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1483.

Vieughels del

A quel âg Charles VIII monta fur le Trône.

C.N.Cochin fculp·

"Entrée de Charles VIII dans la ville de Naples apres la conqueste de ce Royaume.

HISTOIRE

DE

FRANCE

CHARLES VIII.

Belcarius,

'EXPERIENCE des les VIII. & bien des raisons donnoient quatre derniers re- lieu à cette crainte. Ce Prince n'é- 1483, gnes, dont les com- toit qu'au commencement de fa qua- Naudé. Addimencemensavoient torziéme année, d'une complexion tions à l' ft. efté si funeftes à la très-foible, qui faifoit déja penfer à de Louis XI. France par les guer- fon fucceffeur ; il eftoit mal fait, & lib 4. res civiles & par les extrêmement laid, quoiqu'il paruft Gaguin, guerres étrangeres, du feu dans fes yeux qui marquoit de devoit lui faire apprehender le même la vivacité, mais ne fuppléoit pas à malheur à l'entrée de celui de Char- ce qui lui manquoit de cet air noble,

હૈ

1483. Son pea a'on verture pour

les affaires.

troubles.

doux & agréable, dont l'effet eft de prévenir les peuples en faveur d'un jeune Prince. La maniere dont on l'avoit élevé, ne lui avoit donné aucune ouverture pour les affaires, & le Roy fon pere, fuivant fon genie foupçonneux, avoit fait défenfe à ceux qui avoient foin de fon éducation, de lui en laiffer prendre aucune connoiffance..

Difpofition à Plus fon prédeceffeur avoit efté de nouveaux craint, plus il y avoit à craindre pour lui. La contrainte où les Grands & le peuple s'eftoient trouvez depuis plufieurs années, eftoit une grande difpofition à les faire foulever contre leur nouveau maistre, fous pretexte de fecoüer un joug qui leur avoit femblé fi dur..

Perils de la part des Etrangers.

Les Princes voifins, que la feule idée qu'ils avoient de l'habileté & de la vigilance du feuRoi tenoit en refpect, libres de ce frein de leur ambition ou de leur vengeance, ne pouvoient manquer de fe prévaloir de la conjoncture. L'Archiduc n'avoit fouffert qu'avec le dernier chagrin, qu'on lui enlevaft fa fille avec les Comtez de Bourgogne & d'Artois. Le Roy & la Reine de Caftille n'attendoient que l'occafion favorable de fe remettre en poffeffion du Rouillon & de la Cerdaigne, furquoi il y avoit depuis long-tems conteftation entre les deux Couronnes.

Quoique la chofe n'euft pas encore efté jufqu'à la rupture avec le Duc de Bretagne, on devoit le regarder comme un ennemi très-envenimé, que la feule impuiflance de nuire à la France avoit retenu fous le précedent regne. Il eftoit pen à craindre par lui-même; mais il pouvoit devenir très-redoutable s'il eftoit fouftenu des Anglois, avec qui il entretenoit toûjours de fecrettes pratiques. Ceux-ci occupez de la guerre civile allumée au fu jet de Richard Duc de Gloceftre, qui

avoit envahi la Couronne fur les en

fans du dernier Roy, n'eftoient pas à la verité en eftat de faire alors grand mal à la France, ni de feconder les entreprifes du Duc de Bretagne ; mais il ne falloit pas en ce païs-là beaucoup de temps pour faire une entiere révolution, & pour affûrer la Couronne à un des concurrens; & en ce cas le Vainqueur fe feroit un mérite auprès de fes Sujets, de porter la guerre en France, quand ce ne feroit que pour les venger de l'affront qu'on leur avoit fait, en préferant la fille de l'Archi-duc à la fille de leur Roy, dont le mariage avec le Dauphin de France, qu'ils voyoient monté fur le Trône, avoit efté folemnellement juré à Pe-quigny.

