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Par ce moyen, on peut reconnaître la présence de 1/70 de résine de gaïac dans celle de jalap.

20 Par l'acide nitrique. Une petite quantité de résine de jalap étant triturée dans un mortier avec quelques gouttes d'acide nitrique, si elle contient de la résine de gaïac il se développe une couleur vert-bleuâtre qui passe rapidement au jaune; dans le cas contraire, elle change peu de couleur. A l'aide de ce procédé, il est possible de démontrer l'existence de 1/40 de résine de gaïac.

3o Par l'acide sulfurique. Lorsqu'on verse quelques gouttes d'acide sulfurique sur la résine de jalap réduite en poudre et contenant de la résine de gaïac, l'odeur particulière à celle-ci se manifeste, et le mélange prend une couleur rouge-cramoisi. En y ajoutant de l'eau, la couleur disparaît complétement, et il se forme un précipité noirbleuâtre; avec l'ammoniaque, le précipité est grisâtre. Ce réactif peut déceler 1/30 de résine de gaïac.

4. Par l'ammoniaque liquide. La résine de jalap étant insoluble dans cet alcali, tandis que celle de gaïac s'y dissout en donnant unc couleur verdâtre, si la résine de jalap soupçonnée y produit cette couleur, il est certain qu'elle contient de la résine de gaïac. (Ibid., juillet 1846.)

Toxicologie.

NOTE SUR L'EMPLOI DE LA MAGNÉSIE DANS LES CAS D'EMPOISONNEMENT par l'acide arSÉNIEUX; par M. BUSSY. — J'ai eu l'honneur d'exposer à la Société de pharmacie, dans sa séance du 3 juin dernier, les résultats d'un travail que j'ai communiqué à l'Académie des sciences.

En attendant que je puisse publier complétement ce travail, je crois devoir ajouter quelques renseignements à ceux déjà donnés, afin d'éviter aux personnes qui seraient dans le cas de faire l'application du procédé que j'ai indiqué, des méprises toujours graves en pareilles matières. Je joins à ces renseignements les détails d'une observation toute récente qui vient à l'appui de mes expériences et qu'on ne lira pas sans intérêt; elle m'a été communiquée par notre honorable confrère M. Lepage, correspondant de la Société de pharmacie à Gisors.

Je rappellerai d'abord : 1o que la magnésie a la propriété, lorsqu'on la mélange en quantité suffisante avec une dissolution d'acide arsénieux, de former avec ce dernier une combinaison basique insoluble dans l'eau froide et dans l'eau bouillante. Cette combinaison est d'autant plus rapide que la

magnésie coutient moins de carbonate et qu'elle a été moins fortement chauffée pendant sa préparation.

On peut obtenir facilement de la magnésie dans un état convenable par le procédé suivant on place le carbonate de magnésie (magnésie blanche du commerce) dans un creuset de terre qui ne doit en être rempli qu'à moitié; le creuset est chauffé de manière à ce que le fond seulement atteigne la température du rouge sombre; on agite le carbonate continuellement avec une spatule en fer pendant la calcination; l'eau et l'acide carbonique qui se dégagent déterminent dans la masse une sorte d'ébullition qui projette quelquefois une portion de magnésie à l'extérieur du creuset. Quand ce dégagement a cessé, on essaye la magnésie par l'acide hydrochlorique, elle ne doit plus retenir d'acide carbonique. Toutefois la magnésie qui renfermerait encore un peu d'acide carbonique serait préférable à celle qui serait restée longtemps exposée à une trop forte température.

Lorsque la magnésie n'a été que faiblement calcinée, elle s'hydrate promptement et avec facilité, elle forme avec l'eau, à la température ordinaire, une gelée consistante comme le fait l'alumine. 2 grammes de magnésie suffisent pour donner, à 50 grammes d'eau et plus, cette consistance gélatineuse.

Cette même quantité de magnésie, délayée dans Olit, 1 d'eau, peut absorber, comme nous l'avons dit, 0 gr. 1 d'acide arsénieux, dissous également dans 0 lit.,1 d'eau, de telle façon que, après avoir agité le mélange un instant et filtré la liqueur, elle ne précipite plus par l'hydrogène sulfuré.

