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murs de Condé, dont il devait s'emparer; máis, dans sa route, il fut assailli par les volontaires et forcé de se réfugier dans le camp ennemi. Le lendemain, il essaya encore d'entraîner ses soldats; mais tous l'abandonnèrent [4 avril], et il retourna dans l'armée autrichienne avec les princes d'Orléans, son état-major et quelques hussards. L'estime qu'on faisait de ses talents lui épargna le sort de la Fayette; mais l'homme qui avait sauvé la France à Valmy végéta vingt ans et mourut dans l'exil.

A la nouvelle de l'arrestation de ses commissaires [1793, 2 avril], la Convention avait mis à prix la tête de Dumouriez, ordonné une levée de quarante mille hommes, nommé Dampierre commandant de l'armée de Belgique et Bouchotte ministre de la guerre. Les Jacobins n'eurent qu'un cri, c'est que la Gironde et Philippe d'Orléans étaient complices de Dumouriez. Les Girondins, pleins d'indignation, renvoyèrent l'accusation aux Montagnards et principalement à Danton, qui, récemment envoyé en Belgique, avait pris part au pillage de ce pays, et connaissait, disaient-ils, les projets de Dumouriez. Danton fut transporté de fureur: « Il n'y a que ceux, dit-il, qui ont eu la lâcheté de vouloir ménager un roi qui peuvent être soupçonnés de vouloir rétablir le trône; il n'y a que ceux qui ont voulu armer contre Paris les départements qui sont complices de la corruption...... Et c'est moi qu'on accuse, moi! Eh bien, il n'y a plus de trêve entre vous et nous... Ralliez-vous, vous qui avez prononcé l'arrêt du tyran, contre les lâches qui ont voulu l'épargner; appelez le peuple aux armes, confondez les aristocrates et les modérés... Plus de composition avec eux!... Je me suis retranché dans la citadelle de la raison, j'en sortirai avec le canon de la vérité, et je pulvériserai les scélérats qui ont voulu m'accuser. » Et la Convention décréta que les représentants pourraient être traduits devant le tribunal révolutionnaire dès qu'ils seraient fortement soupçonnés de complicité avec les ennemis de l'État; que Philippe d'Orléans et sa famille seraient mis en arrestation et transférés à Marseille; que le tribunal extraordinaire pourrait juger les crimes de conspiration sur la simple poursuite de l'accusateur public; que trois représentants résideraient constamment auprès de chaque armée, avec des pouvoirs illimités pour surveiller la conduite des généraux, concerter les opérations, lever les gardes nationales, prendre des mesures d'urgence pour l'entretien des troupes, mettre en

réquisition tous les fonctionnaires, etc. Enfin l'établissement du comité de salut public fut décrété [ 6 avril ]. Ce comité était composé de neuf membres qui se renouvelaient tous les mois, et dont les délibérations étaient secrètes; il surveillait, accélérait ou suspendait l'action du pouvoir exécutif; il prenait d'urgence les mesures de défense extérieure et intérieure; il correspondait avec les commissaires de la Convention, etc. Pas un Girondin ne fit partie de ce comité.

Dès ce moment, les Girondins, chassés de la commune, du ministère, de l'armée, n'eurent plus que la Convention, où ils se tinrent sur la défensive, mais où ils obtenaient encore, à force de talent, la majorité. Marat fit colporter dans les sections un projet de pétition contre eux; ils dénoncèrent ce projet ; Robespierre l'appuya dans une longue accusation où il déploya une perfide habileté. Mais Vergniaud ramena l'assemblée par un discours improvisé avec la chaleur du plus éloquent et du plus innocent des hommes; Guadet excita l'indignation générale en lisant l'écrit de Marat, et, après une orageuse discussion, l'Ami du peuple fut décrété d'accusation et envoyé devant le tribunal révolutionnaire.

