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Ainsi l'armée alliée put repasser sans accident les défilés de Grandpré, les 2 et 3 octobre. Il en était temps; car les Autrichiens et les Hessois s'étaient repliés de Clermont et de Varennes sur Sivry, vivement inquiétés par Dillon. On ne peut se dissimuler que Dumouriez n'ait commis une faute grave dans cette occasion : il fit suivre faiblement, en queue, des colonnes qu'il pouvait accabler en gagnant à la hâte leur tête avec toutes ses forces disponibles, ou par Autry sur Grandpré, ou par Varennes sur Saint-Juvin. Une absence totale de vues stratégiques, ou des motifs politiques secrets, peuvent seuls expliquer cet événement. D'un autre côté, on ne comprend pas la raison qui aurait engagé le général français à taire, dans ses mémoires, une négociation qui convenait également aux deux partis, et qui le justifiait de la retraite intacte des ennemis. Si les Prussiens, revenus à leurs véritables intérêts, quittèrent sans regret le sol de la république, le gouvernement et la nation française désiraient ardemment l'évacuation des départements envahis le moindre échec eût mis en problème ce que les Français pouvaient obtenir d'une simple négociation; leur indépendance. Loin de blâmer Dumouriez qui l'avait entamée, on lui devrait donc des actions de grâces de l'avoir provoquée par le mémoire qu'il adressa au roi de Prusse, dans lequel il peignit, avec les couleurs les plus vives, la faute que le cabinet de Berlin venait de commettre en s'alliant à celui de Vienne.

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Quoi qu'il en soit, les alliés, après avoir séjourné un jour à Termes, marchèrent, le 4 octobre, à Beffu : Clairfayt vers Nouart : l'armée des princes se porta à Stenay; inquiétée pendant sa marche par le corps sorti de Sedan, aux ordres de Miackzinsky, elle fut saluée aux environs du village de Seye par quelques volées de coups de canon, qui y semèrent l'alarme : le pays boisé donnait de grands avantages aux républicains, contre une masse de cavalerie qui ne pouvait rien; la faible brigade irlandaise fouilla les bois, et imposa aux tirailleurs français; l'armée continua sa marche sans autre perte que celle de ses nombreux équipages, et les princes en furent quittes pour la peur. Beurnonville suivait la direction de Grandpré: Dillon, avec 10,000 hommes harcela les Hessois et les Autrichiens jusqu'à Sivry.

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Le général en chef, ne pouvant ou ne voulant plus apporter d'obstacle à la retraite ultérieure des ennemis, résolut alors de partir pour Paris, afin de combiner, avec le gouvernement la reprise de son plan favori pour l'invasion de la Belgique ; et en attendant, il dirigea sur l'armée du Nord près de 30,000 hommes, aux ordres de Beurnonville, d'Harville et Sparre. Il en laissa près de 40,000 à Kellermann avec l'instruction de ne pas s'arrêter devant Verdun, de masquer cette place, et de se porter vivement sur Etain, pour y disputer le passage de la Chiers à l'ennemi, que Dillon harcelait en queue.

Le mauvais état de l'armée alliée, qu'une dyssenterie affreuse réduisait au désespoir, le départ de Clairfayt, qui, rappelé par le duc Albert, retourna peu de jours après en Belgique; enfin les succès de Custine à cette époque, eussent assuré à cette manœuvre le succès le plus brillant. Mais Kellermann, voulant jouir de toute l'étendue du commandement en chef, ne se crut pas d'ailleurs en état d'exécuter avec 40,000 hommes, ce que son prédécesseur n'avait pas fait avec 70,000, et se contenta de pousser Dillon sur Verdun.

Il y eut ici des pourparlers entre les généraux prussiens, Kellermann et les députés de la convention : les premiers ayant proposé de remettre Verdun et Longwy, si on n'inquiétait pas trop vivement leur retraite, on y consentit pour éviter le siége de ces deux places, et, dès lors, la marche des armées n'offrit aucun intérêt.

