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et parloit avec plus de sens et de connoissance qu'il n'avoit encore fait, depuis dix heures du soir jusqu'à huit heures du matin. Il parla plusieurs fois tout haut à M. le Duc d'York avec des termes pleins de tendresse et d'amitié ; il lui recommanda deux fois Madame de Portsmouth et le Duc de Richemont; il lui recommanda aussi tous ses autres enfans; il ne fit aucune mention de M. le Duc de Monmouth, ni en bien ni en mal: il temoignoit souvent sa confiance en la miséricorde de Dieu. L'évesque de Baths et de Vels, qui étoit son prédicateur, faisoit quelques priéres, et lui parloit de Dieu; le Roy d'Angleterre marquoit de la tête qu'il l'entendoit: cet évesque ne s'ingéra pas de lui dire rien de particulier, ni de lui proposer de faire une profession de foi; il appréhendoit un refus, et craignoit encore plus, à ce que je crois, d'irriter M. le Duc d'York.

Le Roy d'Angleterre conserva toute la nuit une entière connoissance, et parla de toutes choses avec un grand calme; il demanda à six heures, qu'elle heure il' étoit, et dit, Faites ouvrir les rideaux afin que je voye encore le jour; il souffroit de grandes douleurs, et on le saigna à sept heures dans l'opinion que cela adouciroit ses douleurs; il commença à huit heures et demie à ne plus: parler que très-difficilement; et sur les dix heures, il n'avoit plus aucune connoissance; il mourut à midi sans aucun affort ni convulsion. Le nouveau Roi se retira à son apartement, et fut reconnu unanimement, et ensuite proclaimé.

J'ai cru devoir rendre un compte exacte à votre Majesté du détail de ce qui s'est passé dans cette occasion, et je m'estime bien heureux que Dieu m'ait fait la grace d'y avoir quelque part. Je suis, &c.

M. Barillon au Roi.

19 Fevrier, 1685.

J'INFORMAI Votre Majesté, le seizième hier au soir, par un courier exprès, de la mort du Roy d'Angleterre, et que le Duc d'York avoit été reconnu et pro clamé Roi sans aucun trouble ni opposition. Le nouveau Roi d'Angleterre

alla dans la chambre du conseil, un quart d'heure après la mort du Roi son frère. Le Garde des Sceaux d'Angleterre, le Garde du Sceau Privé, et les deux Secretaires d'Etat lui remirent les sceaux, qu'il leur rendit à l'instant, et dit qu'il établissoit le conseil des mêsmes personnes, dont il avoit été composé. Ils prêtèrent tous un nouveau serment; ensuite, sa Majesté Britannique leur dit en peu de mots, que la douleur de la perte d'un frère, et d'un Roi, pour qui il avoit autant de respect et d'amitié, ne lui permettoit pas de leur faire un long discours; mais, qu'il se croyoit obligé de leur declarer d'abord, qu'il ne se serviroit du pouvoir que Dieu lui avoit donné que pour le maintien des loix d'Angleterre, et qu'il ne feroit rien, contre la sûreté et la conservation de la religion Protestante; qu'il apporteroit tous ses soins, pour remplir les devoirs d'un bon roi à l'égard de ses sujets, et de ses peuples; et qu'il s'attendoit aussi que ses sujets demeureroient dans l'obeissance et la fidelité qu'ils lui doivent par les loix divines et humaines. Milord Rochester prit la parole, et demanda à sa Majesté Britannique, s'il ne lui plaisoit pas que l'on publiât une Déclaration de ce qu'il lui avoit plû de dire. Cela fut resolu, et la Déclaration sera imprimée. On donna ensuite les ordres pour la proclamation, et le conseil se leva pour aller en corps, saluer la Reine régnante; et ensuite la Reine Douairière.

