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sonne de V. M., et de l'envie sincère qu'il avoit de ne se jamais séparer de ses intérêts; qu'il avoit plus compté sur l'assistance de V. M. et sur son amitié, que sur aucune autre chose au monde, et qu'il ne croyoit pas que V. M. voulût dans la conjoncture présenté cesser des subsides dont il avoit plus de besoin qu'il n'en aura de sa vie.

Je répondis à cela que V. M. n'avoit point changé de sentiment, et qu'elle jucoit seulement qu'il n'avoit pas besoin des mêmes assistances, ayant été mis par le Parlement en état de s'en passer. Je me contentai d'avoir entamé la matière et d'y avoir mêlé l'affaire de la religion, dans la quelle le Grand Trésorier n'entre part fort avant, quelque crédit qu'il ait dans les autres choses. J'informai Milord Sunderland de ce qui se passoit, afin qu'il fut préparé, quand le Roy son maître lui parleroit. Il m'a dit : " Le Roy votre maître peut avoir des desseins que je ne pénètre pas; mais ceci est un contre-temps auquel j'espère qu'on rémédiera, en faisant voir que c'est une méprise fondée sur ce qu'on n'a pas été pleinement informé de ce qui se passe dans ce pays-ci; autrement vous donneriez des armes à ceux qui veulent rompre l'union des deux Rois. Si l'on ne s'en soucie pas en France, je n'ai rien à dire ; mais si on fait quelque cas de nous, je sais bien que vous pouvez être assuré du Roy d'Angleterre pour toujours; et que ses desseins, et ses intentions, ne peuvent réussir qu'avec l'assistance et l'amitié du Roy votre maître.

J'expliquai à Milord Sunderland ce que j'avois dit au Grand Trésorier, et à sa Majesté Britannique, du bon état des finances et du peu de besoin qu'on a ici du secours de dehors. Il me repliqua : " Vous voyez à quelles dépenses l'on s'engage, et ce qu'il faudra pour les soutenir; vous savez ce que coûtent des troupes qu'il faut entretenir, et ce que c'est qu'une guerre civile dans le dedans, qu'on ne peut s'assurer de voir sitôt finir; mais pour le présent on n'est pas ici en état de se passer du secours du Roy votre maître, et je ne crois pas qu'il puisse faire de dépense qui lui soit plus utile."

J'ai eu une seconde conférence avec le Roy d'Angleterre dans son cabinet où nous fûmes longtemps seuls. Il me parut persuadé que le refus de continuer le payement vient de ce que V. M. croit qu'il est en état de se passer de sécours étrangers. Il entra sur cela dans le détail de ses affaires, et me dit que

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je savois en quel désordre le feu Roy son frère avoit laissé ses magazins et ses vaisseux; que les droits d'augmentation qui lui avoient été accordés pourroient à-peine être suffisants pour remettre une flotte médiocre en état de tenir la mer; que le dernier secours accordé par le Parlement seroit consommé par, avance pour l'entretien des troupes, dont il ne se pouvoit passer à l'avenir, connoissant le peu de fonds qu'il peut faire sur les milices; que les charges du gouvernement étoient telles (sans compter que la guerre civile peut durer) qu'il n'auroit de sa vie plus de besoin d'être assisté qu'il en a présentement; que je le connoissois assez pour savoir qu'il seroit fort aise d'être attaché et uni à V. M. sans avoir besoin d'un secours d'argent; et qu'il se feroit un grand plaiser de pouvoir mériter d'autres marques de son amitié; mais que dans la conjoncture présente les secours de V.M. lui étoient nécessaires, et qu'il ne croyoit pas que V. M. voulût réserver pour d'autres temps le secours qu'elle a destiné pour lui, n'y ayant pas d'apparence qu'il puisse arriver de conjoncture où il en puisse avoir un plus grand besoin ; que je connoissois le fond de ses desseins, et que je pouvois répondre que tout son but étoit d'établir la religion Catholique; qu'il ne perdroit aucune occasion de le faire : qu'il avoit armé les Catholiques en Irlande; que Milord Dumbarton avoit eu le commandement de son armée d'Ecosse ; que le Duc de Gordon avoit été mis à la tête des milices; que présentement il mettoit les charges de guerre, autant qu'il pouvoit dans les mains des Catholiques d'Angleterre ; que c'étoit en quelque façon lever le masque, mains qu'il n'avoit pas voulu laisser passer l'occasion de le faire, la croyant décisive; qu'il savoit combien de gens en étoient choqués, mais qu'il iroit son chemin, et que rien ne l'en détourneroit pourvû que votre Majesté veuille l'assister dans un si grand et si glorieux dessein: que déjà le regiment de dragons d'Hamilton étoit composé entièrement de Catholiques; qu'il avoit donné des compagnies de cavalerie franches à Bernard Howard, et à plusieurs Catholiques considérables; que peu-à peu il va à son but, et que ce qu'il fait présentemnent, emporte nécessairement l'exercice libre de la religion Catholique, qui se trouvera établi avant qu'on act de Parlement l'autorise ; que je connois sois assez l'Angleterre pour savoir que la possibilité d'avoir des emplois et des charges fera plus de Catholiques, que la permission de dire des mésses pub. liquement; que cependant il s'attendoit que V. M. ne l'abandonneroit pas, quand il a un ennemi dans le milieu de son royaume qui lui dispute la cou ronne; et qu'il est favourisé secrètement d'un grand nombre de gens qui

