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tendue que le grand gouvernement; elle ne se composait que des pays soumis aux quatre coutumes de Troyes, de Meaux, de Vitry et de Chaumont, c'està-dire de l'ancien ressort des quatre grands bailliages champenois de Troyes, de Meaux, de Vitry et de Chaumont. Elle ne renfermait ni Sens, ni Châlons, ni Reims, qui faisaient partie du grand gouvernement de Champagne.

Par cet énoncé, nous connaissons déjà en quoi se distingue principalement la Champagne féodale et judiciaire de la Champagne administrative. Châlons et Reims, qui restaient en dehors de la Champagne judiciaire et féodale, faisaient partie de la Champagne administrative. Châlons en était le cheflieu, Reims était le siége de l'une des treize élections dont elle était composée (1). En compensation, la plupart des localités régies par la coutume de Meaux, Meaux et Provins entre autres, qui appartenaient à la Champagne judiciaire et féodale, ne dépendaient pas de la Champagne administrative.

Mais ces distinctions ont aujourd'hui un caractère exclusivement scientifique. Ce que tout le monde appelle Champagne, ce qui depuis des siècles est resté la Champagne, malgré toutes les variations de la géographie politique, c'est le grand gouvernement de Champagne, avec Troyes pour capitale et les subdivisions suivantes : 1° Champagne propre (Troyes et Châlons-sur-Marne); 2° Rémois (Reims, Rocroy,

Epernay,

(1) Ces treize élections avaient pour chefs-lieux Reims, Rethel, Sainte-Menehould, Sedan et Vitry-le-François, pour la Haute-Champagne; Bar-sur-Aube, Châlons, Chaumont, Joinville, Langres, Sézanne et Troyes, pour la Basse-Champagne.

Château-Porcien); 3° Rethélois (Rethel, Mézières, Donchery); 4° Perthois (Vitry-le-Français, SaintDizier); 5o Vallage (Vassy, Bar-sur-Aube); 6° Bassigny (Chaumont, Langres); 7° Senonais (Sens, Joigny); 8 Tonnerrois (Tonnerre); 9° Brie-Champenoise (Meaux, Coulommiers, Provins, Sézanne).

La Champagne mérovingienne ne paraît pas avoir eu une étendue aussi grande. Nous ne croyons pas que les cinq dernières subdivisions de la Champagne moderne, que le Vallage, le Bassigny, le Sénonais, le Tonnerrois ni la Brie en fissent partie. Elle comprenait seulement les quatre premières subdivisions de la Champagne moderne, ou, pour autrement parler, le territoire des trois cités romaines de Troyes, de Reims et de Châlons-sur-Marne. Cela résulte de l'étymologie de son nom et des textes que nous allons citer.

Champagne vient du latin Campania, plaine, qui appartient à la haute latinité. Au temps de la splendeur romaine, il était porté par la province d'Italie dont les charmes passaient pour avoir énervé le rude vainqueur de Cannes et de Trasimene. Capoue et Naples en étaient les villes principales (1). Capoue est moins célèbre aujourd'hui qu'autrefois; mais Naples, devenue capitale de royaume, ne cesse pas d'attirer les voyageurs; et la contrée privilégiée où elle est bâtie n'a rien perdu de son antique renommée. Tout le monde connaît le proverbe italien : « Voir Naples et mourir, » Vedi Neapoli e poi mori.

(1) Forcellini et Facciolati, Totius latinitatis lexicon aux mots Campania et Capua, édition de Padoue, 1827, I, 455, 480; Ducange, éd. Henschel, II, 62.

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Cependant il paraît que les accidents de terrain y sont rares; de là son nom. La configuration extérieure du sol présente les mêmes caractères dans la partie de la France où sont bâties les villes de Troyes, de Châlons et de Reims : voilà pourquoi cette région de notre territoire a reçu le nom de l'une des plus admirables provinces de l'Europe méridionale. Nous ne savons pas de quelle époque au juste date cette usurpation, mais elle était consommée au vi° siècle; et elle s'est si bien enracinée, qu'aujourd'hui la province italienne a quitté son nom primitif pour en prendre un nouveau, et qu'au contraire la province française garde son nom d'emprunt, et en dépit de la géographie officielle le maintient victorieusement dans la géographie populaire de la France (1).

