Images de page
PDF
ePub

DE MÉDECINE,

DE CHIRURGIE ET DE PHARMACOLOGIE,

PUBLIÉ

Par la Société Royale des Sciences médicales et naturelles
de Bruxelles,

SOUS LA DIRECTION D'UN COMITÉ

COMPOSÉ DE

MM. VAN DEN CORPUT, D.-M., Rédacteur principal, Secrétaire de la Société,
Médecin à l'hôpital Saint-Jean de Bruxelles, Membre de plusieurs Académies
et Sociétés savantes régnicoles et étrangères, etc.

CROCQ, D.-M., Professeur à l'Université, Médecin à l'hôpital Saint-Pierre de
Bruxelles, Membre titulaire de l'Académie royale de médecine de Belgique, etc.
JANSSENS, D.-M., médecin de l'Administration communale de Bruxelles,
Secrétaire de la Commission de Statistique du Brabant, Membre de plusieurs
Académies et Sociétés savantes régnicoles et étrangères.

L. MARTIN, D.-M., Président de la Société, Secrétaire de la Commission médi-
cale locale, etc.

RIEKEN, D.-M., ancien Médecin de S. M. Léopold Ier, Membre honoraire de
l'Académie royale de médecine de Belgique et de plusieurs Académies et
Sociétés savantes régnicoles et étrangères.

[blocks in formation]

LIBRAIRIE MÉDICALE DE HENRI MANCEAUX,

Imprimeur de l'Académie royale de médecine, Libraire de la Faculté de médecine, etc.,

20, Rue de l'Étuve, 20.

-

1866

BIBLIOTHEQUE

DE L'UNIVERSITÉ

DE GAND.

JOURNAL

DE MÉDECINE.

(JUILLET 1866.)

I. MÉMOIRES ET OBSERVATIONS.

RELATION DE L'ÉPIDÉMIE DE CHOLERA QUI A RÉGNÉ DANS LE BOURG DE CONIE EN 1865; par le docteur L. A. RAIMBERT, médecin des épidémies, membre correspondant de la Société, à Châteaudun (Eure-et-Loire).

Situation; population; hygiène ; état sanitaire.—Le bourg de Conie est situé par le 0°,99' de longitude occidentale et le 68°,46' de latitude septentrionale. Il occupe le sommet et le versant d'un côteau, tourné vers le N.-O., qui domine la petite rivière de la Conie. Son étendue du S.-O. au N.-E. est de 800 à 1,000 mètres de longueur et de 3 à 400 mètres de largeur. La rue principale est située sur le plateau à 131 mètres au-dessus du niveau de la mer, et à 16 mètres au-dessus de celui de la rivière. De chaque extrémité de cette rue principale partent trois autres rues qui descendent vers la rivière en contournant la base du côteau où elles se réunissent et se confondent.

Les bords de la rivière sont formés d'un sol tourbeux plus ou moins marécageux sur lequel poussent en abondance le carex paludosa et l'arundo phragmites.

La population du bourg de Conie est de 250 à 300 habitants. Cette population est en général peu aisée et adonnée aux travaux des champs et à la culture maraichère.

Son hygiène ne diffère en rien de celle des localités voisines; le pain bis, la viande de porc salé, mais surtout les légumes et le fromage forment la base de son alimention.

Les maisons de Conie sont en général basses, couvertes en tuile ou en roseaux. Les pièces en sont peu nombreuses et peu spacieuses; elles ne reçoivent l'air et la lumière que par une petite fenêtre rarement ouverte. Mais la pièce principale est le plus souvent éclairée par la porte divisée transversalement en deux parties égales dont la partie supérieure demeure ouverte ou fermée selon le besoin d'air et de lumière. Chez les plus pauvres habitants, le sol des habitations n'est pas carrelé.

Les mêmes conditions hygiéniques se rencontrent dans les hameaux voisins à Molitar, aux Noys, à Valliriville, à Vuissaine, à la Roche, à Deury, etc., qui sont tous situés au fond de la vallée sur les bords mêmes de la rivière.

Lorsque le choléra a éclaté à Conie, le 17 octobre, l'état sanitaire de ce village était excellent; cependant on y observait, comme dans les villages voisins, quelques cas de variole, de fièvre rémittente et même intermittente accompagnés de quelques troubles gastro-intestinaux. La haute température du commencement de l'automne dans un pays traversé par une rivière dont les bords sont plus ou moins marécageux rendent suffisamment compte de l'existence de ces derniers élats morbides.

Nous allons maintenant exposer sommairement les faits qui se sont succédés pendant la durée de l'épidémie en suivant leur ordre chronologique et leur filiation, nous déduirons ensuite les conséquences qui nous paraîtront en découler le plus légitimement au point de vue du mode de propagation de la maladie, de la durée de son incubation et de la diarrhée dite prémonitoire; quant aux symptômes et au traitement qui n'ont rien offert qui mérite d'être signalé, nous n'en dirons que quelques mots.

Exposition des faits. 1o Le 2 octobre 1865, une veuve Gentil, du bourg de Conie, se rend à Paris chercher un nourrisson. Le 15 elle est conduite à l'hôpital Beaujon, où sont reçus un grand nombre de cholériques; elle va dans la salle Sainte-Hélène, prendre l'enfant qu'elle doit allaiter et revient le 16 à Conie. Elle ne s'est plainte au meneur d'aucune indisposition et ses voisins. disent qu'elle était bien portante à son retour.

