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membres sont magistrats et législateurs tout à la fois.

que l'etat soit en paix? J'avoue que les places fortes ont besoin de gardes; mais pourquoi fautil des places qui sont fortes seulement contre Les changemens proposés tendent à mieux les citoyens et foibles contre l'ennemi? J'ai peur distinguer ces deux pouvoirs, et par là même que cette réforme ne souffre des difficultés: ce- à mieux marquer les bornes du liberum veto; pendant je ne crois pas impossible de les vain-car je ne crois pas qu'il soit jamais tombé dans l'esprit de personne de l'étendre aux matières de pure administration, ce qui seroit anéantir l'autorité civile et tout le gouvernement.

cre; et, pour peu qu'un citoyen puissant soit raisonnable, il consentira sans peine à n'avoir plus à lui de gens de guerre quand aucun autre

n'en aura.

J'ai dessein de parler ci-après des établissemens militaires; ainsi je renvoie à cet article ce que j'aurois à dire dans celui-ci.

Le liberum veto n'est pas un droit vicieux en lui-même; mais, sitôt qu'il passe sa borne, il devient le plus dangereux des abus : il étoit le garant de la liberté publique ; il n'est plus que l'instrument de l'oppression. Il ne reste, pour ôter cet abus funeste, que d'en détruire la cause tout-à-fait. Mais il est dans le cœur de l'homme de tenir aux priviléges individuels plus qu'à des avantages plus grands et plus généraux. Il n'y a qu'un patriotisme éclairé par l'expérience qui puisse apprendre à sacrifier à de plus grands biens un droit brillant devenu pernicieux par son abus, et dont cet abus est désormais inséparable. Tous les Polonois doivent sentir vivement les maux que leur a fait souffrir ce malheureux droit. S'ils aiment l'ordre et la paix, ils n'ont aucun moyen d'établir chez eux l'un et l'autre tant qu'ils y laisseront subsister ce droit, bon dans la formation du corps politique, ou quand il a toute sa perfection; mais absurde et funeste tant qu'il reste des changemens à faire ; et il est impossible qu'il n'en reste pas toujours, surtout dans un grand état entouré de voisins puissans et ambitieux.

Le liberum velo seroit moins déraisonnable s'il tomboit uniquement sur les points fondamentaux de la constitution: mais qu'il ait lieu généralement dans toutes les délibérations des diètes, c'est ce qui ne peut s'admettre en aucune façon. C'est un vice dans la constitution polonoise que la législation et l'administration n'y soient pas assez distinguées, et que la diète exerçant le pouvoir législatif y mêle des parties d'administration, fasse indifféremment des actes de souveraineté et de gouvernement, souvent même des actes mixtes par lesquels ses

Par le droit naturel des sociétés, l'unanimité a été requise pour la formation du corps politique et pour les lois fondamentales qui tiennent à son existence, telles, par exemple, que la première corrigée, la cinquième, la neuvième et l'onzième, marqués dans la pseudo-dieté de 1768. Or l'unanimité requise pour l'établissement de ces lois doit être de même pour leur abrogation. Ainsi voilà des points sur lesquels le liberum veto peut continuer de subsister; et puisqu'il ne s'agit pas de le détruire totalement, les Polonois, qui, sans beaucoup de murmure, ont vu resserrer ce droit par la diète de 4768, devront sans peine le voir réduire et limiter dans une diète plus libre et plus légitime.

Il faut bien peser et bien méditer les points capitaux qu'on établira comme lois fondamentales, et l'on fera porter sur ces points seulement la force du liberum veto. De cette manière on rendra la constitution solide et ces lois irrévocables autant qu'elles peuvent l'être; car il est contre la nature du corps politique de s'imposer des lois qu'il ne puisse révoquer; mais il n'est ni contre la nature ni contre la raison qu'il ne puisse révoquer ces lois qu'avec la même solennité qu'il mit à les établir. Voilà toute la chaîne qu'il peut se donner pour l'avenir. C'en est assez et pour affermir la constitution, et pour contenter l'amour des Polonois pour le liberum veto, sans s'exposer dans la suite aux abus qu'il a fait naître.