La commune répondit à ce décret en apportant une pétition des sections pour l'expulsion de vingt-deux députés [1793, 15 avril]. La moitié de l'assemblée se leva, demandant à être comprise sur cette liste de proscription, et la pétition fut déclarée calomnieuse. La Gironde l'emportait; mais Marat fut absous dans les termes les plus honorables par le tribunal révolutionnaire; la multitude le porta en triomphe dans la Convention [24 avril]; Paris sembla possédé, contre le côté droit, d'un redoublement de fureur; enfin le danger de la patrie toujours croissant allait rendre la violence plus urgente, la modération moins admissible, et emporter l'opposition de cette généreuse mais impolitique députation qui compromettait la révolution et la France.

DÉE.

§ X. OPINIONS DES DÉPARTEMENTS. → INSURRECTION DE LA VENLa lutte entre la Gironde et la Montagne comprenant toute la question révolutionnaire, la France presque entière était divisée entre ces deux partis. Les départements de l'Est et du Nord-est, menacés directement de l'invasion étrangère et exaltés par les dangers de la révolution, étaient généralement montagnards, et aucun sentiment girondin ou royaliste n'osait

s'y manifester. Les départements du Midi étaient girondins; mais dans le Sud-est «<le républicanisme voilé, dont se couvraient les honnêtes gens, cachait en réalité des sentiments royalistes. >> Les Montagnards avaient là contre eux, outre les administrations départementales nommées par les électeurs et qui représentaient la haute bourgeoisie, les assemblées des sections, qui représentaient la masse paisible des villes. Mais moins ils étaient nombreux, plus ils étaient violents comme les municipalités étaient élues par les assemblées primaires, ils les avaient presque toutes envahies; leurs clubs leur donnaient de l'ensemble et de l'unité; enfin ils s'efforçaient de l'emporter sur la majorité en faisant des visites domiciliaires, en désarmant les suspects, en demandant l'établissement des tribunaux révolutionnaires. Lyon était le centre de l'opinion des départements du Sud-est. Cette ville, dont l'industrie avait été tuée par la révolution, était regardée comme une rivale de Paris et le lien qui unissait le Midi de la France à l'émigration; c'était là que la lutte était complète entre la minorité montagnarde et la majorité prétendue girondine. Les Jacobins, dirigés par Chalier, qu'on appelait le Marat du Midi, y occupaient la municipalité : ils avaient levé une armée révolutionnaire, imposé les riches à 30 millions, emprisonné quinze cents personnes, qu'ils menaçaient de septembriser; mais les sections luttaient avec énergie contre le despotisme de la municipalité; des troubles sanglants avaient déjà éclaté; la guerre civile était imminente.

Le Sud-ouest était franchement girondin, et Bordeaux, qui se glorifiait de ses députés, était le centre de cette opinion, si favorable aux vieilles idées d'indépendance de la Guyenne. Dans le Nord-ouest, on inclinait davantage vers la constitution de 91, et Caen était le centre de cette opinion. Enfin dans l'Ouest, c'està-dire dans la Bretagne, le Poitou et l'Anjou, le sentiment royaliste avait arboré hautement le drapeau de l'ancien régime, et fait une insurrection terrible pour rétablir le trône absolu, la noblesse, le clergé. C'était là que la vieille foi catholique et féodale allait lutter franchement, corps à corps, avec la foi nouvelle, la foi révolutionnaire; lutte fatale où devaient se déployer tant de convictions, tant d'héroïsme, tant de fureurs!

Dans le pays appelé vulgairement Vendée, pays aussi étranger

au reste de la France par son aspect physique (') que par ses mœurs, la révolution avait blessé toutes les affections et les croyances, détruit tout le repos et le bonheur des habitants. Le régime féodal était là tout patriarcal et bienfaisant : les seigneurs, peu riches, simples, vertueux, vivaient en pères et en amis avec leurs vassaux; les prêtres étaient ignorants, mais pieux et irréprochables. Les paysans, ne comprenant pas une révolution qui était le résultat de croyances et de besoins entièrement étrangers à leur situation, continuèrent à payer les droits féodaux et les dîmes; ils voulurent que leurs seigneurs fussent maires; ils maltraitèrent les prêtres constitutionnels, et allèrent dans les bois entendre la messe des prêtres réfractaires; ils se mirent en hostilité ouverte avec les habitants des villes, qui avaient des opinions tout opposées; ils s'isolèrent de la révolution, et ne s'inquiétèrent point des dangers de la France. Des troubles fréquents avaient déjà éclaté, ils s'étaient apaisés d'eux-mêmes; mais la levée des trois cent mille hommes décida un soulèvement général. Le 10 mars, jour fixé pour le tirage au sort des jeunes gens appelés à l'armée, le tocsin sonna dans plus de six cents villages. A Saint-Florent-d'Anjou, les paysans désarmèrent les gendarmes, mirent à leur tête un voiturier nommé Cathelineau, regardé comme un saint dans sa paroisse, et enlevèrent Chemillé, qui était défendu par trois canons et deux cents hommes [1793, 14 mars]. Cathelineau fut joint par une autre troupe que commandait Stofflet, ancien garde-chasse; il alla attaquer Chollet, chef-lieu de district, gardé par cinq cents républicains, et s'en empara [16 mars].

