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Vous avez raison de faire connoître au Roi d'Angleterre qu'il ne doit pas ajouter une entière croyance à tout ce que le Sieur Overkerque peut avancer de lui-même sous le nom du Prince d'Orange: mais quand même il seroit bien autorisé, le Roi d'Angleterre est trop bien informé des emportements que le Prince d'Orange a fait paroître contre lui lorsqu'il n'étoit que Duc d'York, et contre la religion qu'il professe, même depuis l'avènement du dit Roi à la couronne, pour croire, que les protestations qui lui seront faites de la part du Prince d'Orange soient bien sincères; et si le Ministre d'Angleterre à la Haye rend au dit Roi son maître un compte fidèle de tout ce qu'il a entendu, et connu par lui-même, des sentiments du dit Prince d'Orange, il jugera bien que l'intention de ce Prince n'est que de se servir, contre les intérêts du Roi, non seulement de la facilité qu'il trouvera à se remettre dans ses bonnes graces, mais aussi, des seules marques extérieures qu'il pourra recevoir de la bienveillance du Roi ; et il ne peut pas plus mortifier le Prince d'Orange, et le rendre soumis, qu'en rejettant avec hauteur toutes les propositions qu'il fait pour l'amuser; et l'empêchant, sur toutes choses, de passer en Angleterre.

Continuez à m'informer exactement de tout ce qui se passe de plus considérable à la Cour où vous êtes, ne doutant pas que ce nouveau gouvernement nevous en fournise d'amples matières.

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Extrait d'une Lettre du Roi à M. Barillon.

Mars 16, 1685.

Il y a bien de l'apparence que le Roi d'Angleterre faisant à-présent une profession si publique de la religion Catholique demandera bientôt au Pape des évêques de sa communion; et comme il ne faut pas douter que sa Sainteté ne les choisisse du clergé d'Angleterre, parmi lesquels je suis averti qu'il y a bien des gens qui sont imbus de la doctrine de Jansenisme, je serai aise que vous fassiez connoître adroitement au Roi l'intérêt qu'il a de les bien discerner, en

sorte que si le bon exemple qu'il donne à tous ses sujets est aussi suivi qu'il est à désirer, ce royaume, sortant d'une hérésie, ne tombe pas dans un autre qui ne seroit guères moins dangereuse.

M. Barillon au Roy.

16 Avril, 1685.

J'AI exécuté avec le plus de ponctualité qu'il m'a été possible, les ordres de votre Majesté portés par sa dépêche du 6 Avril. J'ai tâché de faire comprendre au Roi d'Angleterre et à ses Ministres, que votre Majesté lui avoit déjà donné des marques essentielles de son amitié, en prévenant même ses demandes ; que V. M. continueroit à le secourir dans ses besoins; et que son dessein étoit de faire plus qu'elle ne promettroit; que cependant V. M. estimoit qu'il suffisoit de sa part d'exécuter plutôt que de promettre; et que sans aucun engagement, elle m'avoit envoyé le fonds d'une somme considérable. Le Roi d'Angleterre m'a témoigné être fort sensible à ce que V. M. fait pour lui; mais il m'a dit que l'état de ses affaires étoit tel qu'il avoit des mesures à prendre de loin, et qu'il ne pouvoit entreprendre ce qu'il a résolu, sans être assuré positivement de ce que V. M. voudra faire en sa faveur ; que V. M. connoîtra par sa conduite à l'avenir quel sera son attachement à ses intérêts; qu'il sera toujours au pouvoir de V. M. de retracter ce qu'elle auroit promis s'il ne se conduisoit pas en la manière que V. M. peut désirer; que puisque V. M. veut bien le secourir, ce sera une nouvelle obligation de lui vouloir mettre l'esprit en repos en lui promettant ce qu'il demande; parce que l'incertitude sur cela ne lui permettroit pas d'agir avec la fermeté nécessaire, et qu'une conduite douteuse et incertaine de sa part rendroit ses ennemis plus hardis, et ses amis plus timides.