Quant à ces multitudes d'articles qu'on a mis ridiculement au nombre des lois fondamentales, et qui font seulement le corps de la législation, de même que tous ceux qu'on range sous le titre de matières d'état, ils sont sujets, par la vicissitude des choses, à des variations indispensables qui ne permettent pas d'y requérir l'unanimité. Il est encore absurde que, dans quelque cas que ce puisse être, un membre de la diète en puisse arrêter l'activité, et que la

retraite ou la protestation d'un nonce ou de plu- | établi pour cela seul, composé de tout ce que sieurs puisse dissoudre l'assemblée et casser la nation a de plus sage, de plus illustre et de ainsi l'autorité souveraine. Il faut abolir ce droit plus respecté, et qui ne pourroit le renvoyer barbare, et décerner la peine capitale contre simplement absous, mais seroit obligé de le quiconque seroit tenté de s'en prévaloir. S'il y condamner à mort sans aucune grâce, ou de avoit des cas de protestation contre la diète, ce lui décerner une récompense et des honneurs qui ne peut être tant qu'elle sera libre et com- publics pour toute sa vie, sans pouvoir jamais plète, ce seroit aux palatinats et diétines que prendre aucun milieu entre ces deux alternace droit pourroit être conféré, mais jamais à tives. des nonces qui, comme membres de la diète, ne doivent avoir sur elle aucun degré d'autoritérables à l'énergie du courage et à l'amour de la ni récuser ses décisions.

Entre le veto, qui est la plus grande force individuelle que puissent avoir les membres de la souveraine puissance, et qui ne doit avoir lieu que pour les lois véritablement fondamentales, et la pluralité, qui est la moindre et qui se rapporte aux matières de simple administration, il y a différentes proportions sur lesquelles on peut déterminer la prépondérance des avis en raison de l'importance des matières. Par exemple, quand il s'agira de législation, l'on peut exiger les trois quarts au moins des suffrages, les deux tiers dans les matières d'état, la pluralité seulement pour les élections et autres affaires courantes et momentanées. Ceci n'est qu'un exemple pour expliquer mon idée, et non une proportion que je détermine.

Dans un état tel que la Pologne, où les âmes ont encore un grand ressort, peut-être eût-on pu conserver dans son entier ce beau droit du liberum veto sans beaucoup de risque, et peutêtre même avec avantage, pourvu qu'on eût rendu ce droit dangereux à exercer, et qu'on y eût attaché de grandes conséquences pour celui qui s'en seroit prévalu; car il est, j'ose le dire, extravagant que celui qui rompt ainsi l'activité de la diète, et laisse l'état sans ressource, s'en aille jouir chez lui tranquillement et impunément de la désolation publique qu'il

a causée.

Si donc, dans une résolution presque unanime, un seul opposant conservoit le droit de l'annuler, je voudrois qu'il répondît de son opposition sur sa tête, non-seulement à ses constituans dans la diétine post-comitiale, mais ensuite à toute la nation dont il a fait le malheur. Je voudrois qu'il fût ordonné par la loi que six mois après son opposition il seroit jugé solennellement par un tribunal extraordinaire

Des établissemens de cette espèce, si favo

liberté, sont trop éloignés de l'esprit moderne pour qu'on puisse espérer qu'ils soient adoptés ni goûtés; mais ils n'étoient pas inconnus aux anciens, et c'est par là que leurs instituteurs savoient élever les âmes et les enflammer au besoin d'un zèle vraiment héroïque. On a vu, dans des républiques où régnoient des lois plus dures encore, de généreux citoyens se dévouer à la mort dans le péril de la patrie pour ouvrir un avis qui pût la sauver. Un veto suivi du même danger peut sauver l'état dans l'occasion, et n'y sera jamais fort à craindre.

Oserois-je parler ici des confédérations et n'être pas de l'avis des savans? Ils ne voient que le mal qu'elles font; il faudroit voir aussi celui qu'elles empêchent. Sans contredit la confédération est un état violent dans la république; mais il est des maux extrêmes qui rendent les remèdes violens nécessaires, et dont il faut tâcher de guérir à tout prix. La confédération est en Pologne ce qu'étoit la dictature chez les Romains. L'une et l'autre font taire les lois dans un péril pressant, mais avec cette grande différence, que la dictature, directement contraire à la législation romaine et à l'esprit du gouvernement, a fini par le détruire, et que les confédérations, au contraire, n'étant qu'un moyen de raffermir et rétablir la constitution ébranlée par de grands efforts, peuvent tendre et renforcer le ressort relâché de l'état sans pouvoir jamais le briser. Cette forme fédérative, qui peut-être dans son origine eut une cause fortuite, me paroît être un chef-d'œuvre de politique. Partout où la liberté règne, elle est incessamment attaquée et très-souvent en péril. Tout état libre où les grandes crises n'ont pas été prévues est à chaque orage en danger de périr. Il n'y a que les Polonois qui de ces crises mêmes aient su tirer un nouveau moyen

de maintenir la constitution. Sans les confédé- [ que ce soit on fait trouver des gens de guerre au temps et au lieu de son assemblée, ou que sa forme est altérée, ou que son activité est suspendue, ou que sa liberté est gênée en quelque façon que ce soit; dans tous ces cas la confédération générale doit exister par le seul fait; les assemblées et signatures particulières n'en sont que des branches; et tous les maréchaux en doivent être subordonnés à celui qui aura été nommé le premier.

