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J'AI 'AI reçu la dépêche de votre Majesté du 24 Avril par un courier exprès J'allai aussitôt après trouver le Roi d'Angleterre pour l'informer de la réponse faite à M. de Feuquieres par sa Majesté Catholique. On ne sauroit témoigner plus de joye que ce Prince en fit paroître d'une nouvelle qui le tire d'une grande inquiétude, et lui met l'esprit en repos. Ce n'étoit pas sans fondement qu'il craignoit qu'une rupture entre V. M. et le Roi d'Espagne ne rendit le Parlement plus difficile qu'il ne le sera, quand tout paroîtra calme au dehors. Sa Majesté Britannique me chargea de remercier V. M. du soin qu'elle avoit eu de l'en avertir par un courier exprès, et me témoigna que sa joie se redouble toutes les fois qu'il reçoit des marques de l'amitié de V. M.

Les Ministres ont appris aussi avec beaucoup de plaisir le succès de la proposition de M. de Feuquieres. Milord Rochester est encore plus sensible que les autres à tout ce qui peut entretenir la paix au-dehors; il m'a été aisé de faire voir que l'intention de V. M. étoit seulement de prévenir ce qui auroit pu altérer le repos dont l'Europe jouit, puisque la réponse qui a été faite à Madrid, met ces affaires dans un état de calme et de tranquillité qui, selon les apparences, doit durer.

Le Roi d'Angleterre m'en a parlé encore ce matin, avec beaucoup de satisfaction, et se croit délivré d'un fort grand embarras, où il croyoit devoir être exposé, si le Parlement avoit été assemblé quand la guerre auroit commencé entre et V. M. l'Espagne. Il me paroit que votre Majesté tire quelque avantage de ce qui a été agité sur cette matière, en ce qu'on s'accoutume à entendre parler du droit de Monseigneur le Dauphin à la couronne d'Espagne, sans qu'il paroisse qu'on prenne une trop forte alarme de voir tant de royaumes dans la possibilité d'être réunis à la couronne de France. Il semble du moins que

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l'on reconnoisse que si sa Majesté Catholique mouroit sans enfans, le droit de Monseigneur le Dauphin, et de ses déscendans, seroit beaucoup meilleur que de ceux qui n'y pourroient prétendre qu'en vertu d'une rénonciation remplie de nullités. Je n'ai parlé de tout cela que fort superficiellement comme d'une chose éloignée, mais je n'ai pas cru aussi devoir supprimer ce que V. M. alléguoit pour la principale raison de ce qu'elle avoit dessein de faire pour empêcher que l'Electeur de Bavière, et l'Archiduchesse fussent mis en possession des Pays Bas.

Il s'est passé une chose dans le dedans de la cour, qui n'est pas de peu de conséquence. Le Roi d'Angleterre ayant résolu d'aller à la chapelle, aceompagné comme l'étoit le feu Roi, en parla la veille à Milord Rochester, Milord Sunderland, et Milord Godolfin. Il leur dit, qu'ayant fait la démarche d'aller ouvertement à la messe, il croyoit y devoir aller avec la dignité requise, et accompagné de ses gardes, et de ses principaux officiers; qu'ils pourroient de meurer à la porte de la chapelle, et l'y attendre, ou y revenir après, dans le temps qu'il en devroit sortir. Milord Sunderland ne fit point de difficulté, ni Milord Godolfin, qui est accoutumé, comme Chambellan de la Reyne, de lui donner la main jusqu'à la porte; mais Milord Rochester combattit avec véhémence la résolution que sa Majesté Britannique témoignoit avoir prise, et après avoir allégué inutilement les raisons dont il se put aviser, il déclara nettement qu'à moins que le Roi d'Angleterre lui commandât expressément de l'accompagner jusqu'à la porte de la chapelle, il ne le feroit pas. Sa Majesté Britannique lui dit, que son intention n'étoit pas de contraindre personne, ni de lui commander de faire une chose à laquelle il paroissoit avoir tant de répugnance; que son scrupule paroissoit mal-fondé, et que ce ne devoit pas être une excuse pour une chose qui seroit mal en soi de la faire commander; qu'il étoit en liberté de le faire, ou de ne le faire pas. La contestation alla assez avant; le Roi d'Angleterre ne se rendit pas, et ne voulut pas commander à Milord Rochester de l'accompagner; Milord Rochester persista à ne le pas faire sans ordre, et prit l'expédient que lai proposa sa Majesté Britannique d'aller dès le même jour à me maison de campagne où il devoit aller le lendemain. Milord Sunderland et Milord Godolfin, comme habiles courtisans, pressèrent Milord Rochester d'avoir cette complaisance pour le Roi, et ne purent rien gagner sur son esprit. V.M. jugera par cet incident quelles oppositions le Roi d'Angleterre pourra

