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LIVRE II.

LES COMTES DE TROYES

AU IX SIÈCLE.

CHAPITRE I.

Origines de la Champagne féodale.

de

A l'époque mérovingienne, Troyes, quoique faisant partie de la Champagne, n'est point compris dans le duché de ce nom. Ce duché fait partie de l'Austrasie, tandis que Troyes dépend du royaume Bourgogne. Mais, pendant la période carlovingienne, la géographie politique subit une grande révolution. L'Austrasie est, comme la Neustrie, rayée de la carte de la Gaule. On voit surgir un royaume de Bourgogne nouveau, tout différent du royaume de Bourgogne mérovingien, et qui, ayant le Rhône et la Saône pour limite occidentale, ne peut comprendre Troyes. Ainsi disparaissent les raisons politiques qui avaient fait scinder en deux la Champagne. Dès

lors, le comté de Troyes, prenant peu à peu des proproportions inconnues jusque-là, englobe une grande partie de la Champagne mérovingienne, à laquelle il joint des portions de territoire que cette Champagne primitive n'avait jamais comprises. En même temps que la royauté féodale crée une nouvelle France, on voit surgir aussi une Champagne nouvelle dont Troyes devient la capitale.

Les antécédents historiques de cette ville n'auraient pu faire prévoir qu'elle acquerrait un jour cette importance. Les Tricasses, qui lui ont donné leur nom, paraissent avoir été une des peuplades secondaires dont se composait la puissante et célèbre confédération des Sénons. Peut-être les Gaulois de Sens avaient-ils des Tricasses dans leurs rangs lorsque, 389 ans avant notre ère, se présentant la première fois sous les murs de Rome, ils entrèrent vainqueurs dans ce forum, qui devait un jour être le roi du monde civilisé. Mais le nom des Sénons est le seul que les historiens prononcent. César lui-même, qui traversa tant de fois la Gaule en tous sens, ne parle pas plus des Tricasses que s'ils n'avaient pas existé de son temps, il faut descendre jusqu'à l'empire pour entendre parler d'eux. Pline l'Ancien est le premier écrivain qui les mentionne (1); on sait qu'il mourut en l'an 79 de J.-C.

Vient ensuite Ptolémée, qui vivait dans le siècle suivant ; il nous donne le nom du peuple et celui

(1) D. Bouquet, 1, 57A,

de la ville, Augustobana ou Augustomana (1). De l'étymologie de ce nom, on a conclu, non sans grande vraisemblance, que Troyes était une des cités créées par l'empereur Auguste; ce qui ne signifie pas que Troyes ait eu Auguste pour fondateur: on veut dire par là seulement qu'elle aurait été séparée par lui de la cité des Sénons, et qu'elle devrait son autonomie municipale à l'illustre fondateur de l'empire romain.

Troyes, cependant, fut toujours, sous la domination romaine, une cité de second ordre; elle n'eut jamais rang de métropole, même lorsqu'en dernier lieu le nombre des provinces des Gaules fut porté à dix-sept; alors elle dépendait administrativement de la métropole de Sens, où résidait le président de la province. L'église, calquant son organisation sur l'organisation impériale, subordonna l'évêque de Troyes à l'archevêque de Sens. Mais le moyen âge, réagissant contre le passé et complétant l'œuvre de l'empereur Auguste, ne laissa subsister qu'en matière ecclésiastique ces liens d'antique dépendance, qui, depuis les temps les plus reculés, soumettaient à la ville de Sens la capitale future de la Champagne, et l'on vit Troyes s'élever peu à peu, tandis que Sens s'abaissait et ne conservait guère que le souvenir de sa vieille suprématie. Troyes dut en partie ce succès à ses foires, dont il est question pour la première fois au ve siècle, dans une lettre de Sidoine Apollinaire à saint Loup (2). Mais elle le dut,

(1) D. Bouquet, I, 74 Cn. L'itinéraire d'Antonin porte Augustobona, D. Bouquet, I, 108 C.

(2) Lib. VI, epist. 4. Euvres de Sidoine Apollinaire, éd. de

croyons-nous, surtout à ses comtes des maisons de Vermandois et de Blois, dont la Champagne féodale est une création. Avant leur avénement, le comté de Troyes dépassait de fort peu de chose les limites du diocèse de ce nom. Ainsi, la seule localité située hors du diocèse de Troyes, et qu'un texte formel place dans le comté de Troyes à cette époque reculée, est Silviniacus, aujourd'hui Sainte-Vertu qui faisait partie de l'archidiaconé de Tonnerre au diocèse de Langres. Cet archidiaconé était limitrophe du diocèse de Troyes (1). Les seules localités, non comprises dans le diocèse de Troyes, qu'on puisse, outre Ste-Vertu, placer avec une certaine probabilité dans le comté, sont Chaource, chef-lieu de canton du département de l'Aube, et qui, comme St-Vertu, faisait autrefois partie de l'archidiaconé de Tonnerre au diocèse de Langres, et Landricourt, village du département de la Marne, arrondissement de Vitry, canton de Saint-Remy-en-Bouzemont, situé sur la limite extrême du diocèse de Troyes (2). En revanche, le comté de Troyes ne renfermait pas la partie la plus septentrionale de diocèse de Troyes, c'est-à-dire l'archidiaconé de Sézanne, qui faisait partie du comté de Meaux (3). On vit même le pa

Paris, 1599, p. 369. Cf. Grosley, Mémoires historiques et critiques pour l'Histoire de Troyes, I, 483.- Saint Loup fut évêque de Troyes de 426 à 479, Gall. Christ., XII, 485-486.

(1) Voir une charte de l'année 858, émanée de Charles-le-Chauve, imprimée dans Camuzat, Promptuarium, 20 vo-21 vo.

(2) On verra, dans la suite de ce récit, la preuve de ce que nous

avançons.

(3) Gall. Christ., XIV, Inst. 15; D. Bouquet, IX, 72.

gus Morivensis, qui correspond à l'ancien doyenné de Pont-sur-Seine (Aube) au diocèse de Troyes, former quelques temps, au 1x siècle, un comté indépendant (1).

(1) Diplôme de Charles-le-Chauve de 859, D. Bouquet, VIII, 558 D. Ce pays y porte le nom de comté, mais on ne le lui donne plus en 862. (Voir un autre diplôme du même roi, ibid, 580 E.) — Il est certain que ce pays faisait partie du comté de Troyes en 978, Gall. Christ. Novum., II; Inst., 8 D.

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