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dans son devoir, et l'empêcheroit d'exciter aucun trouble; que s'il se soumettoit entièrement, et qu'il eut assez de sagesse pour changer de conduite à l'égard des affaires du dedans et de celles du dehors, on le connoîtroit bientôt ; qu'il ne se laisseroit point tromper; et que son principal soin seroit toujours de conserver l'amitié de V. M. et de ne rien faire qui put en aucune façon être opposé à ses intérêts.

Les Ministres m'ont parlé dans le même sens que sa Majesté Britannique. Milord Rochester est Grand Trésorier, et a le principal crédit, ainsi il désire tout ce qui peut conserver le repos et la tranquillité, et son sentiment est, que le Roi son maître ne hazarde rien d'éprouver quelle sera la conduite du Prince d'Orange à son égard, et croit qu'on doit lui ouvrir le chemin de rentrer dans son devoir. Il est oncle de la Princesse d'Orange, et par conséquent sa pente seroit de pouvoir concilier les intérêts du Roi régnant avec celui des héritiers présomptifs. Mais comme il est bon courtisan, et qu'il connoit fort bien que le Roi son maître prendra assez aisément de la jalousie et du soupçon contre ceux qui pencheront trop du côté du Prince d'Orange, il témoigne fort ouvertement désirer, préferablement à tout, que sa Majesté Britannique ménage l'amitié de V. M., sans laquelle, il connoît les difficultés qu'il y auroit de soutenir le gouvernement.

Milord Sunderland sent bien la supériorité qu'a sur lui Milord Rochester, par sa charge de Grand Trésorier. Toute son application est d'entrer aussi avant qu'aucun autre ministre dans tous les sentiments du Roi son maître, et de conserver une part secrette dans sa confiance, en lui faisant connoître qu'il ne peut avoir aucun autre attachement qu'à lui; je sais qu'il a parlé avec beaucoup de chaleur à sa Majesté Britannique, pour montrer combien M. le Prince d'Orange pouvoit nuire au bon état ou sont les affaires présentement; et qu'un héritier présomptif sera regardé en Angleterre comme pouvant seul rémédier aux inconvéniens d'avoir un Roi d'une Religion opposée à celle de ses sujets. Milord Godolfin penche plutôt du côté de Milord Sunderland, avec qui ses an ciennes faisons subsistent. Il est encore fort abattu de la perte qu'il a faite. Il est admis dans les délibérations les plus secrètes. Le Roi d'Angleterre m'en paroit fort content, et m'a dit qu'il lui trouve plus de fermeté et de hardiesse, qu'il n'en attendoit.

Cependant tout est ici dans un fort grand calme, et il ne paroit rien qui puisse le troubler; mais dans le fond les esprits sont fort agités. Le peuple ne sauroit voir célébrer la messe dans Whitehall sans un extrême dépit, et sans craindre que cela n'ait des suites. Les gens mal intentionnés fomentent sous main ces craintes, et inspirent des soupçons, que le Roi d'Angleterre ne se croira point en sûreté qu'il n'ait entièrement établi la religion Catholique en Angleterre, et qu'il n'ait ôté aux Protestans les moyens de leur nuire. Il seroit fort difficile de juger, si les affaires demeureront dans le calme où elles sont; il ne faut qu'un refus de payer les droits dont le Roi d'Angleterre s'est mis en possession pour former une contestation qui pourroit avoir des suites. L'opinion des gens les plus habiles est, que tout sera en repos jusques à l'assemblée du parlement, et que si les affaires s'y passent doucement, il ne sera pas impossible de maintenir ce pays-ci en repos. Le zèle de la religion Protestante, et la crainte d'un gouvernement plus absolu, sont des semences de division dans les esprits, qui peut éclater aux moindres occasions qui s'en présenteront. Mais les gens sages craignent de voir commencer les désordres; ils se souviennent encore des malheurs des guerres civiles, et ceux qui ont à perdre ne se laissent pas émouvoir aisément. Ils sont même tous dans l'opinion que le parlement peut prendre les précautions nécessaires pour empêcher les progrès de la religion Catholique, et l'augmentation du pouvoir souverain. Cela s'agite présentement, et l'on va être fort occupé dans les provinces des élections. On pourra former quelque jugement de ce qui arrivera dans le parlement quand on saura de quelles gens la Chambre des Communes sera composée. Je sais, que quoique la Cour prenne grand soin d'avoir des députés favorables, il y aura beaucop d'endroits où le parti des patriotes sera supérieur, et où l'on élira des gens dont les sentiments seront entièrement opposés à ce que la Cour désirera.