Le 17 dans la soirée cette femme est prise du choléra et meurt le 18 (1). 2o Eudonie Gentil, fille de la précédente, âgée de 14 ans, lui donne des soins, et lave son linge. Dans la journée du 20 elle est prise de diarrhée, dans la soirée du même jour du choléra; elle meurt le 21.

5o Alphonsine Gentil, sœur de la précédente, enfant de quatre mois allaitée par sa mère, la veuve Gentil, est aussi atteinte de la maladie le 20 au soir et succombe, le 21 dans la matinée chez la fille Huet à laquelle elle a été confiée après la mort de sa mère.

4o Ch. Cuveillier, garçon de 3 ans, autre nourrisson de la veuve Gentil, ayant depuis longtemps, au dire des voisins, une diarrhée presque continuelle, est atteint du choléra, le 20 à six heures du soir chez la femme Bretin qui l'a recueilli après la mort de sa nourrice; il meurt le même jour à dix heures.

Le 20, Bathilde Renon, âgée de 5 ans, est atteinte subitement du choléra à dix heures du soir, sans avoir eu préalablement de la diarrhée; elle succombe le lendemain matin. Cette enfant qui demeure chez ses parents à 200 mètres environ de l'habitation de la veuve Gentil, n'a pas eu, assure-t-on, de rapports directs avec les membres de cette famille; mais il n'a pu être établi si elle en avait eu d'indirects, soit avec eux, soit avec l'enfant Cuveillier qui est venu habiter à 30 mètres environ de sa demeure et y mourir.

6° La fille Lecointre, âgée de 45 ans, donne des soins à la fille Eudoxie

(1) L'enfant rapporté de Paris par cette femme est mort, du choléra probablement, mais les renseignements donnés par la femme à laquelle il a été confié, ont été si contradictoires qu'il n'est pas possible de l'affirmer.

Gentil; le 20, elle avait de la diarrhée depuis le matin; après trois heures de séjour auprès d'elle, elle est prise d'un malaise qui l'oblige à la quitter. Dans la nuit du 20 au 21 elle est prise du choléra et meurt le 23.

7° La veuve Joseph, âgée de 65 ans, succède à la fille Lecointre auprès d'Eudoxie Gentil; elle reste auprès de cette dernière jusqu'à sa mort et l'ensevelit. Dans la nuit du 21 au 22 elle est prise du choléra et meurt le 23. Cette femme avait la diarrhée depuis deux jours.

Nous noterons en passant que son fils et sa bru qui lui donnèrent des soins furent atteints de la cholérine le 25. Ils guérirent rapidement.

8o Le 21, la veuve Hermeline, âgée de 73 ans, habituellement d'une trèsmauvaise santé, sujette à la diarrhée et l'ayant depuis quinze jours, est prise de la cholérine (diarrhée caractéristique) dans la soirée et du choléra le 22. Elle meurt le 24.

D'après ses voisins, cette femme n'aurait communiqué directement avec aucun des autres cholériques. Sa demeure n'est qu'à 15 ou 20 mètres de celle de la fille Huet qui a recueilli Alphonsine Gentil, et à 200 mètres de la demeure de la veuve Gentil.

9 M. Habert, curé de la commune, âgé de 45 ans, bien portant, se prodigue auprès de ses paroissiens malades du choléra ; il les soigne, aide à les ensevelir, fait les enterrements, etc., car la terreur est au comble dans le bourg de Conie. La cholérine l'atteint le 22 au soir et le choléra le 25 au matin, il y succombe le 26.

10° Le 27, Carrougeaux, vieillard d'une mauvaise santé habituelle, est pris du choléra dans l'après-midi et meurt dans la nuit. Il n'a pas été constaté qu'il ait eu de la diarrhée avant cette attaque de choléra.

Il habite à 30 mètres environ de la fille Lecointre et de la veuve Joseph, et à 15 ou 20 mètres de la femme Bretin, qui a pris chez elle, où il est mort, l'enfant Cuveillier.

11° La femme Gentil avait cinq enfants, deux étant morts; les autres furent recueillis par l'hôpital de Châteaudun. Le 28, un de ces enfants, garçon de 8 ans, fut pris d'accidents cholériques très-prononcés que nous constatâmes avec notre collègue M. le docteur Anthoine. Il guérit.

12o Ed. Morolles, âgé de 5 ans, après un jour de diarrhée, est pris du choléra dans la nuit du 50 au 31; il guérit.

L'habitation de ses parents est contiguë à celle de la femme Bretin qui a recueilli l'enfant Cuveillier, à 15 mètres de celle de la fille Lecointre, à la porte de laquelle il allait souvent pendant qu'elle était malade, sans entrer toutefois, au dire de ses parents; enfin à 20 mètres de celle de la veuve Joseph.

13o Loriau, âgé de 28 ans, après huit jours de diarrhée est atteint du choléra dans la nuit du 5 au 4 novembre et meurt le 11.

14° Loriau, frère du précédent, âgé de 19 ans, habituellement mal portant et atteint de diarrhée depuis quarante-huit heures est pris d'une très-forte cholérine (diarrhée riziforme, vomissements), dans la soirée du 3 novembre. Il guérit.

« PrécédentContinuer »