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dans la suite être nuisible, ou du moins inutile à ses intérêts. Mais je manquerois à mon devoir, et à la fidelité que je dois à V. M., si je ne lui représentois, comme je fais, qu'il est absolument nécessaire de me laisser la liberté de donner des marques de votre amitié au Roy d'Angleterre, dans le temps que l'on prendra le plus de soin de l'ébranler.

La conjoncture présente est décisive: il est question que le Roi d'Angleterre prenne un parti qu'il soutiendra longtemps. Je crois voir que ce parti est pris dans son esprit, et qu'il est déterminé à se tenir étroitement uni avec V. M.; il est seulement nécessaire de le maintenir dans cette resolution, et de l'empêcher de donner dans les piéges qui lui seront tendus.

Les lettres que je reçus avant hier de M. d'Avaux me confirment dans l'opinion que les lettres des Ambassadeurs d'Hollande au Pensionnaire Fagel, dont on a eu des copies, sont fausses et supposées. Il y a beaucoup d'apparence que c'est un artifice inventé pour faire croire en Hollande et ailleurs que le Roi d'Angleterre est entièrement disposé à former une nouvelle et plus étroite liaison avec les Etats Généraux, et qu'il y a déjà une parfaite intelligence rétablie entre sa Majesté Britannique et le Prince d'Orange. Je suis persuadé l'un ni l'autre n'est véritable. La jalousie du Roy d'Angleterre contre M. le Prince d'Orange est trop bien fondée, et trop naturelle, pour être aisément détruite : je ne vois pas non plus qu'il y ait apparence que les intérêts de l'Angleterre et des Etats Généraux se puissent aisément concilier sur le point du commerce, puisqu'au contraire c'est un fondement de division dans l'intérêt le plus solide des deux nations.

que

L'affaire seule de Bantam peut empêcher encore longtemps qu'il n'y ait une liaison entre sa Majesté Britannique et les Etats Généraux : leurs députés, et ceux de la Compagnie des Indes d'Amsterdam sont arrivés. On va entrer en conférence avec eux. Cependant, je vois encore bien des gens persuadés, que cette affaire ne s'accommodera pas. J'ai su par un des principaux intéressés dans la Compagnie des Indes que le Roi d'Angleterre est fort résolu de soutenir leur commerce, et de traverser celui des Hollandois. Cette même pérsonne m'a dit que sa Majesté Britannique a envoye depuis peu un homme exprès,

chargé d'une lettre au Roy de Perse, pour l'exhorter à ne se point accorder avec les Hollandois au préjudice des autres nations, et lui offrir même du secours, en cas que la guerre que les Hollandois lui font, continue.

Je suis avec le profond respect que je dois, &c.

f

M. Barillon au Roy.

21 Mai, 1685, à Londres.

ON reçut hier ici des lettres de la Haye, qui portent que trois vaisseaux chargés d'armes et de munitions de guerre avoient fait voile ou pour l'Ecosse, ou pour le Nord d'Irlande. Le Roi d'Angleterre m'en a parlé, et m'a dit qu'il voyoit bien le peu de soin que M. le Prince d'Orange avoit pris de mettre ordre à une chose si importante, et que s'il avoit pris les mesures nécessaires pour cela, il en auroit été averti le premier, auroit arrêté les vaisseaux, et luj en auroit donné avis; qu'au lieu de cela, on avoit différé plusieurs jours à la Haye de rien faire sur les remontrances du Sieur Skelton, et qu'on l'avoit obligé de donner un mémoire; que cependant il auroit été facile d'arrêter les vaisseaux, si on en avoit eu l'intention; que cette lenteur marque peu d'application et de chaleur de la part des Etats Généraux et de M. le Prince d'Orange et ne répond pas aux belles paroles qu'on lui dit tous les jours de leur part; que son dessein n'étoit point d'en faire des plaintes dans les formes, mais qu'il connoissoit bien qui sont ceux qui sont véritablement dans ses intérêts, et dont il attend des marques d'amitié sincères; que cependant, il n'est point embarrassé ni inquiet de ce qui arrivera de ces vaisseaux; qu'il a donné des ordres nécessaires pour prévenir les mouvements que les factieux pourroient exciter en Ecosse ou en Irlande ; qu'il a envoyé des frégates sur les côtes, et que dans le fonds il croit n'avoir rien à craindre, étant assuré de l'amitié de votre Majesté.