Le 21, toutes les forces alliées étaient revenues derrière Longwy, laissant derrière elles les traces les plus hideuses de leur désastre : les villages étaient remplis de morts et de mourants. Le 24, les Prussiens campèrent au delà de Luxembourg, Clairfayt prit la route d'Arlon, et les émigrés se dispersèrent. Wallis et d'Erbach, qui avaient levé

le blocus de Thionville, amenèrent quelques mille | dans cette occasion, on ne doit pas méconnaître hommes; ce petit renfort remplaça à peine les les immenses services qu'il rendit à son pays, par Hessois qui allaient partir pour voler à la défense l'énergie qu'il déploya dans l'Argonne, par l'ende leur pays, menacé alors par Custine, comme semble et la confiance qu'il ramena dans les arnous le verrons plus loin. mées. Disposé à lui rendre plus de justice que ses détracteurs, nous convenons néanmoins pour n'avait pas traité avec les Prussiens, il commit une faute criante, d'abandonner la poursuite de leur armée, pour courir à la conquête de provinces dont la soumission eût été inévitable, dès l'instant où l'armée française serait arrivée à Coblentz. Ren

que s'il

L'armée française rentra à Verdun, moins délivrer cette ville, que pour la punir les commissaires de la convention établirent un comité inquisitorial, et provoquèrent un décret qui la déclara traître à la patrie : plusieurs jeunes demoiselles, qui avaient présenté des fleurs au roi de Prusse, furent traduites plus tard au tribunal ré-forcé, dans sa marche victorieuse, de tous les corps volutionnaire, et condamnées à mort. Exemple barbare, à la vérité, mais digne de ces premiers temps de Rome, qu'on nous apprend de si bonne heure à admirer. Cette circonstance, qui caractérise l'esprit du temps, acquiert plus d'intérêt encore par son contraste avec ce qu'on a vu aux dernières invasions de la France: l'homme d'État peut y puiser de grandes leçons.

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qui venaient de l'intérieur, d'une partie des garnisons de Thionville, de Metz et de Sedan, il aurait pu, avec 80,000 hommes, marcher vivement sur Trèves; s'y faire joindre par Custine, et descendre, avec 100,000 hommes, sur Coblentz et Cologne. Ce mouvement, après la prise de Mayence surtout, était indiqué par les principes de l'art, comme celui qui menait le plus sûrement et le plus promptement à d'immenses résultats. En l'exécutant on pouvait se flatter d'anéantir l'armée du duc de Brunswick, ou du moins de la rejeter, avec des pertes énormes, au delà du Rhin, pour revenir ensuite sur les communications des Autrichiens en Belgique, et les réduire à la nécessité de se faire jour.

La réoccupation de ces places fut le terme des succès de l'armée française. Valence partit le 25 avec un corps considérable pour les Ardennes, afin de concourir à l'expédition de la Belgique, en descendant la Mense; ce nouveau détachement, achevant d'ôter à Kellermann l'envie et la possibilité de rien entreprendre contre l'ennemi, le décida à mettre son armée en cantonnements sur les deux rives de la Moselle, entre Longwy et Sarrelouis. Dumouriez était de retour à Paris dès le 12 plus, disent ses détracteurs, pour y jouir de son triomphe et y ourdir de nouvelles intrigues, que pour d'autres motifs. Un de ses ennemis les plus acharnés a exprimé son étonnement, de ce qu'un commandant en chef quittât ainsi son poste sans autorisation, au moment où sa présence y était si nécessaire. Ces reproches sont outrés, pour ne pas dire injustes. Le général, désespérant d'entamer les Prussiens, qui avaient alors de l'avance sur lui, voyait le salut de la France dans la prise de possession des Pays-Bas : il crut bien faire en préparant cette invasion; s'il s'est trompé, on ne peut pas le lui imputer comme un crime, et l'on n'est autorisé qu'à blâmer sa fausse combinaison. Sans doute son idée dominante était erronée, et il pouvait d'ailleurs conquérir ces provinces, en acca- gné le crime du 21 janvier, et empêché, peut-être blant le duc de Brunswick: mais, s'il jugea mal | à jamais, le triomphe de l'Angleterre.

Un soupçon plus grave, élevé contre ce général, fut celui de s'être opposé, pendant son séjour à Paris, à la conclusion de la paix proposée par la Prusse. Après son départ de l'armée, de nouveaux pourparlers eurent effectivement lieu, et il y fut question, cette fois, d'une paix définitive. Le général Heymann, lié anciennement avec Biron, avait été chargé, par le ministère prussien, de lui faire des ouvertures. Ces propositions arrivèrent au mois de juin au ministre Servan, à l'instant même où il quittait le portefeuille de la guerre. S'il faut en croire Grimoard, le conseil exécutif désigna Dumouriez pour entamer cette négociation; mais ce général flétrit, dit-on, le service éminent qu'il venait de rendre à son pays, en s'opposant, par des motifs d'ambition personnelle, à une paix séparée, qui eût entraîné celle de l'Autriche et du Piémont, évité la guerre avec l'Espagne et la Hollande, épar

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à la narration succincte des en

treprises de Custine sur Mayence, et du duc de Saxe-Teschen sur Lille, que nous avons suspendue pour donner plus de suite aux opérations principales, il ne sera pas hors de propos de rappeler que vers cette époque parurent l'Hymne célèbre des Marseillais et le Chant du départ.