Il faut éviter d'employer la magnésie trop fortement calcinée, son effet est presque tout à fait nul. On la reconnait facilement aux caractères suivants : sa densité est plus grande que celle de la précédente; sa cohésion est plus considérable; au lieu de s'hydrater et de faire pâte avec l'eau, elle gagne le fond du liquide et forme un dépôt pulvé rulent qui peut rester pendant plusieurs mois en contact avec l'eau sans s'hydrater. Mise en contact avec une dissolution d'acide arsénieux, elle ne l'absorbe qu'avec une extrême lenteur.

La magnésie expédiée d'Angleterre sous le nom de magnésie de Henry, présente particulièrement ces inconvénients; il en est à peu près de même de la magnésie française que l'on vend sous la même dénomination et qui est également une magnésie très-fortement calcinée. La magnésie que l'on trouve habituellement dans les pharmacies est en général trop fortement et trèsinégalement calcinée, de sorte que quelques portions qui ont échappé à l'action de la

chaleur font encore effervescence par les acides, tandis que d'autres ont acquis trop de cohésion par l'application d'une trop forte chaleur. Il faut environ deux parties de cette magnésie commune pour produire l'effet d'une magnésie bien préparée.

Quant au carbonate de magnésie, il n'a pas d'action sensible sous le point de vue de l'absorption de l'acide arsénieux.

La magnésie récemment précipitée absorbe avec plus de rapidité que la magnésie calcinée; il faut avoir soin, lorsqu'on l'emploie, de la délayer exactement avec l'eau comme on ferait pour la magnésie calcinée, de manière à en former un liquide aussi homogène que possible.

Cette préparation de la magnésie par la voie humide, sans être longue ni difficile, entraîne encore quelques délais, et par cette raison l'on donnera toujours la préférence à la magnésie calcinée, qu'on prépare si facilement et qu'on peut conserver indéfiniment. Cependant comme on pourrait se trouver dans la nécessité d'administrer la magnésie hydratée, je donne ici le résultat de quelques expériences qui éviteront aux pharmaciens des tâtonnements et des hésitations si funestes lorsque la promptitude des secours est la première et la plus importante condition de leur succès.

100 grammes de sulfate de magnésie cristallisée (sel d'Epsom, sel de Sedlitz) renferment 51.22 d'eau, 16.26 de magnésie et 32.52 d'acide sulfurique. Il faut théoriquement 38.21 d'oxyde de potassium ou 45.52 d'hydrate pour décomposer complétement la dissolution de 100 grammes de ce sel et en précipiter la magnésie à l'état d'hydrate. Mais si au lieu de potasse pure on emploie pour cette décomposition la potasse caustique ordinaire (pierre à cautère des pharmacies), qui contient toujours des chlorures, des sulfates, du carbonate et un excès d'eau, l'on peut, sans inconvénient, en prendre 50 parties, pour 100 de sel à décomposer. Si, d'une autre part, on opère sur des liqueurs assez étendues; si le sulfate de magnésie est dissous par exemple dans 25 fois son poids d'eau, et la potasse dans 20 fois son poids du même liquide, l'on peut se dispenser de laver le précipité et se contenter de l'exprimer fortement dans un linge; la petite quantité de sulfate de magnésie qu'il retient ne saurait avoir d'inconvénient sérieux, d'autant qu'il faut, pour l'administrer, délayer le précipité dans une grande quantité d'eau. 10 grammes de sulfate de magnésie dissous dans 250 grammes d'eau décomposés, comme il vient d'être dit plus haut, par 5 grammes de pierre à cautère dissoute dans 100 grammes d'eau, fournissent un liquide qui contient encore un excès de sulfate de

magnésie et d'où la potasse caustique précipite une certaine quantité de magnésie, et donnent un précipité qui, exprimé dans un linge et délayé dans l'eau sans avoir été lavé, absorde immédiatement 0 gr.,1 d'acide arsénieux dissous dans 0 lit.1. Je fais observer que cette proportion d'acide arsénieux n'est pas, à beaucoup près, la limite de ce que peut absorber la magnésie. Toutefois, ainsi que je l'ai dit plus haut, l'emploi de la magnésie calcinée, bien préparée, me parait tout aussi sûr et plus facile que celui de l'hydrate de magnésie.

