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quoi il plaira à V. M. de me donner ses ordres ; s'ils sont tels qu'on les éspère ici, et que je puisse continuer les payements du subside, il dépendra de V. M. d'entrer dans le plus grands engagements, et de jeter les fondements d'une liaison étroite qui puisse durer longtemps, et dans laquelle V. M. pourra trouver ses avantages, selon qu'elle l'estimera à-propos. Mais il me paroit que, pendant la négociation, il seroit nécessaire de continuer quelques payements, à moins que V. M. ne se déterminât à donner tout le fonds qui est ici, ce qui combleroit de joie le Roy d'Angleterre, tant pour l'utilité présente qu'il en recevroit, que par la sûreté qu'il croiroit avoir de l'amitié de V. M. je ne doute pas qu'en ce cas il ne prît toutes les résolutions qui pourroient être le plus avantageuses à la religion Catholique, et qu'il ne les exécutât; mais outre cela il prendroit, autant que je le puis juger, tous les engagements que V. M. pourroit désirer sur les affaires du dehors. Jai connu dans tout ce qui m'a été dit, qu'il seroit fort périlleux au Roy d' Angleterre d'être mal avec V. M., il le seroit encore plus qu'on ne se l'imagine; et le parti opposé à la royauté en Angleterre est si nombreux, et les semences de division dans les esprits sont si fortes, que sans l'amitié de V. M., il seroit fort difficile que le Roy d'Angleterre eut un règne paisible et heureux. J'ai cru voir dans tout ce qui m'a été dit par ce Prince, une envie fort sincère d'être étroitement uni à V. M.: s'il avoit dessein de s'en séparer, il ne presseroit pas si vivement pour un secours présent, et se contenteroit de demeurer dans un état de bienséance avec V. M. sans désirer une ligue si étroite. Je crois aussi connoître en lui un dessein formé pour l'établissement de la religion Catholique, qui ne sera interrompu ni retardé, que lorsqu'il ne pourra surmonter les obstacles qui s'y rencontreront. Mais il travaillera tous les jours à en venir à bout; c'est à quoi il voit bien que V. M. seule peut l'aider.

Le Parlement a témoigné beaucoup d'éloignement de consenter à tout ce qui auroit pu être tiré à conséquence en faveur des Catholiques: leur premier mouvement a été de les poursuivre et d'exécuter les loix contre eux. Ils s'en sont départis, mais contre leur sentiment, et par un coup d'autorité qui ne réussiroit pas toujours. Le Bill de la restitution de Milord Stafford est demeuré dans la Chambre des Communes, sans être admis, parce que dans le préambulé il y a eu des mots insérés qui semblent favoriser la religion Catholique ; sela seule a retardé cet acte de réhabilitation du Comte de Stafford dont tous sont

d'accorde à l'égard du fonds. Dans le dernier Bill que la Chambre des Communes a résolu pour la sûreté de la personne du Roy d'Angleterre, il a été mis expressément qu'il seroit permis aux ministres de prêcher, et aux autres de parler contre le Papisme. La Reine en a marqué beaucoup d'animosité et d'aigreur; et le Roy d'Angleterre a mieux aimé que cet acte ne fut point passé, quoiqu'il contint beaucoup d'autres choses très-avantageuses pour le gouvernement. Cela même (autant que j'en puis juger) a avancé la séparation du Parlement.

Je fais ces remarques afin que V. M. observe que le Roy d'Angleterre n'a pas été en état ni en pouvoir d'établir l'exercice libre de la Religion Catholique Il n'auroit pu le tenter sans s'exposer non seulement à un refus, mais à quelque chose de pire, c'est-à-dire, que cela auroit pu empêcher les secours d'argent qui lui ont été accordés par le Parlement. Cependant le Roy d'Angleterre fait ce me semble, tout ce qui est en lui en faveur des Catho liques, leur accordant les principaux emplois de guerre, et mettant dans les charges subalternes tous ceux qui se présentent. Il est difficile d'exprimer combien on a trouvé à redire ici que Milord Dombarton ait été fait générale de toutes les troupes en Ecosse, et que M. Talbot ait eu la direction sur toutes celles d'Irlande. On voit qu'insensiblement les Catholiques auront les armes à la main; c'est un état bien différent de l'oppression où ils étoient, et dont les Protestants zélés reçoivent une grande mortification: ils voyent bien que le Roy d'Angleterre fera le reste quand il le pourra. La levée des troupes, qui seront bientôt complettes, fait juger que le Roy d'Angleterre veut être en état de se faire obéir, et de n'être pas gêné par les loix qui se trouveront contraires à ce qu'il veut établir. Toutes ces ques ne s'accordent pas avec des liaisons opposées aux intérêts de V. M.