De là tout le conseil alla faire faire la publication en plusieurs endroits de la ville de Londres, où le Maire se trouva aussi. Les Pairs d'Angleterre qui se trouverent presens, suivirent le conseil. Il y avoit quelques troupes à cheval, qui pércédoient, et des compagnies d'infanterie postées en divers endroits, pour réprimer le tumulte et le désordre, s'il en fut arrivé. Le peuple fit des acclamations ordinaires en pareil cas. Il y avoit des gens préposés pour distribuer du vin, et boire à la santé du Roi Jacques Second.

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Il n'y a eu encore aucun changement dans les charges. Le Roi d'Angleterre a cru d'abord devoir laisser les choses comme elles sont, on n'a même encore rien changé au conseil du cabinet, mais il ne se tient que pour la forme, et le Roi d'Angleterre a des conférences secrettes avec Milord Sunderland, Milord Rochester, et Milord Godolphin, où les choses les plus importantes se résolvent. Milord Rochester a plus de part qu'aucun autre à sa confiance. It ne

songe plus à aller en Irlande; on croit que ce sera, ou le Comte de Clarendon ou le Duc de Beaufort. Le 'Duc d'Ormond pourra bien y demeurer encore quelque temps.

Le Roi d'Angleterre, m'a dit qu'il envoyera Milord Churchil incessament donner part à Votre Majesté de la mort du Roi son frère, et de son avenement à la couronne, et qu'il l'a choisi comme un homme, qui est déjà dans le secret d'une intime liaison avec V. M. Il est gentilhomme de sa chambre, et cet envoy le regardoit naturellement, n'envoyant point le Comte de Peterborough, qui est le premier gentilhomme de la chambre.

Sa Majesté Britannique alla voir Madame de Portsmouth, une heure après être proclamé, et lui donna beaucoup d'assurances de sa protection, et de son amitié. Milord Godolfin, et les autres commissaires des finances, demeurent dans leur fonction, mais on croit, que dans quelque temps Milord Rochester sera Grand Trésorier, et qu'il a jugé lui-même, plus à-propos, de laisser établir les affaires avant que d'avoir ouvertement l'administration des finances. Milord Sunderland a aussi beaucoup de part à la confiance du Roi d'Angleterre; il m'en a parlé avec beaucoup d'estime, et comme le croyant fort propre à le servir dans les desseins qu'il a. Sa Majesté Britannique a pris soin avant et depuis la mort du Roi son frère, d'établir une liaison étroite entre Milord Rochester et Milord Sunderland. Leur amitié s'étoit un peu refroidie dans les derniers temps: Milord Sunderland, Madaine de Portsmouth, et Milord Godolfin possedoient seuls toute l'autorité auprès du feu Roi d'Angleterre, Milord Rochester, qui le connoissoit, avoit désiré d'aller en Irlande, à quoi les autres l'avoient servi, pour lui procurer un exil honorable. M. le Duc de York souffroit avec peine la diminution du crédit de Milord Rochester, croyant que cela retournoit sur lui. J'ai été souvent employé à adoucir ce qui se passoit.

Milord Churchil est informé de tout à fond, et pourrá, si V. M. l'a agréable, lui dire beaucoup de choses, qu'il est impossible d'expliquer par des lettres. Elles ne sont pas à cette heure fort importantes, si ce n'est pour faire mieux connoitre l'état du dedans de la cour d'Angleterre, présentement. Milord

C

Churchil a beaucoup de part aux bonnes graces de son maître, et le choix qu'il a fait de lui pour l'envoyer à V. M. en est une marque. Je veins à cette heure à ce qu'il y a de plus important.

Les revenus du Roi d'Angleterre tombent pour la plus grande partie par la mort du Roi son frère. Il est persuadé que le gouvernement ne se peut soutenir avec ce qui lui reste de revenu, qui ne monteroit au plus qu'à sept cens mille livres sterlin.