Mais la vûë de tant de périls dont on eftoit menacé de la part des étrangers, n'eftoit pas ce qui inquietoit le plus. Le mécontentement des peuples de France eftoit general & beaucoup à craindre, par l'occafion qui lui donneroit bien-toft moyen d'éclater; le plus grand mal eftoit qu'on la regardoit comme inévitable. C'eftoit la concurrence de ceux qui prétendoient, non pas à la Regence, car le Roy ayant quatorze ans commencez, la qualité de Regent n'avoit plus de lieu; mais à la conduite de ce jeune Prince, & encore plus à ce qu'il eftoit difficile d'en féparer, je veux dire, à la principale autorité du Gouverne

ment..

1483:

Mécontente

ment general des peuples.

de France.

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ducation du jeune Prince depuis fon 1483. enfance; & il avoit declaré fes intentions là-deffus avant que de mourir. L'un & l'autre avoient parfaitement bien fait leur Cour par leur exactitude à obferver tous les ordres de ce Prince dans la maniere d'élever le Dauphin. Ils avoient toute la prudence neceffaire pour bien réüffir dans le Gouvernement, & la Princeffe encore plus que le Prince. L'Histoire nous la Hift. Latine reprefente comme un génie fuperieur de Louis XII. par la penetration, l'eftendue de fon efprit, le courage, la fermeté, exempte des foibles attachez ordinairement au fexe, & tout-à-fait capable par ces grandes qualitez de bien conduire un Estat.

Quoique l'intention du Roy euft efté que le Seigneur de Beaujeu n'euft pas moins de part au Gouvernement, qu'Anne de France, neanmoins il n'avoit nommé qu'elle, par la raifon qu'il y avoit des Princes du Sang plus proches de la Couronne, que le Seigneur de Beaujeu, & que fur ce titre de proximité, ils auroient pû lui difputer une place qui naturellement les regardoit plus que lui: au lieu que cette raifon ne pouvoit eftre alleguée contre la Princeffe, qui, eftant la fœur du jeune Roy, le touchoit de plus près qu'aucun autre.

Mais quoique faffe un Roy qui laif fe un fucceffeur en bas âge, il ne peut jamais prévenir tous les inconveniens, ni guerir de la paffion de commander tous ceux qui ont quelque droit ou quelque prétexte d'y prétendre.Louis Duc d'Orleans heritier préfomptif de Ja Couronne en cas que le jeune Roy vinft à manquer, regarda le nomination d'Anne de France comme une injustice faite à fa qualité de premier Prince du Sang. Il fe fentoit affez de merite pour occuper ce grand pofte, & il en avoit en effet beaucoup; mais il manquoit d'experience: car il n'ef

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Ces raisons firent paroiftre un au- Belcarius L4: tre perfonnage fur la Scene. Ce fut Jean Duc de Bourbon frere aifné du Seigneur de Beaujeu & beau-frere d'Anne de France, que fon âge de foixante ans, les grands fervices qu'il avoit rendus à l'Estat, fa valeur & fa prudence éprouvées en une infinité de rencontres, rendoient refpectable à tout le Royaume, & qui croyoit qu'une femme & un jeune Prince ne pouvoient pas lui difputer la préference en une telle occafion.

jet.

La Cour fe partageoit entre ces Partage de le trois competiteurs. Chacun avoit fa Cour à se f brigue, penfoit à former fon parti; & cette fâcheufe concurrence tenoit toute la France en fufpens. Ils agirent toutefois de concert fur un article, qui fut d'immoler à la vengeance publique les deux hommes, que le peuple & la plufpart des Grands avoient toûjours regardez comme les principales caufes de tout ce qui leur eftoit arrivé de défagreable & de fâcheux fous le regne précedent, & que la baffeffe de leur extraction jointe à leur grande puiffance & à l'abus qu'ils en faifoient, avoit rendus execrables à toute la France. C'eftoient le fameux barbier du feu Roy, Olivier le Daim, & Jean Doyac. On informa fecretement contre eux fur divers crimes, Beforett dont on les foupçonnoit. Les informations ayant efte communiquées au Parlement, il ordonna qu'ils fuffent arreftez. Le Daim fut pendu pour un deux hommes adultere & un homicide commis avec qui des circonftances qui meritoient un bufé de la faplus rigoureux fupplice. On fauva la Roy. veur du fes vie à Doyac ; mais peut-estre eust-il

Annales de

Punition de

avoient

préferé la mort à la durée & à l'infa1483. mie de fa peine; car ayant efté convaincu de malverfation & d'avoir par lé infolemment des Princes, il fut condamné à eftre fuftigé par les carrefours de Paris, à avoir une oreille coupée & la langue percée avec un fer rouge, enfuite on le conduifit en Auvergne, dont il avoit efté Gouverneur, & là dans la Ville de Montfer

Autres châti. thens moins rigoureux.

