Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

J'avois déjà appris l'éloignement des domestiques de la Princesse d'Orange; et j'ai bien cru que le Roy d'Angleterre n'agréeroit pas qu'on leur fit un crime de l'informent par son ministre des nouvelles de la santé de sa fille, et de l'état de ses affaires.

M. Barillon au Roy.

5 Novembre, 1685, à Londres.

ON N fait beaucoup de différentes réflexions sur la disgrace de Milord Halifax. Il a déclaré à ses amis qu'il n'auroit pas voulu s'engager à soutenir les desseins que sa Majesté Britannique a pour le prochain Parlement, et qu'il avoit mieux aimé se retirer de la cour, que de demeurer à condition de se déclarer ouvertement pour tout ce que l'on entreprendra de faire en faveur des Catholiques, et pour l'augmentation de l'autorité royale. Beaucoup de gens disent que le Roy d'Angleterie auroit mieux fait d'engager insensiblement Milord d'Halifax à seconder ses desseins, et à s'en servir pour ménager dans le Parlement ce qu'il en voudra obtenir, que de le disgracier seulement parce qu'il ne veut pas entrer dans des mesures opposées aux lois établies, et à tout ce que les Anglois ont le plus avant enraciné dans le cœur: mais sa Majesté Britannique raisonne fort différement, et croit que rien ne seroit si dangereux pour le bien de ses affaires, que de conserver un ministre qui a des sentiments et des principes opposés aux siens, et qu'il est même à propos qu'on connoisse, que le seul moyen d'être bien à la cour, et de conserver ses bonnes graces, est de suivre aveuglément ses volontés, et d'avoir un attachement à ses intérêts qui ne soit sujet à aucune interprétation ni réserve.

Cet incident est regardé aussi avec beaucoup d'attention des ministres étrangers: ceux qui sont ici les mieux informés ne croyoient pas que Milord Halifax eut un grand crédit; mais la plûpart s'imaginoient que son crédit augmenteroit à mesure que le Roy d'Angleterre entreroit dans des mesures opposées à celles que le feu Roy son frère et lui, ont tenues jusques à-present. Milord Halifax prenoit grand soin de flatter les espérances de ceaux qu'il connoissoit

désirer que sa Majesté Britannique s'unit étroitement avec le Prince d'Orange, et se relachât un peu d'une liaison trop étroite avec V. M. On prétendoit étendre cela dans la suite à une entière séparation de vos intérêts et des siens. Ce projet étoit soutenu par Milord Halifax, qui croyoit bien que, tant que V. M. et le Roy son maître seroient en bonne intelligence, il n'auroit pas une grande part dans sa confiance; mais que venant à s'altérer, les autres ministres perdroient quelque chose de leur crédit, et que le sien augmenteroit. Les Ambassadeurs d'Espagne et d'Hollande l'ont regardé comme leur principal conseil depuis quelques années, et adoient à fortifier le bruit répandu dans les pays étrangers, que Milord Halifax avoit beaucoup de part aux résolutions qui se prenoient. Le secrétaire du Comte de Toun qui est demeuré ici avec la qualité de secrétaire de l'Empereur, ne s'est du retenir de dire à plusieurs personnes qu'il étoit fort étrange que le Roy d'Angleterre chassât Milord Halifax de son conseil, après l'obligation qu'il lui avoit d'avoir soutenu avec tant de force son parti, ou plutôt son droit, dans le Parlement, lorsqu'il étoit question de l'exclusion.

Ce discours est revenu au Roy, qui l'a trouvé fort à redire. La vérité est, que Milord Halifax, pour entrer dans la confiance du feu Roy d'Angleterre, soutint fortement la succession contre Milord Schaf bery, et se trouva lors à la tête de ceux qui s'opposèrent dans la Chambre Haute au Bill d'Exclusion contre M. le Duc d'York, qui avoit déjà passé dans la Chambre Basse mais dès le lendemain que ce Bill d'Exclusion fut rejeté, Milord Halifax proposa des tempéraments contre le Duc d'York, plus ruineux pour lui que l'Exclusion. Le principal étoit un banissement perpétuel pendant la vie du feu Roy, et de și grandes restrictions à son autorité, en cas qu'il vint à la couronne, que l'on jugea ces conditions plus dangereuses et moins admissibles que l'exclusion, Depuis cela Milord Halifax's'est toujours déclaré ouvertement contre M. le Duc d'York, et s'est opposé à tout ce qui a été de ses avantages.

On m'a assuré que la Reine Douaïrière ne conservera pas à Milord Halifax la charge qu'il a de son Chancelier, et lui même ne juge pas la pouvoir garder; il est pourtant assez bien auprès d'elle et a fait donner la charge de Trésorier de sa Maison au Sieur Tin, son cousin.

A-présent que l'assemblée du Parlement approche, on commence à parler dans Londres des matières qui seront agitées dans cette assemblée : il est encore difficile de juger quel en sera le succès; car quoique le plus grand nombre des députés paroissent bien intentionnés pour sa Majesté Britannique, les Actes du Test, et d'Habeas Corpus sont regardés par tous les Anglois comme les remparts de la religion Protestante, et des priviléges de la nation. Le Roy d'Angleterre espère venir à bout de les faire révoquer; autrement ce seroit une imprudence de l'entreprendre, et de se trouver obligé de séparer le Parlement, sans en avoir obtenu ce qu'il croit nécessaire pour l'affermissement de son autorité. Le rétablissement des Pairs Catholiques sera une suite de la révocation du Test, et aussi la confirmation des officiers de guerre, et de la Maison qui sont Catholiques. Tout cela est regardé comme très-important, et presque tous les Anglois voïent avec grande douleur que l'autorité royale prend tous les jours de nouvelles forces, et que les loix établies contre la religion Catholique ne pourront, s'établir sous le règne d'un Roy qui en fait une profession ouverte.

