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pas un moine, c'était un séculier et un laïc, un de ces grands seigneurs qui se faisaient donner par les rois, ou qui usurpaient les biens de l'église. Nous le croyons le même qu'Alédran, ou pour mieux dire Alédramne, comte de Vexin, proche parent des ducs de France, et qui, après s'être distingué aux côtés d'Eudes, comte de Paris, en défendant cette ville contre les Normands, laissa en mourant son comté à Hugues le Grand, fils de Robert de France (1). Mais Courtalon, suivant nous, se trompe, quand il fait d'Adélerin un comte de Troyes (2).

Le comté de Troyes n'avait pas cessé d'appartenir à Robert de France, qui, en 898, donna à l'abbaye de Montiéramey certains biens dépendant de la seigneurie de Chaource (3), et qui, en mourant, transmit ce comté à Herbert II, comte de Vermandois, son gendre (4). On sait que Robert fut roi de France (5). C'est la raison qui nous fait passer si rapidement sur sa vie.

(1) La vie d'Alédran, comte de Vexin, est très-bien résumée en quelques lignes dans l'Art de vérifier les Dates, II, 681. Nous croyons que le nom de ce comte Aledramnus, et le nom de l'abbé de Saint-Loup, Adelerinus, sont identiques, sauf une légère différence de forme; Adelerinus est un diminutif d'Aledramnus, un terme un peu plus familier.

(2) Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes, II, p. 54.

(3) Gallia Christiana, XII, 551 D. Ce fut sans doute l'origine du prieuré de Pargues (Aube).

(4) On a contesté qu'Herbert II, comte de Vermandois, ait été gendre de Robert de France. Nous justifierons un peu plus loin notre opinion.

(5) De 922 à 923.

CHAPITRE V.

D'un comte apocryphe de Troyes, nommé Bichard.

Nous ne saurions dire quel est le savant qui le premier a inventé ce personnage. Toujours est-il que l'existence d'un comte de Troyes nommé Richard a pour elle des autorités considérables et est admise comme incontestable dans des ouvrages qui sont la gloire de l'érudition française. Du Bouchet et les deux Gallia Christiana s'accordent pour faire de Richard, comte de Troyes, le père d'un autre Richard qui devint, disent-ils, archevêque de Bourges en 955, et qui eut pour successeur, en 959, Hugues, fils de Thibaut le Tricheur, comte de Chartres, et de Ledgarde de Vermandois. Richard, comte de Troyes, aurait été père de Thibaut le Tricheur, et aurait épousé Richilde, fille de Robert le Fort, duc de France, appelé aussi Robert Ir pour le distinguer de son fils Robert II (1). Les auteurs du nouveau

(1) Du Bouchet, la Véritable origine de la seconde et troisième lignée de la Maison royale de France, p. 188; Gallia Christiana vetus, I, 159; Gallia Christianu novum, II, 36. — Robert-le-Fort mourut en 866. La filiation de Richilde se base sur un fragment de chronique publié par Du Bouchet dans ses Preuves: Anno 969 obiit Richardus, archiepiscopus, nepos ex sorore Odonis regis. Mais l'autorité de cette chronique nous paraît fort contestable. Du Bouchet ne nous fait pas connaître où il a pris l'extrait qu'il en donne. Nous aurons à revenir plus loin sur cette partie de l'histoire des archevêques de Bourges, qui semble n'être qu'une fable.

Gallia Christiana publient (1) comme preuve une charte émanée de la comtesse Ledgarde et de ses fils Hugues et Eudes. Cette opinion est reproduite d'une manière non moins affirmative dans l'Histoire généalogique du P. Anselme. Ce savant met au nombre des enfants de Robert le Fort, «Richilde, mariée à » Richard, comte de Troyes, d'où vint Richard, >> archevêque de Bourges, qui siégeait en 956; » il renvoie à la chronique de Flodoard et au Gallia Christiana (2). Enfin, un des auteurs de l'Art de vérifier les dates, dans le chapitre consacré à la chronologie historique des ducs de France répète ce qu'avaient dit avant lui les deux Gallia Christiana, et le P. Anselme. Mais, considérant sans doute cette doctrine comme suffisamment établie, il n'essaie pas de la justifier. Examinons ce qu'elle a de vrai et de faux (3).