rations, il y a long-temps que la république de Pologne ne seroit plus, et j'ai grand'peur qu'elle ne dure pas long-temps après elles si l'on prend le parti de les abolir. Jetez les yeux sur ce qui vient de se passer. Sans les confédérations l'état étoit subjugué, la liberté étoit pour jamais anéantie. Voulez-vous ôter à la république la ressource qui vient de la sauver?

Et qu'on ne pense pas que, quand le liberum veto sera aboli et la pluralité rétablie, les confédérations deviendront inutiles, comme si tout leur avantage consistoit dans cette pluralité. Ce n'est pas la même chose. La puissance exécutive attachée aux confédérations leur donnera toujours, dans les besoins extrêmes, une vigueur, une activité, une célérité que ne peut avoir la diète, forcée à marcher à pas plus lents, avec plus de formalités, et qui ne peut faire un seul mouvement irrégulier sans renverser la constitution.

CHAPITRE X.

Administration.

Sans entrer dans des détails d'administration pour lesquels les connoissances et les vues me manquent également, je risquerai seulement sur les deux parties des finances et de la guerre quelques idées que je dois dire, puisque je les crois bonnes, quoique presque assuré qu'elles ne seront pas goûtées mais avant tout je ferai sur l'administration de la justice une remarque qui s'éloigne un peu moins de l'esprit du gouvernement polonois.

Les deux états d'homme d'épée et d'homme de robe étoient inconnus des anciens. Les citoyens n'étoient par métier ni soldats, ni juges, ni prêtres; ils étoient tout par devoir. Voilà le vrai secret de faire que tout marche au but commun, d'empêcher que l'esprit d'état ne s'enracine dans les corps aux dépens du patriotisme, et que l'hydre de la chicane ne dévore une nation. La fonction de juge, tant dans les tribunaux suprêmes que dans les justices ter

Non, les confédérations sont le bouclier, l'asile, le sanctuaire de cette constitution. Tant qu'elles subsisteront, il me paroît impossible qu'elle se détruise. Il faut les laisser, mais il faut les régler. Si tous les abus étoient ôtés, les confédérations deviendroient presque inutiles. La réforme de votre gouvernement doit opérer cet effet. Il n'y aura plus que les entreprises violentes qui mettent dans la nécessité d'y recourir; mais ces entreprises sont dans l'ordre des choses qu'il faut prévoir. Au lieu donc d'abolir les confédérations, déterminez les cas où elles peuvent légitimement avoir lieu, et puis réglez-en bien la forme et l'effet, pour leur donner une sanction légale autant qu'il est pos-restres, doit être un état passager d'épreuves sible, sans gêner leur formation ni leur activité. Il y a même de ces cas où, par le seul fait, toute la Pologne doit être à l'instant confédérée, comme, par exemple, au moment où, sous quelque prétexte que ce soit et hors le cas d'une guerre ouverte, des troupes étrangères mettent le pied dans l'état ; parce qu'enfin, quel que soit le sujet de cette entrée, et le gouvernement même y eût-il consenti, confédération chez soi n'est pas hostilité chez les autres. Lorsque, par quelque obstacle que ce puisse être, la diète est empêchée de s'assembler au temps marqué par la loi, lorsqu'à l'instigation de qui

sur lequel la nation puisse apprécier le mérite et la probité d'un citoyen pour l'élever ensuite aux postes plus éminens dont il est trouvé capable. Cette manière de s'envisager eux-mêmes ne peut que rendre les juges très-attentifs à se mettre à l'abri de tout reproche, et leur donner généralement toute l'attention et toute l'intégrité que leur place exige. C'est ainsi que dans les beaux temps de Rome on passoit par la préture pour arriver au consulat. Voilà le moyen qu'avec peu de Jois claires et simples, même avec peu de juges, la justice soit bien administrée, en laissant aux juges le pouvoir

de les interpréter et d'y suppléer au besoin par les lumières naturelles de la droiture et du bon sens. Rien de plus puéril que les précautions prises sur ce point par les Anglois. Pour ôter les jugemens arbitraires ils se sont soumis à mille jugemens iniques et même extravagans: des nuées de gens de loi les dévorent, d'éternels procès les consument; et avec la folle idée de vouloir tout prévoir, ils ont fait de leurs lois un dédale immense où la mémoire et la raison se perdent également.