trouver dans la suite à ce qu'il voudra entreprendre en faveur de la religion Catholique.

Ce détail est fort secret; il est pourtant assez vraisemblable, que Milord Rochester s'en voudra faire honneur auprès des Protestans zélés, et croira s'autoriser parmi eux sans qu'il pense en cela hazarder sa faveur, ni son emploi. Il essayera de faire croire au Roi d'Angleterre, que ce qu'il en a fait est pour le service et pour le bien de ses affaires; qu'il est périlleux de se trop déclarer, et trop tôt; que quoiqu'il puisse arriver, il ne peut avoir d'autres intérêts que les siens; mais il a affaire à un Prince fort ferme, et qui souffre trèsimpatiemment la moindre contradiction.

Il étoit hier ici le jour de Pâques ; les chevaliers de l'ordre accompagnèrent le Roi d'Angleterre avec leurs colliers jusqu'à la porte de la tribune où il entend la messe. Le Duc de Sommerset portoit l'épée; il est demeuré à la porte, coutume n'étant pas que celui qui porte cette epée entre dans l'église, si ce n'est lorsque le Roi communie. Les Ducs de Nordfolk, de Grafton, de Richemond, et de Northumberland, les Comtes d'Oxford, de Mulgraf, et plusieurs autres Seigneurs, accompagnèrent sa Majesté Britannique en allant et en revenant. On a remarqué que le Duc d'Ormond et le Marquis d' Hali fax sont demeurés dans l'antichambre. Milord Rochester ne revint qu'hier au soir de la campagne. Cette résolution que le Roi d'Angleterre a prise d'aller à l'église avec ses officiers et ses gardes cause autant de bruit, et fait faire plus de réflexions, que l'on n'en a fait, lorsqu'il alla publiquement à la

messe.

Les Ambassadeurs d'Hollande n'ont fait aucune plainte de ce qui leur est arrivé à Gravesend. M. d'Avaux m'a mandé que le Pensionnaire Fagel leur a fait ordonner par les commissaires aux affaires étrangères, de ne témoigner aucun ressentiment, et de dissimuler ce qui s'est passé. Ils n'ont eu qu'un Milord pour aller au-devant d'eux le jour de leur entrée; ce fût Milord Tenay, Catholique, et gendre du feu Vicomte Montaigue: cela-même a fait parler, et l'on a trouvé étrange que le Roi d'Angleterre ait affecté ďemployer un Milord Catholique à la première entrée qui ait été fait depuis son règne, et de l'envoyer aux Ambassadeurs d'Hollande. Ils ont eu audience

aujourdhui de leurs Majestés Britanniques à Whitehall; Milord Nort les y à

conduit.

J'ai dit au Roi d'Angleterre ce que V. M. m'a permis touchant les sommes qui doivent passer ici incessamment. Je lui ai fait remarquer avec combien d'application V. M. va au-devant de ses besoins, et les preuves essentielles qu'elle lui donne de son amitié.. Ce Prince m'a témoigné être fort sensible â ce que V. M. fait en sa faveur. J'espère bien empêcher que V. M. ne soit pressée de long temps d'envoyer de nouveaux fonds, pourvu que V. M. me permette de me servir de ceux qui ceront ici. Je ne me suis point déclaré au Roi d'Angleterre, ni à ses Ministres, que V. M. m'ait donné la permission de ne fournir que jusqu'à quatre cens mille livres sur les deux millions dont on peut faire état : cette déclaration, si je la faisois, ôteroit tout le merite de ce que V. M. fait présentement en faveur du Roi d'Angleterre, et donneroit occasion ici de croire que l'intention de V. M. est seulement de l'aider en cas qu'il soit exposé à une révolte. On ne s'attend pas que ce soit là le fondement du secours que V. M. veut bien accorder. Sa Majesté Britannique et ses Ministres ne font aucun doute que V, M. ne veuille bien payer ce qui restoit dû de l'ancien subside lorsque le feu Roi d'Angleterre est mort. La somme de cinq cens mille livres, que V. M. a envoyée incontinent après, sera suffisante pour en faire le parfait payement.

