Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

AVERTISSEMENT

DE L'ÉDITION DE 1819.

bert, le Contrat social et la Lettre sur la Musique françoise. Il sembleroit donc que le travail de l'éditeur de ses OEuvres devroit se réduire sous ce rapport à reproduire dans son intégrité, pour chaque ouvrage, l'édition originale, à laquelle on joindroit les notes surajoutées en les puisant soigneusement à leurs sources. Cela pourtant ne suffiroit pas.

Dans les trente dernières années du siècle qui vient encore dans une note de sa Lettre à d'Alembert (*). de s'écouler, il s'est fait, tant en France que dans Cette addition de notes faites ultérieurement par luil'étranger, plus de vingt éditions des OEuvres de même n'a eu lieu que pour cinq ouvrages, qui sont Rousseau, et parmi elles les amateurs en distin-l'Émile, la Nouvelle Héloïse, la Lettre à d'Alemguoient sept ou huit dans tous les formats, comme réunissant au mérite d'une assez bonne exécution typographique celui d'une correction au moins passable, et d'être aussi complètes qu'il se pouvoit à l'époque de leur publication. En 1801, M. Didot a publié la sienne en vingt volumes in-8°. En 1817, deux éditions, aussi in-8', ont été faites à Paris; enfin en ce moment même il s'y en imprime encore deux autres, l'une format in-12, l'autre in-18, dont les premiers volumes ont paru, et qui probablement seront terminées dans le cours de l'année actuelle. L'annonce d'une édition encore, après toutes celleslà, doit donc être au moins un sujet d'étonnement, et nous conviendrons en effet qu'elle a besoin d'être justifiée. Pour opérer cette justification, il suffira de faire connoître le plan sur lequel la présente édition a été conçue, et les moyens d'amélioration imaginés pour lui donner, avec un nouveau degré d'utilité, toute la perfection dont une collection de cette espèce peut être susceptible.

I.

Le mérite principal d'une édition, et ce qui constitue le premier devoir de celui qui y donne ses soins, c'est la correction el l'intégrité du texle. Pour mieux faire apprécier le résultat de nos efforts en cette partie, il est nécessaire d'exposer ici quelques faits.

Rappelons d'abord que Rousseau n'a jamais fait lui-même qu'une seule édition de chacun de ses ouvrages: il le dit formellement dans le troisième de ses Dialogues. Seulement il a quelquefois profité de la réimpression qui en étoit faite pour ajouter quelques notes, s'étant fait d'ailleurs une loi de ne jamais rien ôter du texte, comme il le dit formellement

Rousseau n'a publié lui-même aucune édition générale de ses écrits; mais il en avoit au moins préparé les matériaux; et, dans cette vue, il avoit fait à quelques-uns de ses ouvrages des additions assez nombreuses, soit par insertion dans le texte même, soit en forme de notes. Ses manuscrits en ce genre se trouvoient, au moment de sa mort, en grande partie entre les mains de Du Peyrou. Moultou de Genève et le marquis de Girardin étoient, chacun pour la part qui lui en avoit été confiée par le défunt ou par sa veuve, dépositaires du reste. Ces trois personnes se sont réunies, et de leur accord sur tous les points a résulté l'édition générale faite à Genève en 1782, la première de cette espèce publiée après la mort de Rousseau, et la seule aussi qu'on puisse considérer comme l'ayant été par l'auteur lui-même, C'est celle-là qu'ont dû suivre et qu'ont suivie en effet tous les éditeurs venus après jusqu'en 1801: c'est celle aussi qui, comme première, et faite d'ailleurs sous la direction de trois personnes recommandables, jalouses d'élever à la mémoire de leur ami un monument qu'il n'eût point désavoué, doit mériter la préférence naturellement duc en tout genre à l'original sur ses copies.