L'observation suivante montre qu'on peut sans inconvénient administrer la magnésie à haute dose, et vient donner à mes expériences la sanction dont elles avaient encore besoin pour pouvoir être appliquées en toute confiance et en toute sécurité dans la pratique médicale.

« Monsieur et très-honoré Directeur,

» J'ai l'honneur de vous adresser l'observation suivante relative à un cas d'empoisonnement par l'acide arsénieux combattu avec le plus grand succès par la magnésie, que vous avez tout récemment préconisée comme un excellent antidote de ce redoutable poison.

» Je vous serai infiniment obligé de vouloir bien la faire connaître à l'Académie royale de médecine et à la Société de pharmacic.

» Le samedi 30 mai dernier, à 6 heures du matin, nous fùmes requis, le docteur d'Ardiège et moi, par M. Courtonnet, commissaire de police de la ville de Gisors, à l'effet de donner des soins au nommé MarinPascal Delamotte, logé dans un des hôtels de la ville, et qui, nous dit-on, s'était empoisonné la veille au soir. Nous étant aussitôt rendus auprès de cet homme, nous le trouvâmes poussant de forts gémissements et les lèvres encore salies d'une substance blanchâtre pulverulente; nous le questionnåmes sur la cause qui avait pu le porter à cet acte de désespoir, et il nous déclara qu'ayant commis la veille, dans la matinée, un assassinat sur une femme avec laquelle il entretenait depuis quelque temps des relations adultères, il avait, dans le but de se soustraire aux recherches de la justice, avalé le soir, sur les 14 heures, en se couchant, une bonne cuillerée ordinaire de mort aux rats (Delamotte était ratier de profession), délayée dans une certaine quantité d'eau. Nous trouvâmes en effet, sur une commode, dans sa chambre, un sac d'acide arsénieux dans le plus grand désordre.

» Delamotte qui, peu de temps avant de s'ingérer le poison, avait fait un assez copieux repas, vomit considérablement et eut plusieurs déjections alvines pendant la nuit.

Voici du reste l'état dans lequel nous le odorant, furent jetées sur un filtre; il passa trouvâmes :

» Pouls petit, irrégulier, chaleur par tout le corps, sentiment de forte constriction à la gorge, soif inextinguible, langue rouge, visage fortement coloré, douleurs horribles dans l'estomac et le ventre, urine assez rare et fortement colorée, respiration assez facile; le malade pousse sans cesse des gémissements.

Pour combattre l'intoxication arsénicale, nous mîmes en pratique la nouvelle méthode proposée tout récemment par M. Bussy, et dont il venait de donner communication à l'Académie des sciences. Nous administrâmes la magnésie calcinée, délayée dans l'eau, pendant 10 heures consécutives (le malade en prit environ 100 grammes), et sous l'influence de cette médication nous eûmes le bonheur de voir les symptômes vraiment alarmants d'intoxication disparaître peu à peu ; le soir les coliques de l'estomac et du ventre avaient cessé, on prescrivit une potion calmante; la nuit fut assez bonne, mais sans sommeil; le lendemain matin le médecin trouva le malade dans un état assez satisfaisant pour délivrer à l'autorité le certificat suivant :

« Nous, Achille d'Ardiège, docteur-médecin domicilié à Gisors (Eure), avons été appelé, conjointement avec M. Lepage, pharmacien en cette ville, auprès du nommé Pascal-Marin Delamotte, pour combattre les effets énergiquement toxiques de 15 grammes environ d'acide arsénieux ingéré dans l'estomac; nous avons eu la satisfaction, après avoir employé pendant 10 heures consécutives le moyen tout récemment proposé par M. Bussy, de voir ces symptômes vraiment alarmants disparaître insensiblement, et ce matin 31 mai, 24 heures après nos premiers secours, le malade est dans un état tel, que nous ne voyons pas d'inconvénient, avec des ménagements bien entendus, à ce qu'il soit transporté où besoin sera.