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Nous ne pénétrerons point les motifs qui portèrent le cabinet de Vienne à garder tant de forces dans l'intérieur de la monarchie. S'il n'avait pas déjà sanctionné les projets de Catherine sur la Pologne, il est probable que ce fut l'entrée des Russes dans ce royaume, qui l'empêcha de faire marcher vers le Rhin, les troupes nécessaires pour couvrir les flancs de l'armée d'invasion et sur les quelles le duc de Brunswick avait compté.

la Meuse, ils dispersèrent le corps de Condé et d'Esterhazy en cordon dans le Brisgaw; établirent leurs dépots à Spire, ville ouverte et sous le canon pour ainsi dire de l'armée française; en confièrent la garde au corps de d'Erbach, fort à peine de 8,000 hommes ; et ne songèrent pas même à munir d'une garnison suffisante la place de Mayence, qui était leur unique passage à l'abri d'un coup de main.

Quoi qu'il en soit, les alliés ne se bornèrent pas à faire des préparatifs insuffisants, ils employèrent encore mal les moyens qu'ils avaient à leur dispoLes générations à venir s'étonneront de voir des sition. Au lieu de placer leurs magasins principaux chansons figurer au nombre des causes de succès dans Mayence, et de couvrir cette place avec toutes à marcher sur pas mais il n'en demeure pas moins avéré, les forces qu'on ne destinerait militaires ; que ces couplets pleins d'énergie et de patriotisme, accompagnés de la musique la plus martiale, animèrent une jeunesse ardente, contribuèrent à faciliter les levées, enflammèrent le courage des soldats, et leur firent soutenir les privations avec autant de gaieté qu'ils affrontaient les dangers. Nous sommes loin d'applaudir aux expressions outrées de ces hymnes contre des despotes qui n'étaient la plupart que de bons princes; nous les considérons uniquement ici comme moyens d'enthousiasme, et sous ce rapport elles méritent d'autant plus de rester comme un monument d'histoire nationale, que la première était l'ouvrage d'un officier d'artillerie nommé Rouget. Napoléon les comptait encore en 1806, comme de puissants mobiles propres à exciter l'énergie des troupes, car des ordres furent donnés de les jouer aux parades de Berlin.

CHAPITRE VIII.

Custine prend Mayence, et le duc Albert
bombarde Lille.

En se décidant à envahir la France, les alliés avaient commis plusieurs fautes graves, provenant sans doute de la fausse opinion qu'ils se formaient de cette guerre. Convaincus qu'il ne s'agissait que d'une promenade, ils négligèrent entièrement de s'assurer d'une base solide sur le Rhin, et de couvrir convenablement l'espace qui allait les séparer de ce fleuve.

Cet état de choses présentait de trop belles chances aux Français pour qu'ils n'en profitassent pas, et s'il y a sujet de s'étonner, c'est qu'ils aient autant tardé à s'y résoudre.

Le général Biron commandant en Alsace près de 40,000 hommes, aurait pu faire repentir les alliés de tant d'incurie, mais soit qu'il ne jugeât pas ces forces suffisantes ou que le conseil exécutif lui eût donné l'ordre d'attendre 12 bataillons détachés de l'armée du Midi, et les gardes nationales des départements voisins dont il venait d'ordonner la mise en activité, le temps le plus favorable s'écoula en préparatifs. Alors même qu'en vertu de cet appel environ 20,000 hommes d'élite eurent rejoint l'armée, elle resta disséminée dans la plaine du Rhin, sans autre objet que celui de garder quelques places, ou d'observer les princes d'Esterhazy et de Condé en Brisgaw: le plus considérable de tous les petits camps qui couvraient l'Alsace était celui de Custine placé derrière la Queich, et comptant environ 17,000 hommes. Cette répartition était vicieuse : il eût suffi de laisser 15,000 hommes de troupes de ligne et la majeure partie des gardes nationales, pour contenir les deux petits

corps ennemis on pouvait donc facilement disposer | Turckeim, le 11 septembre, abandonnant la garde de 30,000 combattants pour opérer entre le Rhin du magasin de Spire et de toutes les communicaet la Moselle, point faible et décisif de la ligne d'o- tions de l'armée, à 1,000 Autrichiens et 2,000 pérations des alliés; il eût été même convenable Mayençais, sous les ordres du colonel Winckelde se renforcer de 7 à 8,000 gardes nationales, mann. toujours utiles dans une armée pour les services secondaires, auxquels on est forcé d'employer d'anciens soldats quand on n'en a pas

d'autres.