Les six derniers livres des Confessions et la Cor

(*) En cela, sans doute, il a voula suivre l'exemple de Montaigne qui dit aussi : « l'adiouste, mais ie ne corrige pas.» (Liv. II, ch. 9.)

respondance font seuls exception à ce motif de pré- | pas suivi l'exemple des quatre derniers éditeurs, nous

férence due à l'édition de Genève. Cette Correspondance y est tronquée, mal en ordre et fort incomplète, et les six derniers livres des Confessions n'y ont été ajoutés qu'après leur publication, faite à part et subrepticement dans la même ville en 1788. Mais Du Peyrou, justement mécontent de cette publication faite à son insu et avec des altérations qu'il étoit loin d'approuver, a fait lui-même aussitôt une publication nouvelle de ces six derniers livres sur une copie fidèle qu'il avoit entre les mains, et il y a joint toute la Correspondance, dont il étoit depuis long-temps dépositaire. C'est l'objet du précieux recueil dont il a été fait à la fois deux éditions à Neufchâtel (1799, 5 vol. in-8°, et 7 vol. in-8°).

devons compte au public des motifs qui nous ont déterminés à nous en écarter, et de ce que nous avons fait pour atteindre par une autre voie le but principal, celui d'un texte pur, complet, et d'une correction rigoureuse.

Nous observerons d'abord que, pour un ouvrage consacré dans l'opinion et devenu classique, tout éditeur qui annonce des corrections ou additions faites par l'auteur doit mettre les lecteurs à portée d'en juger par eux-mêmes, en les indiquant positivement. D'abord, sous le rapport littéraire, il est très-intéressant pour ceux-ci de pouvoir comparer le texte tel qu'il existoit en premier lieu avec le texte nouveau qu'on lui substitue. Si l'auteur a cru devoir rectifier, modifier, ou seulement développer ses idées premières, il n'est rien moins qu'indifférent de pouvoir suivre sa composition dans sa marche, et assister en quelque sorte à ces mouvemens de son esprit. N'y eût-il dans chaque leçon nouvelle qu'une tournure, un mot substitué à un autre, la connoissance de cette substitution n'est pas sans profit pour la grammaire, pour l'artifice du style, pour ce qui ap

L'année 1801 forme comme une ère nouvelle dans l'historique que nous traçons ici. C'est dans cette année que fut publiée l'édition en 20 vol. in-8°, avee l'intention formellement énoncée qu'elle l'emportât sur toutes celles qui l'avoient précédée, et qu'elie servîl, pour ainsi dire, de type à toutes celles qu'on donneroit par la suite. Cette prétention avoit pour fondement: 1° Un exemplaire du Contrat social, et un Dis-partient à l'art d'écrire et d'exprimer nos idées. En cours sur l'Inégalité, tous deux corrigés de la main de l'auteur;

2° Un manuscrit des Considérations sur le Gouvernement de Pologne, ayant appartenu à Mirabeau, et dans lequel il existoit plusieurs morceaux inédits; 3° Le manuscrit des Confessions, offert par la veuve Rousseau à la Convention, maintenant déposé à la bibliothèque de la Chambre des Députés, contenant les morceaux supprimés par les précédens éditeurs, et les noms propres en toutes lettres jusqu'alors désignés seulement par des lettres initiales;

second lieu, sous un rapport personnel à l'éditeur, celui-ci se doit à lui-même de ne pas vouloir en être cru sur parole, et de prévenir ainsi un soupçon défavorable que tant d'annonces du genre de celles que nous venons d'indiquer n'autorisent que trop à concevoir.

Quoi qu'il en soit, séduits par l'espérance d'offrir à nos lecteurs des objets intéressans de comparaison, nous avons voulu faire ce dont l'homme ou les hommes de lettres qui, dit-on, ont présidé à l'édition de 1801 ont cru pouvoir se dispenser, et voici quel a été le résultat de notre examen :

4° Enfin une collation nouvellement faite du texte de l'Emile et de la Nouvelle Héloïse sur deux manu- Commençant par le Contrat social, nous avons scrits autographes pour chacun des deux ouvrages, mis en regard l'édition première en date de 1762, un exemplaire aussi corrigé par Rousseau des Let-l'édition de Genève et celle de 1801, et nous avons tres de la Montagne, la Correspondance augmentée ct mise par ordre de dates, etc., etc.

