Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

rien refuser, soit que la seule affection le fasse agir, ou que la crainte y soit mêlée, ce Prince feroit très-sagement d'en profiter, et d'en tirer ce qu'il désire en faveur de notre religion, sans leur donner le temps de ce reconnoître, et de concerter avec ceux qui sont le plus animés contre notre religion, ce qu'ils auront à faire pour empêcher le progrès; et si le Roy prenoit ce parti là, et qu'il trouvât quelque obstacle qu'il ne pût vaincre qu'avec mon assistance, je la lui accorderois volontiers, aussitôt que vous m'auriez informé de ses besoins. Mais jusqu'à ce qu'il prenne cette résolution, et qu'il l'exécute, mon intention n'est pas de rien changer aux ordres que je vous ai donnés; et je veux que vous gardiez les fonds que je vous ai fait remettre, pour n'en disposer que lorsque je le jugerai nécessaire. Cependant si le Grand Trésorier d'Angleterre vous presse de lui faire quelque payement au-delà de l'ancien subside, vous lui direz seulement que, comme le Parlement se conduit selon mes souhaits et ceux du dit Roy, je n'ai pas sujet de croire que ce Prince puisse avoir besoin à-présent d'une assistance extraordinaire, et qu'ainsi vous n'avez pas pouvoir de disposer de ce que vous avez de fonds.

Je vous envoye la lettre de ma main que vous m'avez proposé d'écrire au Roy tant sur la satisfaction que lui donne son Parlement, que sur ce qui regarde les mouvements d'Ecosse ; et je désire que sur l'un et l'autre de ces points vous ne parliez qu'en conformité de ce que j'écris au Roy, et de ce que contient cette dépêche, ne jugeant pas à-propos d'offrir ouvertement un secours. de troupes à un Prince qui ne m'en demande point, et pour une affaire qu'il peut terminer par ses propres forces.

[ocr errors]

Extrait d'un Lettre de M. Barillon au Roy.

18 Juin, 1685, à Londres.

Il y a des gens ici qui voudroient faire tomber sur la France le soupçon qu'on rejette sur la ville d'Amsterdam, comme s'il y avoit assez d'intelligence entre V. M. et cette ville pour présumer que tout ce qui s'y fait est de concert avec V. M.

Le Roy d'Angleterre rejette avec aigreur et dédain ce qu'on dit en sa pré

sence de l'intérêt qu'a V. M. d'entretenir les divisions en Angleterre. Ce Prince s'expliqua tout haut que les rébelles sont soutenus et aidés des Protestants zélés des autres pays, et traite de ridicule tout ce qui se dit d'opposé à cela. Je suis avec le profond respect que je dois, &c.

Le Roy à M. Barillon.

à Versailles, le 13 Juillet, 1685,

MONSIEUR BARILLON, j'ai reçu vos lettres des deux et cinq de ce mois, et elles m'ont donné d'autant plus de satisfaction qu'elles ne me laissent aucun lieu de douter que le Roy de la Grande Bretagne n'ait la même facilité à dissipper le peu qui reste de révoltés en Angleterre, qu'il en a eu à punir la rébellion d'Ecosse; et comme le Duc de Monmouth a déjà perdu ses vaisseaux, et n'a aucune ville considérable où il se puisse retirer, il y a bien de l'apparence qu'il aura bientôt le même sort que le Comte d'Argile, et que son attentat aura servi a rendre le Roy d'Angleterre beaucoup plus absolu dans son royaume qu'-. aucun de ses prédécesseurs.

J'apprends cependant qu'outre les trois regiments Anglois qu'il fait revenir d'Hollande le Prince d'Orange a encore demandé pour lui aux Etats Généraux un secours de trois mille hommes; que même il en a fait demander à l'Electeur de Brandebourg; et comme il m'a paru jusqu'à-présent, par tout ce que vous m'avez écrit, que le Roy ne vouloit pas se servir de troupes étrangères, pour ne point donner d'ombrage à ses sujets, je serai bien aise que vous me fassiez savoir si c'est par ses ordres que le Prince d'Orange a fait cette demande, celui-ci pouvant bien, pour ses fins particulières, désirer d'avoir beaucoup de troupes en Angleterre qui lui seroient dévouées, et dont il pourroit disposer ensuite contre les intérêts du dit Roy.