Il faut faire trois codes: l'un politique, l'autre civil, et l'autre criminel; tous trois clairs, courts et précis autant qu'il sera possible. Ces codes seront enseignés non-seulement dans les universités, mais dans tous les colléges, et l'on n'a pas besoin d'autre corps de droit. Toutes les règles du droit naturel sont mieux gravées dans les cœurs des hommes que dans tout le fatras de Justinien: rendez-les seulement honnêtes et vertueux, et je vous réponds qu'ils sauront assez de droit. Mais il faut que tous les citoyens, et surtout les hommes publics, soient instruits des lois positives de leur pays et des règles particulières sur lesquelles ils sont gouvernés. Ils les trouveront dans ces codes qu'ils doivent étudier; et tous les nobles, avant d'être inscrits dans le livre d'or qui doit leur ouvrir l'entrée d'une diétine, doivent soutenir sur ces codes, et en particulier sur le premier, un examen qui ne soit pas une simple formalité, et sur lequel, s'ils ne sont pas suffisamment instruits, ils seront renvoyés jusqu'à ce qu'ils le soient mieux. A l'égard du droit romain et des coutumes, tout cela, s'il existe, doit être ôté des écoles et des tribunaux. On n'y doit connoître d'autre autorité que les lois de l'état; elles doivent être uniformes dans toutes les provinces, pour tarir une source de procès ; et les questions qui n'y seront pas décidées doivent l'être par le bon sens et l'intégrité des juges. Comptez que quand la magistrature ne sera pour ceux qui l'exercent qu'un état d'épreuve pour monter plus haut, cette autorité n'aura pas en eux l'abus qu'on en pourroit craindre, ou que, si cet abus a lieu, il sera toujours moindre que celui de ces foules de lois qui souvent se contredisent, dont le nombre rend les procès éternels, et dont le conflit rend également les jugemens arbitraires.

Ce que je dis ici des juges doit s'entendre à plus forte raison des avocats. Cet état si respectable en lui-même se dégrade et s'avilit sitôt qu'il devient un métier. L'avocat doit être le premier juge de son client et le plus sévère : son emploi doit être, comme il étoit à Rome, et comme il est encore à Genève, le premier pas pour arriver aux magistratures; et en effet les avocats sont fort considérés à Genève et méritent de l'être. Ce sont des postulans pour le conseil, très-attentifs à ne rien faire qui leur attire l'improbation publique. Je voudrois que toutes les fonctions publiques menassent ainsi de l'une à l'autre, afin que nul ne s'arrangeant pour rester dans la sienne, ne s'en fît un métier lucratif et ne se mît au-dessus du jugement des hommes. Ce moyen rempliroit parfaitement le vœu de faire passer les enfans des citoyens opulens par l'état d'avocat, ainsi rendu honorable et passager. Je développerai mieux cette idée dans un moment.

Je dois dire en passant, puisque cela me vient à l'esprit, qu'il est contre le système d'égalité dans l'ordre équestre d'y établir des substitutions et des majorats. Il faut que la législation tende toujours à diminuer la grande inégalité de fortune et de pouvoir qui met trop de distance entre les seigneurs et les simples nobles, et qu'un progrès naturel tend toujours à augmenter. A l'égard du cens par lequel on fixeroit la quantité de terre qu'un noble doit posséder pour être admis aux diétines, voyant à cela du bien et du mal, et ne connoissant pas assez le pays pour comparer les effets, je n'ose absolument décider cette question. Sans contredit il seroit à désirer qu'un citoyen, ayant voix dans un palatinat, y possédât quelques terres, mais je n'aimerois pas trop qu'on en fixât la quantité: en comptant les possessions pour beaucoup de choses, faut-il donc tout-àfait compter les hommes pour rien? Eh quoi! parce qu'un gentilhomme aura peu ou point de terres, cesse-t-il pour cela d'être libre et noble? et sa pauvreté seule est-elle un crime assez grave pour lui faire perdre son droit de citoyen?

