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raille, là où beaucoup de gens de bien furent mis à mort, et ceux qui se penserent sauver en Rome, furent coupez des Italiens et mis en pieces.

Ayant ainsi gaigné ledit fauxbourg ce n'estoit pas le principal, car il falloit gaigner Rome, où s'estoit retiré le pape dans le chasteau de Saint-Ange, avec plusieurs cardinaux, archevesques, evesques et autres, plusieurs marchands, bancquiers et capitaines, dont le sieur Ransse qui estoit lieutenant du pape en estoit.

Les affaires se trouvant en tel estat, fut conclud ledit jour d'eslire le prince d'Orange, âgé de 23 ans, pour general, lequel incontinent r'assembla le plus de gens qu'il peut, et les conduit avec Jean d'Vrbin 2 et autres capitaines, hors dudit bourg Saint-Pierre, tirant vers Ponte Sixte', afin de gaigner ledit pont pour entrer dedans la ville : ledit pont estoit remparé de tonneaux plains de terre; si avoit de l'artillerie, et plusieurs gens de guerre qui resisterent tant qu'ils peurent mais la fureur dudit prince et de ses soldats fut si grande, qu'environ les quatre heures du soir, l'on leur fit abandonner ledit pont, où ils per

1 Renzo de Ceri de la maison Orsini, s'était acquis une certaine réputation militaire au siége de Crême, mais elle diminuait chaque jour et dans cette circonstance ses talents ne répondirent pas à la confiance du pape Clément VII. Martin du Bellay partageait avec Renzo de Ceri le soin de défendre Rome.

2 Juan d'Orbina, ou Orbina suivant Brantôme. T. 1, p. 89. 3 Ponte Sisto.

4 Les Italiens, aux ordres de Louis de Gonzague, surnommé Rodomont, à cause de sa vaillance et de la terreur qu'il inspirait, franchirent le mur qui traverse la vigne du Janicule, ils en chassèrent les soldats du pape et traversèrent hardiment le Ponte Sisto. Jacq. Buonaparte, 204.

dirent leur artillerie, et beaucoup de leurs gens, si qu'à grande fureur l'on entra dedans Rome : mais bien peu y entrerent cette nuit-là, parce que la plus grande part de nos gens n'en sçeurent rien jusques au matin, que nous estions las et recrans.

Le pape estant dans son chasteau fut bien esbahy quand il vit ses ennemis dedans la ville, et luy et son chasteau incontinent assiegé, de sorte qu'il n'en pouvoit sortir'.

Le camp de la ligue fut aussi bien estonné, quand il fut adverty que la ville estoit prinse et saccagée; neantmoins il ne laissa de faire tous devoirs pour secourir le pape, et vint proche de Rome; mais incontinent par ordonnance de mondit seigneur prince, les Espagnols allerent camper hors de la ville, tenans de sorte, que rien ne pouvoit entrer ny sortir sans estre prins. Ledit prince estoit logé au palais de Saint-Pierre, lequel estoit jour et nuit avec les Espagnols, leur promettant de vivre et mourir avec eux.

L'armée de la ligue estant advertie du bon ordre que l'on tenoit dedans Rome*, ne s'osa approcher, ny donner secours à Sa Sainteté; ains fut contrainte se

1 Le pape était en prières au Vatican; dès que les cris des vainqueurs lui annoncèrent la prise de la ville, il s'enfuit au château Saint-Ange, où il fut bientôt assiégé par Philippe Serbelloni et l'espagnol Mendanez. F. Guicciardini, t. 11, 1. xvi, P. Jove, vita del card. Colonna.

2 L'armée de la ligue se composait de troupes commandées par le duc d'Urbin, le marquis de Saluces et le comte Guido Rangoni. 5 Le prince d'Orange, général en chef de l'armée impériale, depuis la mort du connétable de Bourbon.

4 L'auteur parle des dispositions prises par les impériaux pour garder leur conquête, quant à la ville, elle était livrée aux horreurs du plus affreux pillage. Jacq. Buonaparte, 206 et suiv.

retirer à grande perte et deshonneur'. Ce que voyant le pape, lequel desiroit d'estre mis en liberté, vint à parlementer par aucuns de ses gens, duquel parlement ledit prince fut adverty, estant au disner, par son mareschal des logis, et incontinent sortit de table, courant par belle vedere droit aux tranchées, monté sur une petite haquenée baye, de laquelle il descendit pour passer un huys tenant aux tranchées, aussi pour ce que l'on tiroit force arquebusades du chasteau; car c'estoit un faux parlement, et comme ledit prince courroit du long desdites tranchées, un boulet venant dudit chasteau, luy frappa dessous l'œil, passa au travers de la teste, dont il tomba par terre, neantmoins il fut relevé par plusieurs gentilshommes de sa maison et de celle de monsieur de Bourbon, lesquels l'avoient suivy, et fut r'emporté audit palais.