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J'aurai l'application que je dois pour savoir quelles cabales se formeront pour en informer V. M. J'ai pris des mesures pour lui pouvoir rendre compte de ce qu'il lui a plu m'ordonner par sa dépêche du 20e. Il faut du temps pour cela. Jusques à-présent, les places, les ports de mer, les troupes, et les vaisseaux paroissent être dans les mains de gens qui sont fort attachés à la royauté; mais tout cela recevroit de grands changements, s'il arrivoit des dé

sordres, et que la guerre commençât sur un prétexte de religion ou de changement des loix.

Je ne vois personne qui croye que le Duc de Monmouth ôse seulement se montrer en aucun endroit. Il sait assez, que le Roi d'Angleterre ne lui pardonneroit pas. Le pardon qu'il a obtenu du feu Roi n'est valable que pour l'Angleterre, ainsi son procès lui pourroit être fait en Ecosse fort aisément. On prétend même, que depuis son pardon obtenu, il a eu avec quelques uns des conspirateurs un commerce qui le rend coupable.

L'Ambassadeur d'Espagne a demandé au Roi d'Angleterre comment il désiroit que M. le Duc de Monmouth fût traité à Bruxelles? Sa réponse, à ce que ce Prince m'a dit, à été, que ce n'étoit pas une chose sur quoi on le dût consulter que la conduite de M. le Duc de Monmouth à son égard n'étoit ignorée de personne ; et qu'à dire la vérité, il ne savoit pas quel dessein pouvoit avoir M. le Duc de Monmouth, en demeurant si près des côtes d'Angleterre dans la conjoncture présente.

Sa Majesté Britannique m'a dit aussi, que l'Ambassadeur d'Espagne lui avoit parlé du traité d'alliance, qui avoit été conclu il y a quelque temps entre le feu Roi d'Angleterre et sa Majesté Catholique, au quel il ne doutoit pas que sa Majesté Britannique ne se crût obligée, en la même façon que l'étoit le feu Roi son frère; que sa réponse avoit été, qu'il étoit fort peu instruit dans ces sortes de matières; que si l'Ambassadeur désiroit quelque êclaircissement sur cela, il pouvoit présenter un mémoire, qui seroit examiné par ses Ministres afin de lui faire une réponse dans les formes. L'Ambassadeur d'Espagne a été embarrassé de cette réponse, et a bien compris, que le Roi d'Angleterre ne se tient pas obligé au traité fait par le Roi son frère. Je lui ai dit, qu'outre que les règles ordinaires ne l'engageoient pas à ce traité, il se souvenoit que le feu Roi d'Angleterre s'en tenoit lui même suffisamment dégagé par le refus des Espagnols de se soumettre à son arbitrage, et par le changement des affaires depuis ce temps là; puis qu'ensuite d'une guerre il s'étoit fait un traité de trêve dans la garantie du quel le Roi d'Angleterre ne s'étoit pas trop mis en peine d'entrer, et que c'étoit à lui à voir ce qui lui conviendra sur cela. Le Roi d'An

gleterre m'a dit, Je ne me tiens en aucune façon obligé au traité qu'a fait le Roi mon frère avec l'Espagne, mais je me tiens fort obligé à conserver l'amitié et l'appui du Roi votre maître, et je ferai mon pos sible pour les mériter.

Je suis, &c.

Le Roi à M. Barillon.

