Sarre et rejetaient les détachements français sous Bayonne, vingt-cinq mille, masquant Bellegarde et Fort-les-Bains, pénétrèrent jusque devant Perpignan, dont ils se seraient emparés s'ils eussent tenté la moindre attaque. Deflers, chargé du commandement de cette frontière, rallia à la hâte quelques troupes de volontaires et attaqua les Espagnols à Mas-d'Eu [19 mai]; il fut mis en pleine déroute.

§ XII. CRÉATION DE LA COMMISSIOn des Douze. OPPOSITION DE - A la nouvelle de toutes ces défaites, les Giron

LA COMMUNE.

dins et les Montagnards s'accusèrent mutuellement des malheurs de la France. Ceux-ci n'y voyaient de remède que dans la violence, et ils parvinrent à faire décréter le maximum pour les grains et un emprunt forcé d'un milliard sur les riches. Ceux-là résistaient à toutes les mesures révolutionnaires, sachant bien qu'elles étaient dirigées autant contre eux que contre les ennemis. La lutte devint effroyable, et la salle des séances, qui, depuis le 10 mai, était dans le château des Tuileries, semblait «une arène de gladiateurs. » La Montagne disait que le côté droit était d'intelligence avec les Vendéens, et que, pour sauver la patrie, il fallait faire contre lui un 10 août. La Gironde dénonçait les complots tramés contre elle, et demandait la destitution des autorités de Paris et la translation de la Convention à Bourges. Le parti modéré l'emporia, grâce à l'intervention du comité de salut public; et sur la proposition de Barrère, l'homme le plus habile à ménager tous les partis, il fut décrété qu'une commission de douze membres serait nommée pour examiner les actes de la commune et rechercher les complots tramés contre la représentation nationale [1793, 18 mai]. La commission des Douze fut composée des Girondins les plus énergiques, et elle dévoila sur-le-champ ses projets de réaction en cassant les comités révolutionnaires, en menaçant la commune, en laissant courir le bruit de la suppression du tribunal extraordinaire. Tout cela était imprudent. « Les Douze sont des hommes vertueux, disait Garat; mais la vertu a ses erreurs : ils en ont de bien grandes... Avant de faire des actes de gouvernement, il faut avoir un gouvernement. » Or, toute la force était à la commune, qui disposait seule des sections armées, contre laquelle ni les Douze ni les ministres n'avaient de moyens de répression, et qui résolut d'arrêter la réaction girondine par une insurrection.

Des commissaires nommés par les sections se formèrent ouvertement en comité central révolutionnaire : on y chercha, en se modelant sur le 10 août, des moyens de sauver la chose publique, et en présence de Pache, il fut proposé de septembriser les vingt-deux. La commission des Douze, instruite du complot, lança des mandats d'arrêt contre les commissaires et principalement contre Hébert, qui avait loué, dans son dégoûtant journal, les projets du comité. Le conseil général se regarda comme frappé dans la personne du hideux magistrat qui dé

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pravait le peuple par son cynisme infâme et son athéisme déclaré; les sections et les clubs se mirent en permanence, et la commune commença l'attaque en se présentant à la Convention pour lui demander justice de la commission des Douze [25 mai]. Isnard, l'un des plus véhéments Girondins, présidait; il répondit à la députation : « Écoutez ce que je vais vous dire. Si jamais, par une de ces insurrections qui se renouvellent depuis le 10 mars, il arrivait qu'on portât atteinte à la représentation nationale, je vous le déclare au nom de la France entière, Paris serait anéanti; oui, la France entière tirerait vengeance de cet attentat, et bientôt on chercherait sur quelle rive de la Seine Paris a existé. »

Ces paroles imprudentes mettent en fureur les Jacobins, qui font signer, dans les sections, une nouvelle pétition pour la délivrance d'Hébert et la suppression des Douze. C'est l'occasion d'un grand tumulte dans Paris; mais enfin, vingt-huit sections ayant signé la pétition, la commune vient la présenter en son nom à l'assemblée, escortée d'une multitude furieuse qui envahit la salle et menace les députés. Alors, au milieu de la plus horrible confusion, un décret, frauduleusement rendu, supprime la commission et élargit les citoyens incarcérés par elle [27 mai].