>> Gisors le 31 mai 1846, signé D'ARDIÈGE; pour copie conforme, signé LEPAGE, ph. »

>> Comme Delamotte avait commis son assassinat dans le département de l'Oise, il fut transféré dans les prisons de Beauvais, où il continua à bien se porter; mais le vendredi matin, 5 juin, le gardien de la prison le trouva pendu.

» Sous l'influence du lait de magnésie que nous lui administrâmes, Delamotte vomit plusieurs fois dans l'intervalle de 7 heures à midi. Nous recueillimes soigneusement tous ses vomissements pour nous livrer ensuite aux opérations ci-après: Toutes les matières vomies, qui consistaient en magnésie délayée dans un liquide à peine

un liquide transparent et de couleur ambrée, on l'introduisit dans un appareil de Marsh alimenté avec du zinc et de l'acide sulfurique purs, mais il nous fut impossible d'obtenir la plus petite tache d'arsenic sur des soucoupes de porcelaine que nous présentâmes à la flamme du gaz de l'appareil.

» Aussitôt que nous eùmes introduit dans ce même appareil quelques parcelles de magma-magnésien resté sur le filtre, nous pûmes recueillir sur les soucoupes de larges taches d'arsenic métallique.

» De cette expérience nous croyons pouvoir tirer cette conclusion importante, qui corrobore pleinement les faits publiés par M. Bussy, à savoir que la magnésie forme avec l'acide arsénieux, un arsénite tout à fait insoluble dans l'eau, et que, conséquemment, son efficacité comme antidote de ce toxique ne peut pas être révoquée en doute. » Veuillez agréer, etc.,

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FAITS POUR SERVir a l'histoire de l'opium, par M. H. AUBERGIER. - C'est dans la Limagne d'Auvergne que je me suis livré à la culture de plusieurs variétés de pavot somnifère. L'opium que chaque variété a produit, obtenu exclusivement par incision, a été recueilli séparément, jour par jour.

Avant de procéder à l'analyse de chaque échantillon, j'ai dosé l'eau qu'il contenait en desséchant 4 ou 5 grammes dans une étuve à l'eau bouillante, et achevant l'opération dans le vide, à la température de 100 degrés. J'ai ainsi pu calculer la richesse en morphine de tous mes produits, en admettant une proportion d'eau normale de 7,60, pour rendre mes résultats comparables à ceux qui ont été obtenus par M. Payen. J'ai suivi exactement le procédé d'analyse décrit dans son Rapport, en lui faisant subir une seule modification : la décoloration des li

queurs, avant la précipitation par l'ammoniaque, à l'aide du noir animal lavé à l'aeide chlorhydrique, jusqu'à épuisement de matières solubles. Les résultats auxquels je suis arrivé sont consignés dans un tableau joint à mon Mémoire.

On remarque dans ce tableau qu'il existe une différence importante entre le produit de la première récolte, en 1844, des pavots blanes à graines blanches, qui a rendu 8,750, et celui de la dernière, dans lequel je n'ai trouvé que 1,520. La colonne des observations explique cette différence par le mélange, dans celle-ci, de tous les sucs du péricarpe avec le suc laiteux; la mauvaise qualité de cet opium le rapproche de celui que l'on destine dans l'Inde à l'exportation en Chine, et nous donne, jusqu'à un certain point, la clef du procédé auquel on a recours pour le préparer.

Si l'on compare, d'un autre côté, le produit de la première récolte de 1844 au produit de la première récolte de 1845, on trouve que l'un est plus riche en morphine que l'autre.

L'opium de 1844 provenait du mélange des sucs laiteux de pavots blancs à tête longue et à tête ronde ; je croyais, à cette époque, que deux variétés qui ne diffèrent que par la forme de la capsule devaient fournir des produits identiques. Il n'en est pourtant rien; contrairement aux idées généralement reçues, le pavot long, cultivé de préférence dans le Nord pour les besoins de la médecine, contient un suc plus actif que le pavot rond, cultivé dans le Midi pour le même usage. Le produit de ce dernier est, en revanche, plus abondant; aussi lui accordet-on généralement la préférence dans les cultures destinées à la production de l'opium.