Au reste, il ne faut jamais souffrir qu'aucune loi tombe en désuétude. Fût-elle indifférente, fût-elle mauvaise, il faut l'abroger formellement ou la maintenir en vigueur. Cette

:

en Europe où vous n'ayez l'honneur d'être fourrés si le bonheur vous en veut, vous pourrez rentrer dans vos anciennes possessions, peut-être en conquérir de nouvelles, et puis dire comme Pyrrhus ou comme les Russes, c'est-à-dire comme les enfans: Quand tout le monde sera à moi, je mangerai bien du sucre.

maxime, qui est fondamentale, obligera de passer en revue toutes les anciennes lois, d'en abroger beaucoup, et de donner la sanction la plus sévère à celles qu'on voudra conserver. On regarde en France comme une maxime d'état de fermer les yeux sur beaucoup de choses: c'est à quoi le despotisme oblige toujours; mais, dans un gouvernement libre, c'est le Mais si par hasard vous aimiez mieux former moyen d'énerver la législation et d'ébranler la une nation libre, paisible et sage, qui n'a ni constitution. Peu de lois, mais bien digérées, peur ni besoin de personne, qui se suffit à et surtout bien observées. Tous les abus qui elle-même et qui est heureuse; alors il faut ne sont pas défendus sont encore sans consé-prendre une méthode toute différente, quence: mais qui dit une loi dans un état libre dit une chose devant laquelle tout citoyen tremble, et le roi tout le premier. En un mot, souffrez tout plutôt que d'user le ressort des lois; car, quand une fois ce ressort est usé, l'état est perdu sans ressource.

CHAPITRE XI.

Système économique.

Le choix du système économique que doit adopter la Pologne dépend de l'objet qu'elle se propose en corrigeant sa constitution. Si vous ne voulez que devenir bruyans, brillans, redoutables, et influer sur les autres peuples de l'Europe, vous avez leur exemple, appliquezvous à l'imiter. Cultivez les sciences, les arts, le commerce, l'industrie; ayez des troupes réglées, des places fortes, des académies, surtout un bon système de finance qui fasse bien circuler l'argent, qui par là le multiplie, qui vous en procure beaucoup; travaillez à le rendre très-nécessaire, afin de tenir. le peuple dans une plus grande dépendance, et pour cela, fomentez et le luxe matériel, et le luxe de l'esprit, qui en est inséparable. De cette manière vous formerez un peuple intrigant, ardent, avide, ambitieux, servile et fripon comme les autres, toujours sans aucun milieu à l'un des deux extrêmes de la misère ou de l'opulence, de la licence ou de l'esclavage mais on vous comptera parmi les grandes puissances de l'Europe, vous entrerez dans tous les systèmes politiques; dans toutes les négociations on recherchera votre alliance, on vous liera par des traités : il n'y aura pas une guerre

main

tenir, rétablir chez vous des mœurs simples, des goûts sains, un esprit martial sans ambition; former des âmes courageuses et désintéressées, appliquer vos peuples à l'agriculture et aux arts nécessaires à la vie; rendre l'argent méprisable, et, s'il se peut, inutile; chercher, trouver, pour opérer de grandes choses, des ressorts plus puissans et plus sûrs. Je conviens qu'en suivant cette route vous ne remplirez pas les gazettes du bruit de vos fêtes, de vos négociations, de vos exploits, que les philosophes ne vous encenseront pas, que les poëtes ne vous chanteront pas, qu'en Europe on parlera peu de vous; peut-être même affectera-t-on de vous dédaigner; mais vous vivrez dans la véritable abondance, dans la justice et dans la liberté; mais on ne vous cherchera pas querelle, on vous craindra sans en faire semblant, et je vous réponds que les Russes ni d'autres ne viendront plus faire les maîtres chez vous, ou que, si pour leur malheur ils y viennent, ils seront beaucoup plus pressés d'en sortir. Ne tentez pas surtout d'allier ces deux projets, ils sont trop contradictoires; et vouloir aller aux deux par une marche composée, c'est vouloir les manquer tous deux. Choisissez donc, et si vous préférez le premier parti, cessez ici de me lire, car, de tout ce qui me reste à proposer, rien ne se rapporte plus qu'au second.

Il y a, sans contredit, d'excellentes vues économiques dans les papiers qui m'ont été communiqués. Le défaut que j'y vois est d'être plus favorables à la richesse qu'à la prospérité. En fait de nouveaux établissemens, il ne faut pas se contenter d'en voir l'effet immédiat; il faut encore en bien prévoir les conséquences éloignées, mais nécessaires. Le pro

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