Dans le même temps, les paysans du littoral prenaient Machecoul, Challans et Pornic; ils fusillèrent leurs prisonniers, et ce fut le commencement des atrocités qui devaient souiller cette guerre. Dans le Sud, deux mille quatre cents hommes de troupes de ligne et de garde nationale furent battus à Saint-Vincent [19 mars], et les rebelles assiégèrent les Sables-d'Olonne pendant cinq jours [24 mars]. Enfin, au commencement d'avril, tout le pays compris entre la mer, la Loire, le Thoué et la route de Thouars aux Sables-d'Olonne était en pleine insurrection; cent mille paysans avaient pris les armes en forçant les sei

(1) Voyez la description de la Vendée dans ma Géographie militaire, p. 124 de la 3e édition.

gneurs de se mettre à leur tête. Dans le Marais, on distinguait Charette, ancien officier de marine, qui fit de Noirmoutier sa place d'armes, et commanda jusqu'à vingt mille hommes; dans le Bocage, c'étaient d'Elbée, Lescure, la Rochejacquelein, gentilshommes d'une valeur héroïque; dans la Plaine (1), c'était Bonchamp, qui avait servi avec distinction dans l'Inde. Il se forma ainsi trois corps d'armée distincts que dirigeait un conseil supérieur chargé d'organiser et de presser l'insurrection. Les paysans marchaient par paroisses, emportant des vivres pour quelques jours, et, après chaque expédition, ils rentraient dans leurs villages. Inhabiles aux exercices militaires, mais excellents tireurs, ils avaient adopté d'instinct une tactique d'autant plus redoutable qu'ils n'eurent affaire d'abord qu'à des gardes nationales mal aguerries: à l'approche de leurs ennemis, ils se dispersaient en tirailleurs, et, à l'aide des mouvements du terrain, ils les ébranlaient par un feu juste et continu; puis ils s'élançaient sur eux avec de grands cris, et les enfonçaient.

A la nouvelle de cette insurrection, le conseil exécutif ordonna la formation d'une armée [1793, 13 avril]; mais on ne put rassembler que des détachements de gendarmerie et dix mille volontaires des départements voisins, avec lesquels on ne fit que des attaques décousues. Deux corps républicains furent battus par d'Elbée, à Coron et à Beaupréau, et rejetés au delà de la Loire; un troisième [5 mai], commandé par le général Quétineau, fut défait aux Aubiers par la Rochejacquelein et ramené sur Thouars, où il fut assailli par vingt à trente mille hommes; après un violent combat, la ville fut emportée. § XI. AGITATIONs intérieures. REVERS DES ARMÉES. Cette grande rébellion mit en fermentation toutes les passions populaires. Plusieurs départements du Midi levèrent des troupes et de l'argent contre les insurgés; la Convention approuva leur conduite, et la commune de Paris décréta : 1° la levée de six mille hommes pris parmi les oisifs et les égoïstes, et un emprunt forcé et proportionnel sur les riches; 2° la création, dans chaque section, d'un comité révolutionnaire chargé de diriger cette levée et cet emprunt. Paris ayant fourni aux armées tout ce qu'il avait de population jeune et dévouée, ces mesures éprouvèrent la plus vive résistance; les royalistes et les Giron

Voyez ma Géographie militaire, p. 124.

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