Continuez aussi à m'informer exactement de tout ce qui se passera au lieu où vous êtes, dans une conjoncture si importante, et donner tous vos soins à en être bien averti, et à m'en rendre un compte exact.

Comme je vois avec plaisir que le Parlement d'Angleterre fournit amplement à tous les besoins du Roy de la Graude Bretagne, et que ce Prince ne trouvera pas même d'obstacle au rétablissement de la Religion Catholique, lorsqu'il voudra l'entreprendre, après qu'il aura achevé de dissiper le peu qui reste de révoltés, j'ai jugé à-propos de faire revenir les fonds que je vous avois fait remettre pour appuyer, en cas de besoin, les desseins que ce Prince voudroit former en faveur de notre religion. Ainsi mon intention est que, si cet argent est dans votre maison, vous le fassiez remettre à plusieurs fois entre les mains des banquiers avec le même secret qu'ils l'y ont porté, et s'il se peut, d'une manière encore plus impénétrable, voulant que, soit qu'il soit demeuré entre les mains des dits banquiers ou chez vous, il soit renvoyé par les mêmes voïes, et remis en mon épargne, jusqu'à ce que je juge nécessaire de l'employer en faveur du Roy d'Angleterre.

M. de Barillon au Roy.

16 Juillet, 1685, à Londres.

pour

Je n'ai pu, après la séparation du Parlement, différer de m'expliquer à Milord Grand Trésorier sur les instances qu'il m'a faites de continuer les payements du subside. Je lui ai dit que je ne pouvois disposer des fonds qui avoient été envoyés ici, sans avoir de nouveaux ordres; que ces fonds étoient destinés les plus pressants besoins du Roy d'Angleterre, et que ce besoin pressant ne paroissoit pas présentement, après que le Parlement avoit accordé des sommes fort considérables pour l'augmentation de ses revenus pendant plusieurs années, et avoit même accordé un subside extraordinaire, dont l'avantage pouvoit être reçu dès-à-présent par emprunt.

Je me doutois bien que ce discours ne plairoit point au Grand Trésorier. Il me parût fort surpris, et me fit entendre qu'il ne pouvoit s'imaginer quelle raison V. M. avoit de faire cesser le payement de sommes envoyées ici dans le temps auquel le Roy son maître en avoit le plus de besoin, et lorsqu'il s'attendoit de recevoir plus de marques de l'amitié de V. M.; qu'il étoit vrai que le Parlement avoit accordé des droits pendant plusieurs années, outre le revenu,

mais que ce qui s'en pouvoit tirer n'étoit pas présent, et que si on consumoit ces fonds par avance, le Roy son maître se trouveroit à l'avenir très mal daus ses affaires; ce qu'il ne pouvoit éviter avec trop de soin, connoissant en quel embarras se jette un Roy d'Angleterre qui a un grand besoin de son Parlement, qu'il ne croyoit pas que V. M. fut pleinement informée de ce qui se passe en Angleterre présentement; et que dans le temps qu'il y a une guerre civile allumée dans le cœur du royaume, et lorsque le Roy son maître a besoin non seulement de ses forces, mais du secours de tous ceux qui prennant intêrét à sa conservation, V. M. veuille retrancher les subsides qu'elle a fournis dans le temps qu'il en avoit moins de besoin, et lorsque ce retranchement n'auroit pû être d'aucune conséquence; au lieu que dans la conjoncture présente les secours de V. M. sont non seulement utiles, mais nécessaires. Enfin, ce ministre n'omit rien pour me faire connoître que ce que je lui avois dit étoit un contretemps dont il ne pouvoit pénétrer le motif, ne croyant pas que V. M. eut changé de sentiments pour le Roy son maître, ni qu'il voulût (quand cela seroit) le faire paroître en une occasion comme celle-ci.