Je sais bien ce qui se dit dans les pays étrangers, et que le bruit y est fort répandu d'une réunion secrette entre le Roy d'Angleterre et le Prince d'Orange. J'ai toute l'application que je dois pour pénétrer ce qui se passe à cette égard :. mais je n'a rien connu qui alle au-delà de ce que le Roy d'Angleterre est obligé de faire pour ne pas jeter ouvertement le Prince d'Orange dans le parti de ses ennemis, ce qui ne seroit pas prudent dans la conjoncture présente. I แ

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étoit naturel de retirer d'Hollande les troupes composées de sujets de sa Majesté Britannique, pour avoir un prompt secours.

M. d'Avaux m'a mandé, par sa dernière lettre, qu'on lui avoit donné avis que Skelton a demandé des troupes de l'Electeur de Brandebourg au Sieur Fuches. J'ai approfondi ce bruit, auquel il n'y a aucun fondement. C'est sans doute un artifice du Prince d'Orange pour faire croire à l'Electeur de Brandebourg, qu'il auroit inspiré au Roy d'Angleterre d'avoir recours a lui.

Je crois aussi peu de fondement à ce qu'on prétend qui a éte dit à la Haye d'un mécontentement secret que le Roy d'Angleterre a contre la France, et qui éclatera en son temps. Si cela étoit, on ne le confieroit pas à un des commis de Milord Middleton: cela n'a aucune vraisemblance, et dans le temps quon l'a dit, le Roy d'Angleterre ne savoit pas que les payements seroient sursis, et étoit pleinement content de V. M.

Il est encore aussi peu apparent que Bentem ose parler au Roy d'Angleterre sur la Religion Catholique. V. M. jugera si ce Prince se laissera ébranler sur cette matière, et si quelqu'un lui osera faire la proposition de changer de religion sans lui déplaire beaucoup. Le fond de la mission de Bentem a été apparemment pour obtenir la permission au Prince d'Orange de venir. Le Roy d'Angleterre m'a dit qu'il l'avoit refusé, et qu'il le refuseroit toujours. V. M. peut avoir des connoissances certaines de ce qui se passe partout; mes vues sont bornées à ce qui se passe ici. Mais il paroît que la plûpart des choses qui se débitent en Hollande sont fausses, et qu'on y raisonne sur des fondements entièrement éloignés de la vérité.

Pour me renfermer dans le fait dont il est question présentement, je me tiendra en état d'exécuter les ordres que V. M. me donnera: il me suffit d'avoir exposé a V. M. les choses comme elles me paroissent être en ce pays-ci. Il me reste à lui rendre un compte exact, autant que je le pourrai, de l'état de l'affaire de M. le Duc de Monmouth. On ne sait pas au vrai ce qu'il a de gens on dit à Londres vingt mille hommes: je crois qu'il en a bien huit

ou dix, dont il y en a six mille assez bien armés; le reste ne l'est pas suffisamment pour un jour de combat. Il est constant que jusques à-présent ses forces se sont toujours augmentées; et il semble que l'on n'ait pas agi contre lui avec la promptitude et la vigueur qui auroient été nécessaires pour finir d'abord une affaire dont les suites peuvent être dangereuses. Mais le petit nombre de troupes de sa Majesté Britannique n'a pas été suffisant pour pouvoir d'abord tomber sur M. de Monmouth, et empêcher ses premiers progrès. Il auroit fallu dégarnir Londres, ce qui auroit été fort imprudent; car les esprits sont en une telle disposition, que le moindre incident pourroit y causer de grands désordres. On y a fait arrêter plus de 200 personnes suspectes, par mi lesquelles il y a plusieurs riches marchands et d'autres gens riches et considérables. Cela cause une grande altération dans les esprits, et beaucoup d'interruption dans le commerce. Le peuple favorise secrètement M. de Monmouth, et cela éclateroit, s'il arrivoit une occasion qui leur permit de se pouvoir déclarer sans grand péril. Le Roy d'Angleterre connoit bien cela, et est fort résolu de ne point quitter Londres pour aucune considération.