C'est exclusivement la variété de pavots blancs à capsule ronde que j'ai cultivée en 1845; les divers produits de la récolte offrent une progression décroissante remarquable dans la richesse en morphine. L'o pium qui a donné 6,63 pour 100 avait été recueilli avant que les capsules eussent atteint leur développement complet; elles y étaient parvenues à l'époque de la seconde récolte, mais elles étaient toujours vertes. Le suc offrait encore 5,53 pour 100; enfin, lors de la troisième récolte, la couleur verte avait fait place à la couleur feuille morte, qui caractérise le dernier degré de maturation du fruit, et alors je n'ai plus obtenu que 3,27.

Remarquons que tous les voyageurs qui ont écrit sur cette matière rapportent que l'on commence la récolte au moment où la capsule passe de la couleur verte à la couleur jaune. Les faits prouvent que s'est s'y prendre trop tard.

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Ici la proportion de la morphine semble augmenter au lieu de diminuer pendant la maturation. Mais je dois faire observer que la floraison de cette variété a lieu lentement et d'une manière inégale : ainsi, sur le même pied, à côté d'une capsule complétement sèche, on trouve une fleur à peine épanouie. Il en résulte que les produits obtenus en dernier lieu pouvaient provenir de trèsjeunes capsules. Le changement remarquable qui s'opère pendant la maturation dans la composition du suc laiteux va, du reste, être constaté de nouveau par l'analyse des opiums fournis par le pavot blanc à graines noires.

J'avais remarqué que, toutes les fois que les incisions ne pénètrent pas dans l'intérieur du péricarpe, la graine parvient à maturité et peut servir à l'extraction de l'huile, comme l'a fait observer, du reste, M. Hardy; lorsque l'incision traverse l'endocarpe, la communication avec l'air extérieur arrête complétement le développement de la graine. En prenant les précautions convenables, on peut cumuler les produits qu'elle fournit avec ceux de l'opium; c'est, à mes yeux, le seul moyen de rendre la récolte de ce produit possible en France au point de vue économique. Je fus, dès lors, naturellement conduit à cultiver la variété du pavot somnifère, connue sous le nom de pavot blanc à graines noires, variété à laquelle les agriculteurs donnent la préférence dans leurs cultures, parce que c'est celle qui porte la plus grande quantité de graines.

Je ne tardai pas à m'apercevoir que, dans cette variété, le péricarpe est tellement mince, qu'il est impossible de l'inciser sans traverser l'endocarpe, et dès lors la récolte de la graine est sacrifiée; on n'est pas dédommagé par la quantité d'opium obtenue, car c'est la variété qui en produit le moins. Si le résultat est négatif au point de vue agricole, il n'est pas sans intérêt sous d'autres rapports. Le premier produit de la récolte m'a donné une proportion de morphine parfaitement blanche et pure qui s'élevait à 17,833 pour 100 parties d'opium con

tenant 7,60 d'eau. Le produit de la seconde récolte n'a rendu que 14,780 d'alcaloïde.

Ces résultats m'ont paru si extraordinaires, que je n'ai pu en croire mes yeux qu'après m'être assuré, par tous les moyens possibles, que je ne n'étais pas laissé surprendre par une de ces erreurs auxquelles on est si fréquemment exposé dans les récherches de chimie organique.

Il résulte des faits que je viens de présenter, comme des considérations exposées dans mon Mémoire, que la qualité de l'opium dépend de la variété de pavot qui l'a produit, et, pour une même variété, de l'époque plus ou moins avancée de maturité de la capsule au moment de la récolte, la quantité de morphine que contient le suc laiteux diminuant à mesure que le fruit mûrit.

L'influence du climat a donc peu d'importance, si même cette importance n'est pas tout à fait nulle. Une meilleure qualité d'opium, et surtout une qualité plus constante que celle que nous fournit le commerce, peut être obtenue, soit sur notre sol, soit dans nos possessions algériennes.

