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LES MÉMOIRES

DE

FERY DE GUYON.

CHAPITRE PREMIER.

De la venue du duc Charles de Bourbon à Besançon, et comme il fut fait lieutenant de l'Empereur Charles V, en ses armées d'Italie.

L'an mil cinq cens et vingt trois, Fery de Guyon, natif du conté de Bourgoigne', âgé de seize ans, partit avec le seigneur de l'Estoille, que lors il servoit de page, prenant leur chemin vers la cité de Besançon, où s'estoit retiré du royaume de France, le preux et vertueux chevalier Monsieur Charles duc de Bourbon, en laquelle cité il fut receu en très-grand honneur, principalement du seigneur

La Franche-Comté, apanage de Marguerite d'Autriche, gouvernante générale des Pays-Bas, qui portait alors le titre de comtesse de Bourgogne et de Charolois, avait été déclarée neutre par le traité signé à Saint-Jean-de-Lône, le 28 août 1512 et renouvelé le 8 août 1522.

2 Le connétable parvint à Besançon, vers le milieu de septembre 1523.

Danssier', qui lors gouvernoit ladite ville; car il l'assista, et le logea en sa maison tant et si longuement que plusieurs gentils-hommes dudit royaume le vindrent illec trouver, si comme le conte de Poinctieure, les sieurs de Leursy', de Lullière, de Pomperant et autres plusieurs, qui laisserent leurs

1 Simon Gauthiot, sieur d'Arcier et d'Usie, était co-gouverneur de Besançon en 1515 et vivait encore en 1547; il s'attacha à la personne du connétable, qu'il suivit en Italie et au siége de Rome, où, comme on sait, le prince trouva la mort; il rapporta son cœur à Besançon et le déposa dans l'église cathédrale de Saint-Étienne. Il est à observer que les gouverneurs formaient la municipalité de Besançon : « la forme de sa republique est « populaire, parceque au premier magistrat et au choix d'iceluy, «< sont admis tous citoïens repartis en sept bannières, de quelque qualité qu'ilz soient. Et par iceux distribués en leurs bannières « et paroisses, sont choisis quatre d'une chascune bannière, qui << font vingt-huict; et par lesquelz sont esleus quatorze citoïens, qui y sont appellés gouverneurs, qui gouvernent, cette année, « toute la republique. » Loys Gollut, Mémoires historiques de la république séquanoise, publiés en 1592. Nouvelle édition, par Aug Javel, à Arbois, 1846, in-8°, p. 66 et 1596.

"

2 Jean de Brosse se fit pardonner la rébellion de son père, le comte de Penthièvre, en épousant la maîtresse du roi, Anne de Pisseleu; il fut créé, à cette occasion, chevalier de l'ordre, duc d'Étampes et obtint en outre le gouvernement de Bretagne. Tavannes, Mémoires. Sismondi, hist. des Franç., XI, 331, XII, 129. 3 Lurcy. Gollut.

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<< Son premier voyage fut en la maison du sieur de Lalliere, << vieil gentilhome duquel le nepveu étoit de la partie. » Ib.

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5 Le sieur de Pomperant avait accompagné le connétable : puis passat en la maison de Pomperant, en après au Puy en « Auvergne.... puis à Nanty, où le sieur de Pomperant fut reco<< gneü par une vieille dame vefve, qui lui demandat s'il estoit « du nombre de ceux qui havoient faicts les fols, avec Bourbon. « Et comme tost après l'on entendit que le prevost de l'hostel << estoit à demie lieue de là, il sortit incontinent après soupé et << feit encore dix lieues jusques en un village égaré dedans les « montagnes, où il séjournat un jour. » Ib.

femmes, enfans, parens et amys, pour suivre leur bon seigneur et maistre.

Or ledit sieur duc avoit laissé en certaines siennes places, capitaines et garnisons, afin de garder et tenir bon pour un mois, ou quarante jours; car il avoit fait preparer auparavant partir de France, douze à quinze mil allemands '.

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Si avoit la pluspart du conté de Bourgoigne à son commandement; mesme la plus grande partie de la noblesse marcha en armes jusqu'à Leure, où la monstre fut faite, attendant son secours d'Allemaigne.

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En ce temps vindrent nouvelles comme ses places s'estoient rendües és mains du roy de France, qui fut grand desplaisir, car il estoit apparent de faire de grands exploits.

Il print donc congé de son assemblée, et se mit en chemin à petite compagnie au travers d'Allemaigne pour aller en Italie, où il trouva le seigneur Prosper Colomne*, lieutenant general pour l'Empe

1

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...

. Luy mesme jetteroit une armée en campagne, qu'il feroit «< de 12,000 allemands, que le sieur de la Motte des Noyers avoit

« faict lever par les comtes Guilleaume de Furstemberg et Fælix « de Werdenberg. » Ib.