Je répondis à sa Majesté Britannique tout ce que je crus devoir augmenter

son soupçon de la conduite de M. le Prince d'Orange, et l'assurer de l'amitié de V. M. Il convint de ce que je lui dis, et me fit entendre qu'il ne croyoit pas encore devoir se déclarer sur cela ouvertement, mais qu'il espéroit n'être pas encore longtemps obligé de dissimuler; que c'étoit un personnage qu'il soutenoit mal, et auquel il n'étoit point propre. J'ai su depuis cela, qu'il avoit parlé avec beaucoup de ressentiment de ce qu'on n'avoit pas prévenu en Hollande ce que les exilés d'Angleterre pouvoient ménager pour l'exécution de leurs (manoeuvres) mauvais desseins. Il a même dit tout haut au Conseil, que si ceux qui y étoit obligés, avoient fait leur devoir du temps du feu Roy et du sien, à l'égard des factieux retirés en Hollande, on ne seroit pas en peine présentement de délibérer des moyens de s'opposer aux efforts qu'ils font pour exciter des troubles. Cela ne se peut entendre que de M. le Prince d'Orange.

Les Ambassadeurs d'Hollande paroîssent embarrassés de cette nouvelle. Ils disent que l'on a fait toutes les diligences possibles pour arrêter les vaisseaux, des que Mrs. les Etats ont été avertis par M. Skelton, mais que leur gouvernement est assujéti à des formes par-dessus les quelles on ne peut passer.

Le Roy d'Angleterre parla tout haut, il y deux jours, à M. Ziters sur l'affaire de Bantam d'une manière assez forte, et lui fit entendre que toutes les nations de l'Europe, et principalement les Anglois, avoient un grand intérêt que les Hollandois ne fussent pas maîtres tout seuls du commerce du poivre, et des autres épiceries. M. Ziters dit que ce commerce leur coûtoit si cher, qu'on ne devoit pas le leur envier; que même ils avoient offert aux marchands Anglois qui sont dans les Indes, de partager avec eux la moitié des épiceries qu'ils apporteroient en Europe.

Le Roy d'Angleterre répondit qu'il n'étoit pas juste que ce fut eux qui en fissent la distribution et la part aux autres; que le commerce devoit être libre, et qu'en étant les maîtres, ils mettroient le prix qu'ils voudroient aux marchandises. Le Roy d'Angleterre ajouta, en se tournant vers moi; " On sait bien en France ce qui en est, et aussi en Dannemark, car on fait la même chose à leur egard."

Ce discours fait en public a redoublé l'inquiétude des Ambassadeurs d'Hollande sur l'affaire de Bantam: mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de reflexion à faire sur ce qui se dit publiquement. C'est plutôt, à ce que j'en puis juger, dans le dessein de porter les Commissaires à faire des offres qui puissent contenter la Compagnie de Londres.

Sa Majesté Britannique croit que le Comte d' Argile est dans les montagnes d'Ecosse. Elle m'a dit qu'elle y fera marcher des troupes reglées et que cependant les ordres étoient envoyés pour donner pouvoir aux familles ennemies du Comte d'Argile et des Campbels de s'armer et de leur courir sus. Milord Dombarton part aujourdhui pour commander les troupes en Ecosse, et les conduire où l'on verra que les factieux voudront faire leurs premiers efforts.