Tout se réduit à une question de prix de revient; mais je n'hésite pas à dire qu'avec les procédés dispendieux décrits par les voyageurs, et appliqués récemment par M. Hardy, cette récolte serait impossible au point de vue économique, soit en France, soit même en Algérie, tant que le prix de la main-d'œuvre y restera aussi élevé qu'il l'est aujourd'hui. Un premier et insurmontable obstacle résulterait, en France, des pertes considérables qu'entraînent les pluies lorsqu'elles viennent interrompre les opérations d'une récolte qui ne peut être terminée qu'en vingt-quatre heures. Les changements brusques qui se manifestent si souvent dans notre atmosphère, la fréquence des orages, rendent ces chances de perte bien plus à redouter pour nous qu'aux lieux ordinaires de production, où cependant ils compromettent si souvent les récoltes. Comment éviter les lenteurs, comment saisir le moment favorable indiqué par ces recherches pour obtenir le meilleur produit possi ble, si l'on est arrêté par l'incertitude du temps?

Le procédé que je viens soumettre à l'Académie lève complétement cette première difficulté; de plus, il assure la conservation de la graine; enfin il permet d'économiser les deux tiers de la main-d'œuvre pour la récolte.

Un mot d'abord sur les semis: on doit les faire en ligne plutôt qu'à la volée; toutes les opérations de la culture et de la récolte se trouvent facilitées, et de plus, j'ai remarqué que les capsules fournissent plus de suc.

M. Hardy a fait les incisions en Algérie avec une lame de canif, et il laissait dessécher le sue sur la capsule même. Il a établi que sept heures de travail sont nécessaires pour enlever le produit de trois heures d'incisions.

Les incisions faites de cette manière réclament une certaine dextérité de la part de l'ouvrier, pour que l'endocarpe ne soit pas entamé et la récolte de la graine compromise. Les précautions qu'il doit prendre nuisent nécessairement à la rapidité du travail, et souvent sans atteindre complétement le but.

Je fais faire les incisions avec un petit instrument qui porte quatre lames de canif; ces lames sont fixées dans un manche et disposées parallèlement, de telle façon que leur pointe fait saillie de 1 ou 2 millimètres tout au plus. Les incisions peuvent être exécutées sans que jamais elles dépassent les limites nécessaires. La préoccupation qu'entraine, sous ce rapport, la direction de l'instrument se trouvant ainsi écartée, le travail est plus rapide, plus facile, et il peut être confié à toute espèce de mains.

Au lieu de laisser le suc se dessécher sur la capsule après l'incision, je le fais recueillir immédiatement.

Ce changement dans la manière d'opérer, qui, au premier abord, parait peu important, a cependant pour résultat d'économiser les deux tiers de la main-d'œuvre employée à la récolte. Lorsque je faisais faire les incisions avec un couteau à une seule lame, une seule personne suffisait pour recueillir le produit des incisions faites par deux. Il ne fallait donc qu'une heure et demie pour faire le travail qui exigeait sept heures dans l'ancien procédé.

Quant aux incisions elles-mêmes, on comprend qu'on les fait plus vite avec l'instrument à quatre lames, qu'avec un canif qui n'en a qu'une. C'est ainsi que se trouve réduit de dix heures à trois le temps concacré à la récolte, et de 458 à 137 francs, le prix de main-d'œuvre établi par M. Hardy. C'est donc un bénéfice de 321 francs par hectare, à ajouter à celui de 167 francs que ferait réaliser la culture du pavot en Algérie en suivant le procédé de récolte des Orientaux.

Mes essais n'ont été répétés ni sur une assez grande échelle, ni pendant un assez grand nombre d'années, pour que je puisse donner un compte exact des dépenses et des produits de cette culture en France; cependant on pourra s'en faire une idée assez juste en considérant que la récolte de la graine étant conservée intacte, elle couvre tous les frais de culture, le prix de la ferme, etc. C'est un fait acquis par une longue expérience. Le produit de l'opium

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