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résultat fâcheux! Puffendorff est tombé dans cette erreur, qu'on n'a point remarquée! Voyez un homme qui songe au mal! Le temps qui lui était donné par la Divinité pour être utile à l'ensemble de la création, il le perd à chercher les moyens de nuire. Par cela même il corrompt, il commence à briser en lui un des instruments du bonheur de tous. Il nuit donc. « Injuriam qui facturus est, jam facit1. » 261. Diverses espèces d'imputabilité. On peut concevoir et exécuter seul, par soi-même, une pensée bonne ou mauvaise. On peut la concevoir par soi-même et la faire exécuter par un autre, dont on obtient la coopération par présents ou par conseil, par la confiance ou par la crainte qu'on lui inspire, par la récompense qu'on lui promet, en un mot par toute influence qu'on exerce sur ses déterminations 2. -On peut aider autrui à exécuter une action bonne ou mauvaise, en lui fournissant des moyens, avant, pendant ou après l'exécution.- L'imputabilité existe dans ces divers cas où l'on a produit le dommage par une intervention plus ou moins directe.

262. Mais y a-t-il imputabilité de la simple abstention? Quand, pouvant produire un bien, on se garde d'user de ce pouvoir? Ou quand, pouvant empêcher un mal, on ne s'en donne pas la peine? - Un enfant de

1 Senec. C'était aussi l'avis de Périandre, un des sept sages de la Grèce. Diog. Laert., lib. I, 98.

2 << Is damnum dat qui jubet dare. » (PAUL, fr. 169, Dig., De reg. juris, lib. L, tit. xvi).

<< Mandator cædis pro homicida habetur.» (ULPIEN, fr. 15, Dig., Ad leg. Corneliam de Sicariis, lib. XLVIII, tit. viu).

deux ans, jouant avec une bougie allumée, va incendier une meule de grains. Je puis éteindre dans sa main cette bougie, je ne le fais pas. Suis-je coupable du préjudice résultant de l'incendie? N'en doutons pas, sur la foi de Salvien: « In cujus enim manu est ut pro« hibeat, jubet agi si non prohibet admitti 1; » de saint Augustin : « Qui desinit obviare, quum potest, con« sentit ; » de Brutus : « Alienæ culpæ me reum fa« cies... si provideri potui ne existeret3. »

263. Conditions de l'imputabilité. Pour imputer à un être un fait comme son œuvre, il ne suffit pas que cet être soit, de sa nature, intelligent et libre. Il faut qu'il ait été intelligent et libre spécialement au moment où il a commis le fait.

264. Point d'imputabilité si l'intelligence manque à la liberté soit dans l'enfant très jeune dont le discernement n'est pas formé, soit dans le fou que le discernement a abandonné.

265. Point d'imputabilité, non plus, si la liberté d'action' manque à l'intelligence par l'effet de la contrainte physique.-Jeté par des malfaiteurs du haut d'une fenêtre, je vous blesse en tombant... Je ne suis pas l'auteur de cette blessure: vous n'avez pas contre moi plus d'indignation que contre la balle de plomb qui vous frapperait. Si j'écrase en tombant

De gubern. Dei, lib. VII.

2 Comm. de saint Augustin sur le psaume LXXXI. caus. XXIII, quest. III, can. xi.

3 Epist. ad Brut., IV.

Droit canonique,

4 Nous ne parlons pas de la liberté métaphysique, inaccessible dans son sanctuaire.

ainsi un brigand aposté dans la rue et prêt à vous frapper de son poignard... je ne suis point l'auteur de votre salut: vous ne me devez pas plus de remercîments qu'à l'apoplexie qui l'eût foudroyé tout à coup1. La contrainte physique que m'ont fait subir les malfaiteurs en me précipitant, ne laisse place pour moi ni à blâme ni à éloge.