Expedient proposé pour terminer les

où il eftoit né, il fut de nouveau fuftigé, & cut l'autre oreille coupée. Ainfi ces deux malheureux donnerent à toute la France un nouvel exemple du danger de ces fortunes extraordinaires, où il eft rare que la feule vertu conduife, & d'où le crime précipite souvent ceux qu'il y a éle

vez. *

Ils furent les feuls Favoris de cet te efpece qu'on traita avec tant de rigueur. On fe contenta d'en punir quelques autres par la bourfe; & de ce nombre fut le Medecin Jacques Cotier, à qui l'on fit rendre une bonne partie des groffes fommes dont il avoit fait acheter au Roy fes foins & fon application à lui prolonger la vie t. On revoqua diverfes autres donations exceffives faites à quelques Eglifes par ce Prince pour le même fujet. On mit en referve pour les neceffitez de l'Etat l'argent qu'on en retira; & on vit par tout cela qu'on cheriffoit & qu'on reveroit beaucoup moins fa memoire, qu'on n'avoit redouté sa perfonne.

Cependant les diffenfions continuoient à la Cour; mais Madame de

diffenfions

Beaujeu, qui en apprehendoit les fàcheufes fuites, propofa un expedient 1483pour les terminer; ce fut de s'en rap de la Conr. porter à la décifion d'une affemblée des Etats que les Princes demandoient avec empreffement. Cet expedient pouvoit eftre envifagé diverfement par les differens partis; fur tout par le Duc d'Orleans & par Madame de Beaujeu: mais il paroiffoit fi naturel & fi raifonnable, que les Ducs d'Orleans & de Bourbon n'oferent le refufer, quoiqu'ils préviffent bien que cette habile Princeffe pourroit en retirer de grands avantages: 'car ayant le Roy en fa puiffance, & rien ne fe faifant qu'au nom & par les ordres de ce Prince, l'ufage qu'elle feroit de ce délai ne feroit que pour affermir fon autorité, & pour augmenter le nombre de fes creatures.

D'un autre cofté la qualité d'heritier préfomptif de la Couronne ne pouvoit manquer d'attacher bien des gens au Duc d'Orleans; & fes manieres engageantes & populaires dans une affemblée nombreufe comme celle des Etats, eftoient capables de lui gagner bien des fuffrages. De plus, la Princeffe prévoyoit que quand même la décifion feroit en fa faveur, un Prince jeune, vif & ambitieux, tel qu'eftoit le Duc d'Orleans, ne voudroit pas s'y conformer, & elle eut d'autant plus fujet de le craindre,qu'il prit alors des liaifons très-étroites avec le Duc de Bretagne, dont le païs alloit eftre deformais pour lui un lieu de retraite en cas de malheur. Voici

* J'ay vû un acte original & fcellé qui fuppofe que la memoire de Doyac avoit efté établie. Cet acte eft de 1516. Il s'y agit d'une remiffion donnée à jean Doyac qui doit avoir efté le petit-fils de celui dont il s'agit. Ce fecond Jean Doyac y eft qualifié de miles, c'eft-à-dire, Chevalier, & il avoit esté fait Chevalier à la bataille de Ravenne. Son pere Odille Doyac portoit le titre de Chevalier & de Baron de Montreal. Cela fuppole encore que Jean Doyac Favori de Louis XI. avoit cfté annobli par ce Prince. La fille de Jean Doyac dès l'an 1488. cinq ans après la mort de Doyac, cft qualifiée de Demoiselle dans les Registres du Parlement de

cette année

On voit dans les Regitres du Parlement & en divers Memoriaux de la Chambre des Comptes de Paris plufieurs Terres & Offices donnez à ce Medecin l'an 1482 en d'autres il est reçû Prefident-Clerc des Comptes avec difpenfe de refider; en d'autres il eft nommé Vice-Prefident, dans un autre Premier President de la Chambre des Comptes.

l'occafion

T'occafion qui unit fi étroitement ces 1483. deux Princes.