Je fis mon possible pour expliquer à ce Ministre que V. M. avoit simplement jugé que le Roy d'Angleterre étoit en état de n'avoir aucun besoin de secours dehors; que la révolte du Comte d' Argile avoit duré si peu qu'on ne pouvoit la regarder que comme un effort inutile du parti des factieux, qui n'avoit eu aucune suite; qu'on ne s'imaginoit pas non plus en France que l'entreprise de M. le Duc de Monmouth put avoir aucun succès, et qu'on s'attendoit tous les jours d'apprendre que ses troupes se seroient dissippées, et qu'il auroit été pris ou qu'il se seroit sauvé; que V. M. avoit témoigné son amitié au Roy d'Angleterre, en envoyant si promptement des fonds pour ses plus pressants besoins, et qu'elle les réservoit aussi pour une occasion qui ne paroît pas arrivée.

Le Grand Trésorier me répliqua qu'il n'arriveroit jamais, du règne du Roy son maître, une occasion si pressante que celle-ci, et qu'il ne pouvoit s'imaginer que V. M. sachant bien ce qui se passe ici, lui voulût laisser démêler une affaire si décisive sans lui donner de nouvelles marques de son amitié. Au sorter de chez le Grand Trésorier, je fus trouver le Roy d'Angleterre, pour le prévenir et empêcher que le Grand Trésorier ne lui expliquât ce que je lui avoit dit d'une

4

façon qui l'auroit plus aigri et plus aigri que je ne ferois. Je fis souvenir ce Prince de toutes les marques d'amitié qu'il a reçues de V. M. dans tous les temps, et de la promptitude avec laquelle V. M. lui a fait connoître la sincérité de ses intentions, pour le soutenir lors de son avènement à la couronne. Je lui fis connoître que rien ne pouvoit diminuer les sentiments de V. M. à son égard qu'un changement de conduite de sa part, que je croyois qui n'arriveroît jamais; qu'ainsi il pouvoit s'assurer d'une amitié ferme et constante de la part de V. M. dont il recevroit des marques éclatantes et essentielles, quand les occasions s'en présenteroient; que cependant, V. M. croyoit les affaires de ses finances en si bon état, qu'elle n'avoit pas estimé qu'il eut besoin presentement de nouveaux secours, et que ce qu'il avoit reçu du Parlement le mettoit en pouvoir de soutenir de plus grandes dépenses que celles qu'il étoit obligé de faire.

Le Roy d'Angleterre me parût assez embarrassé, et s'imagina d'abord que V. M. étoit mécontente de sa conduite, et vouloit, en quelque façon renoncer à son amitié. Je lui dit que je ne savois rien qui eut rapport à ce qu'il me disoit; que seulement il étoit vrai que je n'avoit point d'ordre de continuer les payements au-delà de l'ancien subside; que V. M. m'avoit cependant ordonné de l'assurer que les fonds qu'elle avoit envoyés ici, seroient réservés pour le secourir dans un pressant besoin, et que s'il entreprenoit d'établir l'exercice libre de la religion en faveur des Catholiques, et qu'il y trouvât des difficultés dont il ne put venir à bout sans le secours de V. M. elle employeroit tout le fonds qui est ici pour le secourir et pour l'aider; qu'il pouvoit voir par là les intentions de V. M., et la sincerité de sa conduite. Ce que je dis remit, en quelque façon, l'esprit de ce Prince, qui me parût d'abord fort agité.

Il me répondit à ce que je venois de lui dire, que je connoissois le fonds de ses intentions pour l'établissement de la religion Catholique; qu'il n'espéroit en venir à bout que par l'assistance de V. M.; que je voyois qu'il venoit de donner des emplois dans ses troupes aux Catholiques aussi bien qu'aux Protestants; que cette égalité fâchoit beaucoup de gens, mais qu'il n'avoit pas laissé passer une occasion si importante sans s'en prévaloir; qu'il feroit de même à l'égard des choses praticables, et que je voyois plus clair sur cela dans ses desseins que ses propres ministres, s'en étant souvent ouvert avec moi sans réserve. Il ajouta, que j'étois témoin de son attachement pour la per

« VorigeDoorgaan »