Le lendemain,

§ XIII. INSURRECTIONS DES 31 MAI ET 2 JUIN. Lanjuinais demande le rapport du décret : «Depuis deux mois, dit-il, on a fait plus d'arrestations arbitraires que sous l'ancien régime en trente ans; et vous vous plaignez de ce qu'on a enfermé deux hommes qui prêchent le meurtre et l'anarchie à deux sous la feuille! «Après une violente discussion, la commission des Douze est rétablie; mais l'élargissement d'Hébert est maintenu. Alors les Jacobins voient qu'ils ne peuvent vaincre le côté droit que par une insurrection, et celui qui la dirige, c'est Danton, qui, en estimant la personne des Girondins, regarde leur parti comme un obstacle insurmontable au salut de la révolution. Le 29 mai, il se fait à l'Évêché une assemblée des commissaires des sections, de la commune, du département et des clubs, et le plan d'insurrection est arrêté

Pendant la nuit du 30 mai, le tocsin sonne, la générale est battue, les barrières sont fermées; les commissaires de l'assemblée de l'Évêché se rendent à l'Hôtel de ville, et transmettent aux autorités constituées, de la part du peuple en insurrection,

des pouvoirs nouveaux et illimités. Sur-le-champ, la commune nomme commandant général des sections Henriot, chef du bataillon des Sans-Culottes, homme grossier et presque toujours ivre; elle donne une solde de 40 sous à tout citoyen pauvre qui prendra les armes; elle convoque les sections armées, qui se laissent conduire aveuglément autour des Tuileries.

Au bruit du tocsin, les députés s'étaient réunis pleins de frayeur et avaient appelé à la barre les autorités. « La Convention n'a rien à craindre, dit Luillier, procureur du département; l'insurrection est toute morale. » Danton, qui voulait modérer le mouvement, demande qu'on sauve le peuple de sa propre colère en supprimant la commission des Douze, «< in stituée, dit-il, pour réprimer l'énergie populaire et dans cet esprit de modérantisme qui perdra la révolution. » Alors arrive une députation de la commune : elle demande l'arrestation des députés qui ont calomnié Paris et veulent le détruire; Robespierre soutient la pétition avec une verve de colère inaccoutumée. Mais la Plaine était de l'avis de Danton : elle estimait les intentions et haïssait l'opposition de la Gironde; et la Convention décrète seulement la suppression de la commission des Douze

C'était tout ce que voulait Danton; mais la commune regardait sa victoire comme incomplète, et elle consacre tout le 1er juin à préparer une nouvelle insurrection. « Citoyens, restez debout, écrit-elle, le salut de la patrie l'exige. » Le soir, Marat fail sonner le tocsin; toutes les autorités se mettent en permanence; on tire le canon d'alarme, et le comité de l'Évêché décide que la Convention sera assiégée, jusqu'à ce qu'elle ait livré les Vingtdeux et les Douze. Toute la nuit se passe en tumulte, et le matin, quatre-vingt mille hommes de Paris et des environs se trouvent réunis et en armes autour des Tuileries. Henriot avait placé aux abords quatre à cinq mille hommes tous dévoués à l'insurrection, avec les canonniers : les bataillons les moins sûrs avaient été éloignés; les autres ne comprenaient rien au mouvement, e croyaient défendre l'assemblée, autour de laquelle se dressai un appareil formidable: cent soixante canons, des caissons, de grils à rougir les boulets, etc.

La Convention entra en séance. La plupart des Girondins s'étaient cachés chez leurs amis; mais quelques-uns avaient ré solu de mourir à leur poste, et, parmi eux, l'intrépide Lanjui

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