Le Duc d'Orleans s'unit

Occafion

ce du Duc

Hift. de Bret.

431.432.

François II. Duc de Bretagne avoit avec le Due toûjours auprès de lui Pierre Lande Bretagne, dois, dont j'ai parlé dans l'Hiftoire de à quelle Louis XI. C'eftoit un homme dont Lettres de l'efprit égaloit la méchanceté, & le Charles VIII. plus adroit politique qui fuft alors en portant revo- Europe. Il venoit de faire périr le maine aliené. Chancelier Chauvin par les plus noiRemontran- res calomnies ; & s'eftant défait par fa d'Orleans au mort de l'unique perfonne qui parParlement. tageoit avec lui la confiance du Duc, Argentré il avoit feul & toute entiere. L'e1. 12. chap, xemple du fort tragique d'Olivier le Daim & de Jean Doyac n'avoit pû lui perfuader la moderation. Il gourmandoit la Nobleffe, la tenoit bas & nuls Seigneurs de Bretagne n'ofoient aborder le Duc que par fa permiffion. Il n'ignoroit pas le dépit que cela leur caufoit; mais il s'en mettoit peu en peine. Au refte il fervoit bien fon maiftre, & par fon grand génie pour les affaires, il fuppleoit à la mediocrité de celui du Duc, qui fe repofoit de tout fur lui, & lui avoit laiffé prendre un tel afcendant fur fon efprit affoibli par fon grand âge, que tous fes ordres n'eftoient que l'execution des confeils de fon Miniftre.

Il y avoit déja long-temps que la Nobleffe murmuroit en fecret: mais Landois diffipoit, ou prévenoit tous fes complots, & jufqu'alors elle n'avoit ofé rien entreprendre. Après tout il eft difficile que tant d'ennemis confpirant à perdre un feul homme, le temps ne falle naiftre quelque occafion commode, & que la haine n'infpire en quelque moment la hardieffe de le

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cle; mais le motif secret & veritable, eftoit de negocier le mariage d'Anne de Bretagne fille aifnée & heritiere du Duc en faveur de l'Archiduc Maximi

1483.

Belleforeft

France.

lien d'Autriche, à l'infçû de la Cour de France. Le Prince d'Orange ne trouvant pas Landois favorable à fes intentions, & ayant eu communication du deffein que quelques Seigneurs Bretons avoient formé de le perdre, entra dans la conspiration, & fe fit Chef de l'entreprife avec le Seigneur de Rieux Maréchal de Bre- Annales de tagne. tes,& les Seigneurs Bretons croyoient 1484. que Landois y eftoit auffi: mais comme il en fortoit quelquefois fecretement, pour aller à fa Terre de la Pabautiére, qui n'eftoit qu'à une lieuë de-là, ils fe partagerent en deux bandes; les uns devoient fe rendre maîtres du Chasteau, & les autres forcer les portes de la Pabautiére.

Le Duc eftoit au Chafteau de Nan

Le Prince d'Orange & le Maréchal de Rieux fur le foir du feptiéme d'Avril entrérent avec leurs gens dans le Chafteau de Nantes, fe failirent des clefs, fermerent les portes fur eux, allerent dans tous les appartemens, fans excepter celui du Duc, qui fut fort furpris, & qui les voyant armez courir çà & là, crut qu'ils en vouloient à fa perfonne. Ils ne trouverent point Landois qui n'y eftoit pas, & penfoient à s'en retourner, lorfqu'un des domeftiques du Duc ayant gagné les creneaux du Chafteau du cofté de la Ville, commença à crier de toute fa force qu'on affaffinoit le Prince. Le peuple accourut en foule, le Chafteau fut bien-toft invefti: de forte vefti: de forte que le Prince d'Orange & le Maréchal de Rieux fe trouverent fort embaraffez, & n'eurent point d'autre parti à prendre que de s'aller jetter aux pieds du Duc, en l'affûrant qu'ils n'en vouloient point à fa per

B

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