266. Les mêmes observations s'appliquent à l'erreur de fait.—OEdipe n'est ni parricide ni incestueux quand, sans le savoir et sans le vouloir, il tue son père et épouse sa mère. A l'inverse, le séducteur mystifié, représenté au théâtre, qui croit enlever la femme d'autrui et qui enlève la sienne, n'en est pas moins un ravisseur.-Pour détruire ainsi l'imputabilité d'un mal produit, l'erreur doit être invincible. << Il << n'est pas nécessaire que, dans le temps de la dé<< termination ou de l'action, l'homme en ait prévu «<les suites bonnes ou mauvaises, ou qu'après les <<< avoir considérées à loisir, il les ait pesées. Il suffit qu'il ait pu faire toutes ces choses 1. » Il est responsable quand il a pu connaître ce qui pouvait << l'empêcher de se tromper *. »

«

5

267. Le résultat produit par le défaut de discer

Celui qui, caché pour éviter un ennemi, trahit sa présence en éter« nuant, « sera, à la vérité, affligé d'avoir éternué; cependant il ne pourra ⚫ pas s'en repentir. »

a

(Principes du droit naturel, traduits de l'allemand de Claproth.) 2 « Quis nomen unquam sceleris errori addidit? » (SENEC.)

3 « Si quis cum uxore sua tanquam aliena concumbat, adulter erit, quamvis illa adultera non sit. »

(SENEC.)

4 Pestel, Fundamenta justitiæ naturalis, traduit du latin sur la deuxième édition (partie II, sect. vII, no 284).

5 Id., ibid., no 287.

nement, par la contrainte physique et par l'erreur de fait invincible, prend, par opposition au dol et à la faute, le nom de cas fortuit ou force majeure.

268. Le bien ou le mal qu'on fait sous l'empire d'une contrainte morale est-il imputable? -- La question est mal posée. Il faut demander si ce qui est bien ou mal quand on le fait librement, est bien ou mal quand on le fait sous l'empire de la contrainte morale. — La science du devoir pourra seule répondre à cette question très compliquée, qui porte sur l'objet même du devoir, et non sur l'imputabilité. Nous la traiterons plus loin.

Autre question. L'erreur de droit, c'est-à-dire l'insuffisance de lumières sur la moralité ou l'immoralité d'un fait, détruit-elle l'imputabilité? Par exemple, que faut-il penser d'un seigneur franc d'autrefois, soumettant, par confiance en Dieu, un accusé à l'épreuve de l'eau bouillante ou du duel judiciaire? Absoudra-t-on son erreur de juge par son erreur de théologien?

Cette question ne peut être résolue qu'après une autre préjudicielle : c'est celle de savoir si l'erreur de droit, par insuffisance de lumières, est possible; s'il peut arriver qu'un homme, par ignorance, croie à la moralité d'un acte immoral, ou à l'immoralité d'un acte moral. - C'est dans le livre suivant, en recherchant si la connaissance de tous les objets du devoir est donnée par la conscience d'une manière absolue ou d'une manière relative, que nous examinerons cette question importante. Si elle doit être résolue par l'affirmative, l'erreur de droit, aussi

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269. Le mérite et le démérite ont des degrés. Ces degrés se mesurent: 1o d'après la nature des faits; 2o d'après leur multiplicité; 3° d'après la sensibilité de l'agent; 4o d'après son éducation; 5o faut-il ajouter: d'après le mobile de l'action1?

270. Mesure du mérite ou du démérite d'après la nature du fait. — N'en déplaise à Dracon, tous les faits immoraux ne sont pas égaux. Se venger de son ennemi en le mystifiant est moins mal que s'en venger en le tuant. — De même, tous les faits moraux ne sont pas de la même valeur. Donner aux pauvres

Comp. Saturninus, fr. 16, § 1, Dig., De pœnis (lib. XLVIII, tit. 19):
Sed hæc genera consideranda sunt septem modis, causis, persona, loco,

a tempore, qualitate, quantitate et eventu. >>

« Le rabbin Moïse veut que l'on considère la grandeur du péché, le « nombre des péchés semblables qu'on a commis, le degré du désir et la « facilité de l'action. »>>

(GROTIUS, De jure belli et pacis, liv. II, chap. 20.) ·

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