Ce que j'ai dit à Milord Rochester sur l'envoi de nouveaux fonds l'a empêché de me presser comme il auroit fait sans cela; mais il ne révoque pas en doute que cette somine ne soit fournie quand il la demandera : je supplie V. M. de m'en accorder la permission; le refus que j'en ferois causeroit, ce me semble, un préjudice notable au bien de ses affaires, qui seroit fort difficile à réparer dans la suite. Après l'ancien subside payé, il restera ici quinze cens mille livres; je ferai mon possible pour ne point diminuer ce fonds, que lorsque j'en serai fort pressé; mais j'ose encore représenter à V. M., que si j'en ai des défenses expresses, et que je ne puisse faire quelques payements, il me sera impossible de soutenir l'opinion que le Roi d'Angleterre et ses Ministres ont que V. M. désire sincèrement ses avantages et l'établissement de son autorité.

Je n'ai pas expliqué assez clairement l'état des affaires de ce pays-ci quand

j'ai donné lieu à V. M. de croire que l'argent qu'elle fournira sera employé à des gratifications aux membres du Parlement, pour en obtenir ce que le Ro d'Angleterre désire tant à l'égard des revenus, que du libre exercice de la religion Catholique; ce n'est pas là le chemin que ce Prince prétend tenir, et rien n'est plus opposé à ce qu'il a dessein de faire. Il aura une conduite ferme et résolue; l'introduction faite par le Comte de Danby d'acheter les voix du Parlement a si mal réussi, qu'on ne songe plus à s'en servir; et, à dire la vérite, si on recommençoit à le mettre en pratique, on tomberoit dans les mêmes inconvéniens. Le Roi d'Angleterre veut que ses affaires se fassent par la nécessité où le parlement se trouvera de lui accorder ce qu'il est résolu de prendre, si on ne le lui accorde pas, c'est-à-dire, les revenus dont le feu Roi jouissoit ; et, selon toutes les apparences, le parlement les accordera. Mais cela ne met le Roi d'Angleterre en repos, et à son aise; car il ne peut avec réputation et avec sûreté abandonner la protection des Catholiques; cependant, il est fort. apparent qu'il trouvera de grandes difficultés à établir une liberté d'exercicepour la religion Catholique.

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Je sais déjà, que les cabales se forment entre les Seigneurs ; on croit qu'il seront plus difficiles que la Chambre des Communes sur l'article de la religion. Il est très-croyable que les revenus seront accordés pour ôter au Roid Angleterré le prétexte de dire qu'on lui refuse ce qui est nécessaire pour le soutien du gouvernement; mais on voudra en même temps prendre de telles précautions pour la sûreté de la religion Protestante, que le Roi d'Angleterre ne les pourra admettre sans se trouver en un état fort périlleux et fort incertain. Les Pro-testants zélés disent déjà tout haut, que ce Prince a manqué à ce qu'il a dit au conseil, et à ce qui est porté dans la déclaration qui a été publiée, ayant promis formellement de ne rien faire contre la religion Protestante, quoique, de-. puis, il ait donné un regiment en Irlande au Colonel Talbot; ce qui est, comme ils le disent, avancer le Papisme, et commencer à détruire la religion Protestante. V. M. peut donc tenir pour un fondement assuré, que le Roi d'Angleterre trouvera d'extrêmes difficultés à ce qu'il veut faire en faveur de la religion Catholique.. On n'omettra aucuns soins pour l'en détourner, et pour affoiblir les résolutions qu'il aura prises. V. M. voit par ce qu'a fait Milord Rochester, ce qu'on doit attendre des autres en des choses de plus grande con-séquence.

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