L'annonce d'une édition ainsi améliorée sous tant de rapports etoit d'autant plus faite pour provoquer la confiance, que le nom de son imprimeur suffisoit seul pour en garantir la parfaite exécution typographique. Sous plus d'un rapport, en effet, elle a mérité d'être distinguée entre toutes les autres; même la prétention de servir de type se trouve aujourd'hui complétement satisfaite, puisque, sauf quelques changemens dans la classification des ouvrages, les quatre éditions nouvelles, publiées depuis deux ans, ont été faites ou se font encore sur le modèle de l'édition de 1801.

Nous aurions bien mauvaise grâce sans doute à réclamer contre ce succès; mais comme nous n'avons

scrupuleusement cherché leurs différences. La seconde diffère de la première par quelques notes surajoutées, ce que nous savions déjà très-bien; mais entre la seconde et la troisième, nous pouvons assurer que la différence est absolument nulle. Cet ouvrage, dans l'édition de 1801, n'offre donc aucune des corrections annoncées comme faites par l'auteur même; c'est, en un mot, une réimpression pure et simple du texte de l'édition de Genève, et nous nous sommes assurés par la même méthode qu'il en étoit également de même pour les Lettres de la Montagne.

Quant au Discours sur l'Inégalité, les différences entre l'édition première, en date de 1755, et l'édition de Genève, sont nombreuses et importantes : nous en avons donné précédemment la raison; mais, entre cette édition de Genève et celle de 4801, les correc

tions opérées dans cette dernière se réduisent à quatre, et d'une si petite importance, qu'elles ne méritoient certainement pas d'être signalées d'une manière générale comme devant assurer à l'édition nouvelle une supériorité décidée sur toutes les autres (*).

diteur nous dit avoir servi à la première édition, s'il contient réellement cet alinéa, ne prouveroit autre chose, si ce n'est que l'auteur l'avoit supprimé lui-même; et, s'il en est ainsi, on verra bien qu'il avoit de bonnes raisons pour cela (*).

Pour l'Émile, les changemens opérés ont une tout autre importance. Entre le texte de l'édition de 1801 et celui qui étoit en quelque sorte consacré par tant d'éditions antérieures, à partir de celle de Genève, les différences ne se bornent pas, comme dans l'Hé

Un examen non moins scrupuleux des Considérations sur le Gouvernement de Pologne n'y a fait découvrir qu'un seul morceau qui n'est point dans l'édition de Genève où l'ouvrage a paru pour la première fois : c'est, dans le dernier chapitre, celui où il est parlé | loïse, à quelques substitutions d'un mot à un autre, de Poniatowski, formant environ une page et demie, et que l'auteur avoit sans doute supprimé lui-même, comme étant devenu sans objet, ainsi qu'il sera prouvé en son lieu. Nous conviendrons cependant que, tel qu'il est, le rétablissement de ce morceau a son prix; mais il eût été au moins convenable de le spécifier, et surtout de ne pas faire supposer plusieurs morceaux mis en lumière, quand il n'en existe réellement qu'un seul.

comme celles dont il vient d'être parlé; ce sont, et très-souvent, des phrases entières, des notes, même des alinéa, qu'on voit figurer pour la première fois dans l'édition dont il s'agit, soit par addition au texte, soit en remplacement d'autres passages que l'éditeur a cru devoir supprimer. L'a-t-il fait à tort ou avec raison? La décision de cette question demande un détail qui nous entraîneroit ici trop loin. Ce que nous n'hésitons pas à affirmer, c'est que rien n'autorisoit l'éditeur à faire à son texte ces changemens extraordinaires; qu'il a fait dire à l'auteur ce que réellement celui-ci n'a pas voulu dire; qu'en un mot, le vrai, le pur texte de l'Émile est, dans son édition, altéré comme celui de l'Héloïse, et d'une

que cette même édition a été formellement présentée comme un modèle à suivre pour toutes celles à faire postérieurement, et qu'en effet, dans ces derniers temps, quatre éditeurs successifs s'y sont conformés avec scrupule, le lecteur jugera de la gravité du reproche nécessairement encouru dans une telle circonstance.