Cette réponse m'a fait entrer plus avant en matière avec ce Prince. Je lui ai expliqué ce qui s'étoit passé avec le feu Roi d'Angleterre ; je lui ai fait remarquer, que le traité, quoiqu'il n'eut été que verbal, a été exécuté et accom pli ponctuellement de part et d'autre ; que V. M. a achevé le paiement, de ce

qui avoit été promis; et que le feu Roi d'Angleterre s'étoit aussi tenu exactement à l'engagement qu'il avoit pris de favoriser les prétentions de V. M. contre l'Espagne, et de ne point assembler de parlement; que présentement V. M. ne demandoit rien de sa Majesté Britannique, qui lui put causer le moindre embarras, n'ayant rien plus à cœur que l'affermissement de la paix générale; que cependant son dessein étoit de lui donner des marques essentielles de son amitié, et de l'aider à maintenir son autorité, et à établir la religion Catholique, que ces deux choses paroissoient unies, et ne se pouvoient séparer; que V. M. avoit résolu d'y contribuer par un motif d'amitié et d'estime pour la personne de sa Majesté Britannique, et par le zèle qu'elle a pour la religion; que quoi qu'il n'y ait point de stipulation expresse, V. M. sera suffisamment engagée par ce qu'elle a fait d'abord, à continuer à l'avenir ce qui est si bien commencé ; qu'ainsi on peut tenir pour assuré, que V. M. ne se démentira pas, et voudra soutenir ce qu'elle entreprend sur des fondements qui ne changeront pas.

Le Roi d'Angleterre m'a répondu à cela, qu'il n'étoit pas en droit d'exiger de V. M. plus qu'elle ne croit devoir faire. Mais qu'il a agi franchement avec moi en représentant ses besoins, et que la demande qu'il a faite présuppose toute sorte d'engagemens de sa part, et une volonté déterminée d'être entièrement attaché à V. M.; qu'ainsi V. M. n'a qu'à lui prescrire ce qui conviendra à ses intérêts, pour lui faire prendre la conduite qui lui sera la plus agréable; que quand V. M. sera informée à fonds des affaires de ce pays-ci, elle connoîtra qu'il est décisif de bien commencer, et de le mettre en état de ne pas se relâcher d'abord ; qu'on ne peut pourtant prendre une conduite ferme et haute, si on n'est bien assuré d'un secours qui ne puisse manquer; et qu'il ne seroit plus saison de négocier sur le plus ou le moins quand le temps de s'en servir seroit venu.

J'ai dit a ce Prince, qu'il voyoit que V. M. commence par l'exécution, et qu'ainsi il n'est pas si essentiel de s'arrêter à la forme et à la manière de promettre; qu'il est nécessaire seulement que les affaires prennent ici un bon chemin, et que dans la suite V. M. ne manquera pas d'aider les premiers progrès, et de faciliter le succès des desseins de sa Majesté Britannique en faveur de la royauté, et de la religion Catholique.

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J'ai eu plusieurs conférences avec les Ministres, ensemble et séparément; ils m'ont répondu fort froidement lorsque je leur ai parlé ensemble; Milord Rochester, qui porte la parole, m'a répondu, qu'ils avoient déjà su ce que j'avois dit au Roi leur maître, et que leur sentiment ne pouvoit être différent du sien; que la nécessité de ses affaires l'obligeoit à avoir recours à V. M.; qu'il étoit question présentement d'établir son autorité, et de donner une forme assurée au gouvernement; que je connoissois assez combien il importe d'être en état ici de donner la loi, et non pas de la recevoir; que c'est à moi à le représenter à V. M., et que pour eux, ils se sont acquittés de leur devoir, en exposant sincèrement les besoins de leur maitre à un ami qui peut y rémédier s'il le trouve à-propos.