BARILLON.

Mars 9, 1685.

MONSIEUR BARILLON j'ai reçu votre lettre des 26 Fevr. et 1 de ce mois, et j'ai vu avec plaisir par la première, que le Roi d'Angleterre a été aussi sensiblement touché que je le pouvois désirer des moyens que je vous ai donnés de l'assister dans ses plus pressans besoins, sans attendre qu'il m'en eut, requis; mais quoique je crois que la déclaration que vous lui en avez faite sans aucune reserve, ait produit de très-bons effets, et qu'elle ait parfaitement bien persuadé ce Prince du solide fondement qu'il doit faire sur mon amitié, et combien il la doit préférer à toute autre ; néanmoins, il auroit été bon, ainsi que je vous l'ai ordonné par ma dépêche du 20 Fevrier, d'attendre qu'il eût eu un plus pressant besoin de ce secours, y ayant de l'apparence, qu'à-présent que vous vous en êtes entièrement expliqué, ses ministres vous presseront de leur remettre incessamment tout ce fonds entre les mains. Quoi qu'il en soit, je laisse àprésent à votre prudence, de vous conduire en cela d'une manière qui ne puisse point déplaire au Roi ny diminuer l'obligation qu'il m'a, d'une preuve si essentielle de mon amitié.

Pour ce qui regarde ce que vous m'aviez engagé de payer au feu Roi d'Angleterre, comme vous avez assez reconnu par les ordres que je vous ai donnés, et par les lettres que vous m'avez écrites, que je n'ai accordé deux millions de livres que pour le premier payement, et quiuze cens mille livres pour chacun des deux autres qui ont fini au mois d'Avril de l'année dernière, il vous auroit

été facile de désabuser le Comte de Rochester, et les autres Ministres, de leur prétentions mal-fondées; et pour l'avenir, comme je ne prétends pas abandonner le Roi d'Angleterre dans ses besoins, il faut aussi espérer, que le nouveau Parlement qu'il convoque sera disposé à lui donner dans le commencement de son règne tous les moyens qui lui sont nécessaires pour soutenir sa dignité. Il doit cependant prendre d'autant plus de confiance dans la continuation de mon amitié, que je vous ay mis par avance, et de mon pur mouvement, en état de lui en donner des marques bien effectives.

Le Roi d'Angleterre ne pouvoit prendre un meilleur parti pour le bien de son état, et le soulagement de sa conscience, que d'entendre la messe publiquement, et cet acte de fermeté est plus capable d'inspirer le respect et la crainte à ses sujets, que de donner de nouvelles forces aux mécontents: vous avez vu par ma dernière dépêche qu'il a prévenu en cela mes sentiments, et que je n'aurois pas pu approuver une longue dissimulation de la religion qu'il professe Vous lui témoignerez aussi, que j'apprens avec plaisir que son autorité s'affermit de jour à autre par la soumission de tous ses sujets, et que je m'assure, que bonne conduite dissipera toutes les cabales qui pourroient troubler le repos de son règne.

sa

Milord Churchil m'a parlé dans le sens que vous m'avez écrit, et j'ai ordonné au Maréchal de Lorge de partir incessamment pour aller faire mes complimens de condoléance aux Roi et Reines d'Angleterre, et témoigner au premier la part que je prens à son heureux avènement à la couronne de ses ancêtres quelque murmure que puisse exciter la continuation de la levée des mêmes droits qui ont été accordés au feu Roi d'Angleterre, il y a lieu de croire, quil s'appaisera par la convocation ét l'assemblée du parlement; mais quelque effet qu'elle produise, le Roi d'Angleterre fait très-sagement de se conserver ce moyen de subvenir aux besoins de son état. Il me paroit aussi, qu'il est plus prudent de se faire courronner avant la tenue du Parlement, que lorsqu'il sera assemblé ; et je serai bien aise que vous m'informiez de toutes les difficultés qui naitront sur cette affaire, et des tempéraments qui seront pris pour en sortir.

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