Le bruit a couru depuis quelques jours, que Milord Delamer étoit allé en Chester Shire (c'est au-delà du pays de Galles), et qu'il avoit commencé d'y assembler.des gens en faveur de M. de Monmouth. On a dit aussi, sur ce que Milord Grey de Stanford ne paroissoit plus, qu'il étoit allé faire la même chose dans le Nord. Je ne vois point encore de fondement solide à ces bruits; mais il est certain que si on remuoit en quelque endroit d'Angleterre, l'affaire de M. de Monmouth deviendroit bien plus difficile, parce qu'il faudra séparer les troupes qu'a le Roy d'Angleterre; car on ne peut faire aucun fond sur les malices, qui sont plutôt disposées à favoriser M. de Monmouth que le parti du Roy. Les nouvelles qu'on eut hier sont, que M. de Monmouth, après avoir pris et pillé la ville de Wells, est allé à Bridgewater, qu'il prétend fortifier; c'est un poste où l'on dit qu'il peut subsister commodément, ayant derrière lui un pays fort abondant, et rempli de factieux on dit même qu'il ne pourra être attaqué dans Bridgewater, qu'en séparent les troupes, et faisant des ponts de communication sur la rivière, qui est fort large en cet endroit. Cela demande du temps, et plùs de troupes réglées que n'en a Milord Fergusson [Feversham] sous son commandement. Les trois ré

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giments Ecossois sont passés dans Londres pour l'aller joindre. Le Sieur Lasnis aura dans peu de jours un regiment de 600 chevaux en état de marcher. Les trois régiments Anglois sont dans la rivière, et marcheront aussi vers l'armée. Tout cela ensemble pourra faire sept mille hommes dans douze ou quinze jours.

Jusques à-présent Milord Fergusson [Feversham] n'a pas été en état de rien entreprendre de fort vigoureux contre M. de Monmouth. La perte des Royalistes a été plus grande qu'on ne l'a dit dans la rencontre arrivée à Philip's-Norton; il y eut bien cent hommes tués ou blessés à l'endroit où le Duc de Grafton s'avança. Il est constant que le Duc de Monmouth subsiste avec facilité, et que les peuples lui fournissent des vivres plus volontiers qu'aux troupes de sa Majesté Britannique.

Le Comte d'Argile a été exécuté à Edinbourg, et a laissé une ample confession par écrit, dans laquelle ille decouvre tous ceux qui l'on secouru d'argent, et qui ont aidé ses desseins: cela lui a sauvé la question. Le chevalier Cochrane et son fils, qui étoient les principaux complices du Comte d'Ar gile, ont été arrêtés dans une maison où ils s'étoient réfugiés Il y a encore beaucoup de gens à Londres qui ne croyent pas que Milord d'Argile soit pris.

Je suis, avec le profond respect que je dois, &c.

MONSIEUR

Le Roi à M. Barillon.

à Versailles le 26 Juillet, 1685.

ONSIEUR BARILLON, j'ai reçu vos lettres du 16 et 19 de ce mois, et j'a vu avec bien de la joie, par la dernière, que la rébellion du Duc de Monmouth a eu la même fin que celle du Comte d'Argile, ainsi que je vous l'avois prédit par toutes les lettres que je vous ai écrites sur ce sujet. Vous témoignerez au Roy d'Angleterre la part que je prends à la satisfaction qu'il a d'avoir entièrement dissipé par ses propres forces tout ce qui pouvoit troubler son règue, et rétablien même temps ses revenus et son autorité à un plus

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