Et comme ce prince estoit de grand courage, il endura tous les martyres du monde des medecins et chirurgiens nommez maistre George et maistre Eustache, lesquels avoient esté à monsieur de Bourbon. Il fut pensé et soigné en sorte qu'il commença à refaire, et estant adverty que le camp de la ligue s'estoit retiré, fit semblablement retirer tous ses gens de guerre dedans Rome', là où les quartiers furent faits, et ledit prince logé en un palais au bout de la place Navonne.

En ce temps il y eut grande mutination et que

1 L'armée de la ligue ne fit aucune tentative sérieuse contre les impériaux; elle se retira à Mont-Crosi, le 1er juin. Guicciardini.

2 Le lecteur sera icy advisé que l'Empereur Charles, prince tres-pieux, ayant receu nouvelles de la prinse et saccagement de

relle entre les Espaignols et Allemands, qui en vindrent à tels termes, qu'ils se presenterent bataille les uns contre les autres en ladite place, et fut amenée artillerie par les Allemands, prests à donner bataille, n'eust esté le remede qui y fut promptement mis par les sieurs et capitaines et general; mesme y eut grande occision des deux costez. Cela appaisé, le prince s'alla loger au palais de Saint-Marc, le plus beau lieu et palais qui soit en la ville.

Or le pape s'estoit accordé avec ledit prince' pour une somme de deniers, pour luy et tous ceux qui

la ville de Rome par les gens de son lieutenant le duc de Bourbon, tant s'en faut qu'il s'en esioüit, qu'au contraire, il en eut tel marissement qu'il en fut veu pleurer de deplaisir, toute sa cour en faire dueil, et luy en venir jusques là, que de se revestir de cilice et de haire, demandant pardon à Dieu de la faute dudit duc, et de excez qui pourroient avoir esté commis audit saccagement au dehors de son intention et de ses ordres.

(Note de P. de Cambry.)

Charles-Quint déclina en effet la responsabilité des excès commis en son nom; il fit suspendre les fêtes ordonnées pour la naissance de son fils Philippe. il prescrivit des prières pour la liberté du pape et adressa aux autres souverains des protestations contre les atrocités commises par son armée; mais comment croire à la sincérité de ses paroles et de ses démonstrations, en présence des dures conditions imposées au pape?

1 Par la capitulation signée le 6 juin, le pape s'engageait à payer à l'armée 400,000 ducats; il devait rester prisonnier, au château Saint-Ange, jusqu'à l'entier payement de cette somme. Il s'engageait à livrer aux troupes impériales les villes de Parme, Plaisance et Modène et à recevoir garnison dans les châteaux d'Ostie, de Civita-Castellana, Saint-Ange et Civita-Vecchia. Enfin il promettait d'absoudre les Colonne des censures ecclésiastiques et de livrer des otages pour sûreté de l'exécution de ses engagements. A la suite de ce traité, le capitaine Alarçon occupa le château Saint-Ange, avec six compagnies espagnoles, et prit le pape sous sa garde.

estoient dedans ledit chasteau assiegez avec luy, laquelle somme il avoit promis aux Allemands et autres nations, pour furnir à ce qu'il leur estoit deu, et ainsi menoit le pape ledit prince, et ledit prince son armée de sorte qu'apres plusieurs guemeines tenues', et que tant de fois on leur avoit failly, conclurent d'apprehender ledit prince jusques à avoir fin et payement de leur deu, et par une belle matinée vindrent enclorre de tous costez ledit palais de SaintMarc, où estoit logé ledit prince: mais il avoit esté adverty des capitaines Tamisses', et s'estoit retiré avant leur venuë; toutesfois ils ne laisserent pas de piller et saccager tout le bien qu'ils trouverent dedans le palais.

Ledit prince fut contraint d'abandonner Rome et ledit camp, craignant leur fureur. Il se retira par les maisons des Colonnois jusques à Viterbe; de là vint à Sienne, là où il demeura tant et si longuement

1 On appelait gemeine ou guemine, la juridiction spéciale à laquelle étaient soumises les troupes allemandes: mais les gemeines étaient des assemblées des militaires : « Nulles assem« blées ou ghemeines ne se feront par les capitaines, officiers ou « soldats, soit par tambourin, traits de hacquebouse, criz ou «< autre enseignement et praticque, pour quelque chose que ce soit, sans le sceu et commandement du couronel, sous peine de « la vye. » Arch. de l'audience, no 1113. Articles de guerre que les souldars walons debvront jurer d'observer... 3 janvier 1566. V. notre Étude historique sur les tribunaux militaires en Belgique.

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2 De Themseke, dit Thamise, gentilhomme belge; des lettres patentes signées de la reine de Hongrie, le 19 novembre 1537, chargent le colonel Tamise de lever 4,000 allemands. Arch. de l'audience, no 1259. Ce même colonel Tamise commandait les lansknechts qui accompagnèrent Charles-Quint à Gand, en 1540.

5 Les partisans des Colonne et de l'Empereur; le marquis del Guasto et don Inigo de Moncada avaient aussi été forcés de s'enfuir pour, échapper à la fureur de leurs troupes.

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