Je lui ai répondu ce que j'avois déjà dit au Roi d'Angleterre. J'ai entretenu Milord Rochester en particulier, et nous avons agité les matières à fonds; je me suis renfermé à dire, que V. M. exécute au lieu de promettre, qu'on voit par là ce qu'on en peut attendre; qu'il est inusité de prétendre que V. M. prenne des engagements pour fournir des subsides pendant plusieurs années, quand sa Majesté Britannique, de son côté, n'est obligé à rien; qu'il est vrai que V. M. n'a rien à lui demander présentement; qu'aussi croit-elle être en droit de lui donner des marques de son amitié sans qu'on exige rien d'avantage que ce qu'elle croira devoir faire selon les conjonctures qui se présenteront; que l'on ne peut douter que V. M. ne veuille continuer comme elle a commencé, et qu'on se doit reposer sur sa bonne foi et sur son amitié.

Milord Rochester m'a dit à cela, que s'il ne connoissoit à fonds les desseins et les intentions du Roi son maître, il ne m'auroit pas pressé de faire ensorte que V. M. lui fournit d'abord une somme considérable, et lui promit un subside pour trois ans; que ce qu'on fait de la part de V. M. présentement doit être considéré comme une marque d'amitié, et qu'on s'en accommoderoit ici mieux que d'un plus grand engagement, si on n'avoit pas résolu de s'unir étroitement avec V. M., et de ne se pas démentir dans la suite; que si l'on n'étoit pas de bonne foi, et qu'on ne regardât pas l'amitié de V. M. comme le fondement de la conduite qu'on veut tenir; on se contenteroit d'une liaison présente et que le Roi son maître, après s'être établi, considéroit quel parti il a à prendre; et que, sans manquer aux obligations qu'il avoit à V. M., il se

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trouveroit alors en état de former un plan de sa conduite, tel qu'il croiroit le plus convenable à ses intérêts; que dès à-présent il veut prendre un chemin qui dure autant que son règne, et s'attacher pour toujours; que l'on a vu que la liaison formée entre V. M. et le feu Roi d'Angleterre a produit de bons effets pour l'un et pour l'autre, que la même chose arrivera, si on s'entend bien d'abord, et qu'on commence de la part de V. M. à mettre le Roi d'Angleterre en pouvoir de suivre son inclination, et ses véritables intérêts.

J'ai répondu à ce Ministre, que le traité fait avec le feu Roi d'Angleterre avoit été accompli exactement de part et d'autre; qu'il contenoit des conditions et des avantages réciproques, que l'on ne pouvoit pas dire la même chose de ce qui se traite à-présent, V. M. n'ayant rien à souhaiter du Roi d'Angleterre et voulant pourtant contribuer gratuitement à l'établir, et à le mettre en état de régner paisiblement, et avec tranquillité. Milord Rochester m'a repliqué à cela, que le traité que nous avions fait ne contenoit point de conditions réci proques; que le feu Roi ne s'étoit point engagé à ne point assembler de Parlement, ni à renoncer formellement à son traité avec l'Espagne; que V. M. avoit bien connu que dans le fonds elle tireroit les mêmes avantages, et que le feu Roi d'Angleterre avoit aussi été fortifié dans ses résolutions par le secours que V. M. lui avoit fourni, et s'étoit même dispensé d'assembler son parlement, et de defendre l'Espagne lorsqu'il en a été le plus presse; que le même cas arrivera, et que quoique V. M. n'exige rien du Roi son maître, il ne peut prendre le parti de s'attacher à V. M. sans renoncer aux avantages qu'il pourroit tirer du Parlement dans d'autres temps, et à tout engagement avec l'Espagne; qu'il sera question, dès que le Parlement sera assemblé, d'obtenir la continuation des revenus, mais qu'après cela, il n'en faut rien attendre que des conditions dures et perilleuses, aux quelles le Roi son maître ne consentira jamais; qu'ainsi on subsistera comme on faisoit du temps du feu Roi, et avec moins de ménagement encore pour les Espagnols, n'ayant point de traité avec eux, comme il y en avoit un dont on pressoit toujours l'exécution. J'ai dit à cela, qu'il n'étoit pas question présentement d'examiner à quelles conditions nous avions traité du temps du feu Roi, puisque le traité avoit été exécuté et accompli de bonne foi de part et d'autre ; que la conjoncture étoit entièrement différente, et que V. M. n'attendoit rien de sa Majesté Bitannique, et n'avoit pour but que de lui donner des marques solides de son amitié. J'ai

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