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2 « Pendant tout le temps de son séjour en l'abbaye (de Lure), «< il fit une belle compagnie de gentilshomes de Bourgongne, lesquels il voulut mener après les Allemans, lesquels estoient « devant Coiffy. » Ib., note p. 1570. La noblesse bourguignonne restait attachée aux descendants de ses anciens souverains et on la voit les servir fidèlement jusqu'à la réunion définitive de la Franche-Comté à la France.

3 Novembre 1523.

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Prosper Colonna, généralissime de la ligue et l'un des meilleurs oficiers de Charles-Quint, était chargé de la défense de l'Italie contre François Ier. Brantôme, t. 1, p. 36, éd. du Panthéon.

reur, accompaigné de Charles de Lannoy, vice roy de Naples', le marquis Pescara, don Inigo de Moncada, le seigneur Aleron*, Jean d'Urbin', le marquis del Guasto, don Fernand de Gonzaga', et plusieurs autres sieurs et capitaines, desquels il fut receu moult honorablement.

Peu de temps apres mondit seigneur duc de Bour

1 Charles de Lannoy Maingoval, seigneur de Senzeille, appartient à la famille belge de ce nom; né à Valenciennes, vers 1470, il se distingua d'abord dans les tournois et fit ses premières armes en Italie, sous l'empereur Maximilien. Il reçut le collier de la Toison d'or en 1516; il était gouverneur du Tournaisis, quand il fut envoyé en Italie; l'Empereur lui confia la vice royauté de Naples en 1522; l'année suivante, il succéda à Prosper Colonna, dans le commandement de l'armée impériale; on sait la part glorieuse qu'il prit à la bataille de Pavie; l'Empereur le tenait en haute estime et le créa prince de Sulmona. Il mourut de la peste, à Aversa, le 6 novembre 1527.

2 Alphonse d'Avalos, marquis de Pescara, autre général trèsdistingué de l'armée impériale, mort à Milan, le 30 novem

bre 1525.

3 Hugues de Moncade successeur du prince de Sulmona à la vice royauté de Naples, périt, le 28 mai 1528, en vue de cette ville, dans un combat naval. V. ci-après, chap. x.

4 Alarcon ou Alarçon, brave capitaine espagnol, s'était déjà particulièrement distingué à la bataille de Ravenne en 1512. Il eut la chance singulière d'être préposé à la garde de François Ier durant toute sa captivité et à celle du pape Clément VII, après la prise de Rome et la capitulation du 6 juin 1527. Brantôme, t. I p. 42.

5 « Jouan Orbina qui a esté un brave soldat et grand capitaine << pour l'infanterie, soubs ce grand marquis de Pescayre et fut « son favori. » Ibid., p. 89. Il fut tué au siége de Spelle, en août 1529.

6 Alphonse d'Avalos, marquis del Guasto, cousin du marquis de Pescara, fut l'un des plus braves et des plus habiles généraux de Charles-Quint. Ibid., p. 52.

7 Ferdinand de Gonzague, marquis de Mantoue, servit successivement l'Empereur et son fils, Philippe II. Ib., p. 65.

bon fut esleu lieutenant general pour l'Empereur, et comme le noble prince eust prins congé à Leure 1, et fait ses remercimens à la gendarmerie du conté de Bourgoigne, chacun se retira en sa maison. Monsieur de l'Estoille, mon maistre, beau frere à monsieur d'Auchiere 2, fut presenté à mondit seigneur duc, lequel l'accepta pour gentil-homme de sa maison, luy ordonna qu'il le vint trouver en Italie, ce qu'il fit bientost apres, et nous partismes de l'Estoille avec un autre seigneur, nommé monsieur de l'Ar*, et chevauchames tant que nous arrivames en Lombardie.

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CHAPITRE II.

Comme le duc de Bourbon se trouva dans Milan assiegé des François et Venitiens.

Nous trouvames que le bon duc estoit assiegé dedans Milan par les François et Venitiens, lesquels par succession de temps leverent le siege, et se retirerent à grande perte et deshonneur; car journellement il se faisoit des grosses escarmouches, et sail

1 Lure.

2 Probablement le sieur d'Arcier.

3 Le château de l'Étoile appartenait en 1387 à Guy de Vienne, seigneur de Ruffey et de Chevroz, mais il paraît qu'il était sorti de cette illustre maison à l'époque où commencent ces mémoires. Gollut, p. 870.

* Peut-être l'auteur veut-il désigner Louis d'Ars, « qu'aucuns « voulurent soupçonner d'être trop ami et plus qu'il ne le debvoit, « de feu monsieur de Bourbon. » Brantôme, 1, p. 207.

5 Prosper Colonna mourut, le 30 décembre 1523, à Milan, où Charles de Lannoy et Pescara entrèrent le même jour; le connétable y arriva peu après, à la tête de 6,000 landsknechts.

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