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hommes, parlant à tout instant des avertissements de leur conscience, les considèrent comme des inspirations identiques pour tous.

On appelle surtout en témoignage le sens intime individuel. On prétend qu'en s'observant bien, on se surprend, en toute occasion, invité à telle ou telle action par une attraction spontanée qu'on sent infaillible, ou détourné de telle ou telle action par une répugnance spontanée qu'on sent infaillible. Le secours de cet enseignement, dit-on, ne manque jamais. L'incorruptible conseiller est toujours là. Si sa voix n'est pas écoutée, c'est que la liberté humaine a voulu la mépriser. «< Tous les hommes voient la justice, parce « que la raison leur est commune; mais ils l'aiment « d'un amour inégal1. »

Enfin on a recours au raisonnement lui-même, pour démontrer que l'étude est insuffisante à fournir la science des applications du devoir. — On reproche à l'étude, instrument contournable à fantaisie2, pliable en tous sens, de procéder avec lenteur, d'être exposée à tous les piéges de l'erreur, de varier suivant les temps, les lieux et les divers degrés d'instruction des individus. Bien plus, «< on a observé que, dans << certains cas, nous avons de la répugnance pour «< certaines actions jugées mauvaises, et que l'esprit « nous fournit des raisons ou des sophismes pour << nous livrer à ces actions. » — On en conclut qu'on

Simon, Le Devoir, partie III, pag. 296.

• Montaigne.

3 Pascal.

-

4 Comte, Traité de législation, liv. I, chap. iv.

doit se défier de l'étude; qu'il faut croire à l'existence d'un autre critérium du bien et du mal, à une aperception plus rapide, accessible à l'ignorant comme au savant. Cette aperception est, dit-on, l'inspiration spontanée. Par elle, une voix parle en toute occasion un même langage. Sans son autorité irréfragable, qui seule peut donner à l'intelligence la sécurité, l'œuvre de Dieu serait imparfaite, et la liberté de l'homme serait abandonnée aux passions, comme la barque aux flots.

287. Arrière done, ajoute-t-on encore, l'indulgence coupable qui voudrait consacrer, dans la langue du juste et de l'injuste, les mots erreur morale, ignorance morale! On peut se tromper sur la question de fait, mais non sur le sens de la loi. Otons le masque à ce qu'on appelle erreur morale, ignorance morale! Nous trouverons sous ce masque le dol. Peuples qui déshonorez votre histoire! hommes qui déshonorez votre vie! vous faites toujours le mal par une volonté directe, ou au moins par un étourdissement complaisamment cherché.

288. Conscience inspirée après réflexion. Il y a des personnes qui se défient du premier mouvement. Des éléments mauvais, apportés par la passion, pourraient se trouver mélangés dans l'inspiration de ce premier mouvement. Il faut écarter ces nuages qui voilent l'entrée du sanctuaire. Que la conscience se recueille avant de prononcer ses oracles! Ils apparaîtront alors dans toute leur pureté. C'est le con

1. Actio deliberate producta magis libera est quam actio indeliberata. » (DARIES, Instit. jurisprud. universalis, cap. iv, § 177.)

seil que donne Barbeyrac : « Avant que de se déter«< miner à suivre les mouvements de la conscience, il <<< faut bien examiner si on a les lumières et les secours << nécessaires pour juger de la chose dont il s'agit. —

Supposé qu'en général on ne soit pas destitué de «< ces lumières et de ces secours, il faut voir si l'on <«<< en a fait usage actuellement dans le cas dont il <<< s'agit 1. >>

289. Conscience éclairée par la charité. — - Pour rendre plus sûre l'inspiration spontanée ou réfléchie, on propose de l'appuyer sur l'adjonction d'une certaine satisfaction de la sensibilité.

Chercher le juste dans un prétendu équilibre de toutes les sensibilités respectives, daus le contre-poids des fantaisies opposées aux fantaisies, ce serait (nous l'avons constaté ci-dessus, (nos 45 et 46), mettre les passions elles-mêmes à la place de leurs règles, l'égoïsme tout entier à la place du frein qni doit le réprimer. Mais si, à côté des impressions de cet égoïsme, il se présente une impression toute contraire, l'impression d'un bonheur qui consiste à préférer autrui à nous-mêmes, ne sera-t-elle pas l'antagoniste naturel de l'ennemi qu'il s'agit de combattre? Ne suffira-t-il pas de la volupté pure apportée par elle, pour signaler à l'intelligence la conciliation cherchée entre l'amour de soi et l'amour du prochain?

On le prétend. Et l'on propose à l'intelligence, au nom de la sensibilité, pour direction de la conscience

1 Voir Puffendorff, Droit de la nature et des gens, liv. I, chap. 1, § 5. Voir, dans le même sens, M. Bénard, Précis de philosophie (Morale, chap. III, art. 2).

dans les détails de la vie, l'impression bienveillante appelée charité ou plaisir d'aimer.

Tout d'abord, la charité proposée pour guide à la conscience plaît et rassure. Eh quoi! Il y aurait identité du mouvement du cœur, et de la lumière de l'esprit! Heureuse simplification de l'épreuve imposée à l'homme! La règle de la vie serait dans cette douce proposition: « Agir conformément au devoir, c'est

agir de manière à satisfaire le plaisir d'aimer? »— Cette formule paraît contenue dans des propositions adoptées déjà par l'antiquité. Cicéron avait deviné l'Evangile en écrivant cette phrase trop peu remarquée « Natura propensi sumus ad diligendos homines; quod fundamentum juris est1. » — - Une voix bien autrement puissante que celle de l'orateur romain n'a-t-elle pas dit: Aimez-vous les uns les autres! Exercer un acte de bienfaisance, s'exprime ainsi en hébreu : faire justice.. Saint Grégoire ap

pelle l'œuvre de miséricorde devoir de justice. Domat arrive à dire que « les premiers principes du « droit parlent à la fois et à l'esprit et au cœur. >>

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294. Pessimisme moins complet de l'opinion qui admet la connaissance absolue de tous les objets du devoir par la conscience inspirée après réflexion.- Attribution de tout mal commis à la mauvaise volonté ou à l'étourderie de l'agent. Négation de la possibilité de l'erreur morale. 295. Réclamation de la charité contre ces deux pessimismes. 296. Épreuve proposée au lecteur pour apprécier la négation de la possibilité de l'erreur morale.

297. Rejet des opinions qui placent la connaissance absolue de tous les objets du devoir dans la conscience inspirée spon

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290. Plût au ciel que l'existence d'un organe fournissant à tous les instants, soit immédiatement, soit après un peu de réflexion, ou avec le concours de la charité, la distinction absolue des applications du bien et du mal, fùt un phénomène bien constaté! Pourrions-nous souhaiter une condition plus désirable

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