Nous avons dû mettre à l'examen du texte de l'Emile et de la Nouvelle Héloïse un soin proportionné à l'importance de ces deux ouvrages; d'un autre côté, nous avons dû rester d'autant mieux en garde contre toute innovation en ce genre, que les épreuves de l'un et de l'autre ont été revues par l'auteur lui-manière bien plus sensible encore. En considérant même, et l'on sait très-bien que des manuscrits même autographes sont plutôt à écarter qu'à suivre en telle circonstance. Or, pour l'Héloïse particulièrement, nous nous sommes pleinement convaincus que dans le très-petit nombre de cas où l'éditeur de 4801 a cru devoir s'écarter de l'édition de Genève, il a gâté son texte loin de l'améliorer. Il en sera donné une preuve frappante quand nous ferons remarquer l'addition faite par l'éditeur d'un alinéa entier à la première préface, addition que rien ne justifie, puisque des deux manuscrits qu'il désigne. l'un (celui qui a été fait pour madame de Luxembourg) ne contient aucune préface, et que l'autre, que l'é

(*) Voici ces corrections: 1. Ce que vous seriez toujours obligés de faire par un véritable intérêt, par devoir et pour la raison (édition de Genève, p. 21). On lit dans l'édition de 1801... par devoir et par raison. 2. Les crimes que celles-ci causent tous les jours (édition de Genève, p. 107). — Les crimes que ces passions causent jous les jours (édition de 1801, p. 69). Celles-ci forme dans ce passage un contre-sens manifeste qui ne peut être que l'effet d'une inadvertauce, et qui certainement n'avoit pas besoin de la main de Rousseau pour être corrige. 3. Quant à ceux qui avoient déjà des cabanes, aucun d'eux ne dut chercher (édition de Genève, p. 127). —Quant à ceux, etc..., chacun dut peu chercher (édition de 1801, p. 81). — 4. Tous ceux-là tácheront..... à mériter (édition de Genève, p. 210). - Tous ceux-là tâcheront..... de mériter. On dit également tâcher à, tâcher de ; mais l'à, dans ce passage, faisoit cacophonie avec d'autres a intermédiaires, et ne pouvoit être aussi que l'effet d'une inadvertance qui le fait rentrer dans l'exemple précédent.

D'après toutes ces considérations, nous nous sommes naturellement décidés à prendre pour base et pour modèle la triple édition de Genève (car il en a ¦ été fait trois simultanément, in-4°, in-8° et in-12 ) ; et nous avons fait voir plus haut à quel titre la préférence lui est due sous tous les rapports; mais en

(*) Indépendamment de cette addition, quels manuscrits ont donc pu autoriser pour le mème ouvrage la substitution de j'entends, par exemple (édition de 1804, tom. III, p. 44), à j'attends; de félicité (p. 48) à facilité; de celle de caractère et d'humeur demeure (p. 258) à celle d'humeur et de caractère demeure; etc.? Si ces substitutions et quelques autres de même espèce peuvent n'être autre chose que des fautes d'impression, celles ci-après appartiennent bien véritablement à l'éditeur, et avoient encore plus besoin d'être justifiées: peu lire et beancoup méditer sur nos lectures (p. 76), au lieu de peu lire et penser beaucoup à nos lectures; 6 gloire et bonheur de ma vie (p. 134), au lieu de 6 charme et bonheur de ma vie; il m'a dit..... qu'une maison qu'il venoit de vendre.... lui avoit procuré plus d'argent (p. 248), au lieu de lui avoit produit plus d'argent. - Sans prolonger plus loin ce détail, en voilà assez pour donner l'idée de ces corrections dont on a voulu tirer avantage, et pour prouver qu'elles sont peu importantes et encore moins heu

reuses.

même temps nous nous sommes fait une loi d'avoir constamment en regard, d'une part, pour chaque ouvrage son édition première, de l'autre l'édition de 1801, et même au besoin quelques éditions antérieures à celle-ci, sans négliger aussi de consulter dans tous les cas douteux les manuscrits existans (*). | Par les résultats de ce rapprochement, qui seront mis souvent sous les yeux des lecteurs, ils jugeront eux-mêmes combien ces précautions étoient nécessaires pour obtenir enfin un texte vraiment irrépro

chable.

