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les guerriers; elle portait dans ses bras le petit roi Clotaire. Les Neustriens arrivèrent dans l'appareil convenu à Droizy (1), où l'ennemi était campé. Quand le jour commença à poindre, les sentinelles austrasiennes rangées dans la plaine en avant du camp, virent sur les montagnes voisines les branches d'arbres qui, dans les mains des Neustriens, semblaient une forêt. On entendait le tintement des clochettes pendues au cou des chevaux. « Hier, il » n'y avait pas de forêt de ce côté, » dit un soldat à son compagnon, «< comment se fait-il que nous en >> puissions voir aujourd'hui ? » L'autre se mit à rire. << Parbleu, »>> dit-il, «hier tu étais ivre, aujourd'hui » tu es fou; n'entends-tu pas tinter les clochettes » de nos chevaux qui paissent le long de cette fo>> rêt ? » Cependant le grand jour vient, l'illusion cesse, on aperçoit l'armée neustrienne, les trompettes résonnent et les soldats de Frédegonde se précipitent sur les Austriens endormis. Quelquesuns de ces derniers eurent le temps de s'armer et firent tomber sous leurs coups un bon nombre d'ennemis. Vains efforts : ils ne purent arrêter l'entraînement victorieux des Neustriens; bientôt ce ne fut plus qu'une boucherie. Cependant Wintrion eut le temps de monter à cheval et de s'enfuir; Landry, qui se mit à sa poursuite, ne put l'atteindre. Gondebaud eut le même bonheur que son collègue. Mais l'armée austrasienne était détruite, Frédegonde s'avança jusqu'à Reims sans trouver d'obstacles, elle mit la Champagne au pillage, saccageant et brûlant

(1) Aisne, arrondissement de Soissons, canton d'Oulchy.

tout sur son passage: son armée rentra dans Soissons chargée de butin (1).

Wintrion survécut cinq ans à cette défaite. Childebert II étant mort en 596, Brunehaut se trouvait en Austrasie dans la même situation qu'après l'assassinat de Sigebert Ie, c'est-à-dire en face d'une aristocratie qui, appuyée sur la coutume, voulait gouverner seule. La veuve de Sigebert était trop ambitieuse pour ne pas résister à cette prétention, mais les obstacles étaient grands. Comme autrefois Ursion et Bertefroy, Wintrion fut un des chefs de l'aristocratie austrasienne en lutte avec Brunehaut. En agissant ainsi, il restait fidèle aux principes de son passé, puisque c'était l'aristocratie franque qui l'avait élevé au duché de Champagne en remplacement de Lupus, dépouillé à cause de son dévouement à la reine. Brunehaut fit assassiner Wintrion, mais ce crime était trop contraire au droit pour ne pas être une faute. L'année suivante, Brunehaut, chassée par les Austrasiens, errait seule et abandonnée dans les environs d'Arcis-sur-Aube (2).

Wintrion avait été marié, sa femme s'appelait

(1) Gesta regum Francorum, ap. Duchesne, I, 714; D. Bouquet, II, 564 CD, 565 A. Cf. Aimoin, De gestis Francorum, III, 82, ap. Duchesne, III, 88; D. Bouquet, III, 107; Chroniques de saint Denis, ap. D. Bouquet, II, 256-257; Frédegaire, cap. XIV, ap. Duchesne, 1, 745 C; D. Bouquet, II, 420 A; Hermann Contract, ap. D. Bouquet, III, 324 D.

(2) Frédegaire, cap. XVIII, XIX, ap. Duchesne, 1, 746 A B; D. Bouquet, II, 420 B; Aimoin, De gestis Francorum, III, ap. Duchesne, III, 90 B; D. Bouquet, III, 109 C. (Voir plus haut, p. 18.)

Godile; il avait eu une fille nommée Glossinde, qui embrassa la vie religieuse et devint abbesse à Metz. Elle a été placée au nombre des saints (1).

(1) Vita sanctæ Glodesindis, ap. D. Bouquet, III, 461.

CHAPITRE V.

Waimère, troisième duc connu de Champagne.

674.

Après la mort de Wintrion, il y a dans la liste des ducs de Champagne une lacune de soixantequinze ans, soit que dans cet intervalle cette province n'ait pas eu de ducs, soit que les noms de ceux qui auraient existé ne nous soient point parvenus. En 674, le duc de Champagne s'appelait Waimère. La race mérovingienne était alors en décadence les descendants de Clovis n'apportaient plus sur le trône qu'un nom et la plus absolue nullité, l'autorité tombée de leurs mains débiles avait été saisie par le premier dignitaire de leur maison. Le génie de quelques maires du palais était la seule force qui pût entrer en lutte avec les tendances anarchiques de l'aristocratie franque. Cependant Childéric II avait voulu un instant montrer qu'il était roi : Childéric venait d'être assassiné (1). La nation franque toute entière, sans chefs, fut livrée au plus affreux désordre. Ebroin, ancien maire du palais de Neus

(1) Childéric II, fils de Clovis II, et petit-fils du célèbre Dagobert ler. Il régna de 660 à 673, ou au commencement de l'aunée 674. D'abord roi d'Austrasie, il devint roi de toute la France en

trie (1), et Léger, évêque d'Autun, qui avaient été tous deux enfermés par ordre de Childéric au monastère de Luxeuil (2), reprirent leur liberté et essayèrent de réorganisér le pays, mais ils ne s'entendirent pas. Léger fit proclamer roi Thierry III, frère du roi défunt, auquel Leudèse fut choisi comme maire du palais. Ebroin ayant réuni de nombreux partisans, éleva sur le pavois un enfant nommé Clovis, qu'il prétendait neveu de Thierry et fils du feu roi Clotaire III (3). Il battit Leudèse et Thierry, les fit prisonniers tous deux, fit tuer Leudèse et enfermer Thierry, qui passa pour mort.

Beaucoup de Francs refusèrent de reconnaître Clovis, Léger fut du nombre. Ebroin envoya contre lui une armée commandée par Désiré, surnommé Didon, évêque de Châlon-sur-Saône, et par Waimère, duc de Champagne (4), auxquels était adjoint

(1) De 659 à 671; redevenu maire du palais, il mourut en fonctions en 681.

(2) En 671.

(3) Clotaire III, fils aîné de Clovis II, frère de Childéric II et de Thierry III, avait été roi de Neustrie et de Bourgogne, de 656 à 670.

(4) Suivant M. Henri Martin, Waimère était duc de la Champagne troyenne, c'est-à-dire de la Champagne bourguignonne : c'est la conséquence de son opinion que l'Austrasie toute entière refusait de reconnaître l'autorité d'Ebroin; mais son erreur est démontrée par les termes dont se sert l'auteur anonyme de la vie de saint Léger, inter cæteros enim dux quidam erat Campania, Waymerus vocatus, qui ad hoc malum perpetrandum à finibus Austri venerat. Il n'est pas possible de dire en termes plus formels qu'il s'agit de la Champagne austrasienne (voir Henri Martin, Histoire de France, 4e édition, II, 157, et Vita S. Leodegarii, ap. Duchesne, I, 608 A).

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