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remarqué, dans tout ce qui s'est passé entre Milord Rochester et moi, qu'il n'est point entré dans la proposition d'un nouveau traité, et il m'a paru au contraire éviter d'entendre ce que je lui ai dit sur cela. Il s'est toujours renfermé à dire, qu'il faut faire ce qu'on a fait, parce qu'on s'en est bien trouvé de part et d'autre.

Milord Sunderland a compris d'abord qu'il étoit bien plus à-propos de prendre des engagemens formels et réciproques; que le Roi son maître doit rechercher tout ce qui lui peut assurer l'amitié de votre Majesté. Il pose pour un fondement assuré, que le Parlement, le Prince d'Orange, et la Maison d'Autriche doivent être considérés comme ayant des intérêts inséparables, et qu'il est impossible de désunir; qu'ainsi pour être bien avec votre Majesté, il faut non seulement s'abstenir de toute liaison avec eux, mais même s'en séparer avec éclat, et lever le masque quand il en sera tems; c'est-à-dire, après que le Parlement aura accordé les revenus. Je suis demeuré dans une grande retenue sur les nouveaux engagemens qu'on pourroit prendre ; je me suis contenté d'insinuer la proposition que votre Majesté m'a ordonné de faire à cet égard, et j'ai cru devoir la faire naître plus comme une suite naturelle de ce qui se traitoit, que comme une ouverture de la part de votre Majesté. Milord Godolfin m'a parlé dans le même sens que Milord Rochester; quoiqu'il soit du secret, il n'a pas grand credit, et songe seulement à se conserver par une conduite sage et modérée. Je ne pense pas que s'il en étoit cru, on prit des liaisons avec votre Majesté qui pussent aller à se passer entièrement de parlement, et à rompre nettement avec le Prince d'Orange.

J'eus hier au soir un long entretien avec le Roi d'Angleterre, nous répétames tout ce qui avoit été dit avec les Ministres, dont ils lui avoient rendu compte. Je connus bien que Milord Sunderland lui avoit parle à fond, de ce que nous avions dit, et lui avoit représenté la nécessité de ne rien ménager, pour former une liaison entière avec V. M. Ce Prince me dit, que je savois mieux ses intentions et ses desseins que ses propres ministres; qu'il ne s'étoit pas ouvert à eux autant qu'il a fait à moi sur l'établissement de la religion Catholique; qu'avant la séance du Parlement, il falloit cacher ses desseins et ne pas laisser pénétrer jusqu'où il vouloit conduire les affaires; qu'au fond i' connoissoit que sa sûreté dépendoit d'une étroite union avec V. M..et de

mettre la religion Catholique en état de ne pouvoir être détruite ; que son dessein est d'en venir à bout dès qu'il le pourra; que cependant, je dois représenter à V. M. combien il lui importe d'être assisté dans un si grand dessein ; que ses premières démarches avec le Parlement seront décisives; que ceux qui le voudront traverser n'oublieront rien pour l'empêcher de réussir; que V. M. connoitra peut-être trop tard, ce qu'il auroit fallu faire, et que ce qui sera nécessaire présentement est beaucoup moindre que ce que V. M. voudroit contribuer à l'avenir si elle voyoit la royauté, et la religion Catholique, en état d'être ruinées en Angleterre.

J'ai dit à ce Prince qu'il voyoit quelles sont les intentions de V. M. à son égard, que je pouvois tous les jours l'avertir de ce qui se passe ici, et qu'il ne falloit pas douter que V. M. ne prit les résolutions qui conviendront à l'état des affaires ; que votre amitié pour sa personne, et votre zèle pour la religion, ne vous permettroient pas de l'abandonner dans ses besoins; que la conduite que V. M. tient à son égard seroit sontenue, et ne se démentira pas; qu'aussi de son côté, il doit être appliqué à ménager une amitié qu'il juge lui être si avantageuse. Sa Majesté Britannique me dit, en me congédiant," Je me fie entièrement à ce que vous me dites; mais représentez au Roi votre maître, que ce qu'il fera présentement me mettra l'esprit en repos, en m'obligera d'agir avec une fermeté et une confiance que je ne puis avoir si je ne suis pleinement assuré."