Mais au moins pour les Confessions, imprimées dans l'édition de 1801, sur ce manuscrit autographe dont on a tant parlé, ne devions-nous pas suivre aveuglément cette même édition? Pour cette partie des OEuvres de Rousseau spécialement, ne doit-elle pas exclusivement servir de type? La décision de cette question tient à la connoissance de quelques faits dont un court exposé nous semble ici d'autant plus nécessaire, que ces faits sont peu connus, qu'ils tiennent leur place dans l'histoire littéraire, et qu'ils jettent même un nouveau jour sur le caractère de l'écrivain dont les productions vont nous occuper.

Il existe deux manuscrits autographes des Confessions, l'un desquels fut remis par Rousseau lui-même à son ami Moultou de Genève, qui fit un voyage à Paris vers 1778; c'est probablement à cette époque que ce dépôt eut lieu. L'autre manuscrit est celui qui, resté entre les mains de Rousseau, a été trouvé

(*) Il convient de faire connoître ici ces manuscrits tous autographes, et maintenant réunis à Paris dans le même dépôt. On sait que Rousseau, avant de publier son Héloïse, en fit deux copies, l'une pour madame d'Houdetot, l'autre pour madame de Luxembourg. Tout porte à croire qu'il n'existe aucune différence entre ces deux manuscrits, dont le premier est encore dans la famille de madame d'Houdetot; le second est déposé à la bibliothèque de la Chambre des Députés. Il est remarquable qu'il offre presque à chaque page de nombreuses différences avec le texte imprimé; ce qui prouve qu'en revoyant ses épreuves, l'auteur a beaucoup corrigé lui-même, et confirme bien la vérité de ce que nous avons dit, qu'en pareil cas un manuscrit est plus à écarter qu'à suivre. La même bibliothèque, dont le conservateur (M. Druon) a mis la plus grande obligeance à satisfaire notre curiosité sur tous les points, possède en outre: 4o un manuscrit des Confessions; 2o un manuscrit d'Émile; nous aurons lieu de parler de l'un et de l'autre en détail; 5° un recueil en un volume d'environ cent cinquante brouillons de lettres de la Nouvelle Héloïse. Ces trois manuscrits, trouvés dans les papiers de Rousseau après sa mort, ont été offerts par sa veuve à la Convention; 4° autre recueil contenant toutes les Lettres de Rousseau à madame de Luxembourg; 5° autre recueil encore contenant la Correspondance entre de Rousseau avec madame Latour de Franqueville. Les lettres de cette dame ont été copiées par elle-même, et Rousseau en a fait autant des siennes ; nous reviendrons aussi

sur ce manuscrit; 6o le manuscrit des Dialogues que l'auteur avoit confié à Condillac; 7 la partition du Devin du village acquise à la vente des livres de M. Clos; 80 enfin une belle collection gravée de planches de botanique, avec un texte imprimé, au bas duquel Rousseau a mis un assez grand nombre de notes.