Cependant Custine, campé sous Landau, occupait une belle position offensive, et se voyait en mesure d'enlever le mince détachement compromis devant lui. Selon quelques versions, il proposa ce coup de main au gouvernement; selon d'autres, au contraire, il n'eut que l'honnenr de le mettre à exécution.

C'était offrir à Custine une capture aussi sûre que facile. Ce général qui, depuis quinze jours, avait eu le temps d'être instruit de l'état des choses, se porta en effet, le 30, sur trois colonnes, contre Spire. Le colonel Winckelmann, convaincu de l'importance de son poste, et ignorant peut-être la force des Français, voulut d'abord se mettre en bataille en avant de la ville. Bientôt sa petite troupe, écrasée par une artillerie supérieure, et sur le point d'être tournée, se dirigea vers le Rhin, où se trouvaient des embarcations nécessaires à son transport: mais les bateliers, qu'on n'avait pas eu la précaution de surveiller, s'étant enfuis sur la rive droite avec leurs barques; le colonel, enveloppé, se vit dans la dure nécessité de mettre bas les armes avec 2,700 hommes. L'armée française s'empara, les jours suivants, de Worms et de Franckenthal. La conquête de ces trois petites villes ouvertes fut annoncée à la tribune comme l'événement le plus extraordinaire : ces déclamations sembleraient ridicules, si on ne savait l'effet qu'ellles produisent sur la multitude, incapable de juger, et qui attache à une ville comme Worms la même importance qu'à Mayence, puisque l'une lui est aussi peu connue que l'autre. Le récit enflé de ces conquêtes échauffant les têtes et facilitant les levées qu'on voulait doubler, était donc une ruse pardonnable.

Ce général, malgré de longs services, n'avait eu encore aucune occasion de se signaler bien particulièrement. Les escarmouches auxquelles il assista, comme officier subalterne, dans la guerre de sept ans, et les campagnes d'Amérique qu'il fit comme simple colonel, n'avaient pu lui donner un grand fonds d'expérience: mais il était spirituel, actif, ambitieux. Avant la révolution, le désir de se faire une sorte de réputation dans l'armée, l'avait rendu zélé partisan des idées du comte de Saint-Germain, et placé au nombre des chefs de corps, dont la discipline brutale et minutieuse fatiguait en pure perte l'obéissance des troupes. La révolution, sans changer son caractère dur et hautain, lui fit adopter tout à coup d'autres principes. Député de la noblesse aux états généraux, il fut un des premiers membres de son ordre, qui proposèrent l'abolition des priviléges: suivant la marche de l'exagération du temps, à mesure qu'elle se développait, il brigua la faveur de la faction ré-néral Custine avait proposé de suivre le comte volutionnaire, et devint un des agents les plus actifs de la propagande; le tout, dans l'espoir d'obtenir enfin un grand commandement. Ses opérations le peindront, au reste, mieux que le portrait que nous pourrions en tracer (1); et il convient d'y revenir.

Le comte d'Erbach, ayant reçu l'ordre de remplacer le corps du prince de Hohenlohe devant Thionville, s'était mis en marche par les défilés de

(1) Quoiqu'exagéré, le portrait de Custine, tracé dans les mémoires rédigés par un de ses aides de camp, sera TOME 1.

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Quelques jours avant l'attaque de Spire, le gé

d'Erbach sur la Moselle. Ce mouvement qui eût influé sur les opérations des armées dans l'Argonne, d'une manière plus directe que la course sur Worms, fut aussitôt approuvé par le ministre de la guerre; mais il paraît qu'il n'entrait plus alors dans les vues des généraux commandant sur le Rhin. Cependant le ministre le prescrivit formellement le 20 septembre; et cet ordre, adressé au général en chef Biron à Strasbourg, ne parvint

toujours plus complet que tout ce qu'on pourrait en dire dans le cadre étroit d'une histoire générale.