De tout ce qui m'a été dit par le Roi d'Angleterre, et par ses Ministres, il me paroit que l'on n'insiste pas tant présentement sur la promesse d'un secours à l'avenir, que sur une somme présente. J'ai dit, ainsi que V. M. me l'a permis, que j'aurois incessamment un fonds de neuf cens mille livres; mais, si V. M. ne me permet pas de rien fournir de cette somme, c'est comme s'il n'y en avoit point; on ne croira pas même qu'elle y soit, si on voit que je ne fasse pas payements quand ils me seront demandés.

les

Le Roi d'Angleterre seroit, à ce que je puis juger, pleinement content si V. M. prenoit la résolution de faire remettre encore onze cens mille livres ici, avant la séance du parlement, ensorte qu'il pût faire état de toucher deux millions pendant que le parlement sera assemblé. Cela pourroit dans la suite

être réputé comme une année d'un subside, et si on convenoit d'en accorder un pour les années suivantes, on pourroit ne les faire commencer que du mois d'Octobre prochain, et peut-être même du mois de Janvier 1686, V. M. m'ordonnera ce qui sera de son service. Je me tiendrai en état d'exécuter ses ordres à la lettre, sans rien faire de mon chef, que ce qui me sera prescrit.

Les Ambassadeurs de Hollande ont eu une audience particulière, et sans cérémonie; la difficulté subsiste toujours à l'égard de leur entrée et de leur audience publique; ils veulent avoir un Comte d'Angleterre, comme a eu l'Ambassadeur de Savoye, il n'y a pas d'apparence qu'ils l'obtiennent, et le Roi d'Angleterre paroit résolu de ne rien changer au traitement ordinaire à leur égard.

La santé de la Reine d'Angleterre n'est pas en bon état; les personnes qui l'approchent de plus près croient qu'elle ne vivra pas long temps; son mal est une espèce de fluxion sur la poitrine avec des coliques violentes qui la reprennent souvent; elle se croit elle-même en péril.

Je suis, &c.

BARILLON.

Le Roi à M. Barillon.

24 Avril, 1685.

MONSIEUR BARILLON, j'ai reçut vos lettres des 16 et 19 de ce mois, et quoique je me fusse attendu que le Roi d'Angleterre auroit été fort content des grands secours d'argent que je vous fais remettre incessamment pour subvenir, sans aucune stipulation, à ses plus pressants besoins, au cas que l'assemblée prochaine du Parlement ne lui accorde pas ce qu'il désire, tant pour l'établissement des mêmes revenus pendant sa vie dont le feu Roi son frère a joui jusque