dans ses papiers après sa mort. Le témoignage de Du Peyrou, dans le discours préliminaire du recueil dont il a été parlé plus haut, suffiroit pour mettre ce fait hors de doute; mais nous avons de plus acquis la certitude que l'un et l'autre manuscrit existent encore, l'un à Genève, l'autre à Paris. Or, c'est sur ce manuscrit remis à Moultou qu'en 1781 la première partie des Confessions a été imprimée à Genève, d'abord à part (2 vol. in-8°), puis réimprimée à la suite de l'édition générale, et cela du consentement unanime des trois éditeurs, qui sans doute n'auroient pas souffert qu'on fit au texte la moindre altération. Seulement ces éditeurs, par respect pour euxmêmes autant que pour la mémoire de Rousseau, crurent devoir retrancher, aux 2o, 3o et 4° livres, trois épisodes, et dans le cours de l'ouvrage, quelques membres de phrase qui offroient des images ou des expressions trop libres; ils ont aussi supprimé, au 3o livre, une anecdote peu obligeante pour madame de Luxembourg (celle de l'Opiat de Tronchin), et cela par égard sans doute pour cette dame, à laquelle ils devoient la communication du manuscrit des Amours de mylord Édouard, que seule elle possédoit. Enfin, les mêmes éditeurs eurent aussi la précaution de n'indiquer les noms propres que par

des initiales.

En 1788, par l'effet d'une infidélité dont les circonstances importent peu à savoir, la seconde partie fut également publiée à Genève (2 vol. in-8°), mais avec quelques altérations. C'est ce qui donna lieu, comme nous l'avons dit plus haut, à la publication que fit de cette seconde partie Du Peyrou lui-même, d'après une copie fidèle qu'il avoit originairement fait faire sur le manuscrit de Moultou, et du consentement de ce dernier.

Il résulte clairement de ces faits que, sauf les retranchemens indiqués ci-dessus, le manuscrit de Moultou nous est aujourd'hui fidèlement représenté, pour la première partie, par les tomes xix et xx de l'édition de Genève in-8°; pour la seconde, par les premiers volumes du recueil de Du Peyrou, ci-dessus cité. Or, c'est ce qu'a tout-à-fait ignoré l'éditeur de 1801, quand, dans un Avis préliminaire, il a établi que son édition des Confessions étoit la seule qu'on put considérer comme authentique, et a semblé porter un défi qu'on pût en présenter aucune autre qui cût les mêmes droits à la confiance.

Cette preuve une fois bien acquise de l'existence de deux manuscrits, la question de savoir lequel des deux est postérieur en date, lequel, comme plus complet, plus soigné dans toutes ses parties, doit être considéré comme l'effet d'une dernière main donnée par l'auteur à son ouvrage, ne peut faire un instant l'objet d'un doute. D'abord Du Peyrou, qui les a vus tous deux chez Rousseau, et qui en donne même une

courte description, déclare que l'un contenoit des notes qui ne se trouvoient pas dans l'autre. Or, ces notes surajoutées appartiennent au manuscrit de Genève. En second lieu, si l'on compare le texte de ce dernier avec celui trouvé dans les papiers de Rousseau, et offert par sa veuve à la Convention, on s'apercevra dès les premières lignes que le manuscrit de Genève est un véritable corrigé par rapport à celui-là. Non-seulement le style en est plus soigné et les expressions mieux choisies, mieux adaptées au sujet, mais en mille endroits l'auteur a ajouté à son récit des particularités plus ou moins intéressantes, ayant généralement pour objet de donner aux faits et aux idées le développement et la clarté dont ils sont susceptibles. Il n'a pas seulement ajouté, il asupprimé quelquefois et ces suppressions ne sont pas ce qu'il y a de moins remarquable. Ces différences d'un texte à l'autre offrent un objet de comparaison souvent très-piquant, et d'un grand intérêt non-seulement pour l'art de narrer et d'écrire, mais et bien plus encore pour la connoissance intime du caractère de l'écrivain, comme on le reconnoîtra en son lieu. Mais ce qu'on peut bien affirmer, c'est que, dans le choix à faire d'une leçon à l'autre, il y a presque toujours lieu de préférer au texte du manuscrit de Paris, c'est-à-dire à celui de l'édition de 1801, le texte du manuscrit de Genève, c'est-à-dire celui des deux éditions qui le représentent, l'une pour la première partie, l'autre pour la seconde.

ou parasites, n'ajoutent au fait ou à l'idée principale que des accessoires dont on pouvoit se passer à la rigueur, puisque l'auteur lui-même n'avoit pas songé à les y faire entrer d'abord, mais qui, se rattachant à un homme tel que Rousseau, n'en sont pas moins piquans pour la curiosité.