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à Custine qu'à l'instant où l'expédition du Palati- | quelques clubistes de cette ville, lui apprirent

que la place était abandonnée à la garde de 2,000 soldats de l'archevêque, et de 800 Autrichiens vus de mauvais œil. Cette garnison était plus que suf

car, c'était assez d'en lever les ponts-levis pour que la place n'eût rien à craindre d'un corps de 15 à 20,000 hommes, dénué de tout moyen de siége, et hors d'état même de passer le Rhin pour former l'investissement. Mais les patriotes mayençais comptaient dans leurs rangs le professeur de mathématiques, Eckmayer, qui, en sa qualité d'ingénieur, exerçait une grande influence sur le général Gymnich, et se flattait de le décider à se rendre. La circonstance était trop belle pour la laisser échapper (1). Custine, ravi d'ailleurs de trouver un prétexte pour ne pas se diriger vers la Moselle, se décida à s'avancer sur Mayence.

nat, pleinement engagée, lui fournissait un prétexte plausible de l'éluder. Il était néanmoins encore temps de l'entreprendre avec succès, en y mettant un peu de vivacité; car les alliés se trou-fisante, à la vérité, pour lui en fermer l'entrée : vaient précisément enfoncés dans l'Argonne. Custine, fier de ses premiers succès, trouva plus agréable d'être indépendant, et de travailler à sa propre gloire, en faisant retentir la tribune de la convention de ses rapports emphatiques. Cette tendance naturelle à s'isoler s'accrut encore, lorsque les jacobins, pour prix de ses travaux, de sa correspondance mensongère, et du zèle qu'il montrait pour la propagande, lui firent décerner le commandement de l'armée de la Moselle. Soit qu'alors il craignît qu'un contact immédiat ne vint à le ranger sous les ordres de Dumouricz et de Kellermann, soit qu'il fût déjà engagé dans l'intrigue qui devait le rendre maître de Mayence, Custine ne jugea point à propos d'obéir, et resta quinze jours dans le Palatinat, s'amusant à y lever des contributions. On va voir que, par un hasard assez difficile à prévoir, il fut plus heureux que sage.

La révolution, dont on ne connaissait alors que le beau côté, avait de nombreux partisans dans plusieurs contrées de l'Allemagne. Les harangues séduisantes, prononcées à la tribune de l'assemblée, avaient produit leur effet dans les villes peu florissantes, soumises aux princes ecclésiastiques. Les habitants de l'électorat de Trèves nourrissaient de justes motifs de mécontentement contre leur archevêque, prince faible et avare, esclave en quelque sorte de son ministre, qui ne rêvait qu'à grossir le fisc aux dépens de l'industrie et du commerce. Ceux de Mayence n'étaient pas tout à fait dans le même cas; mais cette ville, qui avait une université, renfermait dans son sein une foule de jeunes gens, dans l'esprit desquels fermentaient toutes les idées nouvelles, et qui ne voyaient rien au-dessus d'an gouvernement démocratique.

Des intelligences ménagées par Custine avec

L'expédition allait se mettre en marche, lorsque le bruit de l'arrivée de 25,000 Autrichiens, semé par quelques recruteurs dans la vue de se donner de l'importance, jeta l'épouvante dans l'âme du général, et lui fit prendre le parti de revenir sous Landau. Ce singulier contre-temps fut un bonheur pour lui, tant les événements de la guerre tiennent souvent à de petites causes. Les préparatifs d'armement, ordonnés par la régence éléctorale au bruit de l'approche de Custine, furent interrompus, aussitôt que par sa retraite, on se crut à l'abri du danger. Mais les invitations des propagandistes devenant plus pressantes, et le général républicain ayant acquis la certitude que, de la Moselle au Rhin, il n'existait pas un ennemi, il reprit bientôt son premier projet.

On lui proposa de chercher, par les mêmes moyens, à se faire ouvrir les portes de Manheim: la crainte de porter atteinte à la neutralité de l'électeur Palatin, l'empêcha, dit-on, de s'y résoudre, et, puisqu'il n'était pas en droit de juger des motifs qu'avait le gouvernement de la respecter, il ne paraît pas qu'il faille l'en blâmer.

(1) En publiant, en 1815, un premier aperçu de cette campagne, j'ai blâmé cette entreprise comme contraire aux principes, en ce qu'elle s'écartait trop des armées agissantes. J'ignorais alors toutes les circonstances de la négociation de Custine. Certain de la reddition de la place,

comme il paraît qu'il le fut, on ne peut qu'approuver la résolution qu'il prit de s'en emparer. Dans toute autre hypothèse, la marche vers la Moselle eût été plus conve nable; surtout à la fin de septembre.

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