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que celle d'auditeurs attentifs, abrités sous la chaire d'un ange gardien qui dicterait, à point nommé, ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter?... Mais hélas ! un si beau privilége est-il le nôtre?-Une minorité de penseurs sérieux élève tristement ses objections contre cette prétention. Profond est leur respect pour tout ce que contient et enseigne la conscience: Foi à l'intelligence, à Dieu, au moi, au monde extérieur, à la liberté, à l'existence du devoir, à ses caractères, à son premier principe, à la justice qui en prépare l'application, au contentement ou au remords qui en sanctionne l'observation ou la violation. Mais plus ils sont convaincus de la magnificence de ces prérogatives de la conscience, moins ils veulent en compromettre la certitude, en ajoutant maladroitement le rêve ambitieux d'une révélation absolue, identique pour tous, des plus minimes détails du devoir. L'observation de tous les jours dément, hélas! trop énergiquement cette croyance!.....

291. Montrons l'impossibilité de trouver cette révélation absolue, 1° et 2° dans la conscience inspirée spontanément, ou inspirée après réflexion; 3 dans la conscience inspirée par la charité.

292. Réfutation des opinions qui admettent la connaissance absolue de tous les objets du devoir par la conscience inspirée spontanément, ou par la conscience inspirée après réflexion. -- Ce qui fait d'abord soupçonner une exagération dans la supposition d'une infaillibilité absolue de la conscience inspirée spontanément ou inspirée après réflexion, c'est le désolant pessimisme sur lequel cette supposition est fondée.

Beaucoup d'actions mauvaises (il faut tristement le reconnaître) se commettent sur cette terre. Eh bien! si l'on croit à l'hypothèse de l'infaillibilité absolue de la conscience, il faut accepter cette conséquence vraiment désespérante, savoir: que les hommes commettent toutes ces actions par méchanceté volontaire, ou au moins par étourderie coupable; qu'aucune de ces actions ne peut être le produit de l'erreur morale.

293. Et d'abord admet-on l'infaillibilité absolue de la conscience inspirée spontanément? Il faut commencer par nier toute possibilité de la bonne foi de l'individu dans une action mauvaise. Il faut de plus nier l'existence même de l'étourderie.

par

Eh quoi! en voyant se succéder les imperfections innombrables de la conduite des nations et des ticuliers, il faut se dire, au nom d'une conviction dépourvue de charité : « Ces imperfections sont toujours des prévarications volontaires ! » - Pour glorifier la prétention de l'infaillibilité absolue, instantanée, de la conscience individuelle, il faut courber le front devant l'affirmation de la méchanceté absolue de tout homme sans exception!-Oh! que je voudrais n'y pas croire! Sans doute l'indulgence ne doit pas être aveugle. Je sais que, mise en présence des tentations, la faiblesse humaine tombe souvent dans le péché en sachant qu'elle y tombe. Mais faut-il être rigoureux jusqu'à l'accuser de n'y jamais tomber sans le savoir? Qu'on m'épargne, s'il se peut, ce flétrissant privilége! qu'on me rende l'ignorance innocente au lieu de la savante immoralité!... Il est trop cher, ce brevet de

théoricien infaillible, si vous m'imposez pour prix l'aveu d'être, à tout instant, un praticien coupable!

294. Admet-on seulement l'infaillibilité absolue de la conscience inspirée après réflexion? Alors on est un peu moins pessimiste. On fait au moins aux hommes la grâce de penser qu'à côté des prévaricateurs volontaires, il y a des étourdis; des étourdis, moins coupables que les prévaricateurs, coupables cependant, puisque, s'ils voulaient réfléchir, ils éviteraient l'erreur. Me voilà moins affligé! mais pourtant encore affligé!... Il m'est pénible de croire que, de tant d'actions et d'abstentions mauvaises dont je suis le témoin, nulle ne peut être justifiée par la bonne foi de l'agent! Eh quoi! entre la supposition de la méchanceté ou de l'étourderie, point de place à la supposition de l'erreur morale!