Le Colonel Talbot part aussi pour l'Irlande on a changé quantité d'officiers dans les troupes qui y sont : on y doit encore faire des changements qui y sont nécessaires. On attend ici avec impatience de savoir où les trois vaisseaux chargés d'armes et de munitions seront abordés: ils sont sortis du Texel il y a dix jours. Le Roy d'Angleterre m'a dit qu'il y avoit des hommes dessus, et quelques officiers de ceux qui ont été casses en Hollande. On ne sait point avec certitude si M. le Duc de Monmouth est sur un de ces vaisseaux ; il a été depuis peu à Roterdam. On ne doute pas que cette entreprise d'envoyer des vaisseaux ne soit fondée sur un concert secret avec les factieux du pays où ils doivent aborder, et qu'il n'y ait des mesures prises pour prendre les armes aussitôt après. Le péril est que leurs troupes ne grossissent, et que les mécontents qui sont en grand nombre dans le Nord de l'Irlande, ne s'assemblent, et ne forment un corps assez considérable pour tenir la campagne, et résister aux troupes réglées qu'on enverra contre eux, à qui même il n'est pas sûr qu'on se puisse fier entierment. Tout cela fait beaucoup parler à Londres, et arrive dans le temps que le Parlement va s'assembler. Le moindre inconvénient qui en peut résulter est de rendre le Parlement plus difficile qu'il n'auroit été si tout avoit été calme.

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Il a été publié ici un écrit, sous le nom du Duc de Buckingham, en faveur de la liberté de conscience pour tous les Nonconformistes. Le Roy d'Angleterre n'a pu s'empêcher de louer dabord cet écrit ; il n'en a parlé depuis que

comme d'une chose qui ne mérite aucune réflexion. Mais les Episcopaux n'out pas laissé d'en être alarmés, et de trouver fort à redire à cet écrit. J'en envoye une traduction dont V. M. pourra se faire rendre compte: c'est la matière la plus importante qui puisse être agitée à l'égard du dedans de l'Angleterre.

Le parti des évêques étoit regardé, du temps du feu Roy d'Angleterre, comme le soutien de la Royauté, et les Presbitériens, aussi bien que les autres sectaires maintenoient la religion Protestante, et s'opposoient fortement à ce qui s'appelle l'accroissement du Papisme. Mais l'état des affaires de la religion est bien changé en Angleterre, depuis que le Roy fait une profession ouverte de la religion Catholique. Tous les Nonconformistes se trouvent dans le même etat que les Catholiques: les loix sont également établies contre les uns et les autres il n'y a plus que l'Eglise Anglicane qui soit la religion de l'état, et qui puisse s'opposer à toutes les autres sectes; c'est ce qui la fait regarder comme l'unique soutien de la religion Protestante en général, n'y ayant point d'autre moyen de s'opposer à l'aggrandissement de la religion dont le Roy fait profession, qu'en se tenant exactement dans l'exécution des loix pénales. On voit bien cependant qu'il est impraticable de poursuivre et de punir ceux qui ont la même religion que le Roy régnant; et il semble même que les loix faites contre les Catholiques tombent d'elles-mêmes, et soient, en quelque sorte, anéanties, quand celui au mon duquel on les poursuit, et au profit de qui les condamnations et les amendes sont appliquées, est lui même de la religion pour laquelle on prétend les devoir punir,

Il y a un autre grand embarras présentement dans tous les serments qui se prêtent par tous les Protestants: ils jurent de ne, reconnoître autre chef de l'Eglise Anglicane que le Roy d'Angleterre ; cependant, il est de notorieté que lui-même reconnoît un autre chef de l'église, et ne croit point l'être. Cela forme des contradictions difficiles à concilier : le moindre relâchement des loix pénales sera regardé par les Protestans zélés comme un chemin à établir entièrement la religion Catholique. La raison essentielle de cela est que la religion Catholique étoit la religion de l'état, et établie par les loix sous le règne de la Reine Marie. Les loix faites sous le règne de la Reine Elizabeth contre les Catholiques ont établi la religion Anglicane. Si on abo

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