Après le continuateur anonyme de la chronique du comte Marcellin, 566 (2), Grégoire de Tours est le premier auteur qui appelle Champagne les environs de Reims et de Troyes; il parle du pays appelé Champagne rémoise, Campania remensis (3), et il nous dit que Troyes était situé en Champagne, Trecas Campania urbem (4). On sait qu'il mourut en 595.

(1) On donne encore le nom de Champagne à certains petits pays de France, en Normandie, dans le Maine, en Berry; mais ce sont là des faits locaux et qui ont peu de notoriété. (Voir l'Annuaire de la Société de l'Histoire de France pour 1837, p. 82-83.

(2) Duchesne, I, 218 A; D. Bouquet, II, 20 E.

(3) Greg. Tur., IV, 17, V. 19;

ap. Duchesne, I, 314A, 338 A; D. Bouquet, II, 212 A, 246 B. Cf. Ducange, vo Campania, éd. Henschel, II, 62.

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(4) Greg. Tur., VIII, 13; ap. Duchesne, I, 398 B; D. Bouquet, II, 318 A. Cf. Jacobs, Géographie de Grégoire de Tours, p. 136.

Dans le siècle suivant, Frédegaire complète ces indications. Il place en Champagne le territoire de Châlons-sur-Marne, et fait couler dans ce territoire la rivière d'Aisne qui arrose, on le sait, une grande partie de la Champagne moderne: in Campania territorio catalaunense super fluvium Axonam (1). Frédegaire nous parle aussi de la Champagne arcisienne, Campania arciacensis (2). On sait qu'Arcis, aujourd'hui cheflieu d'arrondissement dans le département de l'Aube, est situé en Champagne entre Troyes et Châlons, et dépendait autrefois de la cité de Troyes.

Le nom de la Champagne et des champenois, appelés Campanenses par Grégoire de Tours (3) et Frédegaire (4), joue un rôle d'une certaine importance dans l'histoire mérovingienne. Rappelons à ce sujet quelques évènements de cette période reculée.

Le premier eut lieu en 533.

Des quatre fils de Clovis qui se sont partagés son royaume (5), un a déjà disparu de la scène; Clodomir a péri dans la bataille de Véséronce (6). Ses deux frères germains Childebert Ier, roi de Paris, Clotaire Ier, roi de Soissons, ont divisé entre eux ses

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(1) Cap. 42; ap. Duchesne, I, 753 A; D. Bouquet, II, 429 C. La leçon reproduite dans le texte est celle de Duchesne; celle de D. Bouquet est un peu différente, in Campaniam territorii Catalaunensis. Le sens est le même.

(2) Cap. 19; ap. Duchesne, I, 746 B; D. Bouquet, II, 420 C. (3) Hist. Franc., V, 14; X, 27; ap. Duchesne, I, 334 B, 453 A. D. Bouquet, II, 241 B.

(4) Cap. 37; ap. Duchesne, I, 751 B; D. Bouquet, II, 427 B. (5) En 511.

(6) En 524.

états, et pour empêcher que la possession ne pût leur en être contestée, Clotaire, du consentement et en présence de Childebert, a tué de sa propre main deux fils de Clodomir. On peut lire dans Grégoire de Tours, ou dans la huitième Lettre de M. Augustin Thierry sur l'Histoire de France, les détails déchirants de cet assassinat. On trouve raconté, dans la même Lettre de M. Augustin Thierry, un fait qui fut la conséquence de celui-là, et dont le récit, rempli d'épisodes curieux que nous supprimerons, est aussi emprunté à Grégoire de Tours par l'éloquent historien. Quelques années après le meurtre de leurs neveux, Childebert et Clotaire firent un traité avec Thierry Ir, roi d'Austrasie, leur frère aîné, et lui abandonnèrent une petite portion des états de Clodomir (1); des ôtages furent donnés en conséquence, et parmi eux se trouvait Attale, neveu d'un prélat du royaume des Burgondes, de Grégoire, évêque de Langres. Attale fut conduit dans les environs de Trèves, et placé chez un riche Franc qui le réduisit en esclavage. Attale s'enfuit, passa la Moselle et prit, nous dit Grégoire de Tours, la route de Champagne qui le conduisit à Reims. De Reims, il gagna Langres (2).

De l'année 533 nous passons à l'année 556. Thierry Ier, roi d'Austrasie, n'existait plus (3). Il

(1) En 533.

(2) Greg. Tur. Hist. Franc., III, 14, ap. Duchesne, I, 300; D. Bouquet, II, 194-195.

(3) Il était mort en 534, et avait eu pour successeur son fils Théodebert, mort en 547.

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