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laquelle la France a donné la loi, et a trouvé toute sorte de facilité à se maintenir dans ses usurpations. Le Comte de Toun a paru rempli des espérances de l'avenir; il lui est pourtant échappé de dire que le Roy d'Angleterre s'etoit expliqué avec chaleur sur la continuation de la trêve, il y a quelques jours, et avoit dit, que si les Espagnols étoient assez imprudents pour rompre la trêve, et commencer la guerre, il se déclareroit contre eux, et se joindroit ouvertement à la France. Le Comte de Toun a paru choqué de ce discours du Roy d'Angleterre, qui marque peu de disposition de sa part à entrer dans les projets de la Maison d'Autriche.

Je rends comte à V. M. de ce détail, qui peut servir à lui faire connoître que les espérances dont ces Ministres Autrichiens se flattent sur le sujet du Roy d'Angleterre n'ont pas tout le fondement qu'ils veulent faire

croire.

Les Ambassadeurs d'Hollande parlent de s'en rétourner aussitôt après que les ratifications qu'on attend de Hollande auront été échangées.

Le Sieur Skelton a écrit que le Sieur Fuches l'avoit prié d'écrire au Roy son maître pour l'exhorter d'entrer dans le traité qu'il a fait avec les Etats: il ne paroit pas qu'on y ait ici aucune disposition.

Le Roy d'Angleterre tient souvent des discours tout haut, qui marquent combien il croit les Princes Calvinistes opposés à ses intérêts, et ennemis, en général, de toute royauté, et principalement d'une royauté en Angleterre. Ces discours faits en public déplaisent fort aux Ambassadeurs d'Hollande, qui savent bien que c'est des peuples de Hollande dont sa Majesté Britannique entend parler..

Extrait d'une Lettre du Roy à M. Barillon.

28 Octobre, 1685, à Fontainebleau.

Je m'assure que la séance du Parlement qui est convoquée au 19 Novembre, ne sera pas moins avantageuse au Roy d'Angleterre que la précédente; et il y a lieu de croire que s'il n'en étoit pas bien persuadé, il se garderoit bien d'assembler si souvent un corps qui partage avec lui l'autorité souveraine. Je n'aurai point d'autre ordre à vous donner sur ce sujet que de bien observer tout ce qui s'y passera pour m'en rendre compte.

à M. Barillon.

1 Novembre, 1685, à Fontainebleau.

J'AI fait voir au Roy, Monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire par la quelle vous me mandez que, depuis la mort du feu Roy d'Angleterre, vous avez payé au Roy à-présent régnant la somme de huit cent mille livres, et qu'il ne vous reste entre les mains que celle de quatre cent quatre vingt mille livres, sur laquelle vous devez retenir deux cent mille livres, d'une part, et soixante deux mille livres d'autre ; mais comme sa Majesté croit que le pouvoir qu'elle vous a donné par ses dépêches, à toujours été restraint au seul payement des subsides que vous aviez promis verbalement, en son nom, au feu Roy, et dont il n'étoit du à sa mort que quatre cent soixante dix mille livres, elle m'a ordonné de vérifier, dans toutes ses dépêches s'il y en auroit quelqu'une qui vous permit de faire cette avance de trois cente trente mille livres de plus; et comme je n'en trouve point dans toutes celles que j'ai ici, je vous prie, Monsieur, de m'éclairer plus particulièrement là dessus, et de m'envoyer même l'extrait de la dépêcher de sa Majesté qui vous donne ce pouvoir.

Je suis, Monsieur, &c. &c.

Extrait d'une Lettre de M. Barillon au Roy.

29 Octobre, 1685, à Londres.

IL [le Roy d'Angleterre] me mena hier matin dans son cabinet, et me dit qu'il avoit plusieurs choses à me dire pour les faire savoir à V. M. ne voulant, rien faire d'important et de conséquence dont il ne lui fit part ; que la première étoit la résolution qu'il avoit prise de ne pas laisser plus longtemps Milord Halifax dans le ministère, et qu'il lui oteroit sa place de Président du Conseil; que je savois que, dès le temps du feu Roy son frère, il avoit eu mauvaise opinion de ses sentiments, et de sa conduite, et ne l'avoit pas cru assez attaché à la royauté; que, depuis son avènement à la couronne, il avoit essayé de lui inspirer de meilleurs sentiments, et l'obliger à tenir des maximes conformes à celles que doit avoir le ministre d'un Roy, et même celles d'un bon sujet ; qu'il avoit vu que le fonds de Milord Halifax ne se pouvoit changer, et qu'ainsi sa résolution étoit prise de ne s'en plus servir, que l'on avoit voulu le détournir de faire cet éclat avant l'assemblée du Parlement, et de ce servir plutôt de Milord Halifax dans cette Assemblée pour obtenir plus aisément les choses qu'il désiroit; mais que c'étoit par cette même raison qu'il vouloit le chasser de son conseil ; que son exemple pouvoit gâter beaucoup de gens, et fortifier le parti de ceux qui lui voudroient résister; qu'il connoissoit les inconvénients d'un conseil partage, et de souffrir que ses ministres eussent des sentiments opposés aux siens ; que le feu Roy son frère s'en étoit mal trouvé, et qu'il tiendroit une conduite différente. Il ajouta, que son dessein étoit de faire révoquer par le Parlement l'acte du Test, et l'acte de l'Habeas Corpus, dont l'un est la déstruction de la religion Catholique, et l'autre de l'autorité royale ; qu'il espère en venir à bout, que Milord Halifax n'auroit pas eu le courage et la fermeté de soutenir le bon parti, et qu'il feroit moins de mal, n'ayant plus de part aux affaires, et étant disgracié.