à sa mort, que pour le libre exercice de la religion Catholique dans son royaume, néanmoins ce Prince vous a fait connoître, que s'il n'étoit pas assuré de ma part d'une assistance plus considérable il se verroit dans la nécessité d'avoir des ménagements pour le Parlement, qui seroient fort préjudiciables à l'affermissement de l'autorité royale, et par consequent au bien de la religion Catholique; mais quoiqu'il ait d'autant plus de sujet de prendre une entière confiance aux sentiments d'estime et d'amitie que j'ai pour lui, qu'il voye bien que j'apporte toutes les diligences possibles à lui en faire ressentir les effets, sans lui demander aucuns autres engagements dans mes intérêts que ceux quesa gratitude et sa bonne foi le pourroit porter à prendre quand les occasions s'en présenteront, je veux bien toutes fois lui donner encore de plus grandes preuves de la considération que je fais sur tout ce qu'il vous a représenté, et de la sincérité avec laquelle je veux concourir a tout ce qui peut être de ses avantages: c'est pour cet effet qu'outre les cinq cens mille livres que je vous fis remettre aussitôt que j'appris la mort du feu Roi, et que vous devez avoir encore entre les mains, on continuera à vous faire tenir incessamment les neuf cens mille livres que je vous ai promis par ma dépêche du 6o, et je ferai joindre encore une somine de deux cens mille écus, afin que vous puissiez avoir en main pendant l'assemblée du Parlement jusqu'à la concurrence de deux millions; mais comme j'apprens avec plaisir que presque tous les membres du Parlement sont très-bien intentionnés pour les intérêts du Roi, et qu'à-peine en connoit on cinq ou six, qui y soient opposés, il y a bien de l'apparence que ce Prince n'aura pas besoin d'un grand fonds, pour se rendre favorables les délibérations du dit Parlement, et qu'en tout cas il se contentera de faire espérer des récompenses à ceux qui feront bien leur devoir: je consens néanmoins, que vous fassiez payer jusqu'à quatre cens mille livres, pour fournir aux gratifications que le Roi jugera à-propos de faire pendant cette assemblée; et à l'égard des seize cens mille livres restans, vous ne vous en désaisirez qu'en cas que la conduite du Parlement soit assez mauvaise pour obliger le Roi à le casser, ou qu'il trouve d'ailleurs de si fortes oppositions à l'établissement d'un libre exercice de la religion Catholique, qu'il soit obligé d'employer ses armes contre ses propres sujets.

Enfin, mon intention est de le secourir de bonne foi, au cas qu'il en ait effectivement besoin, pour l'affermissement de son autorité, et pour le bien de

notre religion; mais, si son Parlement se porte de lui-même à faire ce que le Roi désire, mon intention est que vous réserviez le fonds que je vous fais re mettre, jusqu'à ce qu'il me paroisse d'une nécessité pressante de l'employer; et cependant, je consens, ainsi que je viens de vous dire, que vous fassiez payer aux Ministres du Roi, avant la tenue du Parlement, jusqu'à la somme de quatre cens mille livres, au cas que le dit Roi les demande. Je m'assure qu'après que vous aurez fait connoître à ce Prince quelles sont mes dernières intentions, je n'aurai plus de sa part que des remerciments des efforts que je fais pour procurer ses avantages; mais si, contre mon opinion, on vouloit encore faire quelques tentatives pour tirer de moi de plus grands secours, il est bon que vous ôtiez toute espérance de l'obtenir, et que vous fassiez même connoitre, que j'apprendrois avec déplaisir que le Roi ne fût pas content des grandes preuves que je lui donne de mon amitié.

Il vous sera facile de tirer le Roi d'Angleterre de l'inquiétude que lui donne la déclaration que le Marquis du Feuquieres a fait par mon ordre au Roi d'Espagne, et à ses ministres, et je vous dépêche ce courier exprès afin que vous puissiez informer le Roi d'Angleterre, sans aucun retardement, que je suis d'autant plus satisfait de la réponse du dit Roi Catholique, qu'outre qu'il traite la proposition de céder au Duc de Bavière les Pays Bas, ou de lui en abandonner le gouvernement, de pure chimère, il me donne d'ailleurs des assurances positives d'observer religieusement la trêve, et de se conformer en toutes choses à ce qu'elle contient; ensorte que je n'ai pas lieu de croire, que ce Prince veuille apporter aucun changement à l'état présent des Pays Bas: et comme je n'ai point eu d'autre intention aussi que de prévenir, par cet éclaircissement, tout ce qui pouvoit troubler le repos de l'Europe, vous pouvez assurer le Roi d'Angleterre, que j'apporterai toujours les mêmes soins à le maintenir, et que tant que le Roi Catholique voudra concourir de sa part, et rejetter de semblables nouveautés si contraires à la trêve, la tranquillité publique ne pourra être alterée.

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