295. Point de place à l'erreur morale? Est-ce possible! Ne puis-je pas du moins demander grâce pour l'homme qui n'est pas en présence de l'intérêt immédiat d'une passion à satisfaire? Si vous refusez impitoyablement de croire à l'erreur dans l'action, admettez-la du moins dans la spéculation pure! Entrons dans ces cabinets de travail où Platon, Descartes, Leibnitz écrivent, pour les siècles à venir, des traités de science morale. Ces traités sont-ils en tous points concordants? Non évidemment! Donc tous, ou du moins tous moins un peut-être, (lequel?)... sont inexacts! Ainsi Platon, Descartes, Leibnitz sont des étourdis qui n'ont pas réfléchi... ou des menteurs intéressés?... Ces théories, dont l'infaillibilité de l'inspiration leur montrait les vices, ils les ont hasardées

légèrement, ou les ont inventées pour un profit personnel illicite? Si Confucius a formulé cette phrase: « Dans le doute, abstiens-toi, » et si cette phrase doit être critiquée, il faut accuser Confucius d'avoir parlé sans réfléchir? ou d'avoir prêché l'amour de la paresse, pour éviter la petite fatigue de consulter l'oracle intérieur qui ne peut se tromper? - Aristote a justifié l'esclavage: c'est par inadvertance? ou c'est par hypocrisie, pour conserver un abus favorable à ses plaisirs? L'intègre Domat a accepté la légitimité de la torture: c'est qu'il a suivi en étourdi le préjugé? ou c'est qu'il trouvait, comme Perrin Dandin, que

...

cela fait toujours passer une heure ou deux?... »

Non! mille fois non! Loin d'ici ces calomnies! Si la bonne foi ne trouve pas toujours, comme l'espérait le roi Jean, un asile dans le cœur des rois, elle a son refuge dans l'âme sereine des grands penseurs dont la devise est: Vitam impendere vero! Et, si cette bonne foi, en éclairant une part de la science morale, laisse l'ombre sur une autre, c'est que l'erreur morale consciencieuse est possible aux apôtres même les plus divins de l'humanité!

296. Au surplus, lecteur, faites une épreuve. Choisissez un siècle, une nation, une année. Placez-vous en France, en 1855. Prenez les hommes les plus

1 J'ai entendu beaucoup de partisans de l'infaillibilité absolue de la conscience, admirer, sans y penser, ce précepte. Ils devraient cependant le critiquer, puisqu'il suppose le doute possible sur une question de conscience. Pour nous, nous l'entendons comme l'entend Barbeyrac (Voir Puffendorff, Droit de la nature et des gens, liv. I, chap. 1, § 8), c'est-àdire dans ce sens qu'on doit s'abstenir jusqu'à ce qu'on ait consultė.

éclairés, les membres de tous les corps savants. Choisissez, parmi eux, vos amis les plus estimés, ceux dont la bonne foi est garantie par l'apparence d'une vie de bonnes œuvres. Ne les réunissez point en assemblée. Évitez les discussions : les discussions sont du domaine du raisonnement. Consultez tous ces hommes séparément, abandonnés au recueillement sérieux de leur inspiration. Soumettez à cette inspiration les questions suivantes que nous prenons au hasard : DROIT DE FAMILLE. 1° Quelle doit être l'étendue de la puissance paternelle?

20 Quelles doivent être la part de l'État et la part de la famille dans l'éducation de l'enfant?

3° Quelle doit être l'étendue de la puissance maritale?

4° Le divorce est-il juste?

DROIT DE FAMILLE ET DROIT PRIVÉ. 5o Quel est le meilleur régime d'association matrimoniale quant aux biens? Faut-il préférer la communauté, le régime dotal, ou la séparation de biens?

6° Quelle est la limite du droit de donner, de tester, d'exhéréder?

DROIT PRIVÉ PROPREMENT DIT. 7° Quelle est la limite qui sépare, dans les conventions commerciales, les profits exagérés et les profits modérés?

80 Un homme d'honneur peut-il parfois invoquer la prescription?

9° Que faut-il penser des lois qui donnent à l'enfant légitime, dans la succession de son père, une plus grosse part qu'à l'enfant naturel?

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