Il est incontestable que la mère de Richard, archevêque de Bourges, s'appelait Richilde, ce fait est démontré par la charte déjà citée de la comtesse Ledgarde et de ses deux fils (4). Mais cette charte ne nous dit pas le nom du mari de Richilde, elle nous apprend seulement une chose qui peut mettre sur la voie; c'est que Richard, archevêque de Bourges, était frère de Thibaut le Tricheur. Il serait donc permis de supposer que Thibaut le Tricheur et Richard, archevêque de Bourges, étaient fils du mème père. Mais ce que nous savons de la généalogie de

(1) II, Instr., 8.

(2) Histoire généalogique, 1, 68. (3) II, 245.

(4) Gall. Christ. nov., Instr., II, 8.

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Thibaut le Tricheur est trop incomplet pour que nous puissions tirer de là une conséquence rigoureuse. Thibaut le Tricheur et Richard, quoique fils de la même mère, pouvaient être nés d'un père différent. Un des auteurs de l'Art de vérifier les dates a été plus hardi que nous. C'est celui qui a écrit la chronologie des comtes de Champagne et de Blois. Il donne pour mari à Richilde et pour père à Richard, archevêque de Bourges, non pas Richard, comte de Troyes, dont il n'admet pas l'existence, mais bien Gerlon, autrement dit Thibaut ou Thiébolt, comte de Chartres et de Tours, autre père hypothétique de Thibaut le Tricheur (1). C'est un démenti formel à celui de ses confrères qui avait écrit la chronologie historique des ducs de France. Nous examinerons plus loin la question de savoir comment s'appelait le père de Thibaut le Tricheur, le mari de Richilde: la seule chose dont nous ayons besoin de montrer ici la certitude, c'est que la charte en question n'établit pas l'existence de Richard, comte de Troyes.

Le P. Anselme renvoie à la chronique de Flodoard. Malheureusement, il n'indique pas le passage sur lequel il s'appuie. Nous croyons que c'est une phrase mal lue qui est relative non à Robert Ier, dit le Fort, ni au prétendu Richard, comte de Troyes, mais à Robert II et à Richard le Justicier, duc de Bourgogne (2): Robertus igitur super Ma

(1) Art de vérifier les Dates, II, 611, 612.

(2) Richard fut duc de Bourgogne de 877 à 921; Art de vérifier les Dates, II, 492-493.

ternam fluvium Rodulfo, filio Richardi, genero suo, procedit obviam (1). Au lieu de genero suo, on aura lu generi sui, et, de cette manière, Richard sera devenu, au lieu de Raoul, gendre de Robert.

Du Bouchet, dans son Histoire de la Maison de Coligny (2), et André Duchesne, dans son Histoire de la Maison de Vergy (3), ont publié une pièce qui donne à ce système erroné une apparence de fondement. C'est une charte notice rappelant un jugement rendu en 896 par le comte Richard en faveur de l'abbaye de Montiéramey, dont les biens situés à Chaource avaient été usurpés par un certain Rainard. On peut supposer, et nous croyons que dès cette époque Chaource faisait partie du comté de Troyes. Ce qu'il y a de certain, c'est que ce petit bourg en dépendit plus tard. Richard était donc comte de Troyes? dira-t-on. Mais il suffit de jeter les yeux sur les souscriptions de cette notice pour reconnaître l'identité du comte Richard avec le duc de Bourgogne Richard le Justicier, père de Raoul, qui fut roi de France. La souscription de Richard est suivi de celle de Raoul son fils, Rodulfi, filii ejus. Si Richard, quoique duc, porte le titre de comte, c'est que souvent, à cette époque, les titres de duc et de comte sont employés indifféremment. Si Richard, duc de Bourgogne, rend un jugement relatif à Chaource, c'est que Chaource relevait du du

(1) Duchesne, II. 592 A. '(2) Preuves, p. 23. (3) Preuves, p. 19-20.

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