Quant au manuscrit qui devoit rester entre ses mains, sa copie une fois faite, il avoit nécessairement perdu à ses yeux de son importance; et, comme il se le réservoit pour en faire lui-même des lectures particulières, il n'étoit pas embarrassé de suppléer oralement, dans l'occasion, à ce qui pouvoit lui manquer. D'ailleurs, bien tranquille sur le sort du second manuscrit, il avoit moins à s'inquiéter de ce que deviendroit le premier après sa mort.

De tout ceci il faut nécessairement conclure que ce n'est pas le premier manuscrit, mais bien réellement le second que l'auteur avoit destiné à être imprimé au commencement du siècle actuel. Les deux éditions qui le représentent sont donc évidemment les seules qu'il convient de suivre. L'éditeur de 1801 lui-même a si bien reconnu, dans les éditions précédentes, le cachet de l'auteur des Confessions, qu'il a cru devoir en extraire et insérer dans son texte un certain nombre de passages et de notes qui n'étoient pas dans son manuscrit. Mais, outre qu'il en a omis un nombre beaucoup plus grand encore, qui ne méritoient pas moins d'être offerts au public, il est arrivé, pour la seconde partie spécialement, que, ne connoissant pas l'édition fidèle donnée par Du Peyrou en 1790, il a pris pour texte l'édition tronquée et subreptice faite à Genève deux ans auparavant, de sorte que, pour l'ouvrage dans son entier, et sous le double rapport de la correction et de l'intégrité du texte, il seroit vrai de dire que l'éditeur de 1801, avec quelque confiance qu'il la présente, n'a offert à ses lecteurs qu'une fausse relique.

Dans cet état de choses, qu'avions-nous à faire? rien autre chose qu'à reproduire fidèlement le texte du second manuscrit sur les deux éditions qui en rcprésentent chacune la moitié, en nous aidant, au besoin, et de l'édition de 1801 et même du manuscrit

Cette particularité prouve indubitablement que Rousseau avoit fait d'abord pour son usage particulier une première mise au net des Confessions; c'est celle qu'il a gardée en ses mains, et qui est aujourd'hui déposée à la bibliothèque de la Chambre des Députés. Nous disons une mise au net, car ce manuscrit n'a rien moins que l'apparence d'un brouillon. Cette tâche accomplie, voulant à tout événement assurer la conservation de son ouvrage, et croyant qu'il seroit beaucoup plus en sûreté dans les mains d'un ami que dans les siennes propres, il s'étoit décidé à en faire un double. Mais, comme il arrive toujours lorsqu'un auteur se fait ainsi copiste de luimême, il a, dans le cours de cette copie, non-scule-sur lequel celle-ci a été faite; car on verra bien qu'il ment ajouté les notes qu'il a crues nécessaires, mais encore a fait dans le texte même toutes les additions, corrections et rectifications qui se sont présentées à son esprit, tantôt donnant plus d'étendue aux faits et aux réflexions, quelquefois se bornant à mettre dans le style plus de précision et de force, souvent encore lui donnant plus de clarté ou seulement plus de rondeur et de régularité par des intercalations de diverse espèce; car il est à observer qu'en général la narration est dans le second manuscrit moins serrée que dans le premier : elle y est plus chargée de ces petits détails et de ces mots qui, sans être oiseux

nous a été utile aussi de le consulter. Tout ce que les éditeurs de Genève avoient cru devoir supprimer dans les six premiers livres sera rétabli dans l'édition nouvelle. Pour les douze livres ensemble, tout ce qui, dans l'édition de 1801, présentera, soit en plus, soit en moins, comparativement aux éditions de Genève et de Neufchâtel, une différence de quelque intérêt, figurera dans la nôtre sous forme de variantes; mais on ne perdra pas de vue que ces variantes n'offriront autre chose que les premières pensées de l'auteur. Le texte seul les contiendra sous leur forme dernière et définitive, et il ne sera certainement pas

« VorigeDoorgaan »