L'évêque que le Pape a envoyé ici est arrivé; il n'y fera point encore de fonction publique; mais son arrivée n'est pas secrète. Le Roy d'Angleterre me paroît fort content de lui. Tous les ecclésiastiques séculiers d'Angleterre sont soumis à sa direction. Son titre est in partibus.

Milord Preston est Chancelier de la Reine Douaïrière à la place de Milord Halifax. La charge de Chambellan, vacante par la mort du Comte d'Ailesbury, a été donnée au Comte de Mangraf [Mulgrave]; et la charge de Gentilhomme de la Chambre, qu'avoit Milord Mangraf, à Milord Brousse, qui est à-présent Comte d'Ailesbury par la mort de son père.

Le sieur Corniche a été exécuté, et une femme nomme Gaunt, âgée de soixante ans, brulée pour avoir retiré des rébelles chez elle.

J'envoye à votre Majesté la copie du Mémoire qui a été donné à Milord Sunderland par l'Ambassadeur d'Espagne. Je suis, &c.

Le Roy à M. Barillon.

16 Novembre, 1685.

M. BARILLON, votre lettre du 5 de ce mois m'informe des différents raisonnements qu'on fait au lieu où vous êtes sur la disgrace de Milord Halifax : mais quelque effet qu'elle puisse produire, vous jugez bien qu'il ne peut être que fort avantageux à mes intérêts qu'un ministre si dévoué à ceux d'Espagne, et si contraire à la religion Catholique, soit éloigné des conseils du Roy d'Angleterre, et je m'assure aussi que cet acte de fermete augmentera encore l'autorité du dit Roy, et rendre même l'assemblée du Parlement plus soumise à ce qu'il désirera d'elle. Je laisse à votre prudence à l'informer de mes sentiments sur ce sujet, si vous le jugez à-propos.

Quelque répugnance que puissent avoir les Anglois à souffrir quelque changement dans les deux points qu'ils croient être si essentiels à la conservation, tant de la religion Protestante, que de leurs droits et priviléges, ils sont néanmoins d'ailleurs d'une si grande conséquence pour le succès des desseins que le dit Roy a formés, qu'il a grande raison d'employer toute son autorité à les obtenir. Il y a d'autant plus d'apparence aussi qu'il y réussira que l'état paisible où est aujourdhui toute l'Europe, ne laisse envisager aux factieux aucune ressource ni désirer aux bien intentionnés une conjoncture plus favorable.

Le mémoire que l'Ambassadeur d'Espagne a remis entre les mains du Comte de Sunderland, ne regarde que ce qui est dû à des particulieres par les Etats de Haynault, et n'est pas capable de produire de nouveaux troubles. Mais les continuelles contraventions que les Espagnols font au traité de trêve, par les prises et enlèvement des vaisseaux de mes sujets, pourroient leur attirer de plus fâcheuses suites, s'ils ne rendent au-plutôt ce qu'ils ont pris.

Je reçois encore présentement votre lettre du 8, avec le mémoire des payements que vous avez faits depuis la mort du feu Roy d'Angleterre; et après

que j'aurai fait examiner s'il se rapport au compte que vous avez ci-devant envoyé des payements faits par vos ordres jusqu'à la mort du feu Roy d'Angleterre, je vous fera savoir mes sentiments sur cet article.

J'apprends de toutes parts que le Roy d'Angleterre témoigne une grande disposition à entrer dans toutes sortes d'engagements contraires a mes intérêts. L'on me confirme encore l'avis que je vous ai déjà donné que le Roy Catholique envoye à son Ambassadeur en Angleterre le pouvoir de conclure une ligue avec la Cour où vous êtes, sur les assurances que ce ministre a données qu'il y trouveroit dans la conjoncture présente de très-grandes facilités. Vous devez néanmoins témoigner au Roy d'Angleterre que je suis persuadé qu'il rejettera si loin les propositions de ligue que ce ministre pourroit faire, que la Cour d'Espagne sera bientôt dèsabusée de l'espérance qu'elle a eue d'un bon succès dans cette affaire.

Il me paroît par tout ce que vous m'écrivez que le Roy d'Angleterre n'a pas sujet d'être content du Prince d'Orange; et il est à souhaiter, pour le maintien de la paix, et pour le bien de notre religion, qu'il ny ait pas entre eux une plus grande intelligence.

Extrait d'une Lettre de M. Barillon au Roy.

12 Novembre, 1685, à Londres.

Le Roy d'Angleterre m'a dit qu'il en étoit persuadé et fort aise [il s'agit ici du désir que témoignoit et qu'avoit Louis XIV. d'affermir le repos dont jouissoit alors l'Europe], que je voyois combien il lui importoit qu'il n'arrivât pas de rupture entre V. M. et le Roy d'Espagne, et que je savois quels avantages cela donneroit à ceux qui veulent traverser ses desseins à l'égard de la religion Catholique.

Le Chevalier Trumball est parti pour France. Le Roy d'Angleterre m'a dit qu'il lui avoit donné des instructions et des ordres précis d'apporter tous ses soins pour la continuation d'une bonne intelligence avec V. M. J'ai prié

« VorigeDoorgaan »