Il me fit hier au soir entrer dans son cabinet, et après m'avoir parlé de diverses choses du dedans qui ne sont pas de grande importance, il me dit, Vous allez peutêtre être surpris, mais j'espère que vous vous serez de mon avis quand. je vous aurai dit mes raisons. J'ai résolu de convoquer incessamment un parlement, et de l'assembler au mois de Mai. Je publierai en même tems une déclaration pour me maintenir dans la jouissance des mêmes revenus qu'avoit le Roy mon frère. Sans cette proclamation pour un parlement, je hazarderois trop de m'emparer d'abord de ce qui s'est établi pendant la vie du feu Roy; c'est un coup décisif pour moi d'entrer en possession et en jouissance; car dans la suite, il me sera bien plus facile ou d'éloigner le parlement, ou de me maintenir par des autres voyes qui me paroitroient bien plus convenables.. Beaucoup de gens diront que je me determine trop promptement à convoquer un parlement; mais si j'attendois d'avantage, j'en perdrois tout le mérite. Je connois les Anglois; il ne faut pas leur témoigner de crainte dans les commencemens ; les gens mal-intentionnés auroient formé des cabales pour demander un parlement, et se seroient attiré la faveur de la nation dont ils auroient abusé dans la suite; je sçai bien que je trouverai encore des difficultés à surmonter; mais j'en viendrai à bout, et me mettrai en état de reconnaitre les obligations infinies que j'ai au Roy votre maître.

Je connois en quels embarras le feu Roy mon frère s'est jetté quand il s'est laissé ébranler à l'égard de la France: j'empêcherai bien qu'un parlement ne se mêle des affaires étrangères; et je le séparerai dès que je verrai qu'ils feront paroître aucune mauvaise volonté.

C'est à vous à expliquer au Roi votre maître ce que je vous dis, afin qu'il ne trouve pas à redire que j'aie pris si promptement une rèsolution si importante, et sans le consulter, comme je le dois et le veux faire en tout; mais j'aurois gâté extrêmement mes affaires, si j'avois différé seulement de huit jours, car je serois demeuré privé des revenus que je conserve; et la moindre opposition, de la part de ceux qui auroient refusé de payer les droits, m'auroit engagé à les lever par force, au lieu que je prétendrai avoir la loy pour moi présentement; et il me sera fort aisé de reduire ceux qui voudront s'opposer à ce que je fais.

Le Roy d'Angleterre a ajouté à cela toutes sortes de protestations de reconnoissance et d'attachment pour votre Majesté; il me dit que sans son appui et sa protection, il ne pouvoit rien entreprendre de ce qu'il avoit dans l'esprit en faveur des Catholiques; qu'il savoit assez, qu'il ne seroit jamais en sûreté que Ja liberté de conscience pour eux ne fût entièrement établie en Angleterre ; que c'est à cela à quoi il travaillera avec une entière appliquation dès qu'il y verra de la possibilité; que j'avois vu avec quelle facilité il avoit été reconnu et proclamé Roy; que le reste arrivera de la même manière en se conduisant avec fermeté et sagesse,

Je dis à sa Majesté Britannique que je ne prendrois pas le parti de repondre sur le champ à ce qu'il me faisoit l'honneur de me dire; que je ne pouvois jamais douter de la sincérité de ses sentimens à l'égard de votre Majesté; et que je le croiois trop habile et trop sage pour rien faire qui put altérer une liaison fondée sur tant d'expérience et de raison; que je rendrois compte à votre Majesté de ce qu'il m'avoit dit; et que quand j'y aurois pensé, je lui dirois librement mes sentiments, qui ne devoient être d'aucun poids jusques à ce que je parlasse de la part de votre Majesté ; que je lui dirois cependant de moimême, et sans y penser d'avantage, que votre Majesté est en un tel état qu'elle n'a rien à desirer pour l'augmentation de sa puissance et de sa grandeur: qu'elle a donné des bornes à ses conquêtes dans le tems qu'elle auroit pu facilement les augmenter: que son amitié pour le feu Roi d'Angleterre et pour lui à qui j'avois l'honneur de parler, l'avoit engagé à soutenir leurs intérêts et ceux de la Royauté en ce pays-cy; que Dieu avoit béni les desseins de votre Majesté

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