sont plutôt pour la prétention d'un Bâtard Protestant que pour leur Roy légi time parce qu'il est Catholique.

J'ai eu aussi deux autres conférences avec Milord Trésorier et avec Milord Sunderland séparément. Milord Trésorier me répéta ce qu'il m'avoit dit, et me fit comprendre qu'il savoit bien que le Roy son maître seroit fort aise de n'avoir point besoin d'un secours d'argent; que dans un autre temps, il nʼauroit pas répliqué à ce que j'avois dit, et qu'on auroit songé à donner et à recevoir des marques d'amitié réciproques de V. M.; mais qu'il ne me falloit pas céler que le Roy son maître avoit besoin des secours présents de V. M. et que ce n'est pas une obligation qu'il voulut lui avoir, si son dessein n'étoit d'en conserver une reconnoissance proportionnée au fait; que le bonheur et la sûreté du règne du Roy son maître dépendoit de l'amitié de V. M., qu'il la conserveroit avec soin, et que je pouvois être assuré qu'à son égard (de lui qui me parloit) il ne croyoit rien de si important au Roy son maître, que de conserver l'amitié de V. M., et que rien ne lui pouvoit faire tant de mal que d'en être privé.

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Je ne répondis à cela que des choses générales, et que V. M. avoit donné assez de marques de l'envie qu'elle a que les affaires du Roy d'Angleterre soient dans un état avantageux et assuré.

Milord Sunderland est entré fort avant avec moi, et m'a paru informé à fonds de ce qui s'est passé entre le Roy d'Angleterre et moi, sur le sujet de la Religion Catholique. Ce ministre m'a dit, " Je ne sais pas si on voit en France les choses comme elles sont ici; meje défie ceux qui les voyent de près de ne pas connoître que le Roy mon maître n'a rien dans le cœur si avant que l'envie d'établir la Religion Catholique; qu'il ne peut même, selon le bon sens et la droite raison, avoir d'autre but, que sans cela il ne sera jamais en sûreté, et sera toujours exposé au zèle indiscret de ceux qui échaufferont les peuples contre la Catholicité, tant qu'elle ne sera pas plus pleinement établi : il y a une autre chose certaine, c'est que ce plan là ne peut réussir que par un concert et une liaison étroite avec le Roy votre maître ; c'est un projet qui ne peut convenir qu'à lui, ni réussir que par lui. Toutes les autres Puissances s'y opposeront ouvertement, ou le traverseront sous main. On sait bien que cela ne convient

point au Prince d'Orange; mais il ne sera pas en état de l'empêchersi on veut se conduire en France comme il est nécessaire, c'est-à-dire, ménager l'amitié du Roy d'Angleterre, et le soutenir dans son projet. Je vois clairement l'appréhension que beaucoup de gens ont d'une liaison avec la France, et les efforts qu'on fait pour l'affoiblir; mais cela ne cera au pouvoir de personne, si on n'en a pas envie en France; c'est sur quoi il faut que vous vous expliquiez nettement que vous fassiez connoître que le Roy votre maître, veut aider de bonne foi le Roy d'Angleterre à établir fermement ici la religion Catholique."