Sa Majeste Britannique me parla encore d'une autre résolution qui doit paroître avant l'assemblée du Parlement, c'est celle d'envoyer un Ambassa

deur extraordinaire à Rome, jugeant qu'il est de sa dignité, étant Catholique, de faire ce que les Rois ont accoutumé à l'égard du St. Siege.

Je remerciai le Roy d'Angleterre de tout ce qu'il m'avoit fait l'honneur de me communiquer. Je lui dis que j'en rendrois compte à V. M. et que j'osois lui répondre par avance que V. M. approuveroit entièrement ses résolutions et auroit beaucoup de joie de le voir en état d'entreprendre des choses si importantes pour l'avantage de la religion Catholique, et pour l'affermissement de son autorité. Sa Majesté Britannique me dit en riant; " Je ne pense pas que le Roy votre maître soit fâché que j'éloigne Milord Halifax de mes conseils. Je sais bien du moins que les ministres des confédérés en seront mortifiés, et qu'ils avoient une grande opinion de son crédit."

Je répondis à cela que j'avois agi de concert avec lui du temps du feu Roy son frère, pour ôtre du ministère Milord Halifax ; mais que je n'avois pas cru qu'il eut le moindre crédit depuis sa mort; que je convenois cependant que son éloignement des affaires produiroit un bon effet en Angleterre, et dans les pays étrangers pour détruire l'opinion que les ministres de la Maison d'Autriche tâchent d'y établir, que la bonne intelligence et l'amitié sont fort diminuées entre V. M. et lui; que je savois même que les Ambassadeurs d'Hollande étoient partis depuis deux jours fort persuadés que Milord Halifax étoit un des ministres les plus accrédités, et sur l'amitié du quel le Prince d'Orange pouvoit faire le plus de fondement. J'ai dit ceci pour voir si le Roy d'Angleterre me parleroit d'une affaire qui regarde le dedans de la maison du Prince d'Orange, qui n'a pas encore éclaté, mais qui sera bientôt publique : il ne m'en parla point, et je ne jugeai pas lui en devoir parler le premier.

Le Prince d'Orange a découvert que le ministre de la Princesse d'Orange sa nourrice, et une femme de chambre qu'elle aime sort, étoient en commerce avec Skelton, et l'avertissoient de tout ce qui venoit à leur connoissance de plus secret. Cela a été su du Prince d'Orange par une lettre qui a passé par les mains de Dalonne, secrétaire de la Princesse d'Orange. Le Prince d'Orange a pris cette affaire avec tant d'aigreur, qu'il a chassé le ministre, la nourrice, et la femme de chambre, et les a renvoyés à la Haye : je ne sais même s'ils ne sont point déjà partis pour l'Angleterre. Le Roy d'Angleterre me

paroit, de son côté, fort aigri, et croit que le Prince d'Orange marque clairement sa mauvaise volonté à son égard, d'être si troublé que son ministre ait connoissance de ce qui se passe dans la maison de sa fille et de son gendre.

Je n'ai pas pressé le Roy d'Angleterre de me dire le nom de l'Ambassadeur qu'il envoye à Rome, afin de lui laisser toute la facilité de s'expliquer avec moi en confiance, sans lui faire croire que je veuille savoir plus qu'il n'a envie de me dire; mais j'ai su d'ailleurs que c'étoit le Comte de Castelmaine, mari de Madame la Duchesse de Cleveland. Je ne doute pas que V. M. ne fasse la même réflexion que je sais avoir été faite par ceux qui ont appris ce choix. Il semble d'abord qu'il y ait quelque ridicule à envoyer un homme si peu connu par lui même, et si connu par Madame de Cleveland. Le Roy d'Angleterre ne s'est point arrêté à cela; et l'a choisi parce que les Catholiques ont une grande confiance en lui, qu'il a fait plusieurs voyages en Italie, qu'il le croit fort habile et fort zélé Catholique, &c.

Je suis, &c.

Extrait d'une Lettre du Roy à M. Barillon.

6 Novembre, 1685, à Fontainebleau.

IL [le Roy d'Angleterre] a raison de croire que Milord Halifax n'ayant aucune religion, ne peut pas être un miniştre fort fidèle et fort affectionné au maintien de l'autorité royale.

Le dit Roy ne peut employer plus utilement pour lui ses soins et son pouvoir, qu'à faire révoquer par le Parlement, l'Acte qu'ils appellant du Test qui oblige ses sujets de faire des serments si horribles, et si contraires à ce qu'on doit à Dieu et même à la royauté.

Il n'est pas moins important aussi pour la maintenir de l'ôter de l'embarras que lui donne ce second acte que vous appellez Habeas Corpus, et j'apprendrai toujours avec plaisir qu'il ait réussi dans ces deux projets.

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