Il ajouta à cela, qu'il avoit eu un long entretien avec sa Majesté Britannique, et qu'il l'avoit laissée persuadée que le refus de continuer les payements n'étoit fondé sur aucun changement de V. M. à son égard, mais sur une supposition qu'il est en état de n'en avoir pas besoin; que cependant, il étoit possible de rectifier cet incident, si on ne vouloit pas que le Roy d'Angleterre crut qu'après l'avoir assiste, quand il' n'en avoit pas grand besoin, votre Majesté l'abandonne dans la conjoncture de sa vie la plus importante; que peut-être V. M. avoit quelque égard au bruit répandu d'une réunion entre le Roy d'Angleterre et le Prince d'Orange; que dans le fonds il n'y avoit rien de plus difficile ; que l'un étoit possesseur d'une couronne que l'autre attend avec impatience ; que la différence de leur religion et de leur sentiments en tout, ne promet pas qu'ils se réunissent de bonne foi ; qu'ils sont obligés l'un et l'autre de dissimuler, et de garder les bienséances, mais que leurs desseins et leurs projets sont trop opposés pour se pouvoir concilieur ; que lui que me parloit voyoit tout cela clairement, et que si on se vouloit donner la peine de le bien éxaminer, on verroit au travers de tout ce qui se passe, un fonds de jalousie et de mécontentement entre le Roy d'Angleterre et le Prince d'Orange que rien ne peut faire cesser; que sa Majesté Britannique ne lui permettroit jamais de venir ici, et que le Prince d'Orange avoit toujours envie d'y venir et de se montrer aux Anglois.

Je dis à Milord Sunderland, que, par beaucoup de choses, on donnoit lieu de juger que le Roy d'Angleterre étoit fort adouci pour le Prince d'Orange, et que cela produisoit un assez méchant effet partout, parce que le Prince d'Orange agissoit toujours avec la même animosité contre les intérêts de la France; que je comprenois assez que l'intérêt de sa Majesté Britannique n'étoit pas de pousser le Prince d'Orange au point de le mettre du

parti des rébelles, mais le trop de ménagement le mettroit en état d'être plus dangereux, et de pouvoir nuire d'avantage aux affaires; que pour moi, je ne me laissois pas séduire aux artifices des partisans de M. le Prince d'Orange, et que j'étois fort persuadé que le Roy d'Angleterre connoissoit trop bien son intérêt pour se séparer de ceux de V. M. et prendre des liaisons qui lui sont opposées, et que de ma part, je ferois mon possible pour bien éclaircir la vérité à V. M.

J'eus encore hier au soir une conversation avec le Roy d'Angleterre ; il me pressa de rendre compte à votre Majesté de tout ce qu'il m'a dit, et me parut s'attendre que V. M. ne donnera des ordres différents de ceux que j'ai, et qu'elle ne lui refusera pas un secours présent dans le temps qu'il en a tant de besoin. Il me dit que si V. M. avoit quelque chose à désirer de lui, il iroit audevant le toute ce qui peut plaire à V. M.; mais que rien ne le pouvoit toucher plus sensiblement que de voir que V. M. eut de la confiance en lui et ne crut pas qu'il voulut recevoir ses secours et son assistance, s'il n'étoit résolu de demeurer inviolablement attaché à ses intérêts; qu'il avoit été élevé en France, et mangé le pain de V. M.: que son cœur étoit François ; qu'il ne songeoit qu'à se rendre digne de l'estime de V. M. et qu'elle ne se répentiroit pas de l'avoir assisté, et de lui avoir affermi la couronne sur la tête.

Je lui dis que je rendrois compte à V. M. de toute, le plus exactement qu'il me seroit possible; que le fonds de ses intentions m'étoit connu, et que V. M. avoit pour principal motif l'établissement de la religion Catholique; qu'en fais sant voir clair sur cela à V. M. je ne doutois pas qu'elle n'entrât dans les me sures qu'il pouvoit attendre.

Le Roy d'Angleterre me dit qu'il avoit parlé plus clairement sur cela à Milord Sunderland, qu'aux autrès ministres, que je pouvois en conférer avec lui. Il finit en me disant : "Je conjure le Roy votre maître de se fier à moi et de ne croire pas que j'aie un autre but que celui que je vous ai dit, auquel je ne puis parvenir que par son secours et son assistance.

Voilà, Sire, se qui s'est passé avec le Roy d'Angleterre et ses ministres, sur

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